Hé! Hé! C'est l'arrivée de quelques autres personnages importants.

L'Étherium et les Gardes sont ajoutés au lexique.

J'espère que ça vous plaira, bonne lecture!

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Chapitre 2

Darcy et Sandy se retrouvent dans un endroit immense où des Magiciens de tous âges flottent dans toutes les directions. L'espace d'un instant, le monde perd de sa rigidité et la matière vaporeuse se tord jusqu'à ce qu'une arche suffisamment grande pour y faire entrer un arbre entier les aspirent avec d'autres passagers. Darcy reçoit un coup derrière la tête alors qu'une vieille femme pressée le bouscule pour se ruer vers la sortie.

— Tassez-vous! Je suis en retard, je vais manquer mon transport, gronde-t-elle en guise d'excuse.

— Ça va? s'inquiète Sandy en aidant son frère à se relever. La baleine à bosses ne t'a pas trop écrasée?

— Sandy! souffle Darcy, mal à l'aise, on ne dit pas des choses comme ça!

— Lorsqu'une femme trop pressée arrache presque la tête de mon petit frère avec sa grosse sacoche laide, j'ai le droit.

— Quand même! Et si elle t'avait entendue?...

Sandy et Darcy se trouvent dans le Hall des voyages. Sur un territoire aussi vaste que le Canada, il est important d'avoir plus d'une ouverture sur le spatioportage. Comme les populations magiques sont dispersées et que les pierres d'étherium servant à créer les spatioportails sont très coûteuses, la province à mis en place un réseau de transport public à faible coût qui relie les zone magiques névralgiques de la province. Les deux adolescents sortent du poste du Réseau de Transport Public Québécois et passent devant un kiosque de souvenirs qui vend des fourreaux à baguettes, des tasses de transport - l'étiquette précise qu'elles sont aussi efficaces pour le thé, le café que la potion d'urgence -, des porte-plumes, des stylets runiques et pleins d'autres objets à l'effigie de Kakinanga. L'attention du garçon est momentanément attiré par une robe de mage de couleur bleu sur laquelle apparaît une représentation du Manoir Kakinanga et les mots « La vraie vie: les vacances à Kakinanga! », en lettres stylisées qui changent de couleur à toutes les secondes. Il se demande s'il trouve la robe simplement criarde, ou totalement laide.

— Tu sais Darce, le monde à l'école est pareils comme en ville, reprend Sandy. Si tu te laisses faire sans rien dire, ils vont t'écraser et te marcher dessus.

Tout en parlant, Sandy l'entraîne vers la sortie. Ils passent devant un large salon nommé «Agence de Spacioportails Fédérale» où des panneaux d'affichage clignotent, indiquant les prochains relais vers des destinations éloignées. Il y a une foule impressionnante de voyageurs qui attendent que la destination de leur choix soit affichée. Alors, ils passent une porte métallique en petit groupe avant que le vrombissement d'un gong vienne ajouter son tapage au chaos environnant.

Darcy n'écoute pas trop sa soeur, il est concentré à garder son calme car la foule grouillante et bruyante l'intimide. Il est si occupé à compter ses inspirations qu'il évite de justesse un garçon qui court sans regarder où il va, une énorme crème glacée bleue à la main.

— Henri, viens ici! Attends-moi, l'interpelle une femme rousse en tentant de le rattraper, jetant un regard paniqué aux adolescents. Désolée...

— Ce n'est rien, balbutie Darcy mais la femme est déjà partie à la suite de son enfant.

Lorsqu'ils aboutissent à l'extérieur, il peut enfin respirer. Un soleil radieux inonde la place verdoyante menant au port à leur gauche. Darcy prend un instant pour reprendre son souffle, la proximité d'étendus d'eau l'ayant toujours apaisé. Kakinanga est, sans nul doute, le plus important village de sorciers et de magiciens de tout le Québec. Il existe, certes, d'autres bourgades telle que la Pointe-Souffrée dans l'Archipel Doublet, là où se trouve l'École Secondaire Barbe-Hallay mais nul n'est aussi effervescent que Kakinanga. Le long de la rive, du côté ouest se trouvent des résidences cossues appartenant à de fortunées familles de magiciens. Plus loin, vers l'est, le fameux Manoir Kakinanga affiché sur la robe de mage pour touristes, désormais transformé en auberge de luxe autour duquel s'étend le village avec ses rues pavées et ses bâtiments joyeusement colorés.

Sandy sort un petit carnet rose de sa poche et l'ouvre, cherchant à l'intérieur.

— Lucie et Luna ont dit qu'elles nous attendraient devant la Garde-robes de Mademoiselle Blanche. C'est le meilleur endroit pour trouver nos uniformes. On va commencer par là, c'est ce qui est le plus long à faire.

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La Garde-robes de Mademoiselle Blanche se trouve dans une rue étroite dont le trottoir est bordé de boîtes à fleurs. Quatre filles et un garçon attendent devant l'entrée de la boutique. Lorsque les deux plus âgées voient Sandy, elles se lèvent et se précipitent vers eux en poussant des exclamations de joie. Les filles se font des accolades avant de se diriger vers la porte. Darcy suppose qu'il s'agit de Lucie et Luna, mais comme il n'a jamais rencontré les amies de sa soeur, il ne les reconnaît pas.

— Les filles, voici mon frère, Darcy, présente Sandy.

— Salut, fait celle aux cheveux noirs. Moi, c'est Lucie et ces deux-là, ce sont mon frère Matthieu et ma soeur Liane.

Darcy aurait pu jurer que ces trois-là étaient de la même fratrie sans qu'on lui précise. Ils ont quelque chose de similaire, peut-être leur visage rond ou leurs yeux rieurs en amande? Lucie et Matthieu ont la peau couleur miel tandis que Liane a le teint beaucoup plus clair. Darcy se dit que c'est probablement la fille avec le plus de cheveux qu'il a vu de toute sa vie. On dirait que son élastique a du mal à retenir sa queue de cheval bouclée. Cela la rend immédiatement sympathique aux yeux du garçon. Il réussit tout juste à rassembler assez de courage pour lui sourire lorsqu'une grande blonde se jette presque devant lui, lui tendant la main.

— Salut, je m'appelle Stella! Liane et moi, on entre en Secondaire 1 à Barbe-Hallay. J'ai vraiment hâte! Et toi?

— Laisse-le un peu respirer, Stell, dit Luna, parce que Darcy se dit que la dernière fille, qui ressemble beaucoup à sa petite soeur, doit être Luna Villanueva. Il n'est peut-être pas habitué aux moulins à paroles de ton espèce.

Luna a raison. Darcy n'a pas l'habitude des gens bruyants et volubiles. Heureusement, Matthieu lui fait seulement un signe de tête avant d'entrer dans la boutique en murmurant quelque chose à propos des filles et de leur lenteur.

— Matthieu est en Secondaire 2, continue Stella, totalement indifférente aux remontrances de sa soeur, entraînant son amie Liane près de Darcy. Il est un peu bougon parce qu'il a hâte de retrouver ses amis mais Lucie lui a dit qu'il devait d'abord prendre ses uniformes avec nous. Au fond, c'est parce qu'il faut le surveiller, sinon, il va choisir n'importe quoi sans vraiment regarder.

La Garde-robes de Mademoiselle Blanche regorge d'uniformes de toute sorte. On retrouve les uniformes des deux écoles de sorcelleries canadiennes, l'École secondaire Barbe-Hallay ainsi que Rockwood Magical Academy, et, au cas où quelques uniformes d'Opal-Wickham's High, l'école située dans le nord-est des États-Unis. Il y a également des uniformes d'infirmiers, des tenues de sports ainsi que des uniformes d'officier de la Sûreté Magique du Québec et de la Défense Magique Canadienne. Un jeune homme aux cheveux coiffés en piques dans la début vingtaine s'avance vers eux.

— Bonjour et bienvenue à la Garde-robes de Mademoiselle Blanche, mon nom est Jean-Sébastien, comment puis-je vous aider?

C'est clair que le « vous » s'adresse spécifiquement à Luna. C'est vrai qu'elle est très jolie, pense Darcy, avec sa peau claire, ses yeux gris et sa longue chevelure blond doré qui ondule autour de ses épaules. Luna sourit poliment au vendeur et lui explique qu'ils sont des étudiants de Barbe-Hallay.

— Super! fait le vendeur, son sourire s'élargissant d'un cran. Il y a beaucoup de monde de B.H. aujourd'hui. Suivez-moi, déclare-t-il en tournant les talons. Si vous voulez, je peux peut-être aider les gars à trouver leurs uniformes, cela vous permettra d'aller plus vite.

— Cool! dit Matthieu. J'ai pas vraiment envi d'attendre après mes soeurs.

Ils arrivent près d'une allée remplie d'uniformes noirs et bleu royal. Au bout de l'allée, une plaque annonce: « École secondaire Barbe-Hallay ». D'un côté se trouvent les uniformes féminins et de l'autre les uniformes masculins.

— C'est un peu effrayant d'être en Secondaire 1, n'est-ce pas? Mais vous allez voir, on s'habitue vite. B.H. est vraiment cool, tente de discuter Jean-Sébastien en plaçant un uniforme devant Matthieu pour juger de la taille.

— Je suis en Secondaire 2! répond l'autre en lui arrachant le cintre des mains. Je suis juste petit. Le Secondaire 1, c'est lui.

Darcy se sent un peu honteux de l'attitude de son compagnon alors que le vendeur reste surpris de sa réaction. En l'entendant, Lucie écarte les vêtements de ses bras afin de jeter un regard noir à son frère à travers le présentoir.

— Matt, si tu fais le con, on va appeler Marisol pour qu'elle te surveille.

— Je suis capable de prendre mes uniformes tout seul. Je sais quelle taille je porte! J'ai aussi besoin d'une tenue de surf-polo.

— Ce sera dans la section sports, au fond à droite, indique le jeune vendeur avant de se tourner vers Darcy pour l'assister.

En cinq minutes, Matthieu a prit tout les vêtements dont il a besoin. Il les jette dans le panier de Lucie avant de s'enfoncer plus loin dans le magasin à la recherche des vêtements de sport. Peu après, le vendeur termine d'aider Darcy et est appelé ailleurs dans la boutique. Les trois plus grandes papotent tout en choisissant les vêtements dont elles auront besoin pour l'année à venir. Seule Liane ne prend rien. Lorsque Stella tente de la convaincre qu'elle devrait s'acheter au moins une jupe neuve pour son uniforme de cérémonie, arguant qu'ils n'auront qu'une seule première année à B.H. Liane répond que Lucie est tellement soignée que ces anciens uniformes sont encore en parfait état et lui conviendront à merveille.

— Je ne vois pas l'intérêt d'acheter des vêtements neufs quand nous en avons à la maison qui sont tout à fait convenables, dit-elle. Ma tante Gaby a même fait les ajustement de l'ancien uniforme de cérémonie de Lu afin qu'il m'aille parfaitement.

— Darcy, aide-moi à trouver une jupe taille 7 en bleu s'il te plaît. On dirait qu'il n'y en a plus, demande Sandy. Je vais aller voir un peu plus loin au cas où elles auraient été mal rangées.

— J'ai besoin d'un nouveau manteau aux couleurs de B.H., déclare Luna tout en empoignant son panier. Tu viens, Stella, on va aller faire ajuster ton uniforme de cérémonie en même temps.

— On revient! s'écrie gaiement Stella en bondissant sur les traces de sa soeur.

L'allée est maintenant silencieuse. Lucie examine les uniformes choisis par son frère afin de s'assurer qu'ils n'ait rien oublié. Près de lui, la silencieuse Liane fouille les jupes et Darcy suppose qu'elle l'aide car elle ne regarde que les jupes bleues. C'est alors que le garçon aperçoit le loup blanc couché sous le présentoir des vêtements. Il se demande bien ce qu'il fait là. En même temps, puisqu'il se trouve dans une boutique pour magiciens au milieu d'un village de magiciens il ne devrait pas s'étonner. On a vu des choses bien plus étrange à Kakinanga qu'un loup blanc se reposant sous une rangée d'uniforme scolaire.

Cependant, Darcy est si captivé qu'il n'entend pas les pas qui s'approchent de lui. C'est pourquoi il sursaute autant lorsqu'on le pousse violemment dans le dos, lui faisant perdre l'équilibre. Il tombe, poussant un cri aigu qui lui fait immédiatement honte. Dans sa chute, il a eu le réflexe de tenter de se rattraper pour ne pas écraser le loup, ce qui a eu pour résultat d'arracher une bonne quantité de jupes de leur cintre. Empêtré dans les vêtements, il sent le rouge lui monter aux joues et souhaite désormais que le plancher l'engloutisse.

— Regarde ce que tu fais, débile! crache le garçon qui vient de le bousculer.

— Euh... je..., ne peut que balbutier Darcy.

Ça y est, ça recommence. Pourquoi ces choses lui arrivent-elles toujours à lui? Darcy déteste les confrontations. À chaque fois, il fige et a la tête qui tourne. Sachant qu'il doit trouver un moyen de vaincre la panique qu'il sent remonter du fond de son ventre, il regarde autour de lui, égaré. Le loup a à peine bougé, lui jetant un regard curieux et, ose-t-il à peine penser, plein d'empathie.

— Tu t'es trompé de côté, crétin, c'est le côté des filles ici, ajoute le garçon d'un ton moqueur.

— C'est peut-être une fille, dit la voix d'un autre adolescent qu'il ne peut pas voir de là où il a atterri. Ça sonnait comme une petite voix.

Et soudain, une voix douce sort Darcy de sa stupeur.

— Ah, vous êtes ce genre de personnes.

C'est Liane. Le ton est neutre et paisible, indifférent, une simple constatation. C'est suffisant pour que le garçon qui a poussé Darcy se retourne vers elle, tentant de l'intimider de toute sa hauteur. Mais Liane ne bronche pas. Elle reste là, calme et immobile, ses yeux, d'un saphir très profond levés vers le plus grand. Darcy se dit que c'est sans doute le regard le plus hypnotisant qu'il n'a vu de sa vie, les yeux de Liane lui faisant penser à ceux du loup blanc couché près de lui sous les vêtements.

— Ce genre de quoi? demande le grand, le ton hostile.

— Le genre à accuser les autres lorsque tu fais une erreur.

En tentant de se dépêtrer des uniformes, Darcy remarque qu'il y a trois filles et deux garçons. Celle qui a supposé qu'il était peut-être une fille a les cheveux tombant artistiquement sur les épaules, parsemés de mèches rouges. À l'allure de leurs tenues, Darcy comprend qu'ils viennent de familles très aisées. Deux d'entre eux ont l'air de jumeaux et la dernière fille est aussi petite que Liane avec des cheveux très bouclés d'un brun riche comme le chocolat. Soudain, la jumelle se met à hurler, pointant sous la rangée de vêtements.

— Ah! Un loup, un loup!!! Rei, ne les touche pas, ce sont des monstres!

— Ce sont des loups-garous, dit la bouclée d'un ton dédaigneux avant de pointer un doigt vers Liane. C'est une Kapesh, je reconnais son air de chien!

À cet instant, Lucie et Matthieu reviennent vers eux. Matthieu fait un vilain sourire, la bouche étrangement pleine d'une salive épaisse, mousseuse et sanglante. Il pousse un grondement et crache sur le garçon nommé Rei, des gouttelettes teintées de rouge éclaboussant son visage et ses vêtements. Darcy remarque, du coin de l'oeil, que Lucie profite de la distraction pour discrètement jeter quelque chose par terre.

— À votre place, je me rendrais à l'hôpital, dit Lucie, cinglante. vous savez bien que le sang de Matthieu est empoisonné.

Les autres tournent les talons, prêts à s'enfuir mais ils ont beau forcer, on dirait que leurs chaussures sont collées au sol. Les mèches rouges et Rei se mettent à crier et la jumelle et la frisée se mettent à pleurer. Après trois pas pénibles, ils peuvent enfin marcher normalement et s'en vont à toute vitesse.

Matthieu est vraiment effrayant avec sa bouche sanglante et son rire puissant. Lucie lui tape chaleureusement l'épaule tandis que Liane tend la main à Darcy pour l'aider à se relever avant d'entreprendre de replacer les uniformes sur leur cintre.

— Bien joué, Lu, s'exclame Matthieu dont la bouche dégouline toujours de façon monstrueuse.

— Ouais, mais enlève ça, c'est dégueulasse.

— Je sais! D'ailleurs, je comprends pas pourquoi c'est toujours moi qui doit faire le coup de la rage du loup-garou.

Matthieu prend un mouchoir et recrache une grosse masse rouge et gluante pleine de salive. Lucie lui tend une bouteille d'eau et il boit avant d'ouvrir grand la bouche et de sortir la langue. Lucie jette un coup d'oeil à l'intérieur puis conclus:

— Il n'y en a plus.

— T'es certaine? Parce que ça goûte encore dégueu.

C'est à ce moment que Sandy revient dans l'allée. Juste comme elle s'approche, les frère et soeurs Kapesh s'écrient tous en même temps:

— ATTENTION!

— C'est du Jus de chaussette de plomb, explique Lucie. J'ai dû vider toute la fiole, mais je les ai tous eu ces petits crétins. Ça devrait être sec dans environ trente secondes.

— Que s'est-il passé? demande Sandy. Darcy, ça va?

Elle fait un geste vers son frère puis se ravise, regardant par terre. Elle estime plus sage de rester sur place de l'autre côté de la flaque de Jus de chaussettes de plomb. Darcy est encore secoué mais se sent bien. Il ne comprend pas trop ce qui vient de se passer, car tout est arrivé tellement vite. La fratrie Kapesh sourit se jetant des regards amusés.

— C'était ce connard de Reinhart Rasmussen, explique Matthieu. Il s'en est pris à Darcy et on lui a montré à ne pas s'en prendre à nos amis. Les autres étaient tous des Secondaires 1, donc je ne les connais pas. Vous allez avoir une belle classe, la gang si tous ces nouveaux se tiennent déjà avec un crétin comme lui!

— En quelque part, je ne suis pas étonnée que Rosie se tienne avec des gens comme ça, soupire Liane en terminant d'accrocher les jupes.

— Qui est Rosie? demande Sandy.

— Une cousine, du côté maternel, explique Lucie. J'ai reconnu l'air de pimbêche des Duval, je suppose que la fille aux mèches en est une.

— Passion, je pense, si je me fie à ce que Félicité a raconté toute l'année. J'ai vraiment aucune idée de qui sont les deux autres, répond Matthieu.

— Ce Reinhart n'a pas l'air très gentil, ose commenter Darcy.

— Il n'est pas dangereux, fait Matthieu d'un air détaché. C'est un peu la guerre ouverte entre lui et moi, mais B.H. est assez grande pour que les adultes réussissent à nous tenir loin l'un de l'autre la plupart du temps. Par contre, vous allez devoir faire attention, avec une Duval, Rosie et leurs amis dans votre groupe, ça pourrait devenir intéressant.

— Les Duval ne sont pas si pire que ça, remarque Lucie. Tem est plutôt cool dans son genre.

Les adolescents s'observent tous, certains avec des moues dubitatives, d'autres avec l'air songeur. Cette première confrontation, avant même que l'année scolaire ne soit commencée est banale pour les plus grands, mais inquiète tout de même Liane et Darcy. Darcy n'est pas certain qu'"intéressant" soit le terme approprié pour décrire l'aventure qu'il vient de vivre. Lucie s'avance précautionneusement vers la flaque de Jus de chaussettes de plomb et y dépose le coin d'un mouchoir avant de tenter de le retirer. Elle constate alors avec satisfaction que son effet alourdissant s'est évaporé.

— C'est sec, on peut y aller, annonce-t-elle.

— J'aurais vraiment aimé trouver une jupe bleue... soupire Sandy.

C'est alors que Liane lui tend un cintre. Les yeux de Sandy s'écarquillent de surprise et de joie et elle fait un grand sourire à Liane.

— Waouh, merci! Je l'aime bien ta soeur, Lu... Darce, tu peux être ami avec eux, ce sont des gens cools!

Matthieu et Lucie éclatent de rire. Enfin, Lucie et Sandy partent devant, puis Matthieu pousse le panier des Kapesh à leur suite. Darcy, fermant la marche en compagnie de Liane, se risque à demander:

— C'est quoi, cette histoire de loup-garou?

D'un geste aérien de la main, la jeune fille balaie les inquiétudes de son interlocuteur, désignant son compagnon à quatre pattes.

— Au fond c'est rien. C'est vraiment rien.

Le loup blanc marche à ses pieds, silencieux comme une ombre. Comme s'il comprenait qu'on parle de lui, il jette un regard vers les deux adolescents puis retourne son attention aux alentours.

— C'est juste que les gens confondent les Gardes avec un peu n'importe quoi. Matt prend un malin plaisir à encourager leur bêtise.

— Rasmussen le mérite! C'est le pire con de l'univers! interrompt Matthieu. Puis tu peux bien parler, avec ton regard de glace, je suis certain que tu aurais réussi à le faire pisser dans ses culottes toute seule.

— N'exagère pas, fait Liane en riant, ses joues rosissant de plaisir sous le compliment.

Matthieu se retourne pour les regarder. Il marche à reculons, poussant maintenant le panier avec son dos.

— C'est un cave, je te dis, Li! Tu aurais réussis, j'en suis sûr! Mais j'avoue que ça prend moins de temps de lui faire croire que je viens de le contaminer avec ma salive de loup-garou enragé.

Liane réfléchis un moment, considérant le point de vue de son frère. Semblant se décider, elle reprend:

— Mais est-ce que ça vaut la peine de croquer des Baies Sanglantes pour ça?

Matthieu grimace et trébuche. Devant eux, Lucie vient d'arrêter le panier d'une main ferme avant qu'il leur fonce dessus. Ils sont arrivés dans la file d'attente les menant aux caisses.

— Non, je suppose que ça ne le valait peut-être pas vraiment. J'ai l'impression que je vais avoir le goût dans la bouche toute la journée.

Il ouvre a nouveau grand la bouche, montrant l'intérieur aux deux plus jeunes.

— Vous êtes sûrs qu'il n'en reste plus?

Curieux malgré lui, Darcy jette un coup d'oeil à l'intérieur. Il ne semble pas y avoir aucune trace de rouge nulle part. Il secoue la tête pour signifier à l'autre garçon qu'il ne voit rien d'anormal.

— Merci, dit Matthieu. Toi je te crois. Mes soeurs, pas tellement. Elles sont du genre à me faire croire que tout est parti juste pour se moquer de moi.

— Parce que tu ne nous ferais jamais la même chose si on avait l'idée stupide de mordre dans une Baie Sanglante, dit Liane d'un ton un brin moqueur.

— Non! Jamais! pousse le garçon l'air faussement indigné.

L'ambiance est beaucoup plus détendue entre les adolescents après cette aventure. Luna et Stella viennent les rejoindre dans la file d'attente, les bras chargés de paquets. Visiblement, elles n'ont pas acheté que des uniformes et un nouveau manteau. Matthieu raconte leur rencontre avec Reinhart Rasmussen et ses amis en s'efforçant d'être le plus drôle possible. Il fait rire tout le groupe et le temps passe très rapidement. Bientôt, ils se retrouvent à nouveau dans la rue, leurs nouveaux achats bien emballés dans des sacs de toile à l'effigie de la Garde-robe de Mademoiselle Blanche.

— On va aller porter tout ça dans la voiture de ma mère, décide Luna. Sandy, ton petit frère et toi pouvez laisser vos sacs avec les nôtres, vous n'aurez qu'à les reprendre avant de partir.

— Excellente idée, reconnaît Sandy.

Après avoir déposé ses sacs, Matthieu les salue et part de son côtés rejoindre ses amis. Il a très hâte de les revoir, d'autant plus que son meilleur ami, Léo Legrand, a passé une partie de l'été chez un autre membre de leur bande et qu'il lui tarde de lui raconter cette première altercation avec Rasmussen.