Chapitre 1

 Fálki fit son premier pas dans la cité d'Ýlir avant le coucher du soleil, à l'heure où le ciel était rougi par les derniers rayons et où l'âme de la ville devenait plus sombre, plus inquiétante. Les oiseaux avaient arrêté de chanter et le jeune Egill devinait des effluves de pain qui venait d'une boulangerie fermée. L'odeur fit grogner son ventre à l'instant même où elle atteignit son visage, forçant Fálki à réellement prendre conscience de la situation. Il était seul et affamé.

Il avait terminé ses restes de nourriture quelques heures avant d'arriver en ville, mais il lui restait quelques pièces d'argent qui pesaient dans le fond de sa poche. Bien que les pièces ne soient pas réellement lourdes, elles lui donnaient cette impression par l'importance qu'il leur donnait. La nuit s'était déjà bien installée lorsqu'il entra dans l'une des auberges du centre-ville. Le jeune Egill avait laissé tomber l'idée de dormir dehors après avoir été attaqué par des vagabonds. Ils lui avaient volé ses chaussures et prirent ses pièces d'argent, à l'exception de celle qu'il avait rangée à l'intérieur de sa veste en cas d'imprévu comme celui-ci. Mais Fálki savait qu'une seule pièce d'argent ne lui suffirait pas pour manger plus d'un repas et dormir plus d'une nuit. La neige lui avait glacé les pieds et les cailloux qu'elle dissimulait les lui avaient écorché.

C'est donc sans chaussures et dans un piteux état qu'il poussa la lourde porte de bois de l'Enchanteresse. À l'intérieur de l'auberge, rien ne laissait paraître le chaos extérieur. Les rires et les bavardages ambiants s'arrêtèrent à l'instant même où Fálki pénétra dans la pièce, tous les yeux étaient sur lui. Des chuchotements commencèrent à s'élever lorsque Bera, la propriétaire de l'Enchanteresse vint défier Fálki du regard.

- Je ne sais pas ce que tu veux petit, mais va le chercher ailleurs, ce quartier de la ville n'est pas fait pour les brigands.

- Je viens pour un repas chaud et une nuit, s'empressa de répondre Fálki.

Bera observa le jeune Egill de haut en bas avant de partir dans un fou rire grotesque. La propriétaire de l'auberge riait si fort, qu'elle dut prendre appuie sur l'une des tables pour ne pas tomber. Son rire mourut dans le fond de sa gorge lorsque l'adolescent sortit la pièce d'argent et la posa sur la table. L'aubergiste se ressaisit, attrapa la pièce d'argent et poussa Fálki vers le fond de la salle. Il fut attablé loin du feu et des autres clients, lorsque Bera revint avec un repas chaud elle s'assit devant lui, une lueur d'inquiétude dans le regard :

  - Petit, je peux te garder une nuit mais pas plus, tu as volé cette pièce je le sais mais ton piteux état me force à te garder ce soir.

- Je ne l'ai pas volé, je suis Fálki dernier des Egills, je ne suis pas un voleur.

L'aubergiste scruta le visage de l'adolescent avec un intérêt soudain :

- J'aurais du m'en douter, tes cheveux blonds... Tes yeux bleus... Et ta peau si abîmée... Comment as-tu survécu aux Dieux ?

- Je ne suis pas allé combattre, mon père me pensait trop jeune. J'ai survécu, mais je me dis : peut-être que ça n'en valait pas la peine pour finir ainsi. Je suis orphelin et démunis.

- Demain matin, répondit-elle en baissant le ton de sa voix, va rendre visite au forgeron, il cherche un apprenti. Tu es un Egill, tu sais manier les armes, il te prendra.

- Je ne veux pas être forgeron, s'indigna Fálki.

- Tu le seras si tu veux vivre...

L'aubergiste retourna à son travail avant que les regards indiscrets se posent sur eux, le dernier Egill ne devait pas tomber entre de mauvaises mains Bera le savait. Ses talents au combat et à la chasse étaient bien trop importants pour être exploités de façon malsaine. Elle jeta un dernier regard à Fálki qui était en train de dévorer le poulet qu'elle lui avait préparé avant de disparaître dans la cuisine.

L'adolescent une fois rassasié prit l'escalier derrière lui pour rejoindre sa chambre pour la nuit. Elle était ornée d'un lit couvert d'un simple drap, le parquet craquait sous chacun de ses pas et Fálki pouvait entendre chaque bruit provenant du toit. Il aurait surement refusé le gîte s'il n'avait pas passé plusieurs jours à dormir dehors et qu'il ne s'était pas fait attaqué par des brigands plus tôt dans la soirée. Il s'installa sur le lit et regarda l'état de ses pieds, sans argent, il ne pourrait pas s'acheter une paire de chaussures avant un bout de temps. L'Egill soupira et passa une de ses mains dans ses cheveux décoiffés, ils étaient d'un blond sale et terni. Par la fenêtre, il pouvait apercevoir le chemin qu'il avait pris pour arriver à l'auberge, et un ruisseau qui le bordait. Le froid avait dû le geler, il irait donc dans cet État voit le forgeron le lendemain.

Lorsque les premiers rayons caressèrent le visage de Fálki, celui-ci se hâta de sortir de son lit et de rejoindre Bera au rez-de-chaussée. La grande salle était vide, ce qui était normal d'aussi bonne heure, l'aubergiste était en train de nettoyer les tables lorsqu'il la trouva.

- Bien le bonjour jeune Egill, tu es bien matinal pour un garçon de ton âge.

- Je pars trouver le forgeron, pouvez-vous m'indiquer le chemin ?

L'aubergiste sourit et posa ses mains sur ses hanches :

- Il te suffit de continuer le chemin dans cette direction, lorsque tu atteindras une grande fontaine tourne à gauche et suis le bruit des épées forgées.

Fálki remercia l'aubergiste et partit en courant dans les rues de la ville, oubliant la fraîcheur de la neige et ses pieds écorchés. Les indications de Bera auraient pu être parfaites si la ville était réveillée, lorsque l'adolescent atteignit la fontaine, seul le chant des oiseaux faisait écho. Aucun signe de vie quelconque n'était présent en ces lieux.

Fálki décida de continuer à suivre les indications de l'aubergiste et tourna à gauche, ses pas le menèrent vers une ruelle sombre et étroite qui déboucha sur une grande place. Il aperçut au loin un homme assis sur un baril de bois l'observer attentivement. L'Egill se précipita vers lui et lui posa la question qui lui brûlait la langue :

- Je cherche le forgeron, on raconte qu'il cherche un apprenti. Savez-vous où je peux le trouver ?

- Ne cherche pas petit, tu fais pas l'affaire, lui répondit l'homme sans l'ombre d'un sourire.

- Ce n'est pas à vous d'en juger, mais au forgeron !

L'homme descendit du baril et se dressa devant Fálki, il faisait une tête de plus que lui et sa carrure imposante faisait passer Fálki pour un être frêle et fragile. L'homme lui adressa un sourire franc avant de reprendre la parole :

- Tu as l'air déterminé mon petit, mais qu'est-ce que tu as de plus que les autres ?

- Je suis Fálki dernier des Egills et je veux devenir forgeron pour gagner des sous.

- Pourquoi veux-tu gagner des sous ? demanda l'homme qui paraissait soudain amusé par la situation.

- Je veux gagner assez d'argent pour m'acheter un bateau, voguer au-delà du brouillard et trouver ce fameux roi qui a jadis appelé mon peuple à combattre contre les Dieux.- Et une fois que tu l'auras trouvé, que lui feras-tu au roi .

- S'il a menti et que le combat contre les Dieux est impossible je le tuerai. Sinon j'irais défier les Dieux et ensuite je le tuerai.

L'homme arqua un sourcil et sourit au raisonnement de l'Egill, il n'en avait jamais vu mais il savait à quel point c'était un peuple têtu.

- Bien, tu es embauché. Enfile un tablier, je vais t'apprendre le métier de forgeron.

L'adolescent regarda l'homme avec une mine stupéfaite qui fit rire son interlocuteur.

- Je suis le forgeron, j'ai bien vu que tu ne m'avais pas reconnu maintenant entre dans mon établi avant que je change d'avis.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top