Chapitre 14
Negg se réveilla avec un étrange goût dans la bouche. Il remua la langue avant de reconnaître la saveur caractéristique du sang. Se serait-il mordu dans son sommeil ? Il l'ignorait.
D'ailleurs, il ne se rappelait pas des dernières heures. Il se souvenait d'être allé voir Leïmy pour tenter de se faire pardonner pour ce qu'il lui avait dit sous le coup de l'enchantement des sirènes mais rien de plus. Même les paroles qu'ils avaient échangées restaient noyées dans le flou.
En parlant de Leïmy, il la sentait blottie contre lui. Ses yeux étaient clos mais peut-être ne dormait-elle pas.
Le jeune homme remua doucement ses muscles engourdis. Leïmy qui, effectivement, ne sommeillait pas, perçut ce petit mouvement et, devinant que Negg était à nouveau conscient, elle se redressa vivement.
Elle prit le temps d'observer Negg. Les couleurs avaient regagné son visage et les tremblements qui agitaient ses épaules avaient disparu. Quant à son étrange regard, il luisait d'interrogation.
Elle enlaça Negg de manière un peu trop brusque pour lui après l'affaiblissement dû à la maladie, son nez tacheté de tâches de rousseur contre son cou.
Elle lui demanda :
« Comment vas-tu ? Tu te sens mieux ? As-tu l'impression d'être encore malade?
- Attend, attend. Je peine à rassembler mes pensées. Que s'est-il passé exactement ? Tu dis que j'ai été malade ?
- Comme tout le reste de l'équipage, exceptés le second et moi. C'était une séquelle de l'enchantement des sirènes mais nous sommes loin des récifs à présent ou, du moins, à une distance suffisante. Je commence à croire que cette mer est réellement maudite. Tu te rends compte ? Moi, croire en quelque chose d'autre que le malheur !
Negg fronça les sourcils. Cela ne ressemblait pas à Leïmy de babiller comme elle le faisait. Elle enchaînait les paroles sans qu'il y ait d'idée directrice entre elles et sans se soucier que ses phrases aient un rapport entre elles. Au final, elle n'avait pas grand-chose à dire.
Negg trouvait qu'elle avait bien vite délaissé le sujet de la maladie des sirènes et de la guérison de l'équipage. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : elle chercher à lui dissimuler un élément à ce sujet. Elle était pourtant bonne menteuse d'habitude mais l'angoisse qu'elle ressentait ne jouait pas en sa faveur et ne l'aidait pas à être crédible.
Negg plaça une main sur la bouche charnue de la jeune fille pour la faire taire et lui annonça en la regardant droit dans les yeux :
- Je sais qu'il y a une information que tu me dissimules. Qu'est-ce que c'est ? Comment nous avez-vous guéris ?
- Ça ne te plaira pas.
- Et alors ? Tu m'as toujours dit mes quatre vérités sans te soucier des conséquences.
- Sauf que je repense aux semaines qui ont suivies ta résurrection et qui ont été un véritable calvaire pour moi ! J'ai subi ta froideur ! Pour comprendre ce qu'il t'arrivait, j'ai dû t'extirper les mots de la bouche mais tu ne t'en es montré que plus exécrable à mon encontre ! Je n'ai aucune envie de retraverser ça !
Negg devina que, pour que Leïmy craigne une telle réaction de sa part, ce ne pouvait qu'être un moyen bien inavouable dont elle avait usé pour tous les guérir. À cette idée, le cœur de Negg s'affola sans qu'il ne puisse rien y faire.
Inquiet, il s'assura :
- Ça ne peut pas être si horrible.
Leïmy poussa un rire dubitatif.
Negg avait peut-être rejoint la guilde des mercenaires par choix dans son adolescence mais il n'avait rien d'un fou furieux sanguinaire pour autant et il serait aussi répugné que l'avaient été Leïmy et Dévlin.
Une idée lui vint soudainement et un sourire d'opportunité fendit son visage.
Elle proposa :
- Nous pouvons passer un accord. J'ai toujours à l'esprit les mots que tu m'as crachés sous l'enchantement. Je m'efforcerais de les oublier si tu me promet de ne pas t'emporter.
- Tu es plus mercenaire que tu veux bien l'avouer.
Leïmy dressa le menton en une posture hautaine, signalant clairement à Negg qu'elle n'avait pas la moindre intention de répondre ou de réagir à sa remarque. Elle attendait seulement qu'il accepte. Ce qu'il fit :
- Bon, très bien. Vas-y.
Leïmy prit une grande inspiration pour déloger la nausée qui s'était installé dans sa gorge, toujours aussi horrifiée malgré sa posture et son visage plutôt impassible.
Elle apprit à Negg sans respirer, trahissant son appréhension :
- L'antidote était dans le sang des sirènes alors on vous en a fait boire.
L'oxygène se bloqua dans les poumons de Negg à cette révélation. Il tenta de maîtriser sa réaction et son dégoût mais la pâleur extrême qui gagna ses joues ainsi que les tremblements qui agitaient ses doigts étaient parfaitement repérables et éloquents.
Il dit d'un ton terriblement calme qui laissait transparaître toute sa colère et l'horreur qu'il ressentait :
- Du sang ? J'ai avalé du sang ?
- De sirène !
- Parce que tu crois que ça rend la chose moins ignoble ?
Negg se leva violemment de la couchette et il haussa le ton jusqu'à hurler.
Leïmy bondit sur ses pieds à son tour et gifla le rouquin qui, encore affaibli ne vit pas le coup venir.
Elle siffla :
- Aurais-tu oublier qu'on ne rompt jamais un contrat ? C'était pour te sauver ! Ton frère s'est montré moins mijaurée.
Negg haussa un sourcil, circonspect, imaginant Dévlin penché au-dessus du bastingage en train de se faire vomir, ce qui était effectiveme t le cas.
Craignant vraiment que la froideur et la distance de Negg ne soient revenues en lui, Leïmy se sentit comme une enfant abandonnée, comme elle l'avait été.
Elle oublia subitement toute véhémence et elle se serra contre le torse de Negg en murmurant :
- Je ne voulais pas que tu partes et que tu me laisses seule.
- Je sais...
Répondit Negg en l'enlaçant.
Il se sentait soulagé d'être toujours en vie, évidemment, mais le procédé par lequel il avait guéri le répugnait tellement qu'il avait presque envie d'être à nouveau souffrant sauf que sentir Leïmy contre lui lui faisait comprendre l'adage "la fin justifie les moyens". Il se répéta mentalement que le remède n'était qu'un détail et relégua son dégoût au fond de son esprit.
Il saisit délicatement le menton de Leïmy entre son pouce et son indexe et amena ses lèvres aux siennes. Par ce baiser, il espérait lui faire comprendre qu'il passait au-dessus de cet incident.
Leïmy se détacha en se détournant, désirant dissimuler la rougeur qui colorait ses joues. Avec Negg, elle avait l'impression d'être une adolescente découvrant les premiers effets de l'amour.
Pour se donner une contenance, elle déclara :
- Bon, ce ne serait pas mal de voir si ton frère a toujours l'estomac à l'intérieur.
Negg acquiesça, un petit sourire en coin soulevant la commissure gauche de sa bouche.
Ils sortirent sur le pont.
Le second avait expliqué la nature du remède à Batquisse et ce dernier avait préféré ne pas en informer le reste de l'équipage pour le bon déroulement de leur mission. Les seuls à se sentit choqués par le remède employé n'étaient donc qu'au nombre de cinq : Leïmy, Negg, Dévlin, Batquisse et le second.
Dévlin avait finit de répandre le contenu de son estomac et se contentait de se rincer la bouche à l'eau d'une gourde. Le nécromancien avait encore les traits tirés, contrairement à Negg qui s'était très vite remit et qui ne put s'empêcher une légère moquerie :
- Je suis sûr que c'est dans ce genre de circonstances que tu regrettes d'être redevenu Conseiller !
- Welkonn me manque, confirma Dévlin en adoptant lui aussi le ton de la plaisanterie, préférant en rire. En tout cas, je salue l'excellence de Leïmy qui nous a tous admirablement protégés et qui nous a tous sauvés même si deux marins ont péri à cause de cette maladie.
- Arrête, je vais verser une larme.
Grogna Leïmy en levant les yeux ciel.
Elle s'accouda au bastingage à côté de Dévlin qui recommença à boire pour effacer le goût du sang qui persistait sur sa langue même si ce n'était que psychologique.
Du coin de l'œil, la jeune fille avisa Batquisse qui se tenait non loin. Comme la maladie l'avait durement éprouvé, le second avait tenu à se charger de tout pour laisser son capitaine se reposer.
À en juger par son attitude : le regard posé sur Leïmy et occupé à se tordre les mains, il avait quelque chose à dire à la mercenaire mais n'osait pas l'aborder et elle ne comptait absolument pas l'aider. Prenant l'indifférence de Leïmy pour un manque d'attention, Dévlin lui signala :
- Je crois que ton frère veut te parler.
- Mon demi-frère ! Le reprit Leïmy avant de hausser le ton pour le capitaine, si il a besoin de parler, qu'il le fasse !
Batquisse comprit sans peine l'ordre de Leïmy et il se pressa de venir à sa hauteur. Sans cesser de torturer ses pauvres doigts, il se lança, quelque peu hésitant :
- Je...Icrann m'a raconté la manière dont tu avais agis et...
- Qui est Icrann ? L'interrompit abruptement Leïmy.
- Euh...c'est mon second. Quoi qu'il en soit, je voulais te remercier pour ce que tu as fait. Merci au nom de mon équipage et du mien.
Leïmy grommela quelque chose d'incompréhensible pour les trois jeunes hommes et fit un signe dédaigneux de la main ordonnant à Batquisse de disposer. Il s'exécuta sans rien demander de plus.
La jeune fille marmonna en regardant les flots verts qui se fracassaient contre la coque :
- On pourrait presque commencer à penser que je suis devenue quelqu'un de bien.
Negg nia de la tête pour taquiner Leïmy, ce qui lui valut un coup de coude ainsi qu'un regard assassin de cette dernière et Dévlin s'abstint de tout commentaire. Pour plus de sécurité, il fit même mine de trouver les nervures du bois du bastingage tout à fait captivantes.
Quelques minutes s'écoulèrent alors que tous contemplaient l'horizon, plongés dans leurs pensées puis Negg rompit le silence. Emporté par son tempérament de rêveur, il interrogea les deux autres :
- A votre avis, à quoi ressemble cette fameuse ville vers laquelle nous voguons ?
- A une ville je suppose, émit Dévlin avec un haussement d'épaules. Bien que j'ai encore peine à comprendre comment une ville de la taille d'Orquia peut exister au beau milieu du désert.
- Et toi ?
Demanda Leïmy en se tournant vers Negg sans répondre à la question initiale de ce dernier, grisée par l'impression de retrouver un début de ressemblance avec les nuits passées à inventer des contes sur le toit de la guilde des mercenaires.
Negg posa les coudes sur le bastingage et appuya son menton sur ses mains jointes avant de commencer :
- J'imagine une ville bâtie au milieu des dunes avec des tours immenses qui s'élèvent à la conquête du ciel. Les rayons du soleil se reflètent sur les nombreuses surfaces en pierres polies et, au centre, il y a un lac. Les bâtiments ont été construits autour.
Leïmy sourit. Elle aimait écoute Negg, même lorsqu'il partait loin dans sa rêverie comme présentement. Durant l'année qui s'était écoulé, entre deux larcins et un problème au sein de la guilde, Negg avait continué à inventer des récits, parfois sur l'insistance de Leïmy.
Le rouquin devint subitement moins enthousiaste et il ajouta d'une voix sombre :
- Mais peut-être qu'il n'y a rien. Juste quelques tentes ou même seulement du sable. »
Cette remarque plongea le trio dans un profond silence car, même si ils étaient prêts à accorder toute leur confiance à Rilin, ils ne pouvaient ignorer cette possibilité.
Le reste de la journée passa calmement, voir même mollement. Les marins se remettaient lentement de leur maladie et Leïmy s'ennuyait fermement. C'était que sur un navire, une fois qu'on en avait fait le tour, il n'y avait plus grand chose à y faire à part regarder les marins s'agiter d'une tâche à l'autre, ce qui ne distrayait que très moyennement Leïmy.
La jeune fille attendait donc que le temps passe en faisant tourner l'anneau que Negg lui avait offert autour de son annulaire. Elle avait terminé de manger sa ration depuis quelques minutes et le temps continuait à lui paraître terriblement long. Elle n'en était pas à souhaiter une nouvelle attaque de sirènes ou d'autres créatures mais l'inaction l'agaçait sérieusement. La colère ne tarderait pas à suivre et cela risquait de la rendre agressive.
Un soupire de lassitude franchit ses lèvres puis elle avisa Dévlin en pleine conversation un marin dont elle ignorait le nom. Ce n'était pas les paroles qu'ils échangeaient qui attirèrent Leïmy mais la rapière qui pendait toujours au côté gauche du nécromancien.
Au cours de leur quête pour sauver Welkonn, elle ne l'avait jamais vu se battre réellement et elle se demandait si ils avait vraiment se servir de son arme où si il la portait uniquement pour dissuader d'éventuels adversaires.
Y trouvant aussi bien un moyen d'obtenir une réponse à son interrogation que de s'occuper, Leïmy lança à Dévlin :
« Sais-tu l'utiliser ou bien est-ce seulement décoratif ?
- Je sais parfaitement me battre.
- Vraiment ? J'ai l'impression que tu fanfaronnes. Je vais peut-être t'apprendre quelque chose d'inédit mais le combat en situation réelle est bien différent de celui que t'enseigne un maître d'arme.
- Si c'est tester mes capacités que tu veux, propose le moi directement.
Un sourire carnassier fendit le visage de Leïmy et Dévlin songea, avec regret, qu'il aurait peut-être mieux valu pour lui qu'il feigne l'incompréhension mais, après tout, elle l'avait forcé à boire du sang pour le guérir alors elle n'allait pas le blesser après l'avoir sauvé.
La mercenaire l'invita d'un signe à venir se placer en face d'elle au centre du pont.
Le nécromancien hésita un court instant avant d'obtempérer. Peut-être que Leïmy lui apprendrait quelque chose en matière d'affrontement alors autant profiter des enseignements qu'il pouvait éventuellement tirer de l'ex-mercenaire la plus crainte du monde de Welkonn.
Il dégrafa sa cape pour ne pas être entravé dans ses mouvements et la posa sur le bastingage puis il rejoignit Leïmy.
Cette dernière se munit de deux longues dagues dont sa favorite. Il s'agissait d'une arme au manche de bois simple mais résistante. Elle n'aimait pas cette lame pour sa maniabilité ou pour le tranchant de son fil, bien que les deux soient excellents, mais pour ce qu'elle représentait. C'était la première vraie arme qu'on lui avait remise chez les mercenaires après les poignards d'entraînement et Negg avait gravé un "L" majuscule sur la poignée.
Ses pensées s'étant égaré vers Negg, Leïmy se fit remarquer qu'elle ignorait où se trouvait son amant en ce moment. Elle ne se questionna pas longtemps car la voix du rouquin, qui s'avéra être dans les cordages, s'éleva en commentant :
- Ce combat est bien trop simple ! Personne ne doute de son issue. Il faudrait compliquer un peu les choses, non ?
- Que proposes-tu ?
S'enquit Leïmy, intéressée par le défis qu'elle devinait.
Negg se laissa glisser jusqu'aux planches le longs d'une corde puis il expliqua :
- Je te combats aux côtés de Dévlin.
- Et c'est ça que tu appelles "compliquer les choses" ?
Lança Leïmy en guise d'approbation. Negg répliqua par un sourire insolent, impatient d'en découdre.
Dévlin se demanda comment il s'était fait entraîner dans ce duel. Fréquenter son mercenaire de frère et sa compagne commençait à l'influencer.
Quoi qu'il en était, chacun se mit en place, arme en main, Negg aux côtés de Dévlin et Leïmy en face d'eux. La jeune fille ne semblait absolument pas inquiétée par le nombre de ses adversaires. Au contraire, elle affichait un air détendu.
Les marins abandonnèrent leurs occupations pour venir s'installer en cercle autour des trois combattants. Seul le second resta tenir la barre mais son regard se posa malgré tout vers l'arène qui s'était formé.
Leïmy remarqua un matelot qui prenait les paris sur l'issue de l'affrontement. Elle se chargerait de lui dès qu'elle aurait ridiculisé les deux frères.
Plusieurs secondes s'écoulèrent dans un silence concentré où ils ne firent que se dévisager.
Negg se rapprocha de Dévlin pour lui glisser quelque chose à l'oreille. Certainement donnait-il une stratégie à suivre à son frère aîné.
Leïmy attaqua à cet instant sans le laisser finir. Les deux frères s'écartèrent l'un de l'autre pour esquiver Leïmy, qui se retrouva dos à ses adversaires.
Negg en profita pour porter un coup. Leïmy le para en dressant l'une de ses dagues tout en se retournant. Elle tenta de faire lâcher son arme à Negg en exerçant une forte pression sur son poignet mais le rouquin ne desserra pas ses doigts.
D'un mouvement fluide et rapide, il remonta son genoux dans l'estomac de Leïmy. Cette dernière recula de quelques pas en accusant le coup. Elle se reprit en à peine cinq secondes.
Elle ne répliqua pas immédiatement mais recula davantage d'un bond agile puis, arrivée à une distance qu'elle jugea suffisante et elle ne se trompait que très, très rarement en combat, elle effectua une souplesse arrière avec une rapidité et une facilité déconcertante, transférant son poids sur ses mains posées à plat sur les planches du pont. Elle envoya ses pieds l'un après l'autre sur Dévlin, qui les reçut sous le menton. Leïmy prit garde à doser la puissance de ses coups. Il n'aurait pas fallu qu'elle casse une dent à Dévlin après avoir promis à Maige de le ramener entier.
Le nécromancien planta sa rapière dans les planches de manière à conserver son équilibre, sonné par l'attaque de Leïmy mais pas hors jeu.
La mercenaire, qui avait ramassé ses armes qu'elle avait laissées tomber pour effectuer son mouvement, attaqua à nouveau d'un geste verticale du bras visant encore le nécromancien. Negg s'interposa et intercepta le coup de Leïmy en lui saisissant l'avant-bras à deux mains, s'étant au préalable démunie de ses deux armes qui gisaient à présent à ses pieds.
Il envoya la jeune fille rouler au sol. Leïmy bascula sur son épaule avant de se réceptionner en position accroupie. Elle rejeta ses longs cheveux en arrière et vrilla son regard d'acier sur Negg qui sourit avec un air de défis.
Elle se déplaça sur le côté tout en restant au sol. Negg la suivit sans la quitter des yeux.
Dévlin se retira du combat car c'était visiblement devenu un affrontement uniquement entre Leïmy et Negg. Le nécromancien remit sa cape puis se mêla au reste des spectateurs.
Soudainement, Leïmy déplia ses jambes, se propulsant en un bond souple sur Negg qui eut à peine le temps de faire un pas de côté pour l'esquiver mais il ne rangea pas son bras gauche assez rapidement et ce fut une prise suffisante pour Leïmy qui le fit chuter au sol.
Le rouquin ne la laissa pas l'immobiliser sous son poids. Avant qu'elle ne s'asseye sur son torse en appliquant sa technique habituelle, il la saisit à l'arrière des genoux et la fit basculer par-dessus lui. Leïmy rentra la tête dans ses épaules pour rouler et amortir sa chute mais elle fut tout de même étourdie par l'impact avec les planches du pont.
Negg profita des quelques secondes dont elle eut besoin pour se reprendre pour lui mettre sa jambe en travers de la gorge mais, à à peine quelques centimètres de la peau de la jeune fille, cette dernière lui empoigna la cheville.
Une fois dans cette position, ni l'un ni l'autre ne savait plus vraiment que faire. Leïmy décida que la première chose à faire était de se libérer les mains.
Bandant ses muscles, elle repoussa la jambe de Negg vers l'arrière. Le jeune homme vacilla et fut rattrapé par deux marins.
À partir de cet instant, ils délaissèrent leurs dagues pour continuer le combat uniquement à la force de leurs poings.
Leïmy bondit sur ses pieds. Il revinrent se placer face à face avec des sourires qu'ils étaient les seuls à comprendre.
Leïmy constata tout en tournant autour de Negg, étudiant sa posture pour y trouver une faille :
- J'ai l'impression que ça peut s'éterniser.
- En effet. Continuons-nous pendant des heures ou bien décidons-nous d'en rester là ?
Leïmy sembla réfléchir mais en restant concentrée sur sa défense. Elle hocha à peine la tête mais Negg le perçut.
Il abaissa doucement ses poings et Leïmy mit la fin de sa stratégie à exécution.
Elle frappa Negg à la gorge, lui coupant momentanément la respiration. Là, elle n'eut aucun mal à le faire tomber sur le ventre. Elle lui tordit le bras dans le dos en veillant à ne pas le blesser en s'allongeant sur lui, le clouant au sol.
D'une voix suave, elle lui glissa à l'oreille :
- Tu devrais pourtant savoir que je n'abandonne jamais une bataille.
- Et ça me plaît.
Répondit Negg, la bouche écrasée contre les planches. Leïmy eut un sourire en coin qui paraissait presque heureux et elle libéra le rouquin. Elle lui tendit la main pour l'aider à se relever. Il la saisit et se remit debout.
Les marins applaudirent, impressionnés par l'affrontement auquel ils venaient d'assister. Leïmy et Negg en furent extrêmement surpris, même si ils n'en montrèrent rien. Ce n'était pas vraiment ce genre de réactions que leurs combats provoquaient habituellement.
Leïmy ne put résister à l'envie de railler Negg après sa victoire et lui lança :
- Maintenant, nous sommes fixés sur qui est le plus fort des deux.
Negg haussa les épaules, prenant bien la moquerie mais il se promit mentalement de prouver prochainement à Leïmy qu'elle n'était pas aussi talentueuse qu'elle s'en vantait, de manière amicale bien sûr.
Leïmy se dirigea vers le marin qui avait pris des paris dont elle avait retenu le visage et qui était facilement identifiable car il empochait ses gains.
La mercenaire attendit qu'il ait terminé de récolter les pièces que sa victoire lui avait rapportées puis elle le saisit par le col de sa chemise. Son regard se remplit de peur. Leïmy dévoila ses dents en un sourire que ne présageait rien de bon.
Elle tendit la main et s'empara de l'argent reposant dans le poing du matelot en l'informant :
- Saches que lorsqu'on pari sur moi, c'est moi qui récupère la somme.
- D'a...d'accord.
Leïmy lâcha le marin qui s'empressa de filer. Elle compta les pièces, plutôt satisfaite.
Dévlin lui demanda en se plaçant à côté d'elle alors que les marins retournaient à leurs occupations :
- A quoi cela va t-il te servir ? Il y a peu de chances qu'ils utilisent la même monnaie que nous là où nous allons.
- Elle prend soin de son avarice.
Répondit Negg à la place de Leïmy en les rejoignant. La jeune fille lui décocha un coup de coude, le deuxième depuis le début du voyage. Ce n'était pas parce qu'elle assumait son pêché que Negg pouvait se permettre ce genre de remarques.
Elle lança à Dévlin :
- Je ne t'ai pas encore félicité. En effet, tu sais te battre et tu es incroyablement au point sur la pratique de la fuite.
- Très amusant.
Grogna le nécromancien, piqué par ces mots. Negg se retint de rire pour ne pas vexer davantage son frère aîné. Il savait que le commentaire de Leïmy n'était pas réellement méchant.
La conversation se suspendit pour quelques secondes et le silence s'imposa.
Alors que Negg et Dévlin étaient hypnotisés par le remous des flots verts, Leïmy contemplait l'horizon. Elle repéra une tache sombre qui grossissait rapidement en se précisant.
Elle demanda confirmation aux deux frères :
- Est-ce moi ou bien il y a des nuages d'orage par là-bas ?
Elle leur indiqua le lointain. Dévlin examina le ciel puis il s'inquiéta :
- J'ai une terrible impression de déjà-vu. »
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