La trahison de l'hippocampe, 3
Alekyne se retourna et ses lèvres frôlèrent les miennes, pour nous offrir du courage, pour calmer les tremblements qui le saisissaient. Il était un autre homme alors que son regard me quittait pour se reporter sur le mur dont les pierres mal ajustées offraient des prises que même un enfant aurait pu grimper. Elles étaient rugueuses et glissaient, écorchant mon pantalon de cuir à chaque mouvement mais des années sur les bateaux avaient fait de nous des acrobates, amusant les nobles quand nous n'étions encore que des enfants. Ils ne pouvaient pas imaginer ce que nous avions apprit loin des soieries et des convenances. Père était considéré comme un mauvais éducateur par notre mère en personne. Mais si nous étions capables de le tuer aujourd'hui, c'était uniquement grâce à ses enseignements, à ses murmures et à ses rêves.
Des rêves. Identiques à ceux qui nous avions dans la tête alors que nous franchissions une fenêtre entrouverte. Nous aurions dû nous en douter. Tout était trop facile. Le parquet craquait à peine sous nos pas, il n'y avait pas l'ombre d'un garde et seuls quelques gémissements de câtins offrant leurs services sonnaient assez fort pour calfeutrer nos mouvements. Idiots que nous étions.
Je fus la première à hurler alors que je sentis contre la peau trop dévoilée de mon cou la morsure du froid. Un bref cri, suffisant pour qu'Alekyne puisse se retourner. Trop fort pour qu'il puisse entendre l'homme qui se tenait dans l'ombre et qui assena sur son crâne un féroce coup. Il s'effondra, sans même avoir le temps de réagir.
Le poignard glissa de ma gorge, avec la langueur de la caresse d'un amant. Il traça contre ma chair un sillon carmin avant de s'arrêter à la naissance de ma poitrine, fébrile. Une main attrapa l'ancre qui reposait entre mes seins, en soupesant le poids. Je ne respirais plus, les yeux écarquillés, la terreur jusqu'au plus profond de mon cœur. Le corps de mon frère était la seule chose que mes iris parvenaient encore à voir. Il y avait un peu de sang qui coulait à côté de sa tête, comme pour essayer de me faire comprendre que nous avions joué aux fous et que nous avions perdus.
— Arrête de t'amuser Ilios.
Je n'entendis qu'un vague rire, aussi froid que la mort avant de sentir la violence d'un coup contre ma tempe.
Puis le noir.
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