Bientôt près d'un mois que la chaleur du soleil n'avait plus touché le district de Banco et ses alentours. Les habitants perdaient la notion du temps, donnant une impression de confinement total. Soit on était éveillé, soit on rêvait. Mme Bon Sang était une personne peu connue, peu fréquentée. On ne la voyait presque jamais, sauf à sa fenêtre quand elle nous offrait l'occasion de voir sa chevelure grise. Le temps lui avait laissé de nombreuses traces, son visage était presque historique. Nous vivions dans un lieu pas assez gai à mon goût. Ici, c'était plutôt chacun chez soi, rien d'intéressant, moi qui revenais de la capitale où tout se passait très vite.Mais un soir, très sombre, plus sombre que les autres soirs, je ne sais pas comment j'ai fait la différence. Le pâle éclairage des piteux fanals avait du mal à exécuter leurs fonctions, mais malgré tout, je vis Mme Bon Sang sortir de chez elle, bougie en main. Elle se déplaçait de manière très spectrale, jetant un froid. Que cherchait-elle ? J'ai eu l'envie de la suivre, mais hélas pour vous, non, car je n'aimais pas le déroulement de ce scénario. Le poltron que je suis préférait rester chez lui. On disait que Mme Bon Sang était plus vieille que le district et qu'elle avait vu naître les parents de nombreuses personnes d'ici. Même le maire n'avait pas son nom dans le registre des natifs. À cela s'ajoutait le dire qu'elle était "PUNU DE NDENDE". Que dire !? C'est effrayant. On disait aussi qu'elle parlait aux morts et que les rares fois où elle sortait de son asile, c'était pour traîner avec d'autres sorcières et entités phantasmagoriques. À croire qu'elle n'était pas la seule folle d'ici.J'avais mal au dos, alors je décidai de m'en aller en chambre, faire la sieste quelques heures pour me reposer et oublier toute cette histoire. À mon réveil, plusieurs heures s'étaient passées. L'horloge indiquait 10 heures, du soir ou du matin, cette question ne se posait plus. J'entendis du bruit dehors, une agitation étrangère aux coutumes d'ici. La porte du salon s'ouvrit violemment, suivie de l'étonnement volcanique de mon père. J'accourus sur les lieux, je vis ma mère assise sur la chaise à trois pieds de sa grand-mère, l'air choqué. Moi, en revanche, j'étais stupéfait de la voir en équilibre sur cette chaise. Je n'ai jamais pu percer le mystère de ce tour d'équilibriste. Je repris mes esprits et essayai de m'acquérir de la situation. À mon grand étonnement, mon père m'annonça que Mme Bon Sang venait d'être découverte sans vie.Cette nouvelle me passa à travers la gorge. La vieille dame que j'avais vue quelques heures plus tôt déambuler dans la rue était morte, c'était invraisemblable. Je me précipitai à l'endroit bondé de gens. Apparemment, la nouvelle s'était vite répandue, mais je pense qu'ils étaient là plus pour voir à quoi ressemblait Mme Bon Sang que par compassion. Alors, je me faufilai parmi la foule, réussis à aller au devant et à avoir la meilleure place, à croire que la mort de Mme Bon Sang cartonnait au box-office. Arrivé devant le macchabée, la scène était macabre. Mme Bon Sang était livide, son corps sans vie gisant dans les bois.