Chapitre 2 : Une Aide Dans La Brume
Les premières lueurs de l’aube peinaient à traverser l’épais feuillage, projetant des ombres étranges sur le sol irrégulier de la forêt. Je me réveillai engourdie, mes muscles protestant contre les rigueurs de la veille. Le feu s’était éteint pendant la nuit, ne laissant que des cendres froides et grises. Mon estomac grogna de manière plaintive, réclamant un vrai repas, mais je savais que je devais bouger avant tout, me remettre en route pour essayer de trouver un moyen de sortir de cette maudite forêt.
Me levant avec précaution, je rassemblai rapidement mes maigres possessions—une branche que j’avais utilisée comme arme et un morceau de tissu déchiré que j’avais ramassé en chemin, sans savoir pourquoi je l’avais gardé. Tout en essayant de retrouver mes repères, je m’aperçus que la forêt semblait différente de la veille. Plus sombre, plus oppressante, comme si elle s’était réarrangée durant la nuit pour me piéger davantage.
Chaque direction semblait identique, chaque arbre ressemblait à celui d’à côté, formant un labyrinthe naturel qui jouait avec mes sens. Je choisis un chemin au hasard, essayant de suivre les traces laissées par les racines saillantes et les feuilles écrasées. La nature m’entourait, impassible et implacable, alors que je marchais prudemment, évitant les pièges naturels que cette forêt semblait poser à chaque tournant.
Les minutes s’étiraient en heures, et la fatigue commença à peser lourdement sur mes épaules. Mon sens de l’orientation, déjà faible dans cette situation désespérée, se délitait à mesure que la forêt me noyait dans son enchevêtrement d’arbres torturés et de broussailles épaisses. L’inquiétude se changea peu à peu en désespoir, chaque pas me semblant me perdre davantage dans ce monde végétal inextricable.
Je m'arrêtai un instant pour reprendre mon souffle, essayant de calmer le battement frénétique de mon cœur. Tout autour de moi, le silence était assourdissant. Pas un seul oiseau ne chantait, pas une seule feuille ne bougeait sous l’effet du vent. C'était comme si la forêt retenait son souffle, attendant patiemment de voir comment j'allais me débrouiller pour me sortir de ce piège.
Une fois de plus, je me remis en marche, refusant de céder à la panique qui menaçait de m’envahir. La détermination, bien que faiblissante, restait mon principal moteur. Mais cette forêt, avec ses sentiers insaisissables et son atmosphère lourde, semblait être un adversaire redoutable, plus vicieux qu'une simple étendue de nature. Elle me tournait en bourrique, me faisait tourner en rond, rendant chaque arbre indistinct de celui qui le précédait. À chaque détour, j'espérais trouver une clairière, un ruisseau, une quelconque marque qui me donnerait l’impression d’avancer. Mais tout restait morne, inchangé, comme si la forêt était infinie et que je n’étais qu’un jouet dans ses griffes.
Le sol devint plus traître à mesure que j'avançais, recouvert de racines proéminentes et de pierres glissantes. Plusieurs fois, je trébuchai, mes genoux éraflant les surfaces rugueuses, mais je me relevai à chaque fois, déterminée à ne pas laisser cet endroit me briser. Plus j’avançais, plus le malaise s'installait, une sensation oppressante qui m’écrasait. Était-ce la forêt elle-même, ou simplement l'épuisement qui me faisait perdre la raison ? Peu importait, je ne pouvais pas m’arrêter, même si l’idée de m’asseoir, de m’enrouler en boule et d’abandonner, devenait de plus en plus tentante.
Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était. Le ciel, caché derrière le dense feuillage, était indéchiffrable, et même la lumière semblait jouer des tours à mes yeux. Parfois, il me semblait que l’après-midi approchait, pour ensuite retomber dans une ombre quasi crépusculaire. J'étais seule, perdue au milieu de ce monde immobile et sans fin. Chaque arbre devenait une barrière, chaque bruissement de feuille un rappel cruel de mon isolement.
Et puis, soudainement, je la vis.
À travers le voile d’une brume qui s’était lentement levée, une silhouette émergea, à peine perceptible au début. Je m’arrêtai net, mes yeux fixés sur cette vision étrange. C'était une jeune femme, debout immobile entre deux grands chênes, ses longs cheveux noirs flottant légèrement dans l’air immobile. Son visage était tourné dans ma direction, mais il était impossible de discerner ses traits avec précision. Elle semblait irréelle, une apparition formée de la brume elle-même.
Mon cœur manqua un battement. Était-ce une hallucination causée par l’épuisement, ou bien était-elle réelle ? Elle ne bougeait pas, se contentant de me fixer, comme si elle m’attendait. L’atmosphère changea, devint plus lourde encore, comme si la forêt elle-même retenait son souffle devant cette rencontre. Mon instinct me disait de fuir, mais mes pieds restaient ancrés au sol, incapables de bouger. J'étais à la fois terrifiée et attirée par cette figure énigmatique.
Je fis un pas en avant, la curiosité l’emportant sur la peur. Mais à cet instant précis, la brume s’épaissit brusquement, engloutissant la silhouette de la femme, la rendant floue, puis invisible. Je me précipitai en avant, désespérée de ne pas perdre ce qui pourrait être ma seule chance de comprendre ce qui se passait.
Mais il n’y avait plus rien. Juste la forêt, les arbres inertes et le silence, plus oppressant que jamais. Je me retrouvai seule, une fois de plus, le souffle court, le cœur battant à tout rompre. Avais-je imaginé cette femme ? Était-ce un tour de mon esprit fatigué ? Ou bien avait-elle été réelle, une âme perdue comme moi dans cette forêt maudite ?
Tremblante, je restai un moment à l’endroit où je l’avais vue pour la dernière fois, espérant vainement qu’elle réapparaisse. Mais le temps passa, et rien ne se produisit. La forêt resta impassible, comme si elle m’avait joué un mauvais tour. Finalement, à contrecœur, je repris mon chemin, mes pas incertains, le visage de la femme gravé dans mon esprit.
La forêt continuait de s’étendre à perte de vue, chaque arbre tordu ressemblant au précédent, chaque ombre se déformant sous l'épais brouillard qui commençait à s'élever. Mes pensées tourbillonnaient encore, tentant de comprendre ce que j'avais vu plus tôt. Était-ce une hallucination ? Le visage de cette femme mystérieuse me hantait, mais je n'avais pas le temps de m'y attarder.
Soudain, un craquement sec me fit sursauter. Une silhouette émergea des broussailles, rapide, silencieuse, et avant même que je ne puisse réagir, une voix glaciale fendit l’air.
"Qu’est-ce que tu fais sur mon territoire de chasse, humaine ?"
Je me retournai vivement pour faire face à la personne qui venait de m’interpeller. Devant moi se tenait une femme grande et imposante, avec une présence qui donnait immédiatement l’impression de dominer l’espace environnant. Ses yeux, sombres et perçants, me jaugeaient avec une méfiance évidente. Ses oreilles pointues et son visage anguleux révélaient son origine non humaine, mais elle dégageait une aura bien plus redoutable que celle d'un simple elfe.
Elle fit un pas en avant, et le sol craqua sous ses bottes renforcées de cuir. "Je n’aime pas répéter les choses. Qui es-tu, et pourquoi erres-tu dans la Forêt Brumeuse ?"
Sa voix était tranchante, chaque mot soigneusement pesé pour imposer son autorité. "Je... je suis Laura," balbutiai-je, tentant de trouver mes mots sous le regard implacable de cette femme. "Je me suis perdue ici. Je ne sais pas comment je suis arrivée dans cette forêt, mais je cherche juste un moyen de sortir."
"Perdue, vraiment ?" Son ton se fit encore plus acerbe, presque moqueur. "Tu penses que je vais croire une histoire aussi absurde ? Personne ne se perd dans la Forêt Brumeuse par hasard. C’est un territoire de chasse, et je ne tolère pas les intrus."
Ses yeux, perçants comme ceux d’un prédateur, glissèrent sur mes vêtements trempés, mes chaussures scolaires dépareillées, et ma chemise froissée. "Et que dire de ton accoutrement ? Tu n’es clairement pas d’ici. Pourtant, tu oses me dire que tu t’es juste perdue ?"
Je secouai la tête, tentant de lui expliquer. "Je viens d’un autre endroit, d’un autre monde. Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi. Je suis tombée dans cette forêt sans comprendre comment. Je ne cherche pas d’ennuis, je veux juste rentrer chez moi."
À l'évocation de l'idée d'un autre monde, Nymeria s'arrêta net. Ses sourcils se froncèrent, son regard devint plus froid, plus méfiant encore. "Un autre monde, dis-tu ? Quelle absurdité. Il n’y a pas d’autre monde que celui-ci. Si tu es ici, c’est que tu y appartiens. Ne me raconte pas d’histoires pour enfants."
Mon cœur se serra. J'avais espéré, même vaguement, qu'elle puisse comprendre ou au moins m’aider. Mais son refus catégorique d'accepter l'idée que je puisse venir d'ailleurs me fit sentir encore plus isolée. "Je vous dis la vérité," insistai-je, la voix tremblante de frustration et de fatigue. "Je veux juste trouver un moyen de sortir d'ici, de quitter cette forêt."
Elle me fixa longuement, pesant mes paroles. Puis, lentement, elle baissa légèrement son arme, mais son attitude restait méfiante. "Que tu dises la vérité ou non, peu m’importe. Ce qui m’importe, c’est que tu te trouves sur mon territoire de chasse. La Forêt Brumeuse est dangereuse, surtout pour quelqu’un d’aussi… inadapté que toi. Alors écoute bien ce que je vais te dire."
Elle pointa son doigt vers l'est, à travers la forêt dense. "Suis cette direction. Après quelques heures de marche, tu trouveras une rivière. Si tu la suis vers le sud, tu pourras sortir de la forêt. Mais prends garde, des créatures rôdent ici la nuit, bien plus dangereuses que moi. Si tu tiens à la vie, je te conseille de ne pas traîner."
Je hochai la tête, reconnaissante malgré son ton brusque. "Merci. Je vais suivre votre conseil."
Mais avant que je ne puisse faire un pas, elle ajouta, plus durement : "Et ne t’avise pas de traîner ici. Si je te trouve encore une fois sur mon territoire, je n’hésiterai pas à t’abattre comme n’importe quelle autre proie."
Le poids de ses paroles m’écrasa, et je me retournai rapidement pour m’éloigner, mes jambes fléchissant légèrement sous le stress. La forêt semblait se refermer sur moi à chaque pas, et le silence se fit à nouveau pesant. J’avais l’impression que chaque ombre, chaque mouvement des arbres était une menace cachée, prête à bondir.
Cependant, après avoir marché pendant plusieurs minutes, je sentis à nouveau cette étrange sensation d’être observée. Je tournai la tête, scrutant les ombres, mais je ne vis rien au début. Puis, un battement d’ailes attira mon attention. Là, haut dans les branches d’un arbre, le corbeau noir qui avait été sur l'épaule de Nymeria me fixait, ses yeux rouge sang brillant d'une intelligence malsaine.
Il me suivait.
Mon cœur se serra. C’était une sentinelle, un espion envoyé par cette femme pour surveiller mes mouvements. Une vague de colère monta en moi. Elle ne me croyait pas, et maintenant elle me traquait comme une proie, prête à me tuer si je déviais du chemin qu’elle m’avait imposé.
Je m’arrêtai brusquement, fixant l’oiseau avec détermination. Si je voulais avoir une chance de m’échapper, je devais d’abord éliminer ce corbeau. Avec une rapidité qui me surprit moi-même, je bondis sur une branche basse, utilisant l’élan pour me propulser vers une autre. Mon corps se mouvait avec une agilité que je ne me connaissais pas, mais la situation désespérée faisait ressortir des instincts enfouis.
Le corbeau s’aperçut de ma manœuvre et tenta de s’échapper, mais je fus plus rapide. En une série de mouvements acrobatiques, je m’élançai dans sa direction, mon arme improvisée en main. D’un coup précis, j’abattis la branche sur l’oiseau qui tomba lourdement au sol, son corps inerte. Un instant, je ressentis une satisfaction froide, mais ce sentiment fut rapidement remplacé par une autre sensation, bien plus alarmante.
"Je t’avais pourtant avertie de ne pas traîner."
La voix de mon assaillante, froide et tranchante, se fit entendre derrière moi. Mon souffle se coupa, et je me retournai lentement pour la voir s’avancer vers moi, son expression plus menaçante que jamais.
Elle s’arrêta près du corps du corbeau, l’ombre de sa faux se projetant sur moi. "Tu viens de faire une grave erreur, humaine."
Mon cœur s’emballa. Je savais que j’avais franchi une ligne, une ligne qui risquait de me coûter cher.
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