Avoir une chambre à soi

Quand les cours reprirent, Lévon et Araxie restèrent à la maison, pendant que Zohrab et Mihran allaient au collège du coin. Araxie s'ennuyait et passait ses journées à regarder la télévision en anglais, bien qu'elle ne comprenne pas grand-chose. 

Les rediffusions de séries de la BBC la fascinaient quand même. Les costumes d'époques étaient magnifiques.

Un jour, alors qu'elle se livrait à cette occupation, assise sur le canapé du salon, on toqua soudainement à la porte. Elle entendit Christine aller ouvrir et Zohrab entra, les cheveux humides, l'uniforme trempé.

— J'ai oublié ma veste, expliqua-t-il brièvement avant de s'avancer dans le salon, chaussures à la main. Il s'assit à côté d'elle, entreprit d'enlever ses chaussettes, puis se tourna vers elle.''

— Tu veux bien m'aider? dit-il.

Surprise qu'il lui adresse la parole, Araxie fronça les sourcils avant de dire :

— ça dépend pour quoi ?

— J'ai mon portfolio d'Art à rendre demain pour avoir une note et je n'ai pas fait la moitié du travail requis.

Araxie serra ses jambes contre son buste, l'air pensif.

— Tu fais Art plastiques toi ?

— Oui, pourquoi?

— Je ne croyais pas, c'est tout.

Il jeta un regard de côté avant de déclarer :

— Bon, c'est oui ou bien c'est non ?

— D'accord, se décida-t-elle finalement en se levant ? Mais tu m'aides avec l'anglais !

Il fit une grimace avant d'enlever son pull et sa cravate, se retrouvant en chemise dans le salon.

— Ça fait du bien, fit-il enfin en s'étirant. Il saisit ensuite une grande chemise en plastique posée transparente par terre et en sortit son cahier d'art. Araxie remarqua les gouttelettes d'eau, toujours collée sur le plastique. Il ouvrit la chemise et en sortit un grand cahier noir.

— Il me manque quelques dessins. J'ai fait les croquis, seulement, j'avais un peu la flemme de les peindre et colorier. Et ce que tu peux faire ça pendant que j'écris l'analyse ?

Araxie rata un battement de cils quand elle vit les croquis qu'il lui montrait. Ils étaient magnifiques.

— D'accord, répondit-elle n'écoutant qu'à moitié. Mais pourquoi tu me demandes ça à moi ?

Zohrab lui jeta un coup d'œil avant de dire: Y a personne d'autre qui pourrait m'aider, si ? 

Et puis j'ai remarqué que tu dessinais pas trop mal. Venant de sa part, c'était presque un compliment.

Ils s'assirent par terre, utiliser la table du salon où les repas prenaient place étant une mauvaise idée. Il faudrait tout déplacer quand ils mangeraient.

Zohrab passa le matériel qu'il avait emprunté à sa professeure d'Art à Araxie et elle s'y attela avec bonne humeur. Elle jetait des regards discrets à Zohrab de temps en temps tandis qu'ils écrivaient son analyse sur une feuille de papier qu'il collerait ensuite.

Il était concentré sur sa tâche et elle trouvait amusante l'expression qu'affichait son visage.Il avait l'air déterminé.

Quand Lévon descendit les escaliers, il vit Araxie et Zohrab face à face, des papiers éparpillés autour d'eux travaillant à un but commun. Il ne put s'empêcher d'afficher un sourire moqueur avant de s'éclipser vers les toilettes.

Quand Mihran reviendrait des cours, ce qui ne saurait tarder, il n'allait pas hésiter à les taquiner.

***

C'était l'heure du dîner et le père d'Araxie n'était toujours pas de retour. Il allait être en retard. Alors que Christine servait à chacun une part de dolma, ils entendirent la porte de la maison s'ouvrir et Sevan apparu. j'ai trouvé un logement, dit-il d'un air triomphant? Araxie en resta bouche bée.

Enfin. Merci mon Dieu.

Elle fit une courte prière dans sa tête. Sa mère se leva un grand sourire sur les lèvres avant d'aller l'enlacer.

Fou de joie, il commença à raconter:

_ Zaven a pour client un libanais qui est propriétaire immobilier ici. Quand il lui a parlé de notre problème, il a tout de suite téléphoné à l'agence qui s'occupe de ses maisons pour leur demander d'arranger quelque chose.

Il s'assit enfin, et ils partagèrent ensemble le repas.

En allant se coucher ce soir-là, Araxie sentit une grande paix envahir son âme.

Sa mère s'entendait bien avec Christine, pourtant Araxie sentait bien que les relations devenaient tendues.

Les seuls qui avaient l'air d'apprécier la situation étant bien sûr Mihran et Lévon. De plus en plus insupportables, ils mettaient tout le monde sur les nerfs en ce moment. Chaque couple essayait de composer, mais Araxie entendait quand même les disputes étouffées quand elle dormait dans le salon.

Enfin, c'est terminé maintenant.

Dans une semaine, elle aurait une chambre à elle. Il fallait seulement attendre que les locataires actuels partent.

***

En découvrant la nouvelle maison où ils allaient vivre, Araxie fut enchanté. Spacieuse, elle avait droit à sa propre chambre tout comme en Arménie. La maison était meublé et il y a avait même un petit jardin. Ils s'installèrent tout doucement. Les matins elle se sentait dépaysé mais d'une bonne façon. Ne plus avoir la tête de Mihran, le frère de Zohrab en face d'elle à la table du petit déjeuner lui faisait plaisir. 

Après avoir emménagé dans leur nouveau logement, s'était posé la question de la scolarité. Il avait fallut faire des demandes en ligne et les écoles les mieux classées de la ville dont la capacité maximale était déjà atteinte l'avaient toutes refusées ainsi que son grand frère. 

La question d'aller dans une école privée ne se posait même plus: c'était bien au dessus de leurs moyens.

Elle avait donc intégré Walnut High. Il avait fallu acheter un uniforme, un blazer bleu foncé accompagné d'une cravate aux rayures verte. Ensuite, des chaussures noires, des chemises blanches, et des jupes couleurs charbon. Elle avait vu tous les écoliers habillé ainsi à la sortie de l'école. Bientôt elle serait parmi eux. 

Le quartier où elle vivait abritait plus de familles roumaines, polonaises ou noires que de galloises.

Elle fut ainsi surprise de remarquer que la moitié de sa classe étaient des élèves d'origine du sud de l'Asie, des Indiens principalement.

Les noirs, des soudanais pour la plupart étaient aussi nombreux.

Cela la dépaysait beaucoup de son pays d'origines où il n'y avait casi-aucune diversité ethnique, les Arméniens formant 97% de la population.

Voir des visages de toutes les couleurs et des origines aussi diverses était tout nouveau pour elle.

Les gallois ou anglais, qui se distinguait par des noms aux consonances anglo-saxonnes ne formaient qu'une minorité. 5 sur 30 élèves étaient d'origine britannique.

Le temps, maintenant qu'on était mi-novembre était franchement déprimant. Il pleuvait souvent, le soleil ne brillait que le matin. A trois heures et demi, il faisait presque nuit.

Etudier la littérature anglaise ne se révélé pas être une mince affaire. Elle ne comprenait rien du tout et devoir analyser les textes était au dessus de ses forces. 

Kasumi-chan_89

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