Chapitre 10


Salut,


La première Chronique tire à sa fin. La suite dans le prochain épisode. :)


Bonne lecture!


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Chapitre 10


Sept morts, dont quatre Collecteurs, une trentaine de blessés - seulement cinq enfants - et deux disparitions.

— Comment ça, "pas à l'Abbaye"? s'insurge Raphaël, sur le point de péter les plombs.

Églantine FierTrèfles a l'air épuisé et abattu. Sa tunique blanche est couverte de poussière, de sang et de crasse, preuve qu'elle s'est mêlée aux efforts de recherche comme tous les autres.

Eduardo est venu rejoindre Marisol et la docteure s'est réfugiée dans ses bras, leurs deux filles serrées contre eux. Hilda van Meierlindt laisse petit à petit partir les familles, le regard sombre. Reinhart Rasmussen et sa mère ont été emmené au poste de la Défense Magique Canadienne car Reinhart est le dernier à avoir vu Anya avant qu'elle ne parte pour les Jardins.

Tous sont épuisés, mentalement et physiquement et certains sont en deuil. L'un des adolescents mort vient d'une des rares familles Régulières et Raphaël regrette, dans le coin de son esprit qui n'a pas envie d'étrangler la Collecteure pour avoir perdu sa fille, que les parents de cet adolescent ne sauront jamais ce qui est arrivé à leur fils.

— Liane et Damien devaient être transporté à l'Abbaye de toutes les sagesses, reprend Églantine, l'air plus impuissant que jamais.

— Visiblement, ça n'a pas fonctionné, dit Géraldine.

L'Artificière a un bras en écharpe. Elle a été prise dans un glissement de Jardins du à l'ouverture des portes. Cela ne l'a pas empêché de prêter main forte aux équipes de recherche et d'effectuer plus que son lot d'ouvrage. Son chignon strié d'argent est à moitié défait et poussiéreux et sa besace d'objets enchantés et de potions est presque vide. Elle a utilisé tout ce qu'elle transportait pour libérer les victimes et les aider à survivre. Elle a déjà trois ou quatre idées pour aller chercher son petit fils chez ces foutus Collecteurs.

— Kauapat les trouvera, dit Tavik. Elle a flairé leur piste.

À son retour, Lucie et Matthieu se sont précipité dans les bras de leur père et ne le quitte plus, silencieux et songeurs.

— Jaharl et d'autres Gardes sont partis rejoindre Kauapat, fait Matthieu, voulant se montrer encourageant. En groupe, ils réussirons à les repérer.

— Je ne doute pas que les Gardes les trouveront, répond le père, incapable de cacher la vérité à ses ados. C'est l'état dans lequel ils les trouveront qui m'inquiète. L'Abbaye de toutes les Sagesses collecte principalement des animaux magiques. Griffons, Gargouilles, Hydres, Drakes, pour ne nommer que ceux-là. Nous savons tous que votre soeur est débrouillarde et courageuse.

— Justement, fait Lucie. Elle n'est pas assez folle pour affronter des Hydres et des Hyppogrifes. Li n'est pas conne, elle trouvera un moyen de survivre.

Raphaël sourit. Lucie a raison. Liane est prudente et débrouillarde, elle trouvera le moyen de s'organiser jusqu'à ce qu'on puisse les emmener en sécurité Damien et elle.

En espérant que Damien soit bien avec elle.

— Kapesh, lance McLeod en s'avançant vers eux. J'ai encore besoin de toi.

— Je suis écrivain, Vince, pas agent. Demande à quelqu'un d'autre.

— Toi, écrivain! Désolé mon gars, mais va falloir que tu publie pas mal plus qu'une quinzaine de livres en dix ans pour me convaincre que t'es écrivain. T'es comme Doc Nadeau, t'es à ta place sur le terrain. Parish de la DMC et moi avons besoin de ton expertise alors amène ton cul de Sentinelle au poste.

Raphaël soupire et entoure les épaules de ses enfants d'un bras, Matthieu à gauche, Lucie à droite. Les deux adolescents se réfugient contre lui et l'étreigne très fort, comprenant qu'ils devront bientôt se quitter.

— Si jamais l'idée vous prend de postuler à la DMC ou à la SMQ, allez faire un tour dans le bois et attendez que ça passe. Parce qu'une fois que vous avez signé le contrat d'embauche, ils pensent que vous leurs avez vendu votre âme et ne vous lâche plus jamais!

— On va faire attention, p'pa, ricanent Matthieu et Lucie.

— J'imagine que ça sert à rien de t'attendre et qu'on ferait mieux de rentrer à l'Anse, demande Lucie.

— Si je n'ai pas donné de nouvelles d'ici demain, dites à Gaby de surtout pas appeler la Sureté, des plans pour qu'ils la réquisitionne aussi.

— On va y penser, répond Matthieu.

Raphaël ébouriffe les cheveux de ses deux ados, reçoit un bisou sur la joue de chacun d'eux et les laisse aller. Il attend de les avoir vu enfouir leurs mains dans le pelage de Rajik avant de disparaître pour tourner les talons et rejoindre les officiers supérieur des forces de l'ordre. Vince McLeod a quand même à moitié raison. Il se sent vivant lorsqu'il enquête. Il se a besoin d'être utile et apprécie les défis qui stimulent sa créativité.

Mais une quinzaine de livres en dix ans font quand même de lui un écrivain.


☪️ ☪️ ☪️


Le soleil descend lentement à l'ouest tandis que Liane et Damien parcourent un sentier en pente douce qui serpente le long d'un ravin. Le pic qu'ils doivent franchir afin d'atteindre le plateau où est camouflé l'Abbaye ne leur semblait pas si loin lorsqu'ils ont commencé leur ascension. Cependant, plus ils avancent, plus ils ont l'impression que la montagne grandit.

Ils ont parcouru un nombre incalculable de kilomètres, traversé des ponts suspendus qui ont fait vomir Liane de frayeur et qui ont forcé Damien à la transporter sur son dos, pataugé dans des ruisseaux s'écoulant sur des terrains rocailleux, se sont accrochés des mains et des pieds à des arbrisseaux et exploité à son maximum les dons d'Élémentaliste de Liane.

Tout ça pour ne pas arriver à atteindre leur but.

— Ils ne doivent pas savoir que nous sommes là, soupire Damien en se laissant tomber dans l'herbe, épuisé.

Liane le rejoint au sol, jetant son sac sur le côté afin de s'étendre sur le dos dans l'herbe.

— Pourquoi dis-tu ça? demande-t-elle.

Damien reste assis. Il a l'impression que s'il se couche, il ne pourra jamais plus se relever. Il prend quelques gorgées d'eau avant de répondre:

— Je pense que c'est une sorte de protection. Ma grand-mère m'a déjà parlé de quelque chose de similaire. Elle a appelé ça l'effet labyrinthe.

— Ah bon.

La Terre soulage ses muscles endoloris. Si elle était seule, Liane retirerait son chandail et ses pantalons afin que sa peau entre en contact avec le sol et que l'élément Terre puisse s'infiltrer en elle plus facilement. Mais sa pudeur et la peur du jugement de Damien l'en empêche. Elle se contente donc de retrousser ses manches et les jambes de son pantalon puis de faire discrètement remonter le bas de son pull dans son dos afin qu'au moins quelques portions de sa peau puissent absorber un maximum d'énergie.

— Il s'agit d'une défense passive que possèdent certaines forteresses, explique Damien. La magie qui entoure un lieu déterminé d'avance donne l'illusion aux voyageurs qu'ils ne l'atteindront jamais. Je pense que nous nous trouvons dans ce genre de boucle où les distances s'allongent au fur et à mesure que nous progressons afin que nous n'atteignons jamais notre but.

Liane ouvre un oeil et le regarde, cachant mal un certain agacement.

— Ça te tentait pas de me dire ça avant qu'on soit morts de fatigues?

— J'y ai pas pensé. C'est une magie vraiment complexe et la lettre disait que nous étions attendu.

— Visiblement, nous ne le somme pas.

— Il doit y avoir eu une erreur quelque part.

Damien hausse une épaule et fouille les sacs à la recherche de provisions. En vain, ils ont déjà tout mangé les fruits et les noix. Il masse ses mollets, se frotte le visage à l'aide d'un filet d'eau qu'il fait couler au creux de sa paume.

— Il faudrait se mettre à l'abri, dit-il.

Liane ne répond pas. Elle laisse sa conscience écouter la Terre sous elle, reçoit une quantité importante d'informations sur la composition du sol, les différentes variété de plantes qui pousse sur les versants de la montagne et peut même ressentir les différents terriers.

Les Éléments ne communiquent pas comme les Gardes. Leurs pensées sont celles de minéraux, de molécules. Cependant, elle a l'impression que la géographie environnante s'imprègne en elle, devient une partie de sa conscience, comme un souvenir.

— Il y a une cabane à deux cent mètres, dit-elle. On devrait aller s'installer là-bas pour attendre le jour.

La sensation est étrange, un peu comme si elle avait une deuxième peau et qu'on la chatouillait avec une plume.

Et lorsqu'elle se remet sur pieds, cette sensation disparaît. Liane comprend que pour ressentir la Terre, elle doit être en contact direct avec elle. Mais heureusement, elle sait précisément où aller et n'aura pas besoin de marcher pieds-nus dans la montagne pour retrouver leur refuge.

Ce n'est pas un endroit très reluisant. Une véranda minuscule, haute d'une cinquantaine de centimètres entoure une maisonnette d'environ 10 mètres carré. La construction de bois se décline en une seule pièce où se trouve une couchette, un poêle de fonte et quelques tablettes contenant des boîtes de conserve et un livre de Sudoku. Liane prépare une flambée dans le poêle tandis que Damien examine les conserves.

— Les dates me semblent convenables, dit-il, pour autant qu'on soit du genre à manger des pêches et des haricots rouges.

— J'ai pas faim, ment Liane qui n'a aucune envie de manger des conserves dont elle ignore la provenance.

Enfin, jusqu'à ce qu'elle voit Damien utiliser quelques sortilèges de détection sur les boîtes métalliques avant d'en ouvrir deux.

— Il n'y a aucun poison et leur contenu est encore tout à fait acceptable, précise-t-il.

Bon, dans ce cas, pourquoi pas? Elle tend la main et ramasse la canne de haricots avant de la déposer près des flammes.

— T'as raison, ça va être meilleur chaud.

Ils ne mettent pas de temps à dévorer le contenu des deux conserves et terminent l'eau qu'ils avaient encore avec eux. Il y a une source pas très loin et Liane est confiante de pouvoir la retrouver une fois le jour venu. Comme ils tombent de fatigue, ils s'endorment en à peine quelques minutes, partageant tant bien que mal la couchette inconfortable.

Au moins, se dit Damien en se laissant sombrer, nous ne risquons pas de mourir de froid, Liane est aussi bouillante qu'une Drake.


☪️ ☪️ ☪️


Des mouvements dans son dos réveillent Liane qui tente de se débattre en réalisant qu'une main est plaquée sur sa bouche.

— Ne fais pas de bruit, souffle Damien à son oreille, nous avons été repéré.

Après qu'elle ait hoché la tête, Damien retire sa main. Collé contre son oreille, il souffle:

— Nous avons de la compagnie... beaucoup, souffle le garçon.

Dans la fenêtre fracassée à côté de la porte, une tête de chèvre noire les fixe de ses yeux rouges. Elle renifle l'air et bêle avant qu'un grognement sourd se fasse entendre.

— Une chimère, souffle Liane lorsque des écailles de bronze d'une aile reptilienne apparaissent dans l'embrasure de la porte entrouverte.

Damien acquiesce avant de pointer du doigt en direction du poêle de fonte. Le feu allumé par Liane brûle toujours, ce qui est impossible considérant qu'il n'y a plus de bois. Les flammes de couleur rouge ne dégagent que très peu de chaleur et se tortille, puis rampent, formant une forme éthéré semblable à celle d'un lézard.

— Une salamandre! gémit Damien tandis que la petite créature coule doucement hors du poêle. D'où sort-elle?

Liane l'ignore. Cependant, elle ne croit pas qu'ils doivent craindre la petite Salamandre. Elle est encore très petite et les étincelles qu'elle laisse échapper sont beaucoup trop minuscules pour être dangereuses. Elles s'éteignent avant que le bois sec du plancher ne prenne feu.

Ouvrant la gueule, la chèvre noire sort une langue fourchue qui dégouline de salive acide. En réponse, la salamandre s'éclaire, devenant de plus en plus brillante et brûlante. Et cette fois, lorsque les étincelles tombent au sol, le bois s'embrase.

Damien et Liane sont pétrifiés. La tête de chèvre se rétracte puis des pattes énormes la remplacent, s'agrippant au cadrage et arrachant la fenêtre et le mur. envoyant des éclats de bois partout autour, venant alimenter les flammes.

Les adolescents se serrent l'un contre l'autre, effrayés. Il n'y a rien de plaisant à se retrouver entre une chimère et une salamandre dans une cabane de bois sec dont la seule issue est en feu et, de surcroit, bloquée par une créature gigantesque à trois têtes.

— Elle est encore plus grosse que le griffon, gémit Damien. C'est peut-être d'elle qu'il se cachait...

— Ça m'étonnerait, les chimères ne sont pas tellement de bons voltigeurs, ils sont très peu aérodynamiques avec leurs trois têtes inégales. En combat aérien, le griffon est nettement supérieur.

La salamandre a encore grossi et blanchie en gagnant de la chaleur, se nourrissant des flammes et du bois de la cabane pendant que la chimère projette des jets d'acide avec sa tête de reptile et sa tête de chèvre. Les adolescents commencent à se dire que cette chimère a peut-être des gènes de lama quelque part à force de cracher ainsi. L'air se raréfie et les adolescents toussent et manquent d'oxygène, la cabane devenant un brasier infernal ou seul le petit coin à la tête de la couchette n'est pas affecté.

— Il faut défoncer le mur, essaie d'expliquer Damien. On pourra se sauver par là.

C'est une bonne idée, seulement, le feu s'approche et ils ont de moins en moins d'espace pour prendre un élan. Et soudain, les flammes et la salive acide entrent en contact et BOUM!!!

L'explosion est si forte que les deux adolescents sont projetés dans les airs comme des boulets de canon.

"De la boue... de la boue... il nous faut de la boue!!!!!" pense très fort Liane tandis que Damien et elle tourbillonnent dans les airs, s'accrochant l'un à l'autre.

Hurlant de terreur, la fille et le garçon tourbillonnent jusqu'à ce que...

SPLATE!

La boue froide et humide les enveloppe, amortissant leur chute et leur épargnant des blessures certaines, pénétrant par tous leurs orifices. Damien et Liane s'immobilise dans une marre vaseuse qui n'existait pas quelques instant auparavant.

À quelques mètres de là, un enfer blanc dévore le plateau herbeux et la chimère réchauffant la boue sans toutefois s'attaquer à Liane et Damien.

— Oh, nom d'un pustule de troll des marais! s'exclame Damien en recrachant de la boue. Comment est-ce possible?

— On dirait que nous nous sommes trompés, constate Liane s'asseyant à son tour et tentant de se dégager le visage de son mieux. Ce n'est pas une salamandre ordinaire.

L'air est brûlant mais la fraîcheur de la boue les protège. Soudain, des hurlements viennent se mêler à la scène horrible, faisant frissonner Damien d'horreur et sourire Liane, juste avant qu'elle se retrouve écrasée sous une masse de poils plus très blanc qui agite la queue frénétiquement.

— Kauapat! s'écrie Liane en s'accrochant à son cou.

La louve lèche son visage et couine, lui témoignant son soulagement de l'avoir retrouvée tandis que la jeune adolescente s'étouffe et recrache encore plus de boue.

Les adolescents et la Garde, au milieu de leur marre de boue, regarde les flammes finir de consumer le plateau en silence, tentant de se remettre de leurs émotions. Lorsque les flammes ne sont plus que de petits foyers fumants qui auront bientôt fait de s'éteindre, ce que les adolescent ont cru être une salamandre se tourne vers eux et inclinent la tête reptilienne avant de passer du bleu au blanc au jaune à l'orange jusqu'au rouge pour enfin disparaître dans la nuit.

— Qu'est-ce que c'était, demande Damien.

— Je ne suis pas certaine, répond Liane.

À cet instant, trois paravoiles descendent vers le plateau et des êtres vêtus de noir en descende, des globes lumineux volant autour d'eux. L'un d'eux, qui semble être le chef parle dans un chuchoteur.

— Il y a eu une attaque de chimère sur le versant Ouest. Pas de victimes outre l'animal.

L'homme retire sa capuche, dévoilant uhne tête chauve aux oreilles pointues et au crâne recouvert de symboles magiques. Damien et Liane se jettent un regard inquiet, mais n'osent rien dire.

— Je les vois! Un garçon, une fille et une Garde, tous trois couverts de boue. À première vue, ils ont l'air sains et sauf quoiqu'un peu secoué. Hey, les enfants? Êtes-vous Liane et Damien?

Les adolescents hochent la tête, encore médusés par cette apparition. Sous la boue, ils se tiennent la main, espérant se donner un peu de courage.

— Il semblerait que ce soit eux. Nous allons les ramener à l'Abbaye et ils contacteront leurs parents lorsque nous nous serons assuré qu'ils vont bien.

Sur le plateau, les hommes en noir ont tous retiré leur casques et ils scrutent les lieux au peigne fin afin de s'assurer qu'il n'y ait plus aucun danger. Un homme transportant une trousse de premier soin s'approche d'eux et leur sourit, prenant soin de ne pas dévoiler sa dentition.

— Frère Archimède va vous examiner, les enfants. Ensuite, nous vous emmènerons à l'Abbaye en attendant que vos parents vous récupèrent.

— Et vous, qui êtes-vous?

— Ah oui, c'est vrai. Je suis Orion. Je serai votre intermédiaire car ici, les moines doivent faire voeux de silence.

Damien et Liane hochent la tête, épuisés. Tendant la main, le frère Archimède les aide à s'extirper de la marre de boue qui disparaît dès que Liane en est sortie.

— Excellente démonstration de force Élémentaliste, remarque Orion. J'imagine que c'est ainsi que vous avez réussi à vous débarrasser de la Chimère.

Mais les adolescents ne répondent pas. Épuisés, ils perdent conscience dès que le frère guérisseur les installe sur des civières. Orion fait signe à la Garde qui bondit sur la civière avec sa magicienne-partenaire et s'endort aussitôt. Les moines de toutes les Sagesses remontent sur leurs paravoiles avant de rentrer à l'Abbaye.

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