Chapitre 17
Leïje vit la porte s'ouvrir et il sourit, satisfait. Il avait bien deviné que Lidian était sur le départ et il avait décidé de le suivre, pensant que ce serait intéressant.
Il attendit que le rouquin ait remonté l'allée pour sortir de derrière le pin où il se dissimulait et lui emboîta le pas. Il y avait deux possibilités : soit Leïje avait de la chance et il apprendrait des choses sur la conspiration, soit Lidian allait simplement visiter la ville et le voleur perdait son temps. Leïje ne pouvait que prier les dieux pour bien tomber.
Encore une fois, le voleur choisit de suivre sa cible depuis les hauteurs et, cette fois, il se sentait parfaitement à l'aise sur les toits de la capitale, cependant, si il y était plus agile, il avait plus de risques de se faire repérer. Un homme vêtu d'un long manteau par la forte chaleur et qui sautait d'un toit à l'autre, cela ne passait pas inaperçu. Leïje prenait donc garde à se tapir derrière les cheminées sans quitter Lidian du regard.
Le jeune noble tourna dans une rue menant vers l'ouest. Leïje jura. Lui se trouvait sur les maisons s'alignant du côté droit de la rue. Si il souhaitait continuer à le suivre, il devait sauter.
Heureusement pour lui, le toit où il se trouvait n'était pas très pentu, presque plat, et il put prendre de l'élan en reculant. Il réajusta son manteau sur lui puis s'élança, prenant de la vitesse. Avant que le sol ne se dérobe sous ses pieds, il bondit. Sa capuche retomba sur ses épaules et il lança ses bras en avant.
Ses doigts saisir la gouttière et son corps heurta durement la façade, lui coupant le souffle. Le voleur grogna et lâcha des jurons contre tout ce qui pouvait être insultés puis il se souvint que Lidian ne l'attendait pas gentiment à quelques mètres.
Malgré les protestations de ses muscles, il tira sur ses bras en remontant ses genoux jusqu'à se retrouver agenouillé sur les premières tuiles. Là, il prit quelques secondes pour reprendre son souffle puis il se leva avec des mouvements raides à cause de l'impact contre les briques et il se remit en route. Il repéra Lidian non loin et pressa le pas pour le rattraper.
Le jeune noble se dirigeait vers les quartiers peu fréquentables. Leïje en était certain mais qu'est-ce qu'un homme de sa condition irait faire dans les ruelles sordides des coupes-gorges de la capitale, si ce n'était pour des actes guère avouables ?
Leïje sourit, toute douleur oubliée. Finalement, il avait très bien d'espionner le cousin de Maige. Peut-être même qu'il n'aurait pas à soudoyer Ayolle. Il se força à redescendre sur terre et à ne pas trop espérer. La chance était susceptible de tourner.
Lidian continua à progresser dans les rues d'Orquia et Leïje sur les tuiles jusque dans ce qui formait la périphérie de la ville.
Les bâtiments étaient mal entretenues et souvent abandonnés, ce qui rendait l'avancée de Leïje dangereuse. La mousse recouvrant partiellement les toits les rendait glissants et le bois vermoulu des charpentes ne supportait que moyennement le poids du vigoureux jeune homme qu'était Leïje. Ce dernier se sentait bien mois assuré qu'il y avait une heure et demie.
Il passa encore du toit où il avançait à celui voisin. Il sauta et se réceptionna sur les tuiles en roulant sur son épaule. Avant qu'il ne se relève, il entendit un craquement puis le sol disparut sous ses pieds.
Il eut juste le réflexe de bondir sur le côté, évitant ainsi de chuter avec une partie du toit. La poutre dévorée par les termites avait cédé. Les tuiles s'abattirent avec fracas au sol.
Leïje sauta dans la brèche en se suspendant aux bords de la charpente, se dissimulant ainsi au regard de Lidian qui se retourna vivement, alerté par le bruit. Les sourcils froncés, il s'approcha dans la ruine d'où provenait ce boucan. Leïje pria pour qu'il n'entre pas mais, si il le faisait quand même, il pourrait toujours lui tomber dessus pour l'assommer.
Lidian ne poussa pas la porte car quelque chose le retint : son nom de famille qu'on cria :
« De Iyrté !
Leïje reconnut la voix d'Ayolle et il entendit Lidian faire demi-tour, se désintéressant de la masure, puis faire quelques pas vers le chef des brigands.
Le noble demanda avec une pointe de contrariété :
- Puis-je connaître la raison pour laquelle vous avez tenu à ce que nous nous rencontrions sans les autres, surtout qu'il est prévu que nous nous réunissons dans quelques jours, si rien n'a changé.
- Nous avons un problème.
- Uniquement nous deux ?
- Laissez-moi vous expliquer. Nous ne sommes pas les plus forts de notre petit groupe et vous savez comme moi comment sont les chefs des guildes. Dès qu'ils auront plus besoin de nous, ils nous tueront pour avoir une plus grosse part du gâteau.
- Proposeriez-vous de nous mettre à notre compte en espérant les prendre de vitesse ?
- Non. Un homme m'a abordé il y a quelques heures. Il m'a dit ce que je viens de vous expliquer. Il a cherché à me convaincre de lui fournir des informations en échange de sa...protection. D'après lui, il a des amis puissants. Je lui ai répondu de me le prouver.
- Qui est cet homme ?
- Je l'ignore. Il ne m'a pas donné son nom mais je l'ai bien observé. Je lui donnerai une vingtaine d'années, assez grand, les cheveux bruns cuivrés et les yeux noirs.
- J'ai vu cet homme aujourd'hui même chez ma cousine.
- En faisons-nous un allié ?
- Contentons-nous de lui faire croire, comme pour les autres. »
Leïje entendit à nouveau le frottement d'une paire de semelles sur les pavés usés puis il suivit le son des pas de Lidian dans la rue jusqu'à ce qu'ils disparaissent dans le lointain.
Ayolle attendit que le noble de l'ancienne famille royale ne soit plus à portée d'oreille pour grogner :
« Tu n'es pas le seul à faire semblant, pauvre nobliau ridicule.
- Hé ! Ayolle, viens par là !
Le chef des brigands ne s'attendait absolument pas à entendre la voix de Leïje. Il dissimula sa surprise sous une expression d'exaspération et d'agacement. La porte vermoulue de la masure grinça sur ses gonds rouillés et Ayolle entra.
Ne voyant pas le voleur, il fronça les sourcils. Aussi bien pour impressionner son interlocuteur que pour faire une entrée théâtrale et également car il serait plus aisé de mener la conversation sans être suspendu aux bords des tuiles, Leïje lâcha ses prises et atterrit souplement parmi les débris, faisant sursauter Ayolle.
La réaction provoquée par le voleur énerva le chef de guilde.
- Tu es encore là. Constata Ayolle, fortement agacé.
- Je suis toujours là lorsqu'il y a quelque chose d'intéressant à se mettre sous la dent. Dommage pour vous, j'ai entendu votre plan.
- Son plan ! Corrigea Ayolle en insistant sur le déterminant. Moi, je compte bien jouer sur trois plans différents mais le tiens est le seul sur lequel je serais sincère. J'espère que ce sera réciproque.
Leïje hésita.
Pas besoin d'être un érudit au service du Conseil pour deviner que le seul à qui Ayolle était réellement fidèle était lui-même et son ego. Il était donc extrêmement dangereux pour Leïje de lui révéler la moindre information personnelle à son sujet.
Était-il vraiment prêt à prendre tous les risques pour découvrir ce qui se tramait entre les chefs des guildes ? Certainement pas. Il tenait à la vie ainsi qu'à son intégrité physique et mentale.
Il pouvait peut-être trouver un moyen de manipuler Ayolle pour lui faire dire ce doit il avait besoin sans rien rendre en échange. C'était une méthode que le voleur appliquait souvent, en particulier avec les femmes.
Il déclara donc :
- Comment être sûr que ce que tu as à me révéler est digne d'intérêt ?
- Rien du tout. Saches seulement que tu as déjà vu tous les participants à nos petites réunions. Tu ne sauras rien d'autres tant que je ne connaîtrais pas ton nom.
Leïje continua à réfléchir, se demandant quelle était la meilleure stratégie à adopter.
Il décida finalement que le jeu n'en valait pas la chandelle. Il se débrouillerait pour découvrir ce qu'il souhaitait savoir et puis, il avait déjà réussi à obtenir un détail d'importance.
Le voleur secoua négativement la tête en déclarant :
- Non. Je préfère faire cavalier seul mais merci.
Leïje fit volte-face avec l'intention évidente de laisser le brigand sans un mot de plus en lui adressant un signe moqueur de la main mais Ayolle ne l'entendait pas de cette oreille.
D'une voix vibrante de menace, il lui lança :
- Tu crois que nous allons te permettre de t'en sortir comme ça ?
- Nous ?
Releva Leïje en se retournant.
Un sourire mauvais étirait les lèvres craquelées d'Ayolle. Le voleur jura. Le chef de la guilde avait pris des précautions.
On ouvrit la porte de l'une des maisons abandonnées, livrant le passage à Méorque. À présent que Leïje était à la même hauteur que le chasseur de primes, ce dernier était encore plus impressionnant. Leïje recula d'un pas en se maudissant. Lui qui assurait mentalement un peu plus tôt vouloir rester prudent pour ressortir vivant de cette affaire.
Si Leïmy avait été là, elle aurait immédiatement perçu la présence de Méorque en entrant dans la venelle et elle aurait également compris qu'il était inutile de chercher à négocier avec Ayolle puisqu'il était déjà sous la protection de Méorque, ce qui lui offrait une sécurité relative si jamais les membres du complot se retournaient les uns contre les autres. Leïmy aurait aurait donc juste eu à faire tranquillement demi-tour sans un bruit. Non. Elle leur aurait bondit sur le dos pour leur ouvrir la gorge.
Sauf que Leïmy n'était pas là et que Leïje allait devoir se défendre seul en espérant pouvoir rester entier après cet affrontement.
Méorque releva ses manches, révélant ses larges avant-bras pour impressionner le voleur qui eut la sensation d'être un agneau face à une meute de loups affamés. Il fit encore un pas en arrière.
- Alors, gronda Méorque, toujours pas disposé à nous donner ton nom ?
- Tu es bel homme ma pas du tout mon genre, désolé. »
Leïje se doutait bien que provoquer Méorque était la dernière chose intelligente à faire mais, si il devait perdre ce combat, autant rester fidèle à lui-même jusqu'à bout et partir avec panache.
Il dégaina le poignard qu'il gardait toujours sur lui. Il ne comptait pas non plus leur faciliter la tâche.
Rendu furieux par la bravade de Leïje ainsi que par son refus d'obtempérer, Méorque se jeta sur le voleur. Ce dernier se déporta in extrémis sur le côté en roulant sur son épaule. Il ne se releva pas suffisamment vite. Méorque le saisit par le col de son long manteau et le plaqua violemment contre le mur le plus proche, le sonnant.
Leïje revint à lui lorsque ses poumons lui envoyèrent un message de détresse. Méorque appuyait son avant-bras contre sa gorge, l'étranglant lentement. Le voleur se débattit en agitant les jambes mais Méorque ne cilla pas et continua à bloquer le souffle de Leïje qui ruait de plus belle mais toujours sans effet.
Ses mouvements se firent plus mous et pesants alors que de larges points noirs commençaient à danser devant son regard. Ses ongles laissèrent quatre griffures sur la peau de Méorque qui ne le sentit qu'à peine. Son bras retomba lourdement le long de son corps qui ressemblait à présent à celui d'un pantin désarticulé mais le voleur tentait toujours de se débattre malgré ses forces qui diminuaient de seconde en seconde.
À force de s'agiter, il s'entailla un doigt sur la lame du poignard autour duquel sa main s'était automatiquement resserrée. Puisant dans ses dernières gouttes d'énergie, il enfonça son arme dans la cuisse de Méorque. Ce dernier poussa un cri en relâchant Leïje pour plaquer les mains sur sa plaie sanglante.
Leïje retomba tel un sac de jute sur les pavés en toussant et inspirant autant d'oxygène qu'il le pouvait, apaisant ses poumons douloureux. Cela faisait du bien d'être en vie ! Leïje n'eut pas le temps de profiter de sa survie ou de remercier le ciel.
Tirant profit de la faiblesse du voleur, Ayolle lui décocha un violent coup de poing, le faisant chuter face contre terre et l'aveuglant. Le chef des brigands enchaîna avec un coup de pied à l'abdomen, expulsant tout l'air à peine retrouvé.
Leïje se dit que, cette fois, c'était terminé, il n'avait plus aucune chance. De toute manière, il se sentait las et épuisé. La mort ne pouvait être pire que sa vie.
Un fin sourire étira ses lèvres. Voilà qu'il se mettait à penser comme Leïmy.
Un fort souffle se leva. Il se tint prêt à recevoir le coup fatale mais rien ne vint. Surpris, il rouvrit les yeux. Il ne s'était même pas aperçu qu'il les avait fermés.
Méorque et Ayolle gisaient non loin de lui. Ils avaient été assommés. Quelque chose avait dû les faire chuter et l'impact de leur crâne contre le sol leur avait fait perdre connaissance mais quelle chose ?
Leïje rangea ce questionnement dans un coin de son esprit. Pour le moment, la priorité était de se mettre en sécurité.
Avec difficulté, le voleur se releva en tenant ses côtes douloureuses. Tout en s'agrippant au mur, il s'éloigna du lieu de l'affrontement puis de ce quartier pour un autre qui, bien que modeste, restait fréquentable.
Il était temps de se rendre au gîte de l'hermine en espérant que Maige serait au rendez-vous.
***
Si Maige n'avait pas eu tant de difficultés à se déplacer à cause de son ventre gonflé, elle aurait fait les cents pas en se mordillant la lèvre inférieure mais, comme elle ne pouvait que rester assise, elle se contentait d'enfoncer ses dents dans sa lèvre, toujours en proie à sa terrible indécision.
Leïje ou Lidian ? En un sens, ça paraissait simple. Lidian était de sa famille, ils avaient presque été élevés ensemble et s'était toujours montré honnête, bien qu'un peu trop fier de sa naissance, alors que Leïje était un voleur menteur et beau parleur. Certes, il avait sauvé Welkonn à leurs côtés mais cela suffisait-il vraiment pour en faire un homme de confiance ? Maige l'ignorait. Elle ne savait que penser.
Le pire était de réfléchir aux conséquences de ses choix possibles. Si Leïje avait tort et qu'elle l'écoutait, elle risquait de se mettre à dos le seul membre de sa famille qui ne l'enfermait pas dans un carcan d'or pour le restant de ses jours mais, dans le cas contraire, Welkonn en pâtirait durement. Comment se sortir de ce dilemme ?
Elle entendit des pas passer dans le couloir non loin de la porte du salon. La jeune femme reconnut la démarche impérieuse de sa mère et elle se tassa dans le divan comme si cela pouvait suffire à éviter que Peronne ne rentre.
Heureusement pour elle, la vieille noble sortit, sûrement pour saluer des connaissances comme Lidian un peu plus tôt. En parlant de lui, il venait juste de rentrer car Maige entendit sa voix échanger quelques paroles avec celle de Peronne avant que cette dernière ne quitte la demeure.
La nécromancienne soupira de soulagement. Au moins, elle ne risquait pas de subir un déluge de reproches prochainement.
Lidian la rejoignit dans le salon. Il adressa un sourire à Maige et constata en guise de salut :
« Encore là cousine ? N'as-tu donc pas l'intention de bouger ?
- J'aimerais bien t'y voir avec une dizaine de kilos en trop.
Répliqua Maige en plaisantant. La présence de Lidian lui faisait vraiment du bien et l'aidait à s'apaiser ainsi qu'à surmonter la tristesse causée par le départ de Dévlin mais le doute continuait à ronger son esprit.
Toute trace d'amusement s'effaça subitement du visage tacheté de Lidian. Il s'assit à côté de sa cousine, soudain très sérieux.
Il interrogea la jeune femme :
- Dis-moi, l'homme qui était ici, depuis combien de temps vous connaissez-vous ?
- Environ un an. Répondit Maige.
- Que sais-tu exactement de lui ?
Le cœur de Maige fit un bond dans sa poitrine.
Pourquoi ce brusque intérêt pour Leïje si ce n'était qu'il avait découvert que le voleur cherchait à déjouer la conspiration ? Il pouvait toujours prétendre qu'il souhaitait protéger sa famille mais, si c'était vraiment le cas, il aurait questionné Maige dès le départ de Leïje et pas trois heurs après, une fois revenu de ses "visites".
À présent, Maige ne pouvait plus nier l'implication de son cousin dans cette sombre affaire. Elle devait se résigner et peut-être même le combattre pour le bien de Welkonn. Décidément, tout s'acharnait sur elle. Dévlin s'embarquait pour le voyage le plus dangereux qu'on pouvait imaginer et Lidian fomentait une conspiration avec les pires criminels de Welkonn.
- Alors ?
La pressa Lidian, la faisait revenir à la question posée.
Elle remarqua le regard fortement insistant de son cousin. Il désirait vraiment obtenir des détails sur Leïje. Encore quelque chose qui confirmait son appartenance à la conjuration des chefs de guildes.
Elle devait donc mentir pour protéger le voleur mais, surtout ses intentions. Parfait, le domaine où elle était le moins à l'aise. Elle ne pourrait jamais prononcer un mot sans se trahir mais Lidian ne s'en prendrait jamais à elle.
Se convaincant de cela, elle inventa au hasard avec maintes hésitations :
- Il se nomme...Orin et...et il vient...d'un village. D'un village au Sud d'Orquia mais maintenant, il habite en ville. C'est plus pratique pour...ses affaires car il est...commerçant. Enfin...tailleur. Il fait...il fait surtout des manteaux. Dévlin l'a rencontré en allant se faire faire fabriquer une nouvelle tenue. Voilà, tu sais à peu près tout, je crois... »
Lidian dévisagea sa cousine, un sourcil arqué, peu convaincu par les explications de la jeune femme.
Cette dernière baissa les yeux pour éviter qu'il n'y lise encore plus davantage la preuve de ses mensonges. Sa crédibilité était déjà fortement compromise, cependant, Lidian n'insista pas. Il ne voulait pas brusquer sa cousine.
Il se contenta de hocher la tête puis il se leva et quitta le salon sans un mot, plongé dans ses réflexions. Maige l'entendit monter les escaliers.
Lorsqu'elle fût sûre qu'il ne redescendrait pas, elle se leva à son tour puis, après avoir rédigé un rapide message à Myrthe pour l'avertir qu'elle s'absentait sans rien préciser de plus, elle quitta sa résidence d'une démarche raide et pesante.
Elle n'était pas sortie depuis deux semaines sur conseil du médecin et elle ne s'attendait pas à ce qu'il fasse aussi chaud. La forte température la surprit jusqu'à lui couper le souffle.
Elle prit quelques minutes pour s'habituer puis elle se mit en quête du gîte de l'hermine.
Maige mit environ deux heures à dénicher ce qui s'avérait effectivement être une auberge. Ce n'était pas un bouge insalubre ou une maison close, comme on aurait pu le prévoir de la part de Leïje. Il s'agissait d'un bâtiment à colombage crépi de blanc. Le nom de l'établissement était peint au-dessus de la porte. Cela ressemblait à un lieu sympathique.
Maige passa une main dans ses cheveux collés par la sueur et entra.
En raison de la forte chaleur, aucun feu ni aucune lanterne n'était allumé à l'intérieur. Le client s'accommodait de la lumière du soleil.
Le sol était propre tout comme les tables. C'était un bon point.
Suspendant son examen, la jeune femme s'installa à une table libre à côté de l'âtre éteint.
Une petite serveuse évoquant une jolie souris à Maige et qui ne devait pas avoir plus de treize ans vint vers la jeune femme et lui demanda :
« Je vous sers quelque chose, mademoiselle ?
- N'importe quoi qui soit frais. Répondit Maige en songeant à sa gorge sèche.
- Et sans alcool ! »
Ajouta la petite serveuse avec un regard pour le ventre rond de Maige. Cette dernière opina avec un sourire. La petite le lui rendit puis elle se dirigea vers la cuisine mais elle ne l'atteignit pas.
La porte d'entré es'ouvrit sur un nouvel arrivant. Si ça n'avait été qu'un client lambda, l'adolescente ne se serait pas arrêté, elle l'aurait seulement salué or, ce n'était pas n'importe qui mais Leïje.
La serveuse le détailla de bas en haut, stoppant particulièrement sur l'hématome qu'il portait à l'œil droit ainsi que les marques qu'il avait sur la gorge.
La jeune fille s'étonna :
« Leïje? Ça fait trois ans qu'on ne t'a pas vu ici. Que viens-tu faire dans les parages ?
- J'avais un rendez-vous et je ne me voyais pas emmener mon amie dans une taverne des bas-quartiers. Il me fallait un endroit plus raffiné.
- Quel élégance ! Ironisa la petite serveuse.
- Garde tes sarcasmes pour toi. Euh...pourrais-tu t'abstenir de dire à ta sœur que je suis là ?
- Tu rêves, mon vieux. »
Rétorqua la serveuse en donnant une tape dans le dos de Leïje. Ce dernier soupira. Ce n'était vraiment pas sa journée.
Le voleur écarta cette pensée. Excepté l'affrontement contre Méorque et Ayolle, il ne s'agissait que de petits tracas comme il en avait l'habitude.
Il avisa Maige assise à une table et qui avait poliment détourné les yeux et les oreilles de la conversation entre Leïje et la petite serveuse. Elle ne fit d'ailleurs aucun commentaire lorsque le voleur prit place en face d'elle.
Elle demanda en montrant ses blessures :
« Que vous est-il arrivé ?
- Convaincre le chef des brigands n'était pas une bonne idée. Nous ne sommes que tous les deux, du moins, si vous marchez avec moi.
- Je suis de votre côté. Je...j'ai compris que Lidian n'était pas aussi innocent que j'aimerais le penser.
- Navré pour vous.
- Je m'en remettrai, je crois. Que...que pouvons-nous faire pour déjouer ce complot ?
- Je l'ignore... Je ne suis pas un spécialiste en destruction de conjuration.
- La première chose à faire est de découvrir les bases du complot. Qui en sont les membres, quelles sont leurs intentions et pourquoi. Pour qu'ils travaillent ensemble, ils doivent être unis par un désir commun. Il faut découvrir lequel.
- Peut-être en trouvant un maximum de renseignements sur les chefs des guildes.
- C'est un bon début, en effet. Je...
- Devriez vous reposer. Vous en avez besoin sans compter que ce sera risqué. Vous récolterez des détails sur votre cousin, ce sera suffisant.
Maige acquiesça. Elle n'était pas de nature à s'opposer et puis Leïje avait raison. Ils avaient donc un plan, du moins, le commencement du début d'un plan.
Maige voulut demander au voleur si l'auberge deviendrait leur lieu de rendez-vous quotidien mais elle n'eut que le temps d'ouvrir la bouche car un appel enjoué en provenance de la cuisine résonna dans la salle :
- Leïje !
L'intéressé se raidit en étouffant un soupir. Évidemment.
Une jeune femme d'un peu plus de vingt ans surgit de la cuisine, où elle devait travailler, pour se jeter dans les bras de Leïje qui grimaça pour ses côtes douloureuses.
Certainement était-ce la sœur de la serveuse et Maige ne sut comment se comporter après cette déduction. Elle était gênée, ça c'était sûr.
La jeune cuisinière se détacha de Leïje puis presser ses lèvres contre les siennes. Le voleur ne se fit pas prier pour répondre au baiser de son ancienne conquête. Maige détourna pudiquement le regard.
Ils se séparèrent et la jeune femme replaça l'une de ses mèches blondes derrière son oreille puis elle demanda à Leïje :
- Pourquoi as-tu mis tant de temps avant de revenir ?
- A ton avis ?
Rétorqua la petite serveuse en apportant sa boisson à Maige qui osa à peine la remercier à cause du malaise que cette situation provoquait chez elle.
Leïje fusilla l'adolescente d'un regard noir puis il répondit à la sœur de cette dernière :
- J'ai été très occupé.
- Durant trois ans ? Persifla la serveuse.
- Ça suffit, Larima ! La tança sa sœur aînée avant de revenir sur Leïje dans les yeux duquel elle plongea son regard. Tu m'as manqué, tu sais, beaucoup manqué. Je me suis posé pas mal de questions aussi. Je me suis demandé si tu allais bientôt revenir et pourquoi tu étais parti, si c'était de ma faute ou pas. Je me souciais également de ton état, si tu allais bien, si tu étais en bonne santé et tout ça. J'avoue que je commençais à m'inquiéter. Je me demandais même si tu étais toujours vivant. C'est ridicule, je sais ! Même si trois ans ça fait long, j'ai eu raison d'être patiente et d'attendre, d'avoir confiance en toi puisque tu es là aujourd'hui.
La petite serveuse leva les yeux au ciel face à ce discours, tout comme Leïje qui, lui, se demandait si il allait devoir subir ce flot de paroles un peu trop niaises encore longtemps.
Il n'avait ni le temps ne l'envie d'écouter les états d'âme d'une ancienne amante trop simple pour comprendre, contrairement à sa jeune sœur, qu'il ne l'avait jamais aimée et qu'elle ne l'intéressait plus depuis longtemps.
Ses yeux se posèrent sur Maige qui ne savait où regarder et il eut une idée. S'excusant mentalement auprès de la nécromancienne, il déclara en repoussant la cuisinière blonde :
- Désolé de t'interrompre, surtout que ce que tu me racontes est captivant, mais nous n'allons pas nous attarder. Ma femme a besoin de se reposer.
La nécromancienne, sur qui se tournèrent les visages des deux sœurs, rougit subitement. Elle eut un sourire tiré et peu naturel.
Leïje l'aida à se lever avec des gestes pouvant faussement trahir leur soit-disante intimité. Il lui passa un bras autour de la taille et s'enjoua avec un air extrêmement enthousiaste :
- Je suis tellement heureux d'être bientôt papa ! Allez, au revoir tout le monde !
Leïje s'empressa de quitter l'auberge avant de se faire à nouveau retenir.
Maige déposa quelques piécettes pour payer sa boisson sur la table puis elle sortit à son tour. Elle rejoignit le voleur qui l'attendait et ils s'éloignèrent en silence.
Contrairement à ce que la jeune femme aurait cru, Leïje ne semblait pas gêné mais il affichait un sourire moqueur. Maige ne fit aucun commentaire mais elle n'en pensait pas moins.
Même si elle se tut, Leïje aperçut parfaitement la lueur de reproche dans ses grands yeux de biche et il se justifia :
- Allons, ne me regardez pas comme ça ! On ne s'en serait jamais sorti sinon et puis elle était terriblement agaçante. Je n'en parlerai pas à Dévlin. Permettez que je vous raccompagne jusque chez vous. Je m'en voudrais si il vous arrivait quelque chose. »
Maige acquiesça et tous deux regagnèrent les hauts-quartiers puis la demeure de la jeune femme, le tout en silence.
Leïje la laissa au portail de son jardin et effectua une révérence qui, pour une fois, était dénuée de moquerie.
Il s'assura qu'elle rentrait bien chez elle puis il prit la direction de la sortit de la capitale. Il traversa la rue pour pénétrer dans une autre et il stoppa devant un corps crispé.
Non, ce n'était vraiment pas une bonne journée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top