La fidélité d'un cœur meurtri

Trois mois avant le nouveau front entre les Armées Noires et l'Alliance, veille du départ d'Alyena.

J'étais seule. De retour dans ce château où je lui avais ôté sa vie et dont nous n'avions rapporté que des mensonges. L'officiel offrait ce meurtre à mon frère et cette année comme des simples longs mois emprisonnés. Pour l'Alliance, nous nous étions tues et avions finir par mener à bien cette mission devenue une vengeance personnelle. Nous avions fait tomber la ville, nous avions tué l'amiral Aldrin Menethill. Nous avions rehaussé nos blasons personnels d'or, détruit les rumeurs qui auraient pu courir sur nous. Si l'ombre s'enroulait encore autour des souvenirs de notre père, ce n'était que sa mémoire qui était teintée de mépris. Car nous avions travaillé pour l'Alliance, ensemble. Et les véritables faits n'étaient jamais sortis des cendres de ce lieu que nous avions détruit.

J'étais pourtant seule aujourd'hui. Devant la pièce où j'avais été offerte en sacrifice à Isadril. Je revoyais chaque mouvement du prêtre, chaque souffle, chacune de ses paroles. Tous teintaient à mes oreilles, bien trop récents alors que j'aurais dû oublier. Mon esprit refusait le déni qui aurait tant soulagé mon âme. Le prête leva sa lame sur un corps enroulé dans des tissus transparents dont je me souvenais encore de la douceur.

L'obsidienne pénétra avec facilité dans les chairs, jusqu'à s'approcher du cœur. Je le sentis dans ma poitrine, cet organe qui ne battait plus qu'à moitié, cherchant son jumeau dans des ténèbres. Ma main se leva, rencontrant une vitre de fumée qui m'empêchait d'interrompre la scène. Et, alors que j'enlevais ma paume, se ne fût son dessin qui m'explosa en plein visage mais bien les restes griffures de ce que je venais de créer.

Mon hurlement réveilla mon frère en sursaut.

Je le sentais me secouer, encore à moitié dans les bras du sommeil, je sentais son corps brûlant essayer de me faire revenir à la raison. Mes joues étaient couvertes de larmes alors que j'ouvrais enfin les yeux, alors que je me débattais contre sa présence que je ne reconnaissais plus. Il me manquait cette moitié, cette lumière que je n'aurais pas dû posséder.

— Alyena !, hurla-t-il, me faisant pour de bon retourner sur terre.

Son regard hurlait d'inquiétude alors qu'il attrapait mon visage, tenant mon corps de l'autre main. Je déglutis, terrifiée. Ma paume se posa sur son torse et je sentis immédiatement la brûlure qui traversait ma chair et le fit hurler de douleur. Ce n'était de la magie. Ce n'était ma magie. La trace inscrite sur sa poitrine était identique à celle que j'avais laissé dans mon rêve sur cet écran de fumée imaginaire. La paume griffue des armées noires qui m'appelait, qui me susurrait les chants qu'on avait offert à notre père avant qu'il ne trahisse. Isadril était toujours là, dans mon esprit, comme il l'avait fait depuis mon enfance.

— Je n'y arriverais pas Alekyne.... Je ne peux pas y aller, je ne peux pas réussir ! Ils seront tous là et sa présence aussi ! Je ne peux pas résister Alé... Il m'attire, comme un poison, comme un miel enchanteur !

Ma complainte m'arrachait la gorge alors que les larmes se déversaient comme un torrent impossible à interrompre sur mon visage.

Malgré la douleur que je faisais naitre sur sa peau en la brûlant, il me serra contre lui, se fichant de la fumée que ma noirceur faisait au contact de sa lumière. Son étreinte fut longue et il ne la défit tant que des perles d'eaux salées continuaient de rouler sur mon visage. Il avait mal, je le sentais au moindre de ses muscles bandés. Mais il endurait cette violence pour que je ne perde pas pieds, pour que je ne sombre pas dans les horreurs qui s'étaient enfoncées en moi. Isadril m'appelait, de plus en plus fort. Et je ne pouvais que lutter de toute la force de ma volonté.

Il finit par me relâcher alors que je sentais que les tremblements involontaires de mon corps s'arrêtaient. Alekyne s'éloigna légèrement de moi avant de laisser glisser ses doigts le long de l'ignoble cicatrice noire qui serpentait de mon cœur à l'arc de ma mâchoire. Elle était si sombre vers le myocarde lorsque l'arme qui l'avait créé avait arrêté ses palpitations. Je ne pouvais porter le moindre décolleter sans trahir cette horrible vérité qui m'effrayait tant.

— Tu es maitresse de ton destin Aly. Qu'importe ce que t'as dit père, qu'importe ce que t'as dit ce psychopathe qui t'as sacrifié. Tu es lié à ce dieu, peut-être. Mais tu es libre de tes choix et de ton existence et si tu décides de dire non, tu le feras. J'ai confiance en toi.

— Je détruis tout Alé....Je laisse sa marque partout sans même le voir. Je ne suis pas digne d'aller dans cette armée dont je ne connais rien, je n'aurais pas la force d'affronter les ténèbres une nouvelle fois.

— Tu le feras. A chaque fois que tu doutes, serre contre ta main l'ancre à ton cou et rappelle-toi toutes les horreurs qu'on commit les armées noires. Rappelle-toi les mois de tortures, les ténèbres, les privations. L'Alliance a ses défauts que nous connaissons tous les deux. Mais ils se battent pour quelque chose qui en vaut la peine, quel que soit les moyens employés. L'armée noire ne se bat que pour un démon et des chimères qui n'ont pas empêchées notre père de mourir. Un dragon en personne est venu offrir sa bienveillance à l'Alliance. Les armées n'ont qu'un démon qui guide leur pas. Serre très fort cette ancre entre tes doigts, pense à moi. Tu ne fléchiras pas Aly. Tu es plus forte ce que tu crois.

Nos regards s'accrochèrent une nouvelle fois. Je buvais ses mots, y attrapant plus d'espoir que devant ce Conseil de rois qui m'envoyaient chercher des informations que je devrais obtenir par la force.

Il attrapa ma main, la collant contre la paume griffue que sa noirceur avait inscrite dans sa chaire. Ses yeux ne me lâchaient pas, me défiant de détourner les miens. Ses longs cheveux blonds virent glisser contre mes doigts mais il ne me permit pas de les attraper. Il avait toujours eu plus de force que moi. Lui guerrier, paladin de la lumière. Et moi mageresse de la lune. Ce que j'avais cru pendant tant d'années alors que ma mère savait si bien l'immonde vérité. Ce n'était pas la lune. Ce ne serait jamais la lune.

— Tu vas y arriver Alyena. Tu es intelligente et personne ne sait ce qu'il s'est réellement passé là-bas. Cache tes cauchemars et ta marque. Ne t'approche pas de l'armée noire. Et n'écoute pas les murmures dans ton esprit. Promis ?

Un faible sourire pour toute réponse, je viens chercher ses bras, me blottissant contre lui comme lorsque je n'étais qu'une enfant. A l'époque où les nuits passées ensemble n'avaient aucuns sous-entendus et où je croyais si fort que cette mèche éclatante était un cadeau de la magie. Quand nous accompagnions notre père et que nous nous amusions sur le pont du Flamboyant. Les années avaient été des cendres qui avaient brûlées le bois de nos souvenirs.

N'en restait que le goût acre.

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