Emménager avec les Yeramian

Araxie se retourna sur sa couche, se réveillant brusquement. Du canapé où elle dormait dans le salon, elle pouvait voir que la lumière des toilettes était allumée. Quelqu'un venait sans doute d'y aller, la réveillant au passage. Elle repositiona son oreiller sous sa tête. Les deux dernières semaines avait été un cauchemard. Oh mon dieu, faites qu'on déménage vite, faites qu'on trouve un logement.

A leur arrivée, en Août, le père d'Araxie avait eu des difficultés avec le propriétaire qui voulait louer la maison où il étaient sensé habiter. Il avait demandé 6 mois de caution et le père d'Araxie ne sachant que faire s'était tourné vers Zaven, son meilleur ami vivant à Cardiff depuis quelques années qui l'avait rassuré en lui disant qu'il pourrait trouvé un logement avec moins de conditions, lui proposant de vivre chez lui en attendant.

Ce qui était sensé durer une semaine en avait maintenant pris deux et la troisième semaine se pointait à une vitesse affolante.

Son père visitait de nouveaux logements tous les jours sans succès. 

Trop sale. Trop petit. Trop cher. Beaucoup d'agences immobilières voulaient aussi un garant qui pourrait gagner 10 fois la somme du loyer demandé. 

Les deux arméniens ne connaissaient personne remplissant ce critère.

Soudain, Araxie entendit la porte de la salle de bains s'ouvrir; des pas s'approchèrent doucement dans l'obscurité.  Araxie se retourna, tombant nez à nez avec Zohrab. 

Il l'ignora et continua son chemin pour monter dans les escaliers. 

C'était ainsi avec Zohrab, elle n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait dans sa petite cabosse. Pourtant, elle sentait que la distance qu'il établissait entre eux deux ne lui plaisait pas vraiment. Elle aurait voulu plus de proximité. Pourtant, elle avait l'impression qu'il lui reprochait quelque chose qu'elle n'arrivait pas à cerner. Il devait sûrement en avoir marre de toute cette situation. Comme les parents d'Araxie dormaient dans sa chambre et qu'il état forcé de partager celle de Mihran ou Lévon dormait aussi, elle comprenait sa mauvaise humeur. Au moins, il avait la délicatesse de ne pas se plaindre comme Mihran qui ne se gênait pas pour le faire, au grand dam de sa mère, ce qui avait commencé plusieurs disputes.

***

Quelques heures plus tard, Araxie fut de nouveau réveillée, par des bruits métalliques provenant de la cuisine cette fois. Elle regarda son téléphone qui affichait 9h25.  Elle se leva rapidement, plia ses couvertures et rangea son oreiller dans la grande armoire derrière elle. Dormir trop tard l'avait parfois exposé aux mauvaises blagues de Mihran et Lévon, une expérience qu'elle ne tenait pas à renouveler malgré ses yeux lourds de sommeil. 

En entrant dans la cuisine elle vit que Christine, la mère de Zohrab avait déjà préparé le repas. Elle proposa de mettre la table, et d'appeller les garçons qui étaient à l'étage. 

Elle toqua prestement à la porte des garçons et leur cria de venir, le petit-déjeuner est prêt. 

Son frère Lévon partageait la chambre de Mihran avec Zohrab, et elle avait l'impression que Zohrab en avait franchement marre. Il ne disait pas grand chose, mais il était plus souvent dans le salon qu'avec eux. Comme les propres parents d'Araxie dormait dans sa chambre, Araxie comprenait qu'il ne devait plus vraiment se sentir chez lui. 

Après le petit déjeuner, son père sortit, ayant un rendez vous avec une agence immobilière. Le père de Zohrab le suivit peu après. 

En aidant à débarrasser la table, Araxie se surprit à observer Zohrab un peu plus longtemps qu'elle n'aurait du le faire. Il distrayait sa petite soeur Sona pendant que leur mère faisait le ménage. 

Assis par terre, il touchait le bout de son nez avec une peluche, faisant Sona rire à chaque fois.

Ses cheveux, sa silhouette, sa posture. 

Araxie laissa ses yeux scotchés sur lui, collectant tous les verres sur un plateau pour les ramener à la cuisine. 

D'un geste lent et délicat, il reprit la peluche que Sona avait maintenant jeté contre le mur. 

Elle se sentit faiblir en remarquant ses mains. De grandes mains aux doigts effilés et aux paumes allongées.

En revenant de la cuisine, la cocassité de la scène la surpris. Ce n'était qu'un garçon de 16 ans jouant à la peluche avec sa petite soeur. 

Il surprit ses yeux sur lui et la fixa un instant avant de détourner les yeux. C'était normal au fond.

Les trois garçons ne parlaient que rarement à Araxie. Quand ils le faisaient, c'était pour l'embêter. 

Zohrab l'ignorait la plupart du temps et elle ne lui en voulait pas: il devait sans doute vouloir éviter les commentaires embarrassants dont ils étaient douchés à chaque fois qu'ils avaient une interaction.

Les parents ne disaient rien du tout et faisait semblant de complètement ignorer la situation, les encourageant à passer du temps ensemble comme si de rien n'était.

Après avoir fait la vaisselle, elle alla chercher son livre préféré, 1984 dans le sac qu'elle gardait toujours dans le salon. Elle s'assit sur un des canapés prêt de là où Zohrab était et commença à lire. 

"C'était une journée d'avril froide et claire. Les horloges sonnaient treize heures. Winston Smith, le menton rentré dans le cou, s'efforçait d'éviter le vent mauvais."

Les mots n'avaient aucun sens. Elle avait beau se concentrer sur chaque lettre individuellement. Un sentiment de vague familiarité l'envahissait en lisant ces lignes qu'elle avait parcourus maintes fois. Pourtant la présence de Zohrab aussi près l'empêcher de pouvoir se concentrer sur rien d'autre. 

Elle leva les yeux croisant son regard. 

— Tu lis quoi? dit-il, meublant le silence. 

— 1984, répondit-elle, le sourire aux lèvres. 

— Et ça parle de quoi? 

Elle réfléchit un instant.

— D'un gars qui veut être libre de penser et qui ne peut pas l'être.

Il ne dit rien, comme si il essayait de méditer les implications. 

Elle reprit son livre tandis que Zohrab avait pris Sona dans ses bras, la berçant doucement quand elle avait commencé à pleurer. 

Araxie avait été surprise de découvrir qu'il était quelqu'un de très aimant et attentif, une qualité qu'elle ne lui aurait pas deviner si elle ne le côtoyait pas au quotidien. 

Voyant que cela faisait un bon moment qu'il la bercait elle avait avancé timidement:

— Est ce que je peux la porter ?

Il leva la tête surpris avant d'aquiescer.

Avec beaucoup de délicatesse et d'attention, il lui remis sa petite soeur entre les bras.

Sona avait écarquillé ses grand yeux bordés de longs cils et était rester silencieuse, étonnée par ce nouveau visage.

— Tu dois mettre ta main sous sa jambe, dit-il. 

Araxie leva les yeux et croisa le regard de Zohrab posé sur elle. Elle sourit doucement et il lui rendit son sourire.

C'est ce moment que choisis Sona pour régurgiter une partie de son petit déjeuner sur Araxie.

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