Chapitre 3

Salut!!!


Je sais, c'est un long chapitre, mais j'avais pas envie de le couper! :D Vous ferez une pause au saut de section au pire...


Bonne lecture!


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Chapitre 3


La mère de Kristian s'inquiète parce qu'il ne sourit jamais. Mais franchement, il n'y a pas de quoi sourire lorsqu'on est dans sa situation.


Il n'est pas idiot, il sait bien que ce que fait son cousin n'est pas gentil. Reinhart a toujours été comme ça, à chercher à se rendre intéressant en diminuant les autres. Et maintenant qu'Anya, la jumelle de Kristian est de son côté, il ne peut pas s'empêcher d'être soulagé que Rei ne s'acharne plus autant sur lui.

Le petit groupe se dirige vers le comptoir au fond de la Garde-robe de Mademoiselle Blanche afin de ramasser la commande d'uniformes que leurs parents respectifs ont fait préparer lorsque les bêtises de Reinhart recommencent. Kristian suivait tranquillement derrière le groupe, leurs parents leurs ayant recommandés de ne pas se séparer les uns des autres. En réalité, si Kristian avait eu des amis, il aurait certainement été autorisé à passer la journée avec eux, mais puisqu'il n'en a pas, il n'a d'autres choix que de suivre ceux d'Anya.

La tradition veut que les étudiants de Barbe-Hallay magasinent sans supervision directe des adultes le dernier lundi d'août avant la rentrée. Évidemment, il y a des parents partout en ville ce jour-là, prêts à intervenir en cas d'accidents ou de difficultés sérieuses, mais globalement, les étudiants sont encouragés à se débrouiller entre eux. Reinhart leur sert de guide, bien que Kristian le soupçonne davantage de tenter d'impressionner la galerie.

Les cinq jeunes connaissent bien Kakinanga, leurs parents, à l'exception de ceux de Reinhart qui habitent Montréal ont tous des villas sur la rive ouest du lac. Kristian estime qu'il aurait très bien pu se débrouiller seul, mais Anya lui a un peu forcé la main.

— Tu peux pas passer ta vie tout seul plongé dans tes livres, Kris. J'aurai l'air de quoi si on s'aperçoit que t'es un ermite?

L'invitation d'Anya l'a tellement pris au dépourvu ce matin au déjeuner que Kristian n'a pu refuser. Et même s'il regrette maintenant de s'être laissé entraîner - après tout, il aurait pu expédier ses achats en moins d'une heure, ce qui lui aurait permis de profiter de la belle journée ensoleillée pour lire en plein air -, il ne voit pas comment se soustraire à ce supplice de magasinage. D'autant plus que Rei a sa tête des mauvais jours, alors Kristian anticipe une catastrophe imminente.

Il est le premier à apercevoir les deux étudiants qui se tiennent dans la section consacrée à Barbe-Hallay. Il faut dire qu'ils sont difficiles à manquer. Le gars n'est ni grand ni petit mais très fin, avec des membres délicats, voire frêles et une chevelure blanche sans véritable forme. Il n'y a aucun doute pour Kristian que c'est un garçon, quoiqu'en pense Reinhart et Passion. À leur âge, la finesse de ses traits et la délicatesse de sa silhouette ainsi que les cheveux un peu longs peuvent porter à confusion, mais ses chaussures de sport noir et bleu avec quelque chose comme des éclairs sur le côté racontent une autre histoire. Tout comme le fait que l'on voit ses chaussettes au-dessus. On pardonne aux gars de porter d'affreuses chaussettes, ce que l'on ne fait généralement pas avec les filles. En tout cas, aucune des filles de la connaissance de Kristian n'auraient été prises en public avec quelque chose de semblable aux pieds.

L'autre est un peu plus difficile à remarquer si on fait abstraction de son t-shirt rouge contrastant avec le noir et bleu des uniformes. Toute petite et menue comme une poupée de porcelaine, avec une épaisse tignasse noire bouclée tombant jusqu'au milieu de son dos, elle fouille en silence parmi les innombrables jupes.

Kris espère, il souhaite même très fort que Rei ne les voit pas, mais c'est inutile. Quand il pousse le gars, Kristian pense qu'il n'y a pas si longtemps, c'était lui qui se faisait malmener pour faire rire les autres. Il a honte. Honte de l'attitude de Rei, honte des filles qui rient, et encore plus honte de lui-même.

Car Kristian est un lâche.

Il est un lâche parce qu'il reste là derrière et il ne dit ni ne fait rien.

Encore pire, lorsque la fille se retourne et prend la défense de son ami, il recule d'un pas silencieux, se réfugiant entre les uniformes de la rangée d'à côté, espérant que personne ne le verra. À ce moment précis, il regrette plus que jamais d'être venu. Il voudrait être n'importe où ailleurs, comme par exemple, sur une île déserte ou encore à la dérive sur un Iceberg.

Il aimerait qu'un adulte vienne arrêter tout ça, mais ils savent tous que cela n'arrivera pas. Mystérieusement, à chaque fois que Rei fait sa brute, personne n'intervient jamais. Il insulte, il bouscule, il humilie sans jamais récolter le fruit de ce qu'il sème. Jamais il ne frappe, car Reinhart est intelligent. Il sait bien qu'il y a des limites à ne pas franchir s'il veut maintenir son emprise sur les autres. C'est un artiste de la terreur et il pratique son art avec soin.

Tien, Kristian n'avait pas remarqué le loup sous les vêtements. Il s'agit d'un animal magnifique, bien qu'un peu gros et très touffu pour son espèce. Alors qu'il l'observe, ses yeux d'un bleu arctique se tournent vers lui, son regard intelligent absorbant et envoutant.

Voilà maintenant que Rosie s'en mêle, crachant des insultes au visage de la fille qui n'est nullement intéressée à l'écouter et l'ignore superbement.

Mais pour une fois, le scénario prend une tournure qui pique la curiosité de Kristian. Deux autres étudiants arrivent, un gars de leur âge et une fille plus vieille. Ils viennent soutenir leur soeur qui, Kristian doit admettre, s'en sortait plutôt bien avec ce regard si indifférent, rappelant celui du loup. C'est la fille la plus intimidante qu'il a vue de toute sa vie, ce qui ne veut pas dire grand chose puisqu'il n'a pas encore treize ans. Kris n'a jamais rencontré qui que ce soit qui ose remettre Rei devant ses bêtises de cette façon, lui faisant comprendre, d'un regard, que ce qu'il fait ou dit ne l'intéresse pas.

Une fois Rei et les filles en fuite, il reste là, entre les vêtements, encore plus terrorisé que jamais. Des sueurs froides lui parcourent le dos et ses paumes sont moites. Que feront-ils, ces trois-là, lorsqu'ils le verront? Bien sûr, le Jus de chaussette de plomb n'a rien de vraiment menaçant. Et, il suppose que cette grosse baie rouge dégoûtante ne doit pas être très dangereuse non plus, sinon le frère ne se l'aurait pas mise dans la bouche.

Le principal problème de Kristian, maintenant que les trois s'éloignent avec leurs amis et qu'il a le champ libre, c'est que ces blagues n'auront pas arrangé l'humeur de son cousin. Il voudra certainement trouver une autre victime et Kristian n'a vraiment pas envi d'être là quand ça arrivera. Il pourrait bien décider que tout d'un coup, sa tête ne lui revient plus.

Il fait un peu chaud entre les vêtements et il se sent plus seul que jamais. On dirait que peu importe ce qu'il fait, il est seul. Même au sein de sa famille, là où, s'il se fie à la littérature, il devrait se sentir en sécurité et épaulé, il est toujours un peu seul. Anya détourne constamment l'attention sur elle. Sa mère s'occupe bien un peu de lui, ils ont la même passion pour les livres et les objets anciens, mais Kristian est assez perceptif pour comprendre qu'elle ne va pas très bien et qu'elle est malheureuse. Impossible, donc de lui confier ses propres malheurs, elle a déjà bien assez de sa propre mélancolie. De plus, s'il se confie à elle, Astrid en parlera certainement à Elfriede, la mère de Reinhart, et qui sait ce que son cousin lui fera en apprenant que Kris se plaint de son comportement aux adultes?

Il est encore moins question d'en glisser un mot à son père. Kristian ne sait jamais comment agir avec lui. Il ne doute pas vraiment qu'il les aime, sa mère, Anya et lui, mais c'est un homme tellement silencieux. Il travaille tout le temps. Vestergaard Industries est une immense compagnie et Karl est toujours parti en voyage d'affaire quelque part dans le monde. Lorsqu'il revient à Kakinanga, il est épuisé. Il ne parle pas beaucoup et Kristian ne sait jamais comment l'aborder. De plus, pour être honnête, Kris n'a pas particulièrement envi que son père découvre que son fils est un lâche.

Il faudra bien un jour qu'il sorte de sa cachette, se dit Kristian en fixant les marques d'ongles qu'il a laissé au creux de ses paumes à force de serrer les poings. Seulement, c'est bien plus difficile que l'on peut se l'imaginer. En sortant de sa cachette, il court le risque de rencontrer la fratrie Kapesh et leur ami, ou pire, Reinhart, Anya, Rosie et Passion.

— Bouh! fait une voix derrière lui et il sursaute, levant par réflexe les bras pour se protéger.

Kristian se retourne brusquement pour faire face à la menace, ce qui déclenche un rire joyeux et spontané, léger et franc.

Ne percevant aucune trace de méchanceté, Kris entrouvre les yeux, curieux de découvrir qui lui a fait si peur.

Encore une fois, il souhaite que le sol s'ouvre 'et l'avale, mais cela n'arrive jamais. Il se sent vraiment stupide et, avec son teint pâle de Scandinave, l'autre est obligé de le remarquer.

— Cool... cool..., fait le gars en tendant ses mains ouvertes pour prouver qu'il ne cache rien. Pas de panique, c'était juste une petite blague. Je me demandais si tu dormais ou si tu rêvais encore à la fille...

À moitié convaincu qu'il n'y a aucune menace, Kristian baisse les bras. Le garçon doit avoir son âge. Il est environ de la taille du gars aux cheveux blancs, mais beaucoup plus athlétique. Il porte une chemise orange avec des perroquets qui jouent au surf-polo dessus, des shorts bleus et des sandales. Ses cheveux sont plein de petites tresses au bout desquelles se trouvent des ballons de surf-polo miniatures.

— La fille?... balbutie-t-il, se sentant un peu idiot mais tout de même curieux.

— Ouais, la fille! insiste son vis-à-vis comme si c'était évident et qu'il n'y avait qu'une fille digne d'attirer le regard. Celle que tu regardais, avec le t-shirt rouge, la jupe jeans et la crinière de lionne. Elle est plutôt mignonne, tu as bien raison.

Mais qu'est-ce qu'il raconte? Kristian ne regardait pas la fille... enfin, pas vraiment, il regardait l'ensemble de la situation. Ce n'est pas sa faute si elle attirait son regard avec son air de poupée de porcelaine. Si certains jeunes de leur âge commencent à remarquer les autres avec des intérêts romantiques, ni les filles ni les garçons ne l'intéressent de cette façon. Que ce gars bizarre remarque la bouclée au t-shirt rouge à hibou s'il veut, pour sa part, Kristian a bien d'autres soucis.

— T'es nouveau à B.H.? demande ensuite le garçon en le tirant hors de l'étal d'uniformes.

Bon, voilà un sujet plus sûr. Il hoche la tête de plus en plus à l'aise avec lui.

— Moi aussi. J'aurais pu aller à Opal Wickham's High aux États-Unis parce que ma mère vient de la Géorgie, mais Barbe-Hallay est renommée pour son équipe de surf-polo, je ne pouvais pas manquer ça! En passant, moi c'est Tommy, et toi?

— Kristian. Avec un K.

— Content de te connaître, Kristian avec un K.! T'as l'air un peu déstabilisé, si tu veux, on peut faire un bout ensemble. Mon père est plutôt occupé à signer des autographes, j'ai pas vraiment envi de l'attendre.

"Si seulement il comprenait la cause de mon malaise actuel!", pense Kristian, soupirant intérieurement. il a l'air tellement à l'aise et sûr de lui, que Kristian est prêt à parier sa collection de livres sur l'archéologie que Tommy n'a jamais été la victime de quelqu'un dans sa vie.

— D'accord, accepte-t-il, sortant de sa torpeur.

— Super! J'ai une commande à aller chercher derrière. Si tu veux, on ramasse ce qu'il te faut et on y va?

— J'ai aussi une commande derrière, répond Kris, sa voix trahissant encore un peu son incertitude.

— Ça, ça peut pas être un hasard, Kristian avec un K., s'exclame Tommy avant de lui envoyer une tape amicale dans le dos.

Le sourire franc et la voix forte de Tommy lui font penser qu'il n'est pas au bout de ses surprises avec lui. Il prend une grande inspiration et lui emboîte le pas en se disant qu'avec la tournure que vient de prendre sa journée, il est aussi bien de se lancer.

— Si tu veux, tu peux m'appeler Kris.

— Génial! Je sens qu'on va bien s'amuser, toi et moi.


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Le père de Tommy n'est nul autre que Jordan Goudreau un célèbre joueur de surf-polo. Il ne connaît pas grand chose aux sports, cela ne l'intéresse pas vraiment, mais puisqu'il est un jeune Magicien vivant sur la planète terre et qu'il n'est pas dépourvu de tout ses sens, il connaît Jordan Goudreau. Lorsque les deux adolescents descendent la rue, ils l'aperçoivent devant la crémerie de la Vache Fanfaronne, entouré d'adolescents. Parmi eux, il reconnaît le frère Kapesh. Les fans font la file afin d'obtenir un portrait et un autographe. Tommy fait signe à son père et l'homme lui renvoie la main. Tommy pointe vers Kris et indique la boutique de sa mère et la direction dans laquelle il faut aller pour se rendre aux Trésors des FierTrèfles lorsque le portail est visible.

— Que dirais-tu d'aller déposer nos uniformes dans la boutique de ma mère avant de poursuivre notre route, ose demander Kristian, tout en espérant qu'Anya n'a pas eu la même idée.

— D'accord. J'ai dit à mon père que je partais faire un tour avec toi. Il m'a fait signe qu'il me rejoindrait plus tard.

Là, Kris est vraiment intrigué. C'est donc ça que signifiaient les signes et grimaces que Tommy a échangé avec son père! Kristian doit admettre qu'il est un peu jaloux. Le père de Tommy est une vedette internationale du sport qui poursuit maintenant une carrière d'entraîneur sportif pour l'équipe de surf-polo de Québec et il prend quand même le temps de venir à Kakinanga avec lui! Ils sont tellement complices qu'ils ont développé un système de signes pour communiquer. Ce n'est certainement pas Karl Vestergaard qui ferait ça avec lui.

S'éloignant de la crémerie et de sa foule enjouée, Kristian entraîne Tommy vers la librairie. C'est ainsi qu'il remarque Anya, Rei et les deux autres qui en sortent, l'air mécontent. Il a le réflexe de disparaître, voulant à tout prix les éviter. L'évitement, ça aussi c'est une de ses belles qualités de lâche!

— Qu'est-ce que tu fais là? demande Tommy alors que Kris tente de se glisser derrière l'énorme jardinière qui borde le trottoir, honteux.

Pour toute réponse, Kris baisse les yeux. Non seulement parce qu'il est grand pour son âge et que Tommy n'est pas aussi grand que lui, mais parce qu'il n'arrive pas à affronter son regard.

Il ne tarde pas à s'apercevoir, cependant, que Tommy est très perceptif et qu'il assume totalement son originalité.

— Quoi, grands blond et privilégié a du mal à gérer la discrimination, demande-t-il et Kris n'arrive pas à interpréter son expression, on dirait qu'il tente de lui faire comprendre quelque chose. Fais pas cette tête-là, Kristian avec un K., tu te doutes bien que si j'ai eu le temps de remarquer que tu zieutais la fille, j'ai assisté à la scène. En fait, j'allais m'en mêler, mais le coup de la Baie sanglante et du Jus de chaussette de plomb était parfait. Ils étaient si pressés de sortir qu'ils n'ont même pas remarqué que j'étais derrière toi.

Kristian soupire. Il a soudainement l'impression que Tommy lui a été envoyé pour le pousser hors de sa zone de confort.

— C'est juste que... tente-t-il de commencer, mais les mots s'empêtrent dans sa bouche. Tommy l'attrape par le bras et l'entraîne sur le trottoir en disant:

— Allez, ils viennent dans notre direction de toute façon. C'est facile, tu marches droit devant et tu ne leur parle pas. S'ils t'interpellent, tu continues, on aura qu'à dire qu'on les a pas entendus parce que notre conversation était trop intéressante.

Incertain, Kristian hoche la tête. C'est plus facile qu'il le croyait. Dès qu'ils se remettent en route, Tommy reprend la discussion sur la renommée de Barbe-Hallay et surtout celle de son équipe de surf-polo. Anya et Rei ont l'air particulièrement abattu. Kris se dit qu'il ne doit pas être une très bonne personne, car il éprouve du plaisir à voir son cousin remis à sa place. Lorsque les deux groupes se croisent sur le trottoir, Anya s'arrête à sa hauteur mais les autres continuent leur chemin.

— Ah! tu es là! Mam veut te voir, dit Anya d'un ton glacial.

— C'est justement là-bas que nous nous rendons, répond Kris, s'arrêtant devant elle.

— C'est à qui, ce que tu as là? demande-t-elle, indiquant son sac d'un geste du menton.

— À moi.

— Et ça?

Maintenant, elle indique le sac de Tommy, plus gros que celui de son frère car il contient également son équipement de sport.

— À moi! fait Tommy, lui décochant un grand sourire. Enchanté, je suis Tommy. C'est fou comme vous vous ressemblez physiquement, êtes-vous frère et soeur?

Kristian ne comprend pas ce qui prend à sa soeur depuis quelques temps mais elle n'était pas comme ça avant. Elle ne répond même pas à Tommy et lui crache, avant de courir pour rattraper les autres:

— Tu aurais pu prendre mon sac avec le tien, franchement!

Honnêtement, Kris y a pensé. Mais il n'en avait pas envie. Les talons d'Anya claquent sur le trottoir alors qu'elle s'éloigne. Il se laisse aller à un peu de sarcasme et tend la main vers l'endroit où se tenait sa soeur il y a à peine un instant.

— Tommy, je te présente ma soeur jumelle, Anya. Anya, voici Tommy.

Un sourire aux lèvres, Tommy embarque dans sa mascarade. Il tend la main et fait mine de donner une poignée de main à sa soeur invisible.

— Enchanté de te connaître, Anya.

À cet instant, un sourire s'amorce sur le visage de Kris. Tommy continue de jouer la comédie, un large sourire aux lèvres.

— Ah ouais, toi aussi! C'est fabuleux. (petite pause, comme s'il écoutait attentivement une réponse) Ouais! Moi aussi je l'aime bien ton frère, il est super cool! Un peu coincé, mais je pense pas qu'il soit une cause perdue!

Un instant plus tard, se sentant de plus en plus léger, Kristian éclate de rire et Tommy se joint à lui.

— Allez, viens! J'ai entendu dire qu'il y avait tellement de monde aujourd'hui que les FierTrèfles distribuent des médaillons qui nous avertissent lorsque c'est notre tour.

— Sérieux, s'inquiète Kris. Si j'avais su, je serais allé en chercher un à l'ouverture.

Tommy lui bouscule gentiment l'épaule.

— Fais pas cette tête-là, Kristian avec un k.! Tu vas l'avoir avant la fin de la journée, ta baguette.

— Une baguette! rétorque Kris d'un air outré, je ne veux pas d'une baguette! Je veux un stylet runique.

Les deux garçons ont encore des fous rires lorsque Kris pousse la porte de la Librairie Astrid. La clochette retenti au-dessus de la porte et sa mère jette un regard dans leur direction se demandant qui ose entrer en faisant autant de bruit. Aujourd'hui à beau être un jour exceptionnel et la boutique à beau être bondée d'étudiants, Astrid préfère que le tapage soit réduit au minimum. Kristian voit ses yeux verts s'agrandir de surprise lorsqu'elle réalise que c'est son fils qui vient d'entrer en chahutant. Elle discute avec une cliente et fait signe aux deux adolescents de se diriger à l'arrière. Dans la boutique, une musique de harpe fait de son mieux pour adoucir l'ambiance feutrée que sa mère tient à donner à l'endroit. Malgré la multitude d'étudiants faisant la file pour obtenir leurs manuels scolaires, l'atmosphère est détendue bien que beaucoup plus dynamique que d'habitude. Toute l'équipe est là ce jour-là. Ils ont déplacé le coin de lecture où la Librairie Astrid reçoit des conférenciers et des auteurs. Plusieurs tables tentent de leur mieux de soutenir des caisses de livres d'étude et de matériel scolaire. La mère de Kris a réussi à obtenir les listes des lectures officielles de l'École Barbe-Hallay pour chacun des niveaux. Kris salut sa tante Hilda qui lui répond malgré qu'elle soit très occupée à préparer des piles de livres qu'elle glisse dans des sacs à fond rigide avant de les remettre aux clients. Lorsque Kris et Tommy passent près des tables, elle leur fait signe de la rejoindre.

— Salut tante Hilda. Mon ami Tommy et moi allons déposer nos sacs à l'arrière.

— Bien sûr! N'oubliez pas de bien les identifier si vous ne voulez pas qu'ils soient confondus avec ceux des autres. Il y a des étiquettes sur la table à côté de l'entrée du salon des employés.

— Merci Madame, dit Tommy.

— Dis-moi, Tommy, demande Hilda, en quelle année es-tu inscrit?

Tommy hésite, regardant les étudiants qui font la file. Il n'aime pas recevoir des privilèges sans les avoir mérité et il croit qu'être le fils de Jordan Goudreau n'est pas une raison pour passer devant les autres.

— Je suis en Secondaire 1, Madame.

— Très bien. Va donner ton nom à Sabrina juste là, lorsque vous reviendrez à la fin de la journée, tes manuels scolaires seront prêts.

Tommy remercie et les deux adolescents obéissent. C'est plus simple de faire comme Hilda dit que de s'obstiner. Ensuite, ils vont porter leur sac de vêtements dans le salon des employés et Kristian les identifie minutieusement.

Lorsqu'ils traversent une nouvelle fois la boutique, la mère de Kristian termine de passer la commande d'un client. Elle se tourne vers eux et sourit.

— Ta soeur était ici tout à l'heure, commence-t-elle et aussitôt, Kristian appréhende la suite, baissant les yeux et serrant les poings.

— Nous parlerons de ce qui s'est passé chez Blanche plus tard, dit-elle, le regard sérieux.

— Je n'ai rien fait, souffle-t-il à voix basse, sentant le rouge lui monter aux joues.

— Je ne suis pas en colère contre toi, Kristian, rassure-t-elle et Kris relève la tête, surpris.

Maternelle, Astrid effleure sa joue et Kristian s'étonne de voir de la tristesse dans son regard. Cela ne dure qu'un moment car l'instant d'après, elle porte son attention sur Tommy. Il lui remet la carte de son père et Astrid les chasse gentiment, prétextant qu'elle a beaucoup de travail.

Comme les deux nouveaux amis sont sur le point de sortir, Kristian remarque les filles Kapesh avec les soeurs Villanueva, le garçon aux cheveux blancs et une fille qu'il n'a jamais vue avant. Il semble y avoir un problème. Le garçon aux cheveux blancs est figé, son visage ayant perdu toutes ses couleurs. Soudain, les filles Villanueva se détachent du groupe et entrent dans la boutique.

— Salut Tommy! fait Stella avant de remarquer Kris. Je ne savais pas que vous vous connaissiez!

— Salut Stella! répond Tommy. C'est nouveau, j'ai trouvé Kris tantôt et je suis comme tombé amoureux!

— Hahahaha!!!, éclate Stella, son rire attirant l'attention de tout le monde. Tommy, t'es trop drôle avec tes jokes!

Pour sa part, Kristian se demande si Tommy fait vraiment des blagues. En quelque part, la spontanéité de son camarade lui semble bien trop naturelle pour qu'il soit convaincu de quoi que ce soit. Luna pince les lèvres et attire sa soeur vers les files d'attente afin de commander leurs livres. Mais Kristian ne s'intéresse déjà plus à elles car la scène qui a lieu sur le trottoir l'inquiète.

— Si on allait voir? propose Tommy. On peut peut-être les aider?

Il a raison. En mettant la main sur la poignée de la porte, Kristian s'arrête une fraction de seconde. Tommy lui fait définitivement faire des choses qu'il n'aurait jamais osé avant. Il a un peu honte de l'avouer, mais sans Tommy, il ne se serait jamais mêlé de cette histoire, jugeant que cela ne le regardait pas.

Ô combien aurait-il eu tort!

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