Des souvenirs de lumière

Onze ans avant le départ d'Alyena

— Soyez gentil avec elle.

Les lèvres pincées, je relevais le visage jusqu'à mon père. Voyait-il vraiment si bien la colère dans mes yeux ? Je n'avais pas envie que cette nouvelle n'arrive. Ils m'avaient expliqué, pendant des heures, que l'alliance était importante. Notre famille en avait besoin. Mais voir Alekyne perdre son sourire avait réveillé chez moi un côté sombre que je ne connaissais pas.

La main de mon père, si grosse par rapport à mon visage, se glissa sur ma joue alors qu'il attrapait mon regard. Un sourire fleurit sur son visage doux, ce même genre de sourire qui me rendait toujours le mien. Cette fois pourtant, je me détournais et échappais à sa poigne pour rejoindre mon frère. Alekyne avait été vêtu comme un petit prince. Son air grave ne lui allait pas. Perché sur le rebord d'une fenêtre, il fixait la mer. Le vent s'engouffrait dans ses cheveux coupés trop court. Son regard hurlait d'une mélancolie qui n'allait pas à un enfant de huit ans. Il avait déjà envie de partir, je le sentais jusqu'à plus profond de mon âme. S'échapper au bord de l'Impétueux et sentir les embruns dans nos cheveux. Rire entre les cordages et se prendre pour des Mouses alors que nous étions les enfants du Capitaine.... Ce temps n'était même pas arrivé qu'on passait déjà des menottes aux poignets d'Alekyne.

Cette prison ne viendrait pas de la mer. Les Vanadis étaient des nordiques, des barbares aux yeux de notre mère. C'était pourtant elle qui avait si bien organisé cette alliance avec ceux qu'on nous avait présenté comme des amis de la famille. Alekyne avait eu un rire jaune. Nous avions rencontré les amis de notre père pendant le Grand Voyage. Les Elsaners en tête de gondole. Jamais il ne nous avait amené sur les terres barbares et mon frère ne connaissait pas cette demoiselle qu'on lui offrait comme un présent empoisonné.

C'était pourtant vers l'immensité océane que mon frère voulait partir.

-Alé ?, demandais-je, l'arrachant à sa contemplation, ils arrivent. Père veut que tu sois gentil avec elle. Après tout elle va être une totale inconnue dans notre monde. Il a dit que les nordiens n'étaient pas comme nous et que....

-Je sais Aly. Je sais tout ça. Je veux juste profiter de mes dernières minutes de liberté.

Le silence se fit alors que je me juchais à ses côtés, regardant la mer à mon tour. Les bâtiments des nordiens n'avaient rien à voir avec les nôtres, pauvres bateaux incapables de franchir les océans les plus grands. Leur blason claquait dans le vent et j'apercevais déjà les têtes trop blondes de ceux qui étaient bien différents de nous. Alféa était encore une enfant, à peine plus vieille que moi. Mais elle avait les épaules encore couvertes de peaux de bête et, même si je ne parvenais à la voir de mon perchoir, je sentais ses traits tirés par la peur. Ils allaient l'abandonner ici. Comment aurais-je réagi si mes parents en avaient fait de même ? Me fiançant à un inconnu, me laissant à une maisonnée au sang noble mais au cœur froid.

Je frémis, imperceptiblement, et Alekyne attrapa ma main, la réchauffant. Il soupira, ferma les yeux, ramenant à lui toute sa puissance de futur guerrier et, lorsqu'il les rouvrit, brillait à l'intérieur du bleu océanique une lueur farouche. Il était prêt.

Nous étions prêts.

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