Quand le père d'Araxie l'aida à marcher vers la voiture alors qu'elle sanglotait doucement, Zohrab ne put s'empêcher de les suivre du regard, le cœur serré.

Il espérait qu'elle irait bien et qu'elle n'allait pas attraper une pneumonie.

Tout à coup, c'était comme si elle comptait pour lui. Un sentiment familier qu'il avait cru oublié, enfoui par les années et les moqueries au plus profond de son être.

Il aurait aimé être la personne qui soutenait Araxie, la réchauffait et l'aidait à se changer après l'incident.

Tout est de ta faute.

Il se surprit à imaginer son corps, l'imagination l'emportant bien plus loin qu'il ne l'aurait avoué à quiconque. Il chassa l'idée de son esprit. 

Pas Araxie.

Une fois dans leur voiture, il entendit son père dire que Sevan allait à l'hôpital pour vérifier que tout allait bien. Apparemment, Araxie avait mal au bras.

Un poignard de culpabilité frappa sa poitrine. Tout était de sa faute.

— Vous savez comment ça s'est passé ? demanda sa mère en se retournant vers Mihran et Zohrab.

Il sentit le regard de Mihran s'attarder sur lui avant de l'entendre déclarer:

— Non, j'étais aux toilettes.

Sa mère se tourna alors vers Zohrab, un air interrogatif sur le visage.

— Je ne sais pas, elle était sur le bord du port et tout à coup, elle a glissé.

Ce n'était pas strictement la vérité, pourtant il n'arrivait pas à assumer le fait qu'elle était au bord pour lui parler à lui, parce qu'il l'intéressait. Il ne pouvait pas trahir le secret d'Araxie devant toute sa famille.

— Oh, au moins c'est bien que tu l'aies aidée à sortir, dit sa mère en ajustant son écharpe autour de son cou.

Zohrab sentit alors le regard moqueur de Mihran sur lui.

— Tu veux dire qu'il a eu une chance d'être plus proche de son amoureuse ?

Zohrab n'avait pas eu le temps de répliquer que son père réprimanda Mihran :

— Tu vas pas arrêter avec ça à un moment, toi ? Tu nous l'as ressorti à toutes les sauces. Si Zohrab avait vraiment des sentiments pour Araxie, il se serait manifesté. Ce n'est juste pas le cas.

Ironiquement, la riposte que Zohrab aurait aimé entendre quelques semaines auparavant lui laissa un arrière-goût désagréable dans la bouche. Pourtant, il sentit quand même une vague de triomphe l'envahir; enfin quelqu'un remettait son arrogant de frère à sa place. 

Pourtant les sentiments qu'il avait ressenti brièvement à l'endroit d'Araxie l'avait laissé agité. Comme si des mottes hyperactives s'activaient dans sa poitrine, l'empêchant de respirer ou penser normalment. Il ne savait plus où il en était. Pouvait-il aimer Selana et Araxie en même temps ? Ou était-ce son cerveau qui lui jouait des tours en lui faisant apparaître Araxie sous un nouveau jour ?

La pensée ne le quittait plus. L'inquiétude que le possible mal d'Araxie aussi.

Il aimait Selana, ça il en était sûr. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils sortaient ensemble régulièrement, et elle ne cessait de lui procurer plus de plaisir qu'il n'avait jamais vécu. Avec chaque sourire, mot, texto, il s'enfonçait un peu plus.

C'était sa bouffée d'oxygène, son soleil sous le ciel gallois, sa lanterne par une nuit obscure.

C'était aussi sa plus grosse source d'anxiété. Il trouvait insupportable les longues minutes ou heures qu'elle mettait à répondre à ses messages. Pourtant, quand ils étaient ensemble de nouveau, c'était comme si tout se rétablissait.

Elle allait avec lui à la soirée de Dan pour son anniversaire. Il était sûr qu'ils allaient s'amuser. Peut-être même plus...