Démence

Dans l'immense chambre que l'on m'avait allouée, le vent se glissait entre les rideaux. A l'extérieur, les oiseaux chantaient, inconscient des ténèbres qui envahissaient lentement leur monde. Le soleil se glissait, langoureusement, sur les pierres, réchauffant lentement leur derme glacé. La nuit avait été longue.

Mes yeux papillonnèrent, quelques minutes, avant de s'ouvrir pour de bon.

J'avais été couché dans des draps bleus, mon corps recouvert d'un drap qui cachait à peine mon intimité. Une fine chemise de soie m'habillait, brodée avec délicatesse de centaine de petits motifs dont je ne pris pas même le temps d'admirer le dessin. Je me redressais, la tête me tournant et, alors que mes pieds touchèrent le sol, les souvenirs de la veille m'éclatèrent au visage.

Un glapissement m'échappa alors que des flashs carmin tâchaient ma vision. J'entendais hurler, j'entendais pleurer mais surtout, j'entendais un rire qui glaça l'intégralité de mes os.

Je retombais sur le lit, les prunelles écarquillées, la main accrochée à ma poitrine, là où j'aurais dû sentir sa présence. Les flashs n'étaient rien. C'était ce vide, étrange, au plus profond de mon cœur qui créaient la douleur.

J'étais seule.

Je me remis immédiatement sur pied, la panique faisant hurler mon cœur plus vite que je ne l'aurais jamais cru possible. Je couru jusqu'à la porte, étonnamment ouverte et m'engouffrait dans les couloirs vides. C'était impossible. Ils pouvaient tout faire, tout commettre, tout détruire mais il n'avait pas le droit de faire ça. Pas le droit de le toucher lui !

Mais il n'y avait qu'une seule explication possible à ce vide qui s'élargissait en moi. J'avais toujours senti sa présence, comme une continuité de mon âme. Il avait toujours été quelque part, assez proche pour que je sentais son souffle, pour que j'entends son cœur battre.

Mes pas s'accélérèrent d'eux-mêmes alors que je me mettais à courir, des larmes envahissant mon regard.

Ils n'avaient pas pu faire ça.

Ils n'en avaient pas le droit !

Je sentais la colère monter dans mon cœur, s'accrocher à ma peine et à ma peur. Elle dévastait tout, glissant entre mes veines, charriant dans son sillage le goût d'une magie que je n'avais jamais ressentit aussi forte. Elle faisait frémir mes doigts, hurler ma peau.

Mes doigts s'écorchèrent contre un mur alors que je prenais un virage un peu trop rapidement et je sentis mon genou hurler de douleur en bloquant l'avancée de mon corps. Mais je ne les écoutais pas. Je n'écoutais plus rien, je ne voyais plus rien. A peine si je sentais les larmes cascader sur mes joues. Je ne parvenais à faire autre chose qu'avancer, qu'aller le chercher.

Il était là, quelque part. C'était impossible qu'il ait vraiment disparu. Mon cœur me mentait, mon âme me mentait. Je ne l'entendais plus et jamais il n'était resté aussi longtemps muet. Alekyne était quelque part, n'importe où !

Le silence seul répondait et jamais il n'avait été aussi pesant dans mon esprit.

Une âme se dressa sur mon passage mais n'eut pas le temps de m'interrompre. J'entendis à peine ses cris, le silence plus bruyant encore que ses hurlements qui suivirent. Je ne savais pas même ce que la magie avait choisi de faire, cette dernière hurlant à mes mains, dévastant les murs qui se dressaient devant moi. Je ne savais pas où j'allais. Je me sentais juste descendre, encore et encore. Toujours plus bas dans les entrailles de la terre, toujours plus loin. Je ne sentais plus mon corps, je ne sentais plus rien. Juste cette rage sourde et cette magie qui me guidait.

Je fini par atteindre les geôles qui puaient toujours autant la mort, qui hurlait toujours de leur sol tapissé d'entrailles. Je ne sentais pas sa présence et de mes lèvres s'échappa son nom, d'abords murmuré puis hurlé.

Oh j'étais bien folle de le croire présent.

Après tout, je l'avais vu lorsqu'on me jetait comme un animal sur cette table où j'avais été offerte à un dieu barbare. Il était là et n'était sûrement jamais redescendu, son sang offert en même temps que le mien. Comment pouvais-je être en vie alors qu'on m'avait tué ? Comment pouvais-je être toujours là à écumer ces trop longs couloirs ?

La rage me coupa dans mes pensées alors que mes pas s'accéléraient, que mes pieds nus s'enfonçaient dans les détritus qui jonchaient le sol. J'avais mal, je le sentais au sang qui coulait à chaque mouvement que je faisais. J'avais mal et je m'en fichais, incapable d'arrêter le cheminement de mes membres.

Son corps était bien là.

Sans vie, la gorge tranchée, les cheveux gorgés de sang.

Je ne pus que tomber à genoux, les yeux ouverts sur l'horreur qui se présentait à moi. Ils l'avaient tué.... Ils l'avaient vraiment assassiné, comme dans une mort qu'ils auraient dû m'offrir et non lui prendre. Je relevais son visage sur mes genoux et les larmes se mirent à couler sans même que je ne m'en rende compte.

Il était mort comme ça, sans même que je ne sois là, sans même que je ne parvienne à le sauver.

Il gisait dans son sang, sans même avoir pu se défendre. Il aurait dû mourir en guerrier, l'épée à la main et on l'avait assassiné comme le dernier des traitres. Père n'aurait jamais dû laisser cela arriver. Il n'aurait jamais dû le permettre.

Je ne sus combien de temps j'avais pleuré. Je ne sus pas vraiment à quel moment mon corps avait craqué. Je n'ai pas compris quand la magie s'est emparée de mon âme et l'a contrôlé, remplie de haine. C'était uniquement elle qui me menait. Me faisant oublier jusqu'à cette peur qui avait toujours refrénée mes pouvoirs.

J'ai explosé. Purement et simplement. La magie s'est déchainée dans mes veines et jusqu'à mes yeux, faisant éclater la marque à ma gorge que je n'avais pas vu.

Le reste n'est que des images floues. Du sang, des hurlements. Des murs qui s'écroulent à mes pieds comme autant de cadavres que je laissais sur mon passage. Otho avait essayé de me raisonner mais il avait fini comme les autres et ce ne fut que la magie d'une noirceur terrible d'Ilos qui m'arrêtait dans mon chemin macabre jusqu'aux lieux de pouvoirs de cette forteresse qui m'avait pris mon frère. Ilos et ses yeux verts qui me hanteront toujours. Ilos et son sourire sarcastique alors qu'il tuait ma magie, alors qu'il me faisait tomber à genoux et enroulait autour de mes poignets des chaines.

J'étais de nouveau prisonnière.

Mais cette fois, plus rien ne me retenait sur ce monde. Plus rien ne me rattachait à la terre. Ils m'avaient pris mon frère et avec lui, m'avait ôté mon âme.

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