Où il est question de fiancailles

La nuit commençait à tomber dans le palais devenu silencieux. Lady Llywlyn s’était retiré dans ses appartements en déclarant qu’elle tombait de fatigue. Ce qui n’était pas entièrement faux puisqu’elle s’était levé aux aurores afin de finir les préparatifs du bal de demain. En tant que noble et riche, c’était à elle que revenait la lourde tâche de s’occuper des évènements mondains de la contrée tel que le bal des premières où les jeunes filles faisaient leur entrée dans le monde. Un événement mondain très attendu tout particulièrement par les familles bourgeoises de la région qui espérait bien trouver un jeune noble désargenté pour épouser leur fille. Lady Isobel ignorait ce qui était le plus épuisant, s’occuper de la décoration du palais d’été où aurait lieu le bal ou devoir négocier avec les Flemming qui tenaient absolument à ce que leur fille soit présentée la première et entame le bal. Les Flemming était une puissante famille dans la région, à vrai dire, ils possédaient bon nombre de terres, mais leur richesse provenait du commerce et de leurs navires faisant le tour de l’Europe. La Reine d’Angleterre en personne les recevait une fois par an minimum afin de s’assurer de la bonne marche de l’économie d’Angleterre. Le fait est que madame Flemming était insupportable. Lui dire non relevait de l’épreuve de force dont n’était pas capable Isobel. Si elle avait pu abandonner l’organisation du bal à madame Flemming elle l’aurait fait volontiers. Seulement voilà, c’était à elle qu’incombait cette tâche et il n’y avait aucun moyen d’y échapper. Elle fut donc heureuse de pouvoir se reposer dans ses appartements loin de ses enfants si bruyants, de son époux qui adorait lui raconter les fabuleux combats de ses aïeules ou encore la dernière découvertes des explorateurs envoyés par la Reine. Mais son repos ne devait être que de courte durée car une servante apparue gênée pour l’avertir que ses fils voulaient la voir.

Lady Llywlyn avait eut quatre fils et trois filles. Il avait plu à Dieu de lui reprendre deux de ses enfants, un fils malade depuis sa naissance dont l’état de faiblesse n’avait fait qu’empirer avec les années pour finalement mourir à l’aube de ses 7 ans, et sa dernière fille qui était morte quelques minutes après l’accouchement. Le décès de ces deux enfants était triste mais elle s’estimait heureuse de n’en avoir perdu que deux quand tant d’autres perdaient chacun de leurs enfants. C’était probablement grâce au médecin qu’ils avaient pu se payer que ses 5 enfants avaient pu survivre. Ayant donc trois fils, tous étant en âge de se marier, elle ignorait si les trois s’étaient présentés à sa porte ou si ce n’était seulement deux de ses fils. Seulement elle avait eut des jumeaux qui par miracle avait survécu tous les deux, et elle savait que si l’un était dans les parages, l’autre ne tarderait pas à pointer le bout de son nez. Il y avait de fortes chances pour que ce soit les jumeaux qui se présentent à sa porte. Son fils aîné était plus indépendant que les jumeaux, il ne lui rendait guère visite respectant ses ordres à la lettre. Isobel aurait préféré que son fils aîné eut plus de caractère car ce serait lui qui hériterait de tout, du titre, des terres et de leur fortune. Or, il ne possédait pas le moindre caractère. C’était un érudit qui se trouvait fort maladroit une arme à la main, pourtant son père lui avait payé des maîtres d’armes afin qu’il se perfectionne mais en vain. La mère espérait que son époux vivrait vieux afin que le poids des responsabilités se déposent sur ses frêles épaules le plus tard possible. Les jumeaux en revanche, c’était tout le contraire. Une véritable tornade à eux deux, ils l’épuisaient même si elle les adorait. D’un geste las, elle fit signe à la domestique de laisser ses fils entrer.

Evidemment ce fut Lorenzo qui franchit le pas de la porte le premier. S’il était loin de posséder le calme et la réserve de son frère aîné, Lorenzo n’en demeurait pas moins pondéré et possédant quelque chose inspirant le respect dans son allure. Il était le seul à parvenir à réfréné les élans de son frère jumeau, Alessandro qui d’ailleurs ne tarda pas entrer, le pas joyeux, un air cabotin au visage et un sourire amusé aux lèvres. A l’allure de Alessandro qui ne masquait nullement ses émotions et avait une nette tendance à être impulsif, la mère su immédiatement qu’il n’était venu que par curiosité. C’était donc Lorenzo qui désirait la voir. Alessandro ne serait probablement pas venu accompagné de son frère s’il désirait faire part d’un problème avec sa mère, car il n’aimait guère la partager avec qui que ce soit, ni même son frère jumeau. Lorenzo n’avait pu probablement se débarrasser de son frère et devait donc supporter sa présence. Isobel tenta de feindre la joie de les voir, mais à dire vrai, c’était plutôt l’épuisement qu’elle ressentait en les voyant arriver. Ses deux jumeaux possédaient chacun une sacré dose de caractère, et comme ils n’étaient pas d’accord sur tout, ça donnait un mélange explosif assez fatiguant lorsque vous viviez sous le même toit.

« Mère, pardonnez-nous ce dérangement. Je vous sais fatigué, mais mon esprit est si trouble que je ne pourrais dormir sans vous avoir touché deux mots de l’objet de mon trouble.

- Je vous en prie mon fils, installez vous confortablement. Alessandro, veux-tu me chercher un verre d’eau, je te prie ? »

Alessandro adressa une moue boudeuse et fila aux cuisines. Il était évident qu’il avait envie de rester et qu’il s’empresserait de revenir au plus vite, mais de tous ses enfants, c’était lui qui la chérissait le plus. Isobel tenait à ne pas se montrer trop affective avec ses enfants, comme le lui avait demandé son époux au début de leur mariage, cela rendrait faible ses fils et empêcherait sa fille de quérir un mari au plus vite. Elle n’avait donc rien fait pour encourager son fils cadet à se montrer attentionné avec elle. Cependant il était évident que quelque soit la manière dont on réagisse, Alessandro gardait le cap. Il ne s’était jamais laissé impressionné ni même influencé par qui que ce soit, il semblait suivre son propre chemin dont lui seul connaissait la destination. A moins qu’il ne jouisse d’un exemplaire sens de l’intuition. Quoi qu’il en soit, son fils cadet se montrait toujours enjoué à l’idée de plaire à sa mère. Il redoublait d’attention à son égard, se montrait toujours plus calme avec elle, et l’observait du coin de l’œil s’imaginant qu’elle ne le voyait pas agir ainsi. C’était un bon garçon, mais il se comportait toujours de manière si impulsive que son père ne l’aimait guère. Entre eux, c’était toujours une bataille rude que perdait Alessandro car tôt ou tard ses deux frères se montaient contre lui pour aider leur père en difficulté. Le jeune homme en souffrait, mais ne disait mot, c’était quelqu’un de fier aussi, trop fier sans doute.

- Merci. Mère, je sais que ma requête est loin d’être facile, et qu’elle risque de vous mettre en mauvaise posture, mais j’agis pour le bien de cette famille. Vous savez comme moi que mon frère aîné est plus faible et moins ambitieux que moi ou Alessandro. Dieu a voulu que ce soit lui qui hérite de tout, et je respecte la décision de Dieu. Cependant, ne laissez pas père nous envoyer à la guerre. Je ferais un piètre soldat et Alessandro… il se ferait probablement tué, téméraire comme il est, toujours à foncé dans la gueule du loup. Je sais bien que sans un sou nous ne pouvons vivre dignement, mais il existe d’autres moyens.

- Quel est donc ce poison qui ronge votre esprit mon fils pour que vous déraisonniez ainsi ? Que penserait donc votre père qui ne songe qu’à votre bien, s’il vous entendait parler ainsi ? Il aurait pu faire de vous des prêtres ou pire, des moines, songez combien il s’est montré attentif à vos envies et vos désirs pour faire de vous deux des chevaliers. Vous devriez vous sentir honorer plutôt que de remettre en question son jugement.

Bien qu’elle devait admettre que son fils avait raison pour Alessandro, ce petit entêté se ferait tuer bien vite s’il devenait un chevalier mais faire de lui un prêtre serait idiot. De toute façon, son époux n’aurait voulu pour rien au monde avoir des enfants placé dans l’église. Dieu seul sait pourquoi, mais son époux n’aimait guère les curés et les prêtres, il envoyait de l’argent à l’église, s’y rendait tous les dimanches, mais n’avait guère plus de respect que le minimum qu’on attendait de lui étant donné sa position sociale. Sa décision de ne pas placer un de ses fils dans l’église étonnait tout le monde car il était habituel lorsqu’on avait trois garçons de faire du dernier un prêtre et du second un chevalier. Au lieu de cela, il avait offert à ses trois enfants un maître d’arme et même fournit une meute de chien à Alessandro lorsqu’il avait émis le souhait de chasser sur les terres pour nourrir les plus pauvres du village. Une décision qui avait été prise sous l’influence d’Isobel car son époux n’avait que faire des plus pauvres et n’aimait guère l’idée que son fils chasse pour eux, dans son esprit cette idée était dégradante. Forte heureusement, Alessandro avait tué un loup l’an dernier qui terrorisait tout le peuple, et cet acte en avait fait un héros, diminuant ainsi la colère de son père.

- Comprenez-moi mère, je ne remets pas en cause le jugement fort juste de mon père qui se montre extrêmement bon avec moi et mes frères, cependant il m’est venu une idée plus intéressante qu’une carrière militaire. Lord Ruthven du comté de York a une fille qui souffre d’une laideur affligeante. Bon nombre de ses prétendants ont finit par renoncer au mariage, et aujourd’hui les Ruthven se trouvent en mauvaise posture. Si j’épousais leur fille j’aurais alors de grande chance d’obtenir une jolie fortune. Mère, songez au statut des Ruthven qui sont de bons amis de la Reine. Si nous avions accès à la cour peut-être pourrions-nous laver la réputation de notre famille et ainsi regagner les grâces de la reine.

Hélas, la famille avait vu son nom entaché par la honte lorsque Silas le frère cadet de son époux, l’oncle que ni Lorenzo ni Alessandro n’avait vu, avait fait une mésalliance. Ne possédant qu’une petite rente que lui fournissait son frère, il s’était pris au goût du jeu qui l’avait amené à épouser une fille de tavernier pour essuyer ses dettes. Cette mésalliance avait déjà entaché le nom si noble de Llywlyn lié à la famille royal par des ancêtres communs. Mais le pire restait à venir. Les disputes au sein du couple étaient connus de tous dans la campagne où ils s’étaient retirés, loin de toute chose, de la cour. Et lorsque la femme de Silas vint à mourir, on l’accusa du meurtre, et bien qu’il n’y eut jamais aucune preuve nécessaire à un quelconque procès, le scandale éclata poussant le lord à se retirer loin de la cour. Isobel n’avait jamais tenté de pousser son époux à revenir à la cour, elle savait à quel point il se sentirait honteux de reparaître devant ceux qui ont été témoin de sa disgrâce, pourtant elle souffrait de vivre en recluse loin de tout, parmi ces vauriens peuplant la compagne, ces animaux sauvages prêt à tout pour obtenir les grâces des nobles, vendant leur fille comme de la marchandise. Tout cela l’agaçait au plus haut point, elle qui avait été éduqué pour évoluer dans la cour s’en trouvait chassé avant même d’y avoir posé les pieds. Comment pourrait-elle reprocher à son fils de désirer s’y rendre ?

- Votre ambition pourrait vous détruire mon fils, mais je tenterais d’évoquer votre idée à votre père. Sachez qu’il n’y accordera peu de crédit, il n’a plus guère envie de renouer avec la cour.

Alessandro réapparu, un verre à la main, son chemise légèrement défaite. Il paraissait évident qu’il avait charmé une nouvelle fois la servante. Isobel détourna pudiquement ses yeux, tentant de masquer l’amusement que provoquait la tenue de son enfant. Il avait l’audace qui lui avait manqué si cruellement durant son existence, il osait ce qu’elle n’aurait jamais espéré un jour pouvoir accomplir et l’ardeur emplissait son cœur, chose qui la peinait étrangement, car elle voyait dans ses yeux l’envie de dévorer le monde hélas ce désir avait de fortes chances de le détruire car le monde était imparfait contrairement à lui, cruel et affreux, enlaidissant ce qui est innocent et doux. Elle était presque peiné à chaque fois qu’elle le voyait, désirant pouvoir l’aider sachant qu’elle ne pourrait rien faire rien dire pour le changer, que rien ne pourrait le préparer à la laideur du monde, et la seule chose qu’elle était en mesure de faire pour lui était seulement d’être une épaule réconfortante pour lui.

- Mon frère ne vous a pas trop ennuyé j’espère, mère. Il a des idées les plus folles à propos d’un mariage dont la route le mènera droit à la cour. S’il vous venait à l’esprit d’écouter ses beaux discours veillez tout de même à prendre soin de ne pas vous laisser emporter par sa folle ambition.

Lorenzo adressa un regard furieux à son frère. Les deux frères sont tellement proches par moment, que s’en était terrifiant lorsqu’ils se disputaient tant chaque réplique touchait juste, tant chaque pique frappait dans le vif, laissant une cuisante plaie qui semblait saigner encore et encore. Chaque fois c’était Alessandro qui frappait et à chaque fois c’était le pauvre Lorenzo qui saignait. Isobel devait reconnaître que la fougue de Alessandro ne saurait être modéré par son frère mais c’était le seul à y parvenir. Cette tâche lui revenait naturellement, malheureusement il en payait le prix à chaque réplique cinglante. Et que Alessandro était juste dans ses tirs, il savait y faire pour frapper et toucher au plus profond. Il savait agacer Lorenzo comme personne. Isobel ne voyait jamais Lorenzo nerveux ou tendu hormis lorsque son frère se décidait à le narguer et à le rendre furieux, chose qu’il parvenait fort bien à faire, et d’une facilité étonnante. La mère aurait pu s’amuser de ces petits jeux de répliques si elle ne craignait qu’un jour leur dispute soit trop éclatante.

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