Chapitre 3
Salut ici!
J'étais inspirée!
Bonne lecture :)
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Chapitre 3
Astrid est à bout. Elle a fini par rentrer chez elle en compagnie d'Anya qui s'est enfermée dans sa chambre dès leur arrivée. Margot lui a fait couler un bain et préparer une soupe et un thé afin qu'elle se détende, mais rien n'y fait. Ni l'eau chaude et parfumée de lavande, ni la soupe poulet et nouille, ni même la musique qui émane des murs grâce à l'enchantement d'ambiance lancé par Margot.
Depuis lundi, son monde est renverser, sa vie à fait naufrage et elle n'arrive plus à remonter à la surface. Elle est une épave qui doit tout de même flotter pour tenter de rescaper les siens... ses enfants, au moins.
Quant à Karl, s'il préfère leur hurler dessus et passer ses journées à courir, qu'il s'organise seul.
Ce drame qu'elle vit lui fait réaliser qu'elle a probablement fait une bêtise en restant, que son désir de montrer un front uni à Kristian et Anya était illusoire, futile.
Il faut qu'elle réfléchisse, mais elle n'en a plus la force, elle est vidée. Elle n'est qu'une pauvre libraire avec un goût prononcé pour les antiquités. Elle n'est pas une guerrière, ni même l'ombre d'une militante. Et pourtant, elle devra trouver, au fond d'elle-même, les forces nécessaires pour se sortir de cet impasse.
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Lorsque son père revient enfin, Anya n'est toujours pas endormie. Elle l'entend qui va dans la douche et qui parle au Golem de maison, une espèce de création qui fait à peu près la même chose que Margot, sans la touche personnelle et sans avoir besoin de dormir ou prendre des pauses. Son père aime bien les constructions comme ça, il n'a pas besoin de s'en soucier outre mesure et elles font le service, le ménage et peuvent même préparer des repas simple comme des sandwichs et du café.
Margot déteste cette construction ridicule qui fait les choses sans réfléchir et qui n'a aucune véritable initiative.
Anya, elle, s'en fiche un peu. Le Golem ne lui fait pas les gros yeux lorsqu'elle ne vide pas son assiette ou qu'elle demande une deuxième portion de gâteau sans avoir mangé tous ses légumes.
Le Golem ne rouspète pas non plus lorsqu'elle sort furtivement du lit et qu'elle se faufile dans le bureau de son père à sa suite afin de l'attendre.
La pièce est grande, luxueuse et joliment décorée. De confortables fauteuils font face à un grand âtre de pierre surmonté d'un tableau représentant son père et ses amis lorsqu'ils étaient jeunes. Son père possède également quelques photographie de Kristian et elle parsemant les étagères remplies de constructions sur lesquelles il n'a plus vraiment le temps de travailler. Quelques prototypes de pierres de Spatioportance aux runes inachevées, des feuilles de calculs et des ébauches d'enchantement qu'elle n'ambitionne pas comprendre.
L'adolescente se dirige vers l'immense baie vitrée qui offre une vue magnifique sur le lac de Kakinanga. Des formes luminescentes dansent sur les flots tranquilles tel des patineurs gracieux. Anya se demande de quoi il s'agit. Elle a cru comprendre que ce n'est pas tout le monde qui peut les voir et elle espère que ses années d'études à Barbe-Hallay l'éclaireront sur la nature de ses phénomènes magnifiques. Les silhouettes qui valsent sur les flots l'apaisent, leur chorégraphie rejoignent la part d'elle-même encore capable de s'émerveiller. "Viens danser avec nous", semblent dire ces formes, faisant résonner son corps tout entier.
— Que fais-tu là? demande Karl.
Anya sort de derrière le rideau dans lequel elle s'était drapée et regarde son père, indécise sur l'attitude à adopter.
Vêtu d'un pantalon sport et d'un simple t-shirt, les cheveux un peu trop longs et la barbe non rasé, son père ne ressemble pas à ce qu'il est d'habitude. La jeune fille ne l'a pas souvent vu aussi peu sûr de lui, certainement jamais aussi négligé, même après de longues courses en nature. Une bouteille d'alcool ambré à la main, il s'apprêtait visiblement à en ajouter dans son café lorsqu'il a aperçu ses pieds sous le rideau. Karl la regarde, baisse les yeux vers sa tasse, pose ensuite les yeux sur le portrait au-dessus de la cheminée, y cherchant des réponses. Résigné, il se décide enfin à "améliorer" son café et referme la bouteille avant de la ranger dans une armoire.
Ce père vulnérable la terrifie encore davantage que tout ce qu'elle a vécu depuis leur visite aux Jardins. Soudainement, la pièce lui paraît immense, infranchissable. Anya a l'impression qu'il serait plus facile de rejoindre les formes sur le lac que de traverser l'espace qui la sépare du bureau de bois sombre derrière lequel se tient son père.
— Ne reste pas là, viens t'asseoir, fait Karl en prenant place.
Anya hésite. Elle ne sait pas trop ce qu'elle est venue chercher auprès de lui, mais elle doute qu'elle le trouvera. Sauf que ce qu'il lui est arrivé dans la chambre d'hôpital la trouble encore trop pour qu'elle puisse trouver le sommeil. Et si ces gens qui l'avaient contrôlée en profitaient pour reprendre le dessus pendant qu'elle dort et qu'elle tuait vraiment son frère? Elle n'est pas une meurtrière, elle ne veut pas faire ça!
Karl regarde sa fille s'avancer vers lui et est forcé de reconnaître qu'il ne l'a pas vu grandir. Elle lui fait penser à sa soeur, Frida. Il espère qu'elle sera aussi grande et imposante lorsqu'elle aura terminé sa croissance.
— C'est quoi, la magie mnémonique? demande Anya, ses deux mains accrochées au bord du meuble.
Karl prend un temps de réflexion. Il gesticule et un des fauteuils qui se trouvent devant l'âtre se déplace en silence jusqu'à atterrir à côté d'Anya. Comprenant l'invitation, elle s'installe, repliant ses pieds sous elle.
— Il s'agit d'un art très complexe et en grande partie illégal.
— Illégal?
— Il est interdit de forcer quelqu'un à agir contre sa volonté, de violer son intimité et de manipuler son corps sans son consentement.
— D'accord. Mais, en vrai, ça fait quoi?
Karl soupire. Il n'arrive pas à trouver les bons mots. Anya est encore jeune et elle n'a qu'une connaissance limitée des théories magiques.
— Un magicien qui utilise la magie mnémonique, ou psy entre en contact avec une partie intangible de notre être. Ils peuvent alors la soumettre, et prendre contrôle d'un autre corps afin d'agir à sa place. Ils peuvent, également, modifier les souvenirs, fouiller dans ceux-ci afin de trouver des informations.
— Comme lorsque les policiers utilisent des détecteurs de mensonges?
— Oui, un peu. Mari serait certainement plus à même de t'expliquer le fonctionnement des potions de vérité, mais globalement, les sortilèges de détections de mensonges et les potions agissent un peu comme la magie mnémonique.
— Mais les policiers utilisent les potions de vérité, non?
— Oui, cependant, ils ont besoin de mandat et l'entrevue doit être menée devant témoin et avec le consentement de la personne interrogée.
Songeuse, Anya hoche la tête.
— Et comment peut-on se protéger? demande-t-elle.
Karl évite son regard, avale une grande goulée de café et se perd dans la contemplation du portrait au-dessus de la cheminée.
— Il est très difficile de se protéger contre la magie mnémonique. Plus on y est exposé, plus on y est vulnérable et le seul moyen de s'en protéger est d'être plus fort que l'agresseur.
"Ou d'être annulé", termine Karl dans sa tête, incapable de se résigner à donner cette réponse à sa fille.
Dans sa chaise, Anya est songeuse. La réponse de son père veut dire qu'elle va devoir travailler très dur pour devenir une puissante magicienne si elle veut combattre ces gens qui l'ont contrôlée. L'idée lui semble titanesque, insurmontable. Elle n'est pas son frère, elle pour devenir un génie de la magie.
— Je ne sais pas si je serai capable d'être la meilleure, dit-elle après un long moment de silence.
— Nous allons t'aider. Ta mère est très érudite, quoi qu'elle en pense. Elle aura certainement des idées.
Anya se lève sans rien dire. Son père est bien gentil de penser que sa mère peut l'aider, mais la vérité est qu'elle a bien davantage confiance en l'intelligence de son frère. Kris est peut-être nul et ennuyeux, mais il sait tellement de choses et apprends vraiment vite!
— Bonne nuit, dit-elle en posant un bisou sur la tempe de son père.
— Bonne nuit, ma grande.
La jeune fille remonte à l'étage des chambres. Discrètement, elle entrebâille la porte de la chambre de ses parents et regarde un moment le délicat corps de sa mère enroulé autour d'un oreiller au centre du lit.
Rassurée de la voir là, elle referme doucement la porte puis, sans trop réfléchir, elle pénètre dans la chambre de Kris.
La pièce sent l'encre, les livres et la pousse de cèdre que Kristian garde dans un pot de fleur sur le bord de sa fenêtre. Elle ne comprend pas trop l'intérêt de son frère pour un cèdre, mais Kris a toujours des idées bizarres.
Anya se laisse tomber sur le lit et sursaute lorsque l'angle de la tranche d'un livre lui blesse le dos. Elle fouille sous la couette et trouve un livre à la couverture épaisse et rigide orné d'un navire intitulé Magie élémental: l'eau et l'air au service de la navigation à travers les époques.
— Ça prend bien un nerd comme toi pour lire des trucs pareils pendant qu'on est en vacances! souffle Anya à l'intention de son jumeau absent.
Néanmoins, Anya se glisse sous les couvertures et ouvre le livre. Un signet marque la représentation d'un voilier étendu sur deux pages en regard, abondamment annotés de l'écriture en patte de mouche de son frère. Elle n'est pas trop certaine de ce qui a attiré l'attention de Kristian dans ce graphique, mais fouiller le volume à la recherche des traces de son frère l'apaise, la détend. Bientôt, elle a du mal à garder les yeux ouverts et dépose le livre à côté de l'oreiller puis sombre dans un profond sommeil sans rêve.
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