Chapitre 11 partie 1 : Hélène 02/10/2007

ouin ouin ouin et bien toute mes félicitation ma chérie notre petite fille est né elle s'appelle Hélène. Éléonore assisté par moi, mon père et 4 autre pompiers qui était dans le foyer de la caserne. Quelque heures plus tard nous somme à l'hôpital et la je vais dans les vestiaire pour changer mon uniforme de pompier pour ma blouse de médecin urgentiste. Une femme que je connaissait pas et Éléonore ne connait guère plus que moi venez de prendre notre fille !Elle sort le 02 octobre 2007

- votre fille elle va mourir dans 1 heure. Annonça la dame

-je sais quelle est en bonne santé je sais faire un pronostique je suis médecin urgentiste/sapeur-pompier. Rajoutais je

-ou pas je me bar ciao !!!!  Cria t'elle

-ma fille ! ma petite fille ! sache que papa et maman t'aimera pour toujours. Pleurais je

C'est tout comme un miracle mon frère jumeaux Samuel qui est autiste est un super héros yeux de la famille il à tué la femme bizarre et à sauvé sa nièce woaw je suis toujours à pas y croire mais c'est vrai.

-mon frère t'est le meilleur !  Sourire au lèvre

-merci je devait sauvé ma famille logique. Dit il

-tu a un pistolet calibre 9 sur toi pourquoi ? Demandais je

-je suis policier c'est mon arme de service. Dit il

je suis parti en urgence pour travaillé vraiment après l'héroïsme de mon frère ma vraiment fait chaud au cœur.

— Estéban ! Les urgences viennent d'appeler, il faut que tu descendes une couveuse portative.

Assis devant son ordinateur, Estéban Johatone leva les yeux vers Tanguy, le standardiste du service des Urgence.

— Déjà ? Mon service démarre sur les chapeaux de roue ! Ont‑ils une césarienne catastrophe en cours ?

— Je ne sais pas, mais Gloria dit qu'il faut faire vite.

Comme d'habitude, songea Juju en se hâtant d'aller chercher l'incubateur dans la réserve.

Sur le point de quitter le service, il s'arrêta devant Tanguy.

— Ont‑ils demandé un pédiatre ? s'enquit‑il.

— Oui, je l'ai bipé. Le Dr Murray te rejoint là-bas.

— Parfait.

Dans l'ascenseur, un petit frisson le parcourut à l'idée qu'il allait travailler avec le beau Loan Murray.

C'était l'un des meilleurs pédiatres de la région à sa connaissance... Mais aussi un homme beaucoup trop séduisant pour sa tranquillité d'esprit. Sa haute silhouette, ses cheveux de jais et ses yeux bleus faisaient des ravages sur le personnel féminin de l'hôpital. Pourtant, d'après les bruits de couloir, il avait clairement établi qu'il ne souhaitait sortir avec personne. Il se montrait agréable, sans jamais dépasser le stade amical. Non que cela la dérange, d'ailleurs. lui-même n'était pas prêt pour une relation amoureuse. 

Après sa famille lui convenait parfaitement...Depuis ses 19 ans qu'il travaillait à l'hôpital de La Seine-Saint-Denis en tant qu'urgentiste de secours, il se répétait cela en boucle. Mais si son cerveau disait une chose, son corps, lui, délivrait un message différent. il rougissait comme une pivoine chaque fois que Loan Murray le regardait. Son cœur battait plus vite, il avait du mal à respirer... dommage d'être aussi con !il attend en voyant les portes de l'ascenseur s'ouvrir sur le rez-de-chaussée. L'heure n'était pas aux états d'âme. On avait besoin d'lui. Il poussa au pas de charge la couveuse le long du corridor des urgences. Une foule de gens se pressait à l'accueil. La haute stature du Dr Murray dominait l'assistance. Quand il la vit approcher, il leva les deux mains.

— Reculez, s'il vous plaît ! Laissez passer la couveuse.

Aussitôt, le groupe se fendit en deux comme la mer Rouge, et Juju découvrit un minuscule bébé dans un siège-auto posé sur le comptoir aussi petit que sa fille Hélène. Le nourrisson hurlait si fort qu'il en eut la chair de poule.

— Où est la mère ?

— Partie. Cette petite fille vient d'être abandonnée. A vue de nez, elle doit avoir deux ou trois jours.

— Elle s'appelle Emma, l'infirmière responsable du tri des cas aux urgences. Sa mère l'a déposée il y a dix minutes en disant qu'elle était incapable de s'en occuper. Elle nous demande de veiller sur elle.

Au moins, cette pauvre petite avait un prénom, songea Juju en allumant la couveuse. Il régla les lampes chauffantes sur la position « maximum », puis le Dr Murray souleva le bébé avec délicatesse pour le déposer à l'intérieur. Mais Emma n'appréciait pas d'être ainsi manipulée : elle se mit à battre des bras et des jambes. Ses cris aigus fendaient le cœur. Juju s'efforça de se concentrer sur la mission à accomplir. Il brancha le monitoring tandis que le Dr Murray déshabillait Emma. 

Ses grandes mains paraissaient démesurées par rapport au corps minuscule du nourrisson mais, quand il l'ausculta, elle fut comme toujours frappée par sa douceur et sa délicatesse. Leurs doigts se frôlèrent au moment où elle apposa les électrodes sur la poitrine du bébé, Et Il réprima un délicieux frisson. Ce n'était pas le moment de se laisser aller, ils étaient au travail !

— Les poumons sont dégagés, observa le Dr Murray. En revanche, le ventre gargouille beaucoup.

— Elle est aussi tachycarde, dans les 180 battements par minute. Elle est peut‑être déshydratée.

— Hm. C'est possible, mais il pourrait y avoir un problème plus sérieux. Nous ne savons pas comment s'est passée la naissance. Il faut la monter en réa néonatale. Je veux qu'on la perfuse et que l'on fasse un bilan sanguin complet.

— Entendu. Je vais vérifier les registres pour voir si sa mère a accouché ici, mais je ne me rappelle pas avoir lu le prénom « Emma » ces derniers jours.

— Ce serait trop beau...

Ils se dirigèrent vers l'ascenseur. Il se sentait troublée par la haute présence du médecin qui marchait près d'lui, mais il balaya cette impression. Il ne voulait penser qu'à la minuscule fillette qui se débattait toujours en hurlant dans la couveuse.

24 heure plus tard Estéban rentre chez lui voir sa femme et ses 7 petit monstres.

-salut mon grand tu a passé une journée à l'école ?

- oui papa ! La semaine prochaine tout les papas dois présenter leurs travaille !

-c'est qui le premier a venir ?

-toi ?

-pas sur que je sois la ?

-mais papa si te plait !

-bon vraiment important ?

-oui papa !

le jours ou fallait vraiment aller le faire ...

-bonjour a tout le monde j'ai 2 travail.

-monsieur c'est quoi vos 2 travail.

-je suis sapeur pompier et médecin urgentiste au cas ou il manque des personnes à l'hôpital.

Mon stéthoscope autour du cou, mon badge d'identification épinglé à ma blouse, Estéban Johatone je m'apprêtait à prendre mes fonctions au service des urgences du Henry Barbousse. L'orage qui grondait au-dehors semblait refléter mon état de nervosité. Le moment tant redouté était arrivé.

Les derniers jours, j'avait attendu cet instant avec une angoisse croissante. Le stress du jour, bien sûr, mais pas seulement. Encore heureux qui est pas de nouveau chef de service, le Dr Francis Murray, est une vieille connaissance : un idole, et plus encore le temps d'une nuit.

Il était là, derrière le bureau de réception du service, mais il ne l'avait pas vue, ou pas reconnue. Comment allait le saluer ? Je peut le tutoyer ou pas ?

Le menton dressé, je me dirigeait vers lui d'un pas décidé lorsque, tout à coup, mes craintes furent reléguées au second plan, supplantées par une autre priorité ça me rappelle quand j'avait 16 ans ma première fois en temps qu'interne.

Tel un présage néfaste, un énorme coup de tonnerre venait de claquer, suivi d'un cortège de grondements sourds qui firent trembler les murs et résonnèrent dans les moindres recoins du vaste édifice. Une seconde plus tard, les lumières s'éteignirent, et la vaste salle quasiment dépourvue de fenêtres se trouva plongée dans l'obscurité.

La foudre avait dû frapper l'hôpital ou tomber tout près.

Un silence stupéfait s'abattit sur la foule d'ordinaire brisante. Quelque part, le cri terrifié d'un enfant retentit, puis une rumeur grandissante s'éleva.

La voix calme de Francis Murray résonna clairement.

— Il s'agit juste d'une panne de secteur. Restez où vous êtes. Les groupes électrogènes vont prendre la relève sans tarder.

Ici et là, telles des lucioles dans la nuit, des téléphones portables s'allumèrent en guise de lampes torches, et des faisceaux lumineux ténus strièrent l'obscurité. Le niveau sonore augmenta rapidement et s'emballa. Des sonneries de portable se mêlaient au vacarme de voix inquiètes, et les alarmes de divers appareils électriques se mirent à biper. L'ensemble du personnel, agents administratifs, infirmières affectées à l'orientation des patients, techniciens, tous se dirigèrent vers le bureau central pour y recevoir leurs instructions.

Les patients laissés en plan protestaient.

— Eh, vous allez où, comme ça ? Revenez !

— J'ai besoin d'aide...

— Infirmière, par ici !

— Maman, j'ai peur...

Je n'avait pas bougé de l'endroit où je me tenait, le regard fixé sur Francis.

Dans l'obscurité, il avait l'air si jeune ! L'espace d'une seconde, il lui parut tel que 34 ans plus tôt, lors de cette fameuse nuit. C'en était troublant... J'avait 3 ans a cette époque.

Une bousculade me tira de mes pensées et m'obligea à me concentrer sur l'instant présent.

Impressionnant de sang-froid, Francis énumérait les instructions tout en assimilant les informations qui lui parvenaient de toutes parts.

— Juju, vérifie les alarmes des moniteurs cardiaques. Tanguy et Loan, mettez en place un circuit d'accueil pour trier les patients qui vont arriver. Si le courant n'est pas rétabli rapidement, on va avoir un problème. Je veux que toute l'équipe de l'hôpital se tienne sur le pied de guerre, prête à intervenir. Avec ce genre de panne, on peut s'attendre à toutes sortes d'accidents.

Déjà, les appels affluaient vers la réception et les terminaux radio des urgentistes.

— La signalisation ne fonctionne plus à l'intersection de Carrefour Drive. Gros carambolage, avec plusieurs victimes prisonnières de leur véhicule. Les pompiers sont sur place. On nous amène un cycliste heurté par un camion.

— À deux pâtés de maisons d'ici, une femme est tombée dans l'escalier : suspicion de blessure à la colonne vertébrale. L'ambulance arrive.

— Docteur, l'administrateur veut vous parler. Apparemment, il y a un problème avec les générateurs, on donne la priorité aux blocs opératoires et aux soins intensifs.

— Une équipe de télévision demande à recueillir des témoignages sur les dégâts dus à l'orage.

Avec un bref hochement de tête, Francis énonça une rapide série d'ordres, et les agents se dispersèrent pour se consacrer aux tâches qui venaient de leur être affectées. Un technicien se mit en quête dépiles de secours pour divers appareils, échographes portatifs, scanners ou autres. Les aides-soignants, le personnel de sécurité et même certains patients furent équipés de lampes torches. Enfin, Francis sembla remarquer ma présence.

— Viens avec moi, lui dit-il. J'ai besoin de quelqu'un pour diriger l'équipe de traumatologie à ma place si on me réclame pour un problème quelconque.

À ces mots, plusieurs têtes se tournèrent vers elle avec curiosité.

— Je vous présente le Dr Johatone Estéban, un ancien patient de la pédiatrie qui nous arrive du fin fond de Saint-Ouen, où il a dirigé un service d'urgence pendant plusieurs années et il est sapeur-pompier chef de sa caserne. Il ne doit pas se sentir dépaysée, dans des conditions de travail aussi primitives !

Je reçut quelques sourires et hochements de tête, mais mes nouveaux collègues enfin je suis juste rétabli de mes blessures de mon accident, pressés par la situation, filèrent à leurs tâches, me laissant seul avec Francis.

Francis, qui lui souriait de façon ironique.

Était-ce à cause de la situation inhabituelle dans laquelle ils étaient plongés ? Ou parce que je n'était pas à proprement parler un « ancien patient en pédiatrie » ?

Ils avaient travaillé plus d'une fois dans le même hôpital lors de ma dernière année de lycée, mais à cette époque-là, leurs rapports étaient surtout marqués par une rivalité amicale pour décrocher la première place du classement. J'était agréablement surprise de le voir aussi bien renseigné sur mon parcours professionnel. Devait-je vraiment m'en étonner ? Il n'avait pas assisté à mon entretien d'embauche, cela dit, en tant que chef de service, il avait forcément dû consulter mon CV comme pour un autre mais moi je suis spécial.

— Bienvenue au Henry Barbousse, Juju. Suis-moi, on va en traumatologie.

* * *

Francis enfila le couloir d'un pas rapide.

Ce n'était sûrement pas la meilleure manière d'accueillir, mais à la guerre comme à la guerre. Et puis, au fond, il valait sans doute mieux qu'il en soit ainsi. Obligé de penser à mille choses à la fois, il ne pouvait pas se laisser aller aux souvenirs.

— Dites aux personnes qui attendent pour un rendez-vous qu'elles devront s'armer de patience si elles ne sont pas là pour une urgence. En revanche, ne les faites pas repartir par un temps pareil, ce ne serait pas prudent.

Un éclair fit trembler la lumière grisâtre qui filtrait dans la salle, et, presque aussitôt, un grondement sourd résonna, signe qu'ils se trouvaient encore dans l'épicentre de l'orage.

Avec un peu de chance, le plus gros des intempéries allait bientôt passer, mais quand le courant serait-il rétabli ? Et d'ici là, combien de problèmes allaient survenir ? À lui seul, ce déluge risquait d'entraîner quantité d'accidents de circulation. Sans parler des ennuis causés par la panne soudaine d'électricité. Des personnes plongées dans le noir risquaient de tomber dans les escaliers. Des patients sous oxygène étaient susceptibles de subir une détresse respiratoire sévère car leur équipement ne fonctionnait plus...

Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas eu à faire face à une crise de ce genre, mais il en avait vu d'autres. Par ailleurs, il avait appris tout jeune à mener de front différentes tâches : en l'occurrence, déterminer le degré d'urgence des patients et les confier au personnel adéquat, tout en esquivant l'équipe de télévision annoncée.

Pourvu que les agents de sécurité aient réussi à éconduire les journalistes comme il l'avait ordonné ! Ils avaient d'autres chats à fouetter.

Décidément, les médias ne tardaient jamais à se mettre un sujet sous la dent. Il ne supportait pas cette engeance. Jamais il n'oublierait le tort que ces renifleurs de scandale avaient causé à sa famille par le passé. Depuis, sa méfiance vis-à-vis de la presse et des médias confinait à la paranoïa (je devrait prendre le doubles de ma dose de médocs). Pour rien au monde il ne voudrait revenir sur cette période de sa vie. D'ailleurs, il n'y pensait plus depuis longtemps. C'était Esteban Johatone qui, par ma simple présence, réveillait ces souvenirs.

Ceux-là, et d'autres, aussi...

Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour s'assurer que j'arrivait à le suivre. Il était facile de se perdre dans l'obscurité.

Il aurait eu tort de s'inquiéter : je ne me laissait pas distancer, et son visage sérieux et concentré lui rappelait à quel point j''était compétent.

J'ai lui avait donné du fil à retordre, au lycée : j'avaient été au coude à coude surtout avec Loan son fils, et il avait dû cravacher pour se maintenir à son niveau et la coiffer au poteau lors des examens de fin d'études. Certes, ils n'évoluaient pas dans les mêmes milieux, mais il avait toujours eu pour moi beaucoup de respect. Un respect qui s'était mué en un sentiment bien différent lorsqu'il avait découvert son côté vulnérable...

Mais ce n'était pas le moment de songer à cela. Ni maintenant ni plus tard, d'ailleurs. Ce genre de pensées appartenait à un territoire interdit, celui du flirt et des aventures sentimentales. Jamais plus il ne se permettrait la moindre liberté dans ce domaine. D'ailleurs, il n'était pas tenté. Le temps avait passé, mais pas sa décision d'être fidèle. Car s'il y avait un défaut qu'on ne pouvait pas lui imputer, c'était la déloyauté. Envers sa famille, envers son métier, il se voulait d'une intégrité sans faille.

C'était d'ailleurs pour cette raison que je devait me concentrer sur l'instant présent. Peu importait que je ne soit pas accueillie dans les règles de l'art, je devait sauter dans le grand bain et les aider de son mieux à traverser cette crise, tout comme lui-même s'employait à le faire.

* * *

À leur arrivée en traumatologie, je reçut un masque et des lunettes de protection. Quelqu'un eut la gentillesse d'orienter le faisceau d'une lampe vers les casiers.

— Les gants sont là. Choisissez votre taille.

Le personnel terminait de préparer le service pour l'accueil des victimes d'accident qui n'allaient pas tarder à affluer. Je passa en revue un chariot d'intubation prêt à l'emploi, un plateau sur lequel était disposé le matériel pour une intraveineuse, un moniteur cardiaque, un ventilateur, un appareil de radiologie portable...

OK, avec tout cela, je devrait pouvoir m'en sortir. Même dans la pénombre, je disposait du matériel nécessaire pour établir le bilan respiratoire et circulatoire d'une victime et la stabiliser le cas échéant.

D'ailleurs, des secouristes aux silhouettes fantomatiques poussaient un brancard à roulettes dans sa direction.

— C'est un homme d'une quarantaine d'années, annonça l'un d'eux en essuyant l'eau qui dégoulinait sur son front de ses cheveux trempés. Il a été heurté par un camion, et le choc l'a projeté à une dizaine de mètres sur le capot d'une voiture qui arrivait en sens inverse. Glasgow à 12, tension à 9 à la palpation, tachycardie à 130. Traumatisme majeur au bras droit et à la jambe gauche.

Francis se posta au pied du brancard pour évaluer l'état respiratoire du patient.

L'homme accidenté était à moitié conscient et manifestement en proie à de fortes douleurs. Malgré la minerve et les sangles qui entravaient ses mouvements, il essayait de bouger et gémissait.

— OK, on y va à trois, ordonna Francis. Un... deux... trois...

L'homme fut déposé en douceur sur un lit médical.

— J'aurais besoin de lumière, dit encore Francis.

Il se pencha vers le visage du patient, éclairé par une lampe torche.

— Monsieur, vous m'entendez ?

Ils se dirigèrent vers l'ascenseur. Il se sentait troublée par la haute présence du médecin qui marchait près d'lui, mais il balaya cette impression. Il ne voulait penser qu'à la minuscule fillette qui se débattait toujours en hurlant dans la couveuse.

Si il s'écoutait, il la prendrait dans ses bras et la serrerait contre sa poitrine. Mais c'était impossible, hélas.

A peine étaient‑ils montés dans l'ascenseur qu'Emma se tut. Puis l'alarme du monitoring cardiaque commença à biper : le cœur de la fillette battait à plus de deux cents pulsations par minute !

J'arracha le kit de réanimation fixé à la couveuse.

— Elle ne respire plus !

— Passez-moi le masque. On va essayer de la maintenir jusqu'à là-haut.

Loan Murray appliqua le minuscule masque sur le visage d'Emma. J'ouvrit l'arrivée d'oxygène puis scruta l'écran de contrôle avec angoisse tandis que le pédiatre appuyait sur le ballonnet.

— Ça marche, chuchota-je. On retombe à 180 pulsations.

— Génial.

Je croisa le regard bleu azur du médecin et y lut un profond soulagement, mais aussi de la gentillesse et de la connivence : ils étaient dans la même galère, ils traversaient cette épreuve ensemble.

— Pauvre bébé, murmura-je , le cœur gros. Dire qu'elle n'a personne pour s'occuper d'elle.

— Elle nous a, nous ! répondit le Dr Murray d'un ton décidé. Nous nous inquiétons pour elle. Nous allons tout faire pour qu'elle s'en sorte.

Il avait les yeux brillants.

Je m'étonna de le voir si ému mais n'eut pas le loisir de se poser beaucoup de questions, car ils arrivaient au troisième étage.

Ils sortirent l'incubateur dans le couloir, puis je commença à le pousser, assez lentement pour que le Dr Murray puisse suivre tout en actionnant le ballonnet relié au tube d'oxygène.

Ils gagnèrent ainsi la nurserie, une grande pièce équipée de vingt lits, et se dirigèrent tout de suite vers la partie dédiée aux soins intensifs afin de placer Emma sous assistance respiratoire.

— Estéban, vous êtes le meilleur pour perfuser les bébés, dit le Dr Murray lorsqu'ils eurent installé le bébé dans une couveuse de réanimation. Pourriez-vous le faire, s'il vous plaît ?

— Bien sûr.

Je rassembla mon matériel en m'efforçant de ne pas rougir.

Le compliment du médecin m'avait perturbée. Pourtant, j'avait l'habitude qu'on me félicite à ce sujet. Il n'était pas rare que mes collègues, souvent mal à l'aise pour perfuser des bras minuscules, m'appellent au secours.

En moins de trois minutes, je trouva une veine du côté gauche et y logea le cathéter.

Une manœuvre qu'il faudrait probablement recommencer d'ici vingt‑quatre heures, hélas. Les voies veineuses périphériques se détérioraient vite chez les nouveau-nés, et il fallait alors piquer à un autre endroit.

Mais on n'en était pas là.

Pour l'instant, tout allait bien, Emma allait recevoir les soins nécessaires.

— Sur quel débit faut‑il régler la perfusion ? demanda-je.

Le Dr Murray, qui n'avait pas cessé de ventiler Emma, releva la tête.

— Vous avez déjà fini ! commenta-t‑il, l'air admiratif. Bravo ! On commence par 5 ml/heure.

Je me détourna pour exécuter l'ordre, les joues en feu.

Cette fois, je n'avait pas pu masquer mon trouble. Quelle idiot ! Je réagissait vraiment comme un collégien. Ce n'était pourtant pas comme si le Dr Murray s'intéressait à moi personnellement !

Certes, tout le monde le trouvait formidable et, de l'avis général, il faisait bon travailler avec lui. Néanmoins, il mettait une barrière solide entre les domaines personnel et professionnel. Quelques collègues infirmières avaient fait des tentatives d'approche plus ou moins discrètes, en vain. Alors, pas question que je me fasse des idées à son sujet !

— Voyons si notre puce est capable de respirer toute seule, maintenant, murmura-t‑il.

Il retira le masque du visage du bébé.

La respiration spontanée paraissait normale, et je poussa un soupir de soulagement... une fraction de seconde avant que l'alarme ne recommence à sonner.

— Oh non ! s'écriais je.

— Injectez 10 milligrammes de midazolam, ordonna le Dr Murray. Il faut l'intuber, ajouta-t‑il, l'air sombre.

— Je vais chercher le flacon, intervint Diane, l'autre infirmière de service, qui avait accouru en entendant l'alarme.

Elle s'éloigna au pas de charge.

A son retour, nous vérifient touts les deux le dosage et firent passer le médicament  un sédatif couramment utilisé en soins intensifs pédiatriques dans la perfusion.

— C'est bon, commenta Diane.

Le Dr Murray, qui avait repris la ventilation manuelle, ôta le masque du visage d'Emma.

Je lui tendit une minuscule sonde endotrachéale et retint son souffle.

Intuber un nouveau-né n'est jamais facile. Heureusement, il était expérimenté, et surtout très compétent. Dans son malheur, ce bébé avait de la chance...

De fait, la première tentative fut la bonne. Je n'eut plus qu'à fixer le petit tube et son support sur le bas du visage d'Emma.

De son côté, Nathanaël Thomas l'anesthésiste de garde descendue en urgence, actionnait déjà les boutons du respirateur artificiel. Après une courte discussion avec le Dr Murray, il sélectionna le débit d'oxygène à administrer.

Quand tout fut réglé, celui-ci pivota vers moi.

— Je veux qu'on lui fasse les gaz du sang, plus une recherche toxicologique, dit‑il.

— Une recherche toxicologique ? Vous pensez que sa mère est droguée ?

— J'en ai bien peur, hélas. Elle a abandonné sa fille sous prétexte qu'elle était incapable de s'en occuper. Elle ne sera pas poursuivie, mais nous devons mener nos investigations nous-mêmes.

Il avait entièrement raison. La « loi-refuge » appliquée de diverses manières en France permettait parfois l'abandon d'un enfant dans un lieu sûr tel que commissariat, caserne de pompiers ou hôpital. Le parent « abandonnant » n'était alors pas inquiété. Le bébé devenait pupille de l'Etat et était inscrit sur les listes d'adoption.

— Les hurlements et l'arrêt respiratoire sont typiques du syndrome de sevrage, ajouta Loan Murray. Elle risque également de convulser, aussi faudra-t‑il la surveiller comme le lait sur le feu. Surtout, prévenez-moi dès qu'on aura les résultats du labo.

— Bien sûr.

Après le départ du pédiatre, Je me pencha sur le bébé, compatissant.

Pour avoir déjà soigné des nourrissons en état de manque, je savait que les symptômes d'Emma correspondaient, ainsi que leur timing.

En général, la crise se déclenchait peu après la naissance, avec une aggravation rapide. La mère n'avait pas dû supporter les pleurs incessants de sa petite fille, d'où sa décision de l'abandonner.

Heureusement, ces cas demeuraient exceptionnels. Et, point positif, Emma se trouvait au meilleur endroit possible pour sa santé. Néanmoins, J'en avait gros sur le cœur de savoir que ce bout de chou allait grandir sans sa mère.

Le rêve le plus cher de certaines femmes était d'avoir des enfants. Mais pour diverses raisons, cela ne marchait pas toujours. Il y avait des complications, ou bien la grossesse n'allait pas à son terme.

Cela lui était arrivé déjà deux fois à Julie ma meilleur amie. Comment, un jour comme celui-là, aurait-je pu ne pas y penser ? J'avait beau me chapitrer, il lui était impossible de ne pas ressentir les choses personnellement. L'histoire d'Emma me faisait une peine immense.

Mais, bien sûr, j'allait devoir composer avec.

Loan avait le cœur au bord des lèvres quand il quitta le service de réanimation néonatale.

Il savait, sans risque d'erreur, que la petite Emma était positive aux opiacés. La détresse insupportable de ce bébé lui rappelait de manière cruelle que son deuxième fils aurait eu les mêmes problèmes, s'il avait eu la chance de naître.

Mais ça n'avait pas été le cas...

Comme chaque fois que Loan sentait l'incommensurable vague de culpabilité lui déferler dessus, il se pinça les ailes du nez et bloqua sa respiration pour se ressaisir.

Près de trois ans s'étaient écoulés depuis le drame, mais le visage livide et froid de Victoria continuait de le hanter, jour après jour.

Il aurait pourtant dû comprendre ! Il était médecin !

Mais il n'avait rien vu. Jamais il ne s'était douté que sa femme était devenue dépendante aux antalgiques. Jusqu'à cette soirée terrible où il avait trouvé Victoria inerte, affalée sur le siège de sa voiture. Morte.

Il emprunta l'ascenseur et regagna les urgences comme un automate.

Que venait‑il faire ici, déjà ? Ah, oui. Glaner des renseignements. Peut‑être une infirmière se souviendrait‑elle d'une toute petite chose ? D'un détail ?

Gloria, l'infirmière qui avait accueilli Emma et sa mère, se trouvait justement aux admissions. Il se planta devant elle.

— Je cherche des informations sur la mère du bébé, dit‑il d'une voix un peu rauque.

La jeune femme ne parut pas s'étonner de son émotion. Elle opina, l'air grave.

— Elle est blonde, avec de longs cheveux raides. Jeune. A mon avis, elle a entre vingt‑deux et vingt‑cinq ans. Elle m'a semblé très pâle, comme quelqu'un qui ne met jamais le nez dehors. Et elle tremblait. On aurait dit qu'elle avait du mal à porter le siège-auto.

Il hocha la tête.

Voilà qui confirmait ses soupçons. Cette personne était probablement droguée.

— La police est‑elle au courant ? voulut‑il savoir.

— Pas à ma connaissance. Nous sommes débordés depuis tout à l'heure, expliqua Gloria en soupirant.

— Bien sûr, je comprends. Ne vous inquiétez pas, je vais leur passer un coup de fil.

La mère d'Emma ne serait pas inquiétée, puisqu'elle avait abandonné sa fille dans un lieu « agréé », mais les autorités devaient être mises au courant du problème de drogue. Par ailleurs, il fallait prévenir les services sociaux afin de trouver une famille d'accueil.

Il remonta à son bureau et composa le numéro qu'il connaissait par cœur.

Une voix familière s'éleva à l'autre bout du fil.

— Ici l'inspecteur Johatone. A qui ai-je l'honneur ?

Johatone. L'homme sur celui qu'on voulait absolument tomber. C'était bien sa chance.

Après la mort de Victoria, le chef de la police locale l'avait considéré comme le suspect numéro un.

Johatone s'était imaginé que, en tant que médecin, il avait facilement pu fournir des antalgiques à son épouse. Loan avait vite été disculpé, mais le souvenir de ces moments terribles demeurait marqué en lui comme au fer rouge.

— Dr Murray, à l'hôpital de Henry Barbousse.

Silence.

— Murray ? Docteur Loan Murray ?

— Oui.

— Comment allez-vous, docteur ?

Voilà que Samuel lui demandait de ses nouvelles comme à un vieil ami !

Mais ils ne l'étaient pas, et ils ne le seraient jamais.

— Bien, répondit‑il d'un ton bref. Je voulais vous signaler que nous venons de recueillir un bébé abandonné.

Il raconta l'histoire à mon frère.

L'inspecteur émit un grognement à la fin de son récit.

— Eh bien, pour une nouvelle... Cela faisait quatre ans que nous n'en avions pas eu. Imaginez un peu !

Mais Loan ne voulait rien imaginer. Il n'était pas d'humeur à faire la conversation.

— Je crois utile de vous préciser que cette petite fille est probablement positive aux opiacés, reprit‑il d'un ton sec. Les analyses toxicologiques sont en cours.

Nouveau silence.

Le gendarme venait sans doute de comprendre pourquoi Loan appelait lui-même, alors que c'était d'habitude une infirmière ou une secrétaire qui s'en chargeait.

— Merci de m'avoir prévenu, dit‑il enfin. Mais vous savez, il sera délicat de poursuivre la mère. Dans la mesure où elle a confié sa fille à l'hôpital et s'il n'y a pas de maltraitance avérée...

— Je suis au courant des lois, coupa Loan. Je ne vous demande pas de chercher des misères à cette femme. Mais si nous découvrons que la petite Emma est dépendante aux antalgiques ou aux tranquillisants, il faudra peut‑être creuser le sujet. Chercher qui est le médecin prescripteur de la mère.

— Vos analyses toxicologiques ne seront pas assez pointues pour le démontrer.

— Entièrement d'accord. Mais à Paris, au laboratoire de la police scientifique, ils en seraient capables.

Il entendit l'inspecteur Johatone soupirer dans le combiné.

— Docteur Murray, nous avons déjà mené ce genre d'investigation après le décès de votre épouse. Vous savez très bien que l'enquête n'a rien donné. Nous n'avons jamais pu prouver l'existence d'un quelconque réseau de trafic de médicaments autour de Henry Barbousse. Si c'était le cas, nous les aurions épinglés depuis longtemps, croyez-moi !

Loan secoua la tête, blasé.

Il était persuadé du contraire, et rien de ce que pourrait dire Samuel ne le ferait changer d'avis.

— Ecoutez, reprit le chef-adjoint de la gendarmerie. Cela fait presque trois ans que ce malheur est arrivé. Vous devriez tourner la page.

De quoi cet idiot se mêlait‑il ?

Loan se retint de répliquer vertement, conscient que l'on pouvait avoir besoin de Samuel dans « l'affaire Emma ».

— Si vous découvrez quelque chose au sujet de la petite, j'aimerais être informé, dit‑il. Je vous le demande en tant que médecin référent, précisa-t‑il, glacial. Connaître les antécédents médicaux de la mère nous serait très utile.

— Bien sûr. Comptez sur moi.

Après avoir raccroché, Loan s'adossa à son fauteuil en fermant les yeux.

Comment Samuel, qui ne le connaissait pas, pouvait‑il se permettre de porter un jugement sur sa vie ?

Bien sûr qu'il avait « tourné la page ». Il s'était remis au sport. Il jouait au football l'été, au basket l'hiver. Il buvait parfois un verre avec ses collègues. Il allait au musée, au cinéma et même s'occupé de son fils unique. Quant aux femmes...

Il avait essayé. Était‑ce sa faute si son unique tentative s'était soldée par un fiasco ?

Un an auparavant, il avait eu une brève liaison avec Shana, une infirmière en cardiologie.

Celle-ci lui avait certifié au début ne pas vouloir de relation stable, et lui, naïvement, il l'avait crue. Mais elle avait très vite voulu rendre les choses plus sérieuses, et il avait dû rompre pour ne pas lui donner de faux espoirs. Elle l'avait très mal pris. Tout l'hôpital avait eu vent de l'affaire, et on ne s'était pas privé de chuchoter dans son dos comme à l'époque où il avait perdu son épouse.

Sous aucun prétexte il ne voulait revivre cela. Plus jamais !

Il serait bien inspiré de s'en souvenir chaque fois qu'il croisait le regard troublant d'Esteban.

Penchée sur la couveuse d'Emma, j'effleura la joue duveteuse du bébé.

Pour l'instant, la puce réagissait plutôt bien à son traitement. Et, point positif, les résultats des gaz du sang étaient normaux. Le laboratoire avait fait diligence pour livrer cette information, qu'elle s'était empressée de relayer au Dr Murray.

Sachant cela, souhaiterait‑il extuber Emma ?

Il fallait bien peser le pour et le contre. Si on devait la ré-intuber au bout de quelques heures, ses sinus risquaient d'être endommagés. Mais d'un autre côté, si elle respirait par elle-même, ses poumons fonctionneraient mieux.

Dans ces cas-là, trouver le bon équilibre n'était jamais facile.

Je m'attarda quelques instants encore auprès d'Emma, le cœur gros.

Je ne pouvait pas rester près d'elle en permanence. J'avais un autre patient en charge, un petit Olivio né quatre semaines avant terme.

Heureusement, le bout de chou se portait de mieux en mieux. Il prenait du poids, et les phases d'apnée respiratoire dont il souffrait un phénomène assez fréquent chez les prématurés s'espaçaient de plus en plus. La nuit précédente, le monitoring n'avait pas enregistré de dysfonctionnement pendant plus de douze heures, ce qui était très bon signe. Si cette évolution encourageante se poursuivait, Olivio serait bientôt transféré vers le service pédiatrique « normal ». Ensuite, il pourrait rapidement rentrer chez lui. Ses parents attendaient ce jour-là avec impatience !

Je fit chauffer un biberon, puis je débrancha le monitoring cardiaque de Olivio, prit le bébé et s'installa avec lui dans un rocking-chair, à côté de la couveuse d'Emma.

Autant que possible, on incitait les parents à venir nourrir leurs enfants eux-mêmes mais, aujourd'hui, le père de Olivio était en déplacement et rentrerait tard. Comme la mère n'avait pas encore le droit de conduire suite à sa césarienne, elle avait téléphoné pour dire de ne pas l'attendre.

— C'est bien, mon cœur, je chuchota, alors que Olivio tétait goulûment. Tu vas devenir grand et costaud comme ton papa, tu verras.

Sentant une présence, je relevais la tête.

Loan Murray me regardait, une expression étrange au fond des yeux.

— Vous vous débrouillez comme un chef, dit‑il.

— Je... Merci.

je m'en voulut d'avoir bafouillé. Il lui en fallait peu pour perdre les pédales !

Mais le Dr Murray ne pouvait pas savoir à quel point sa remarque l'avait touchée, que l'idée que n'aurait peut‑être plus jamais d'enfant me rendait malade.

Il me fixa quelques secondes, puis se détourna. J'inspira à fond pour se ressaisir et cala Olivio contre son épaule pour le faire digérer. Après avoir obtenu le petit « blurp » que j'attendait, je me mit en devoir de changer la couche du bébé. Puis je le berça un moment, avant de le réinstaller dans sa couveuse.

Pendant que j'affairait, Loan Murray s'était rapproché d'Emma. Je croyait qu'il était en train de vérifier les constantes de la petite fille, mais non. En m'avançant vers lui, je remarqua qu'il lui avait ôté son petit bonnet rose pour caresser sa tête duveteuse.

— Tu vas t'en sortir, ma puce, l'entendit chuchoter. Ça va aller, je te le promets.

La tendresse dans sa voix lui fit monter les larmes aux yeux.

Il avait dit que je me débrouillait comme un chef, mais j'aurait pu lui retourner le compliment : je le trouvait génial.

— J'ai appelé les services de protection de l'enfance, dit‑il. Ils vont se mettre à la recherche d'une famille d'accueil.

— Oui, bien sûr. C'est normal, répondit‑je de façon machinale.

Mais je n'eut un pincement au cœur tandis qu'une idée folle me traversait l'esprit.

Si seulement je pouvait adopter Emma !

Mais non, c'était impossible. Non seulement je devrais suivre une formation théorique, mais je devrais aussi rencontrer des tas de gens, dont un psychologue et une assistante sociale. Et en matière d'adoption, les personnes célibataires ne faisaient pas le poids face aux couples mariés. Mieux valait oublier.

— Je... Puis-je l'ausculter ? demanda-je, se secouant.

— Bien sûr. va-si.

Loan Murray remit son bonnet à Emma, puis s'écarta pour lui laisser le passage. Je chaussa son stéthoscope et procéda à un examen minutieux, en essayant d'oublier la présence du médecin et les effluves d'after-shave boisés qui lui chatouillaient les narines.

Je devait me concentrer sur mon travail !

— Tout va bien, annonça-je quand j'eut terminé. Sauf que le ventre gargouille encore.

— Je m'en doutais. J'aimerais commencer à la nourrir, mais j'ai toujours peur qu'elle ne convulse. Si la situation évolue positivement, nous l'alimenterons par sonde dans une heure ou deux.

— Excellente idée.

Je contourna la couveuse pour m'asseoir devant l'ordinateur relié aux appareils de surveillance et commença à pianoter sur le clavier. Mais la proximité de Loan Murray ne lui facilitait pas les choses. Bonjour les fautes de frappe ! A ce train-là, je n'y arriverait jamais...

— Esté ?

Je ne trouva pas le courage de lui demander de m'appeler «Juju ». Lui-même insistait pour que tout le monde l'appelle « Loan », mais très peu d'infirmières osaient franchir le pas. Et moi encore moins... Sauf que je suis pas une infirmière donc je m'en baleck.

J'oublia ce détail quand, pivotant sur la chaise, je vit le regard soucieux de Loan Murray fixé sur Emma.

Je me leva d'un bond.

— Que se passe-t‑il ?

— Elle va nous faire une crise, je le sens... Préparez vite 0,2 mg de midazolam et 0,5 mg de phénobarbital.

Habituée aux situations délicates, Je me rua sur le chariot de fournitures situé à quelques mètres de là. En moins d'une minute, tout fut prêt. Emma commençait juste à convulser quand je fit passer les deux médicaments dans la perfusion.

Le cœur au bord des lèvres, je me focalisa sur le monitoring cardiaque.

Les convulsions n'étaient jamais bon signe. Emma pouvait en mourir, à tout le moins son cerveau risquait d'être endommagé.

« Elle nous a, nous. Nous allons tout faire pour qu'elle s'en sorte. »

Alors que les paroles du Dr Murray lui revenaient à la mémoire, je fit une prière muette pour que leurs efforts soient couronnés de succès. Je ne voulait même pas imaginer qu'il puisse en être autrement.

Loan enfonça les poings dans les poches de sa blouse, malade d'angoisse.

Le jour de leur rupture, Shana l'avait accusé d'avoir un cœur de pierre. Il savait maintenant qu'il n'en était rien et qu'il était encore capable de s'émouvoir.

Ça le rendait fou de voir Emma dans cet état.

Cette petite puce risquait de ne pas survivre par la faute d'une mère irresponsable qui n'avait pas pris la peine de se faire désintoxiquer !

Mais la colère était un sentiment stérile. J'aidait pas à résoudre les problèmes, au contraire.

Selon une technique bien rodée, il inspira profondément pour garder son calme, les yeux rivés sur le bébé.

Heureusement, les calmants avaient vite produit leur effet. Les convulsions avaient cessé et, à présent, le cœur avait repris un rythme presque normal.

— Il lui faudra une injection de phénobarbital toutes les six heures, dit‑il. Je vais rédiger l'ordonnance. Je veux aussi qu'on lui fasse un EEG.

Vu les circonstances, l'électroencéphalogramme s'imposait, il permettrait d'enregistrer l'activité cérébrale d'Emma.

J'hocha la tête, l'air grave. Visiblement, j'était bouleversé. Se pouvait‑il que, comme lui, elle soit déjà en train de s'attacher à ce bébé ?

Jamais il n'aurait cru possible d'éprouver un tel sentiment. Depuis la mort de Victoria et de leur petit garçon à naître, il avait toujours gardé ses distances d'un point de vue émotionnel.

Mais concernant Emma, tout était différent. Cette petite fille était non seulement très malade, mais abandonnée. Hormis l'équipe médicale, elle n'avait personne pour prendre soin d'elle. Comment aurait‑il pu y être insensible ?

— Emma, chuchota je d'une voix un peu tremblante, en effleurant la joue du bébé. Bats-toi, trésor. S'il te plaît. On va faire le maximum pour t'aider. Fais-nous confiance.

Mon père me l'avais dit aussi a son âge ...

Il sentit sa gorge se nouer en voyant les larmes perler à ses paupières.

Je le touchait d'une manière incroyable. Et ce depuis leur première rencontre, 37 ans plus tôt.

A l'arrivée d'Esteban Johatone dans le service, il avait tout de suite remarqué combien il était beau. Il se ressemblé et se ressemble toujours les même passion. Ses cheveux bruns, la plupart du temps, mettaient en valeur sa nuque aux proportions parfaites. Quant à sa silhouette... On devinait sans peine les courbes de son corps gracile sous son pyjama de bébé. Tout homme normal se retournerait sur son passage, et s'il s'écoutait...

Mais il ne s'écoutait pas. Depuis son aventure désastreuse avec Shana, il s'était fixé une ligne de conduite stricte : « On regarde mais on ne touche pas. »

Sauf que cette bonne résolution devenait chaque jour plus difficile à respecter.

En voyant Esteban se pencher sur ce bébé, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était l'exact contraire de Victoria.

Sa défunte épouse adorait la vie mondaine, l'argent, elle ne s'était jamais privée de rien. Toujours très entourée, elle avait fréquenté les meilleurs cercles de la ville, multipliant les réceptions et les activités de loisir, parmi lesquelles figurait l'entraînement sportif. La pratique intensive du spinning, des exercices sur des vélos spécialement conçus pour le fitness en salle ,lui avait occasionné une rupture du tendon d'Achille. Suite à cela, elle avait déployé une énergie considérable pour se rétablir, et il l'avait épaulée à cent pour cent.

Jamais il n'aurait pu imaginer qu'elle était devenue accro aux antalgiques. Il travaillait beaucoup et passait peu de temps chez lui surtout avec Rohan il avait 13 ans.

Prenant tout ce que lui disait son épouse pour argent comptant, il l'avait vue se remettre en un temps record sans se poser de questions. Puis elle était tombée enceinte...

En fait, elle avait continué à se faire prescrire des médicaments, toujours à son insu.

Après le drame, il s'était demandé mille fois ce qu'il aurait pu faire pour empêcher cela. Sans doute y avait‑il eu des signes avant‑coureurs ? S'il s'était montré plus attentif...

Hélas, on ne pouvait pas refaire l'histoire.

Mais, à présent, il pouvait au moins éviter de gâcher la vie de quelqu'un d'autre avec ses problèmes. Pour lui, il n'y aurait pas de seconde chance. Son travail était tout ce qu'il lui restait. Il serait bien inspiré de s'en souvenir.

J'était jeune, beau gosse, intelligent. Je méritait mieux qu'un homme rongé par le remords et la culpabilité.

Ce soir-là, je décida de raccourcir ma pause.

Certes, tout allait relativement bien dans le service. Emma n'avait pas eu de nouvelle crise de convulsions, et son EEG s'était révélé normal. Les parents de Olivio étaient arrivés et s'occupaient de leur fils. J'aurait donc pu en profiter pour souffler un peu. Mais, malgré cela, je rechignait à partir trop longtemps.

Il lui fallut moins de quinze minutes pour descendre à la cafétéria et expédier une salade.

Au moins, à ce rythme, je n'avait pas le temps de gamberger, je dit en reprenant l'ascenseur. Plus je travaillait, moins je pensait à Loan Murray et à l'effet qu'il lui faisait.

J'était pas divorcée depuis la nuit des temps. Mon arrivée à henry Barbousse remontait à 18 ans. Je n'était pas prêt pour une nouvelle relation. D'ailleurs, la semaine précédente, j'avait gentiment repoussé James Cayman, un urgentiste qui voulait m'inviter à dîner.

Pourquoi, alors, réagissait‑je ainsi en présence de Loan ? C'était absurde !

Je balayait cette réflexion lorsque, parvenue au troisième étage, je vit une vieille dame plantée devant le sas et scrutant l'autre côté de la vitre, appuyée sur une canne.

J'eut un curieux pressentiment.

— Bonsoir, dit‑je, me rapprochant. Puis-je vous aider ?

L'inconnue sursauta si fort qu'elle faillit perdre l'équilibre.

Je lui entoura la taille de manière réflexe.

— Là, doucement. N'allez pas tomber ! Etes-vous ici pour une visite ?

Mon interlocutrice rougit et baissa les yeux.

— Non, non, je... J'ai rendu visite à une amie hospitalisée, et... comme j'aime bien les bébés... je me suis dit que je pourrais monter les voir. Désolée si j'ai enfreint les règles.

— Il n'y a aucun problème, vous pouvez rester là. En revanche, vous n'avez pas le droit d'entrer. Le service accueille des bébés très malades. L'accès est limité aux parents.

— Je... Oui, bien sûr. Je comprends.

La dame recula, rétablit son appui sur sa canne. Puis elle tourna les talons et se dirigea vers l'ascenseur.

De retour au chevet d'Emma, j'eut, de nouveau, la même étrange intuition.

Cette femme était venue pour une raison précise. Et si elle avait voulu voir Emma ?

La nouvelle de l'abandon avait déjà dû se répandre en ville. La visiteuse connaissait‑elle la famille du bébé ? Sa mère ?

Elle aurait dû avoir la présence d'esprit de la questionner davantage.

Mais peut‑être cette femme allait‑elle revenir. Son instinct lui soufflait qu'elles se reverraient tôt ou tard.

Ce soir-là, Loan fut appelé aux urgences vers 19 heures pour une césarienne catastrophe.

Après s'être assuré que le nouveau-né  un prématuré  se portait bien, il rejoignit la réanimation néonatale pour jeter un coup d'œil sur Emma.

Sans surprise, il découvrit Esteban au chevet du bébé.

— Comment va-t‑elle ?

— Plutôt bien. Elle n'a pas convulsé du tout depuis l'autre fois.

— Tant mieux ! C'est super.

Troublé par le délicieux parfum de vanille qui émanait des cheveux d'Esteban, il recula d'un pas.

— Vous avez bientôt fini, je crois ? demanda-t‑il d'une voix un peu rauque.

— Oui, je termine à 21 heures. J'enchaîne ma garde cette nuit à la caserne, mais Mary est malade, et je vais la remplacer demain. Je reprends à 12 heures. Cela me donnera une bonne excuse pour m'occuper d'Emma ! conclut‑je en souriant.

Il enregistra cette nouvelle sans surprise.

Je répondait toujours « présent » pour dépanner mes collègues ou faire des heures supplémentaires. Un point commun entre eux.

— Dans ce cas, vous devriez partir maintenant, déclara-t‑il. Il faut vous reposer.

J'haussa les épaules.

— Ça va aller. J'enchaîne régulièrement les services et les garde, ça ne me dérange pas.

Il aurais voulu argumenter, mais il était mal placé pour le faire. Lui-même travaillait beaucoup. Victoria lui avait souvent reproché de rentrer tard exprès. Rétrospectivement, force était d'admettre qu'elle n'avait pas eu tout à fait tort.

— Je suis de garde, dit‑il, balayant son éternel sentiment de culpabilité. Je vais me reposer dans la salle des médecins. Surtout, donnez la consigne de me faire appeler au moindre problème.

— Ce sera fait. Mais, rassure-toi, les filles ne nous embêteront pas pour rien.

Il me fixa, surpris.

Il avait tellement peu l'habitude qu'on se préoccupe de lui... Essayait‑je de le ménager ? C'était étrange. Plutôt agréable, mais étrange.

— Nos collègues et tu ne m'« embête » jamais, Juju, répondit‑il doucement. Bonne fin de soirée. A demain.

Il gagna la salle de repos comme il l'avait annoncé. Mais le beau visage de moi continua longtemps de hanter ses pensées, et il eut du mal à trouver le sommeil.

La sonnerie stridente du bippeur m'arracha à un sommeil agité peu avant 1 heures.

Oh non, pas déjà ! J'avait eu un mal fou à m'endormir après cette journée riche en émotions et puis si c'est une intervention pas le choix. A minuit passé, je tournait encore dans mon lit, la tête pleine d'images d'Emma et de Loan. J'avait fini par tomber de fatigue, mais je n'était pas assez reposée.

Sauf que, maintenant, il fallait se lever.

J'émergea laborieusement, me doucha à 2 heures du mat chez moi, et n'eut pas d'autre choix que de zapper le petit déjeuner, temps que mes enfants ne monopolise pas la salle de bain.

Jamais je ne serait efficace sans avoir bu un café...

J'arrêta au kiosque au coin de ma rue, où une file impressionnante de clients s'alignait déjà sur le trottoir. A croire que toute la ville s'était donné le mot pour se lever aux aurores !

Après avoir consulté trois fois ma montre, j'allait renoncer quand une deuxième file s'ouvrit sur la gauche.

Je m'y glissa prestement, passa commande puis marcha d'un bon pas vers ma voiture, mon café en main.

Malgré ma fatigue, j'avait hâte de revoir Emma. J'espérait de tout cœur que la petite aurait passé une bonne nuit pas comme moi tien 3 incendies en une nuit c'est étrange c'est surement volontaire.

Les services sociaux avaient‑ils commencé à lui chercher une famille d'accueil ?

Pour une raison inexplicable, j'avait du mal à accepter cette idée. Mais je ne pouvait pas adopter ce bout de chou moi-même. C'était absurde ! Sauf que si je demande à Nate il a déjà 2 fils adoptif le pauvre il est stérile...

Arrivée sur le parking de l'hôpital, je me gara, termina rapidement mon café et entra dans le grand hall. A ce moment‑là, j'eut la vision d'une dame âgée appuyée sur une canne qui descendait d'un ascenseur au milieu d'un groupe d'infirmières.

Était‑ce la même personne que la veille ?

Je tendit le cou, mais je ne vit qu'un dos voûté qui s'éloignait.

J'était presque sûre qu'il s'agissait de la dame en question. Et dire qu'elle n'avait même pas le temps de rebrousser chemin ! Je ne pouvait pas me permettre d'arriver en retard.

Je me raisonna, prit le premier ascenseur libre et gagna le troisième étage.

La surveillante lui avait confié la charge d'Emma et de Olivio, remarqua-je, soulagée, en consultant le tableau de service. Je rejoignit donc sans attendre la salle de réanimation... Et marqua un temps d'arrêt en voyant le Dr Murray assis derrière l'ordinateur près de la couveuse d'Emma.

Allons, idiot, ressaisis-toi. Tu es au travail !

Je me rapprocha pour me poster près du médecin.

— Salut, Juju, dit‑il de sa voix grave.

— Bonjour, docteur. J'inspirant à fond pour ne pas rougir.

— Seulement dommage que tu rougi.

Je resta muet de surprise.

Alors que je cherchait une réponse intelligente, il enchaîna :

— Emma va bien ce matin. Nous allons pouvoir réduire l'assistance respiratoire.

— Tant mieux ! Je m'exclama, soulagée. Envisagez-vous de la nourrir ?

— Oui, puisqu'elle ne convulse plus. Je viendrai lui poser une sonde dès que j'aurai terminé mes visites. Pourriez-vous préparer le matériel, s'il vous plaît ?

— Bien sûr...

Toujours perturbée par sa remarque, je me mit à fixer la couveuse avec un air hébété. Heureusement, Dan, mon collègue de nuit, arriva à point nommé pour me sortir d'embarras.

— Bonjour, Juju ! Aucun problème. Si nous commencions par Olivio ? suggéra-t‑il, soucieux d'échapper à la présence troublante de Loan Murray.

— Si tu veux. Allons-y.

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