Coucou!

L'arrivée de Raphaël!

J'espère que vous allez l'aimer autant que moi.

Bonne lecture!

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Chapitre 8 (partie 1)

Ploc-ploc, ploc-ploc, ploc-ploc.

Encore ces foutues gouttes qui ne cessent de le déranger. Kristian veut s'impatienter, se mettre en colère mais l'énergie lui manque. Respirer est devenu pénible et la noirceur est tellement dense qu'il a l'impression qu'il pourrait la toucher s'il arrivait à tendre le bras. Sauf que ses bras sont paralysés et qu'il n'arrive même plus à retirer sa main de là où il l'a posée pour se protéger des gouttes. Elle est collée, soudée à son front, où il a l'impression de sentir une bosse bizarre.

Une bosse qui a la forme longiligne d'un stylet runique.

"Tien, ce n'était pas là avant", songe-t-il, perplexe.

Il aimerait bien pouvoir bouger, si seulement ces satanées décharges électriques pouvaient arrêter de lui traverser le corps et lui foutre la paix pour une seconde!

Il croit qu'il va s'évanouir à nouveau lorsque des lumières apparaissent au loin puis se rapprochent, accompagnées de bruits de pas. Kristian comprend que son visage est recouvert d'un épais tissus qui le dissimule aux regards de ces personnes qui viennent vers lui.

Mais... s'il est couvert de cette façon, d'où peuvent venir les gouttes qui lui tombent sur le nez depuis tout à l'heure?

Effrayé, il veut appeler mais sa voix reste prise dans sa gorge et il n'émet qu'un pitoyable gémissement.

— Ne fais aucun bruits, nishim, fait une voix dans son crâne. S'ils t'entendent, ils te tueront.

Tétanisé, Kristian referme la bouche. Il ne comprends pas d'où vient cette voix mais quelque chose lui dit qu'elle a raison.

Les pas se sont séparés et il n'y a plus qu'une paire de pieds qui se dirige vers sa cachette.

— Voyons, Rhododendron, Lavande ou Tulipe, fait une voix de femme aux accents venimeux. Il faudra bien que tu nous aide. Vos pitoyables Jardins tombent en ruine.

— Ils vous emporterons avec eux.

Cette voix est celle de Coquelicot, avec beaucoup plus de douleur et de souffrance que tout à l'heure. La femme rit, un son terrifiant, plein de cruauté.

— Nous avons déjà tué deux Collecteurs la dernière fois. Crois-tu que nous nous arrêterons là? Il nous faut récupérer notre ami et le Coeur. Après, nous vous laisserons continuer de collecter vos sottises en paix. Maintenant, Pâquerette, soit gentille et aide-moi à retrouver mon ami. Je sais très bien que vous avez la possibilité de sortir des gens et des artefacts de vos Jardins.

— Non, dit Coquelicot avant de pousser un grand cri effrayé plein de souffrance.

Kristian a peur. Il n'a jamais eu aussi peur de sa vie. S'il croyait que Reinhart était un bourreau, il réalise, même sans la voir, que son cousin est un amateur en comparaison de cette femme à la voix d'un calme olympien.

Lorsqu'elle reprend la parole, ses mots sont accompagnés de bruits mouillés et brutaux d'os qui craquent et de fluides qui giclent.

— Tout ça m'est bien égal, Pivoine, si tu refuses de me donner ce que je cherche, je le prendrai moi-même.

Impuissant.e, Coquelicot maudit son assaillante dans un râle qui se termine en une secousse juteuse qui soulève le coeur de Kristian.

— J'ai trouvé Abe! s'écrie un homme de loin.

— Fabuleux, fait la femme. Et moi, j'ai récupéré un coeur. Faisons sauter tout ça et partons avant que les agents de la SMQ et de la DMC arrivent.

Soudain, Kristian a l'impression qu'on le bouscule et des décharges électriques traversent ses membres et son crâne. Fou de terreur, il a à peine conscience de la nouvelle détonation qui vient secouer l'endroit que Coquelicot a nommé Coeur de la mémoire.

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Elle l'a trouvé juste à temps.

Sauf que ce qu'elle a vu et senti l'a remplie d'une rage meurtrière comme elle n'en a jamais ressentie.

Heureusement, la quantité impossible de poussière lui a permis de se camoufler. Mais maintenant, son odeur est masquée, remplacée par celle de la moisissure, des vieux tapis et de la cendre de bois.

Juste avant qu'une nouvelle couche de débris ne viennent s'écraser sur son protégé, la Garde blanche rampe sous la table et lui fait une barrière de son corps.

Les Gardes sont robustes et résistantes, Kauapat peut survivre à l'écrasement de toute cette pierre sur son dos.

La priorité est de protéger le vivant.

L'odeur de son sang perce à travers toute cette poussière et cette moisissure, alors Kauapat appelle ses frères et soeurs de sa voix mentale, espérant qu'ils arriveront avant que la vie ait déserté son vivant.

Plus le temps s'écoule, et plus son vivant perd la bataille.

— Reste vivant, nishim, lui ordonne la Garde blanche, sachant qu'elle ne peut pas faire davantage pour lui.

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Le griffon a dévoré la vache à une vitesse surprenante. Damien et Liane le regarde battre ses ailes dorées bordées de blanc rappelant le plumage des aigles jusqu'à créer de petits cyclones qui pulvérisent les os, les sabots et tout les autres débris de son repas, jusqu'à la moindre trace de sang.

— Pourquoi fait-il ça? demande Damien, surpris.

— Il masque ses traces, répond Liane.

— Et pourquoi une créature aussi énorme et puissante qu'un Griffon a-t-elle besoin de masquer ses traces?

Les adolescents se regardent, les yeux écarquillés. La réponse leur parait d'une évidence effroyable. Toutefois, Liane prend le temps de verbaliser l'évidence, juste pour bien se rendre compte de l'ampleur de la situation:

— Parce que les Griffons ne sont pas les plus dangereux prédateurs que nous risquons de rencontrer.

En silence, et ne laissant pas même une plume derrière, le Griffon prend son envol et disparaît.

Les deux adolescents se sentent terriblement petits. Ils font le tour du chalet et trouvent une murale qui représente la région et qui indique le chemin à suivre pour se rendre à l'Abbaye de toutes les Sagesses. À vue de nez, ils en ont pour plusieurs heures de marches et de grimpe avant de se rendre là-bas. Liane examine la carte qu'elle recopie dans son cahier de dessins pendant que Damien rassemble de l'équipement. Il trouve des sacs à dos, des fruits séchés et des noix, des vêtements plus chauds ainsi que des bottines de randonnées à la taille de Liane.

— Au moins, il y a tout ce qu'il nous faut ici pour nous équiper, remarque Damien. Je pense quand même qu'un paravoile nous aurait facilité la vie.

Il ne tarde pas à remarquer la terreur qui s'empare de sa camarade de voyage à la simple évocation du véhicule volant.

— D'accord, pas de paravoiles, se rétracte-t-il. De toute façon, j'imagine que ce n'est pas très prudent de grimper sur une planche volante quand même les griffons font des efforts pour passer inaperçu.

— En effet.

Fin prêts, Liane et Damien prennent la route en direction des sommets. La route sera longue et difficile, mais bien que l'environnement ne lui soit pas familier, Liane a appris, depuis sa plus tendre enfance, à vivre dans la nature. Elle ne connaît pas tout, mais du moment qu'ils ne se retrouvent pas à faire face à d'énormes prédateurs capables d'effrayer un Griffon, elle est confiante qu'ils s'en sortiront.

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Les décombres qui s'écrasent autour d'eux font des bruits assourdissants et la force à se concentrer pour ne pas écraser le garçon-douleur qu'elle protège. La Garde blanche est inquiète, elle se demande si elle réussira à protéger le jeune magicien jusqu'à ce que ses frères et soeurs les retrouvent. L'odeur du sang masque tout et ses oreilles bourdonnent encore après les déflagrations.

Elle n'a aucune idée du temps qui passe quand soudain, des mouvements discrets parviennent à ses sens aiguisés. Les pattes sont silencieuses, mais Celle-qui-retrouve - c'est ainsi que ses frères et soeurs l'appelleront désormais - sent l'odeur de Celui-qui-veille. Le grand loup gris s'avance précautionneusement puis renifle Celle-qui-retrouve échangeant des coups de langue amicaux.

— Tu as bien travaillé, lui dit Celui-qui-veille, mieux connu parmi les Magiciens en tant que Tavik.

— Nous n'avons pas de mains pour le libérer, répond Celle-qui-retrouve.

— Veille encore un peu, je reviens avec de l'aide.

Le grand loup gris s'éloigne puis disparaît. Il connaît des trucs que Celle-qui-retrouve ne connaît pas encore. En tant que Garde, Kauapat est encore bien jeune. Maintenant qu'elle sait retrouver, peut-être Celui-qui-veille lui révélera-t-il certain de ses secrets?

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À l'Anse-à-l'Orignal, Raphaël Kapesh termine de préparer les bagages afin de partir passer la dernière semaine de l'été dans le bois avec ses enfants. Kukum viendra avec eux et Liane, Lucie et Matthieu poursuivront leur apprentissage de Sentinelle. Tavik, sa Garde partenaire a repérer une couvée de salamandres telluriques que le père espère pouvoir observer de loin. Même Kukum ne se souvient pas d'avoir vu dans sa vie la naissance de ces créatures rares et Raphaël veut offrir ce cadeau de vie à ses trois ados.

Rien de mieux, estime-t-il, que d'observer les miracles de la Terre Mère pour apprendre à l'apprécier à sa juste valeur. Il s'agit d'un rituel qu'il a commencé à la disparition d'Elizabeth, espérant qu'une relation saine et épanouie et de puissants liens de partage réussiraient à leur faire oublier la disparition de leur mère. Ses soeurs, surtout Gabrielle, et leur kukum ont mis la main à la pâte, Gaby faisant entre autre office de mentor auprès de Lucie dès que ses dons de Marcheuse de Peaux se sont révélés.

La trahison de la génitrice de ses enfants a profondément meurtri Raphaël qui, il est forcé de se l'admettre, a manqué de confiance envers les quelques partenaires qu'il a fréquenté par la suite. Il a beau essayer de tout son être, il n'a jamais pu se sortir de la tête ce qu'Elizabeth a fait à Liane. Une part de lui, celle qui veut que ses petits restent sains et sauf se dit que si une mère peut aller jusque là, qu'est-ce qui arrêterait une autre femme de s'en prendre à ses enfants.

— Kauapat a trouvé un blessé, dit soudain Tavik avant de disparaître sous ses yeux.

Le coeur de Raphaël s'arrête de battre jusqu'à ce que sa raison l'emporte. S'il était arrivé quelque chose à Liane, Matthieu ou Lucie, Tavik les aurait nommés. Raphaël a senti la magie de Garde tenter de l'emmener avec lui, sans succès. Étrange, Tavik est le plus puissant de sa Meute, s'il n'arrive pas à le transporter, ce doit être grave.

Alors que Raphaël s'apprête à communiquer avec Mari, son Chuchoteur se met à hurler, gigotant dans la poche de son jeans comme s'il essayait de s'échapper.

Raphaël plonge la main dans sa poche et sort le loup de pierre qui brille d'un rouge écarlate.

— MARISOL, MARISOL, MARISOL, répète la statuette, ajoutant une couche à tout ces signaux d'urgence.

— C'est bon, c'est bon, fait Raphaël, envoyant une impulsion magique dans le Chuchoteur, établissant la communication.

Aussitôt, la voix de sa meilleure amie se fait entendre. Le Chuchoteur, cette fois, ne chuchote pas. Il projette la voix de Marisol avec une force telle que Raphaël est obligé d'éloigner l'objet de son oreille.

— RAPH! IL FAUT QUE TU VIENNES NOUS REJOINDRE IMMÉDIATEMENT!! Les Jardins sont en train de s'effondrer! Il y a eu une attaque. Et Liane est dedans!

Dans sa tête, Tavik se fait à nouveau sentir, bouillonnant d'une colère indignée, teintée de peur.

— Je L'ai sentie. Elle était là.

Il a envie de gueuler comme sa Garde-partenaire, d'éclater d'une rage féroce. Car il n'y a aucun doute dans la tête de Tavik.

Elizabeth se trouvait dans les Jardins des Collecteurs FierTrèfles.

À travers le chuchoteur, Marisol sanglote.

— Je l'ai perdue, Raph. Et Rajik a dit à Lucie qu'elle ne pouvait plus détecter Kauapat.

Tout ça ne fait aucun sens. Sauf si Elizabeth a réussi à enlever sa fille.

Seules la rage et la violence contenues qu'il ressent à travers son partenariat avec Tavik lui permettent de ne pas s'effondrer. Les souvenirs horribles de cette nuit maudites lui reviennent avec la violence d'un poignard en plein coeur.

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Elizabeth, invoquant des quantités insoutenables d'énergie, sa peau devenue luminescente de pouvoirs, la petite entre les mains leur fait face au-dessus de la mine à ciel ouvert de la mine du Nord du Canada de la Spatio-Granite Mining Corporation. Perchée sur une des passerelles suspendues qui sillonne le paysage, elle se sait en sécurité loin de l'élément de Terre que son amant maîtrise trop bien à son goût et est prête à passer à la prochaine étape de son plan.

— J'ai besoin d'elle, Raph. C'est MA fille, MON sang et j'en fais ce que je veux.

Lui, fou de douleur, blessé à une jambe, les tendons sectionnés pour s'assurer qu'il ne puisse poursuivre personne, impuissant à agir, neutralisé par des bracelets couverts de runes l'empêchant de rejoindre les éléments.

— Liane n'a rien à voir dans tout ça, c'est encore un bébé.

Lucas, son partenaire à la SMQ, sachant fort bien qu'ils n'avaient pas d'affaire là tous les deux mais ne pouvant se résigner à attendre patiemment que d'autres retrouvent la fille de Raph, tentant de négocier.

— Tu n'es pas obligée de faire ça, Eli, dépose la petite, on va parler...

Liane, à tout juste deux ans, son bébé-solstice, qui hurle plus fort que toutes les banshee d'Écosse réunies, terrifiée, chacun de ses hurlements arrachant une portion de son âme pour l'emporter dans le chaos. Elle regorge de pouvoirs au point qu'elle ressemble à une supernova. Éclipsant même les forces de sa génitrice. Déjà, Raphaël sait qu'Elizabeth Valmont n'est pas une mère car aucune femme sensée ne causerait une telle souffrance à son enfant. Entre ses mains, la petite se débat comme une démone...

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— Kauapat est avec le garçon-douleur, dit soudain Tavik.

Le loup d'un gris bleu magnifique lui donne un coup de sa grosse tête touffue avant de lui mordre le poignet juste assez pour le ramener au moment présent.

Les cris et les larmes dans son coeur sont remplacés par les sanglots réels de Marisol dans le chuchoteur. Raphaël se refuse à croire qu'Elizabeth a reprit Liane. Mais il a bien l'intention de mettre les choses au clair.

— Calme-toi, Mari. Reste où tu es, j'arrive, dit-il, plus déterminé que jamais.

Éteignant son chuchoteur avant de le retourner dans sa poche, Raphaël Kapesh enfonce les mains dans la fourrure épaisse de l'encolure de Tavik et les deux se transportent à Kakinanga.