Chapitre 3 : Un Lien Compliqué

La douleur sourde à l’arrière de ma tête pulsait avec chaque battement de cœur, me rappelant brutalement que j’avais perdu connaissance à cause de de cette sauvage. Lorsque j’ouvris les yeux, l’obscurité environnante ne fit qu’intensifier ma confusion. Mon corps tout entier protestait contre les cordes serrées qui me maintenaient fermement attachée à un arbre massif. L’écorce rugueuse pressée contre mon dos ajoutait une couche supplémentaire de désespoir à ma situation.

Alors que je tentais de bouger, les cordes mordirent davantage dans ma peau, déclenchant une vague de panique. La réalité de ma situation s’imposa violemment à moi. J’étais piégée, incapable de me libérer. C’est alors que je la vis. Elle se tenait devant moi, sa silhouette élancée et sombre se découpant dans la faible lueur de la lune, ses yeux brillants de méfiance et de colère.

"Tu es réveillée," dit-elle d’une voix glaciale, ses mots tranchants comme une lame. "Je suppose que tu as compris maintenant que jouer les héroïnes n’a fait qu’aggraver ta situation."

Je déglutis difficilement, essayant de formuler une réponse, mais ma gorge était sèche et ma tête encore trop embrouillée pour réfléchir clairement. "Je… je ne veux pas te causer de problèmes. Je veux juste comprendre ce qui m’arrive."

Mon interlocutrice resta silencieuse, son regard perçant semblant peser chaque mot que je prononçais, cherchant la moindre trace de mensonge ou de faiblesse. "Tu parles encore de cette histoire d’autre monde," dit-elle enfin, ses lèvres se tordant en un rictus de dédain. "Mais je t’ai déjà dit que je ne crois pas à tes balivernes. Tu es ici, dans la Forêt Brumeuse, et c’est la seule réalité qui importe."

Elle s’approcha, chaque pas résonnant sur le sol de la forêt comme une menace latente. Puis, d’un geste brusque, elle tira un couteau de sa ceinture. Mon cœur manqua un battement. Mais au lieu de me blesser, elle se pencha et commença à trancher les cordes qui me retenaient à l’arbre. La tension sur mes poignets diminua légèrement alors que les liens cédaient, mais avant que je ne puisse espérer être totalement libérée, je sentis une pression nouvelle autour de mes mains. Nymeria avait simplement détaché la corde de l’arbre pour mieux m’attacher les poignets ensemble devant moi.

Elle tira sur les cordes, me forçant à me redresser, ses yeux sombres et impitoyables plantés dans les miens. "Tu restes une intruse, une étrangère sur mon territoire de chasse. Mais je n’ai pas encore décidé de ton sort. Pour l’instant, tu vas venir avec moi."

Je tentai de protester, de lui expliquer à nouveau que je ne représentais aucune menace, mais elle tira brusquement sur la corde, me coupant la parole. "Pas un mot de plus," ordonna-t-elle. "Tu marcheras et tu me suivras, c’est tout ce que tu as besoin de savoir."

Le ton de sa voix n’acceptait aucune objection. Une peur sourde se mélangeait à une frustration intense. Pourquoi ne voulait-elle pas comprendre que je n’avais rien à voir avec ce monde ? Pourquoi refusait-elle de croire à la possibilité d’une autre réalité ? Mais ces questions restaient enfouies en moi, car je savais qu’elle ne m’accorderait aucune réponse.

Elle me poussa en avant, et je trébuchai légèrement avant de trouver mon équilibre. La corde, tendue entre mes poignets et sa main, me tira vers l’avant à chaque pas qu’elle faisait. La forêt, déjà effrayante dans son immobilité nocturne, devint encore plus oppressante alors que je me forçais à avancer, guidée par une femme qui semblait plus dangereuse que la forêt elle-même.

La fatigue alourdissait mes jambes, et le martèlement persistant à l’arrière de mon crâne ne faisait qu’empirer les choses. Elle, en revanche, avançait sans la moindre hésitation, ses pas réguliers et silencieux, comme si elle connaissait chaque centimètre de cette forêt maudite. Je ne pouvais m’empêcher de me demander où elle m’emmenait et quel sort m’attendait à la fin de ce voyage imposé.

Le silence entre nous était assourdissant, ponctué seulement par le bruissement des feuilles sous nos pieds et le craquement occasionnel d’une branche. Mes pensées, quant à elles, tourbillonnaient, cherchant désespérément un plan, une échappatoire. Mais cette femme semblait toujours un pas devant moi, non seulement physiquement mais aussi mentalement, anticipant mes mouvements avant même que je ne les conçoive.

Après ce qui me sembla être une éternité de marche, je tentai de poser une question, même si je savais qu’elle pourrait s’attirer la colère de ma geôlière. "Où m’emmènes-tu ?"

Elle ne répondit pas immédiatement, se contentant de me jeter un regard oblique, ses yeux noirs et intransigeants scrutant mon visage à la recherche de… quoi ? Une raison d’arrêter, peut-être ? Mais non, elle serra davantage la corde et répondit finalement d’un ton sec. "Tu le sauras bien assez tôt."

Mon cœur se serra à cette réponse énigmatique, et je laissai échapper un soupir involontaire. Il était clair qu’elle n’avait pas l’intention de me libérer de sitôt, et que son plan pour moi, quel qu’il soit, ne me plairait probablement pas. La nuit continuait de s’épaissir autour de nous, la brume montant doucement pour envelopper la forêt dans un manteau spectral.

Les minutes passèrent, ou peut-être étaient-ce des heures ? Le temps semblait se dilater dans cette obscurité froide et impénétrable. Tout ce que je pouvais faire était de continuer à avancer, mes poignets douloureusement serrés par les cordes, mes pensées se bousculant dans un tourbillon d’angoisse et d’incertitude.

Je sentais son regard peser sur moi, un regard qui ne me quittait jamais vraiment, même quand elle semblait concentrée sur la route à suivre. Je savais qu’elle ne faisait que me jauger, évaluer chaque mouvement, chaque réaction, prête à sévir au moindre faux pas. Et à ce moment précis, je pris conscience que ma survie ne dépendait plus seulement de ma capacité à trouver une sortie de cette forêt, mais aussi de ma capacité à comprendre cette femme énigmatique qui me tenait captive.

Alors que la brume s’épaississait autour de nous, rendant la visibilité encore plus incertaine, elle s’arrêta brusquement. Je me tendis, attendant une explication, mais elle ne dit rien, se contentant de regarder fixement quelque chose au loin, que je ne pouvais pas encore distinguer.

Puis, sans un mot de plus, elle recommença à marcher, me tirant avec elle, et je n’eus d’autre choix que de la suivre, chaque pas nous rapprochant un peu plus de l'inconnu.

La marche continua dans le silence pesant de la forêt, à l'exception du bruissement des feuilles sous nos pieds. Elle ne disait rien, son visage fermé trahissant peu ses pensées. Quant à moi, je sentais l’inquiétude croître à chaque pas. Où m’emmenait-elle ? Était-ce pour me juger, pour me condamner ? Les cordes qui liaient mes poignets me rappelaient constamment ma situation précaire, et chaque tentative de tirer sur les liens ne faisait que resserrer davantage les nœuds.

Finalement, la forêt sembla s’éclaircir légèrement, la brume s’amenuisant pour révéler une petite clairière. Au centre de celle-ci se trouvait une modeste cabane, construite à partir de bois et de pierre, ses murs couverts de mousse et de lierre. Une faible lumière filtrait à travers les interstices des volets fermés, donnant à l'endroit une atmosphère mystérieuse, presque sacrée.

Elle me poussa en avant, m’ordonnant silencieusement de continuer. Une fois devant la porte, elle frappa deux fois, de manière nette et précise. Un court instant plus tard, la porte s'ouvrit, révélant un homme d’un âge avancé, sa longue barbe grise tombant jusqu'à sa poitrine. Ses yeux, bien que fatigués, brillaient d’une lueur sage et curieuse. Il portait des vêtements simples, une tunique en lin usée par le temps, et s’appuyait sur un bâton noueux.

"Nymeria," dit-il doucement, son regard passant de la guerrière à moi, ses sourcils se fronçant légèrement. "Je vois que tu as ramené une étrangère. Entre, que nous puissions parler."

Nymeria me poussa à l'intérieur sans ménagement, fermant la porte derrière nous. L'intérieur de la cabane était modeste mais confortable. Des herbes séchaient au plafond, et plusieurs livres épais étaient empilés sur une table. Une cheminée crépitait doucement, diffusant une chaleur agréable. Le vieux sage prit place dans un fauteuil usé et fit signe à Nymeria et moi de nous asseoir sur des tabourets bas en bois.

"Alors, qui est cette jeune fille que tu as trouvée dans la forêt ?" demanda-t-il, son regard pénétrant se fixant sur moi.

Nymeria croisa les bras, ne quittant pas des yeux le sage. "Elle prétend venir d’un autre monde," dit-elle d’un ton acerbe. "Je ne la crois pas, bien sûr. Mais elle ne semble pas mentir non plus."

Le vieux sage plissa les yeux, m’examinant avec une attention renouvelée. "Un autre monde, dis-tu ?" murmura-t-il. "C’est une histoire que l’on n’entend pas souvent. Mais ce n’est pas impossible."

Il se leva lentement et s'approcha de moi, ses yeux scrutant mon visage comme s’il essayait de déceler la vérité enfouie dans mon esprit. "Tu te souviens de tout ? De qui tu es, d’où tu viens, comment tu t’appelais avant de te retrouver ici ?"

J’acquiesçai doucement, incertaine de la direction que cette conversation allait prendre. "Oui, je me souviens de tout. Je m’appelle Laura, je viens d’un monde moderne, avec des voitures, des immeubles… Rien de tout cela n’existe ici."

Le sage recula légèrement, manifestement surpris. "C’est… inhabituel. Très inhabituel, en fait. Ceux que nous appelons les ‘invoqués’ ou parfois les ‘rescapés’ ne conservent généralement que des bribes de mémoire. Leur arrivée ici s’accompagne souvent d’une amnésie partielle ou totale. Le fait que tu te souviennes de tout… c’est un mystère en soi."

"Et cela signifie quoi, exactement ?" intervint Nymeria, son impatience se manifestant dans son ton. "Pourquoi aurait-elle toute sa mémoire alors que les autres ne l’ont pas ?"

Le sage leva une main apaisante, essayant de calmer l'interruption de Nymeria. "Il pourrait y avoir plusieurs explications, mais aucune qui ne soit certaine. Peut-être qu’elle a été invoquée par une force différente, ou bien il se peut que l’entité qui l’a amenée ici ait des desseins particuliers pour elle. Ce n’est pas un simple accident. Rien dans ce monde n’arrive par hasard."

Nymeria haussa un sourcil, son intérêt clairement piqué. "Invoquée, tu dis ? Par qui, ou par quoi ? Et dans quel but ?"

Le sage secoua lentement la tête. "C’est difficile à dire sans plus d’informations. Mais si elle a été invoquée ici avec sa mémoire intacte, cela pourrait indiquer qu’elle est destinée à jouer un rôle particulier dans ce monde. Peut-être même que ses souvenirs sont censés l’aider à accomplir quelque chose."

Il se tourna de nouveau vers moi, son regard maintenant plein de curiosité. "Et toi, Laura, as-tu remarqué quelque chose de particulier depuis ton arrivée ? Des capacités, des compétences qui te sembleraient nouvelles, ou que tu n’avais pas avant ?"

Je secouai la tête, déconcertée. "Non… rien de tel. Je suis juste… normale. Je veux dire, je ne me suis jamais sentie différente depuis que je suis ici, juste effrayée et perdue."

Le sage hocha la tête lentement, se perdant dans ses pensées. "C’est peut-être simplement que tes capacités n’ont pas encore émergé. Ceux qui sont invoqués ici développent parfois des pouvoirs, des dons particuliers. Ils ne se manifestent pas toujours immédiatement, mais quand ils le font, ils peuvent changer la destinée de ceux qui les portent… et parfois même celle du monde entier."

Nymeria, qui écoutait avec une attention croissante, se pencha en avant, ses yeux brillant d’une lueur dangereuse. "Des pouvoirs, dis-tu ? Cela pourrait être intéressant… très intéressant." 

Le vieux sage lui jeta un regard prudent, sentant probablement la tournure que prenaient les pensées de la guerrière. "Ne te précipite pas, Nymeria. Si elle possède des capacités, elles se révéleront en temps voulu. Il faut de la patience et de la prudence pour comprendre ce que cela signifie."

Nymeria acquiesça légèrement, mais je pouvais voir que son esprit était déjà en train de formuler des plans, des idées que je ne pouvais deviner, mais qui n’auguraient rien de bon pour moi. Finalement, le sage se redressa, son expression redevant plus sereine. "En attendant, je vais consulter mes anciens grimoires. Peut-être y trouverai-je des indices sur la nature de ton invocation, Laura."

Il s’approcha de Nymeria, posant une main rassurante sur son épaule. "Veille sur elle, Nymeria. Si elle est aussi spéciale que je le pense, elle pourrait être la clé de nombreux mystères de ce monde."

Nymeria ne dit rien, se contentant d’un léger signe de tête. Puis elle me tira par les cordes, me forçant à me lever. "Merci, sage," dit-elle finalement, sa voix reprenant sa froideur habituelle. "Mais pour l’instant, il vaut mieux que je la garde sous surveillance. Si elle développe des pouvoirs… je veux être la première à le savoir."

Elle fit un signe de tête respectueux au vieil homme avant de me tirer à nouveau vers l'extérieur de la cabane. La porte se referma derrière nous avec un grincement, me laissant encore plus confuse et inquiète qu’avant. La forêt nous enveloppa de son silence oppressant alors que nous nous éloignions de la cabane, mes poignets toujours liés, ma liberté plus lointaine que jamais.

Je savais que quelque chose d’important venait de se passer, mais je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait pour moi. Tout ce que je pouvais faire, c’était suivre Nymeria et espérer que, d’une manière ou d’une autre, je pourrais découvrir la vérité sur mon arrivée dans ce monde… avant qu’il ne soit trop tard.

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