Retrouvailles

C'était un tout jeune vampire qui ne pouvait encore maîtriser sa soif. A chaque fois qu'il se nourrissait, il ne pouvait arrêter de boire avant que ne vienne la mort de sa victime. Il n'avait même pas le temps de s'amuser avec ses victimes. Pourtant, il commençait à comprendre comment cela fonctionnait. Chaque nuit il en apprenait plus sur ses dons, et savait désormais comment masquer ses traces, se débarasser des corps et même masquer son teint pâle derrière du fard. Alessandro profitait de chaque nuit avec un tel entrain. Il aimait sa nouvelle nature plus qu'il ne l'aurait imaginé. Tuer lui procurait une satisfaction immense, boire le sang de ces jeunes filles en fleur le réjouissait, provoquer la mort de famille entière était une vraie partie de plaisir. Mais il avait conscience d'un problème assez ennuyeux, s'il ne quittait pas la ville on finirait par se douter de quelque chose. Il lui fallait maîtriser sa soif, puis il pourrait revenir. De plus il avait peur que quelqu'un le reconnaisse. Et puis, il avait un terrible désir de voir sa famille, notamment sa mère dont il n'avait pas reçu de lettre. Inquiet il souhaitait vérifier que tout allait bien. Sans parler de son frère, il espérait sincèrement que Lorenzo n'avait pas gâché son mariage avec la belle Camille. Il avait à propos de son frère un étrange pressentiment, et il ne serait apaiser que lorsqu'il l'aurait vu heureux.

La voiture attelé le menait dans l'allée d'un hôtel particulier où il comptait s'installer. Dès demain il enverrait une lettre à son frère pour l'inviter à le rejoindre ici, l'enjoignant d'oublier leur vieille querelle, et de lui pardonner un malheureux baiser, ainsi qu'à sa mère dont il demanderait des nouvelles et l'avertirait de sa présence dans la région. Il ne comptait pas s'éterniser ici, il gagnerait Londres le plus tôt possible. Il avait envie de voir la ville, de la dompter comme il avait dompter Paris, de s'enivrer dans chacun de ses bars, de s'endormir dans les bras des plus belles filles, de goutter aux sangs riches et parfumés des anglais. La campagne l'ennuyait rien que de la voir de la fenêtre de sa voiture. Il venait ici parce que c'était le lieu le plus proche du palais de ses parents où il avait grandit, mais aussi parce qu'une curieuse lettre l'y avait invité. Une vieille amie l'invitait à séjourner chez elle. Pas de nom en signature, et curieux, Alessandro avait répondu à l'invitation. Il était d'autant plus réjoui qu'il était persuadé que c'était écrit de la main d'une des jeunes filles qu'il avait séduite durant l'un de ces ennuyeux bals de première et qu'elle souhaitait simplement le revoir.

Descendant de la voiture, il fut accueillit par une jeune femme dont la tenue laissait suggérer que c'était une simple domestique. Elle était accompagnée de solides gaillards qui s'occupèrent des bagages du vampire. Au regard qu'elle lui adressa, il su qu'il n'avait rien perdu de son charme et que ce dernier fonctionnait toujours aussi bien sur les petites anglaises. Elles possédaient un charme différent des françaises, plus réservées, plus discrètes, plus timide aussi à leur manière. Mais Paris était la ville de la séduction. La domestique le guida jusqu'à sa chambre. La nuit était proche de la fin, l'aube embraserait le ciel dans quelques instants, aussi Alessandro était-il pressé de prendre possession de sa chambre. Il tira les lourds rideaux afin de ne laisser aucun rayons du soleil filtré puis s'abandonna dans un fauteuil, songeur, et curieux. Il s'imaginait devoir paraître le lendemain, quelques heures avant le coucher du soleil, pour voir enfin son hôte mais il n'eut guère besoin d'attendre puisque la porte s'ouvrit sur une frêle silhouette blanche. Camille apparue. Elle n'avait absolument pas changée, en rien, et il comprit alors pourquoi elle l'avait tant attiré, pourquoi elle avait provoqué en lui et en son frère tant d'amour, tant de force, tant de jalousie. C'était une vampire, mais la plus sublime des vampires qu'il soit donné de contempler.

- Tu es sublime, Alessandro.

Elle s'approcha de lui et il pu voir l'éclat surnaturel dans ses prunelles bleue tachetée d'or. Elle était magnifique dans cette robe de nuit de dentelle et de soie blanche, entourée dans une robe de chambre tout aussi raffinée. Malgré le charme envoûtant de la demoiselle, malgré sa grande beauté, il était troublé par une pensée. Il songeait à son frère. Bien étrange moment pour songer à son frère jumeau mais elle avait été si proche de lui, qu'à présent, il se demandait si son frère était encore vivant. Il l'aurait ressenti si son frère était mort, mais il était devenu un vampire et il ne ressentait plus ce genre de chose. Le lien avec son jumeau avait changé. Il le sentait au fond de lui-même, son inquiétude pour son frère devint de plus en plus forte, se trahissant dans ses traits. Il était encore un trop jeune vampire pour faire de son visage un masque impassible. Camille dû s'en apercevoir car elle caressa son visage de sa main froide et si douce.

- Qu'as-tu fait de mon frère ?

- J'espérais qu'on éviterait le sujet. Nous pourrions passer un délicieux moment ensemble sans avoir à évoquer des choses que nous n'avons pas envie d'entendre.

- Dis-le moi.

- Parfait ! Tu l'auras voulu. Je l'ai transformé. Mais avant de t'énerver, sache qu'il me l'a demandé. Il l'a voulu.

La vampire s'était approchée de lui, si proche que ses lèvres étaient à quelques centimètres à peine de ses lèvres. En entendant ces paroles, Alessandro s'éloigna d'elle, et d'un geste de la main, il l'intima à rester loin de lui. Ce n'était pas de la colère qu'il ressentait, ni de la rage, après tout, il en aurait fait de même s'il avait été la place de Camille. Elle aurait pu le tuer, au lieu de cela, elle lui avait offert le don obscur. Seulement, il aurait préféré que son frère vive, qu'il soit heureux avec sa femme, qu'il connaisse la joie d'avoir des enfants, qu'il vieillisse avec sa famille et les siens. C'était envers lui qu'il était furieux. S'il était resté au lieu de partir, peut-être que cela ne serait jamais arrivé. Camille l'aurait transformé lui et non pas Lorenzo, et ils auraient été sans doute heureux ensemble. Il s'avança vers la fenêtre et ouvrit les rideaux, contemplant les premiers rayons de l'aurore. Cela lui blessait les yeux, mais il préférait cette douleur là plutôt que celle qui lui poignardait le cœur. Pourquoi son frère ? Il aurait voulu un autre destin pour lui.

- Ne m'en tiens pas rigueur, je t'en prie.

- Ce n'est pas contre toi qu'est dirigée ma colère, mais contre moi-même. J'ai été si stupide, je n'ai rien vu, pourtant, c'était si évident. A présent je m'en rends compte.

- Cesse de te tourmenter, il est heureux ainsi.

Opérant un rapide demi tour, il avait compris qu'elle s'était approché de lui grâce à son ouie si fine de vampire, et attrapant la gorge de la vampire de sa main, il la plaqua contre le mur à la vitesse de l'éclair. Une bougie s'éteint sous le choc. La vampire gémit sous le pouvoir du vampire qui était décuplé par la colère qu'il éprouvait, par les sentiments contradictoires qui s'affrontaient en lui. Il exerçait tout son pouvoir sur elle, l'immobilisant ainsi et se pencha vers la nuque de la vampire il la déchira de ses dents et bu son sang. Lorsqu'elle tenta de lui échapper, il attrapa ses mains pour la plaquer un peu plus contre le mur. Ce geste aurait pu paraître sensuel, mais c'était une simple humiliation. Pour un vampire servir de nourriture à un autre vampire c'était de la pure humiliation. Peu à peu elle cessa de lutter, car le sang qui coulait en lui était puissant, tellement puissant, qu'il s'en galvanisait. Finalement, épuisé par l'effort fournit, il la relâcha. Elle resta hébété, la main plaquée contre sa blessure qui disparaîtrait en quelques secondes. Elle le foudroyait du regard. Comment avait-il pu oser ?

- Pourquoi n'es-tu pas avec lui ? A quoi rime cette invitation, ce petit jeu ?

- J'avais besoin de prendre l'air. Ton frère n'est pas... c'est compliqué. Il m'aime bien sûr, mais... c'est de ma faute.

- Tu ne l'aimes pas ? C'est ça que tu essaie de me dire ? Alors tu m'invite en espérant faire de moi ton nouveau jouet, c'est cela ? Combien d'homme transforme tu ainsi en vampire pour t'en lasser ensuite et passer à un autre ? C'est ainsi que tu prend ton pied ?

- Non, tu ne comprends pas.

Furieux, Alessandro repoussa violemment la vampire qui tentait de lui prendre la main. Elle le regardait les yeux pleins de larmes, des larmes de sang. Il ignorait ce qu'elle ressentait, et à dire vrai, il s'en moquait. Elle devrait être avec son frère. Alessandro avait pu se passer d'un guide parce qu'il était né pour devenir un vampire, il le sentait au fond de lui-même, mais son frère avait besoin qu'on le guide, qu'on lui apprenne, et c'était à elle de le faire ! Il était si furieux qu'il pourrait la tuer, là, maintenant, mais il n'en fit rien. C'était du dégoût envers lui-même qu'il ressentait, de la colère pour n'avoir rien compris. C'était pourtant évident. Elle ne sortait que la nuit, et son teint était si pâle. Comme cette étrange maladie dont elle prétendait souffrir expliquait miraculeusement tout. Il ouvrit la fenêtre et enfourcha le balcon. Jetant un dernier regard à Camille, il sauta jusqu'au parc pour s'élancer dans le jour naissant, courant à la recherche d'un abri pour la journée entendant les cris de Camille lui parvenir mais il les ignora.

- C'est toi que je veux ! Tu ne comprends donc pas... c'est toi que je veux.

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