Quand coule le sang pur

Média: Patte Cendrée

Roulé en boule dans son nid, le lieutenant dormait paisiblement. Trois jours avaient passé depuis qu'il savait que sa compagne portait ses petits, et partout, le calme et la paix régnaient. Dehors, Pelage de Lave accomplissait sa veillée, car l'ancienne Nuage de Lave avait reçu son nom de guerrière. Il fut réveillé par les rayons de l'aube qui filtraient à travers les vieilles pierres. En se levant, il se disait bien que tout ce calme était trop beau pour être vrai. Et il eut sur ce coup là parfaitement raison, car, à peine fut-il sur pattes que la nouvelle guerrière roux foncé poussa un cri aigu : « Des renards ! » Aigle s'ébroua, surpris, et accourut vers l'entrée du camp. La jeune louve ne s'était pas trompée. On entendait déjà d'ici la cavalcade des canins, et leur odeur emplissait l'air. Étoile de la Tornade courut vers eux, suivie de près par Patte Cendrée, Petit Coton, Rive et Lune d'Argent. Le chasseur au yeux nuit se tourna vers sa compagne. « Toi, tu retournes à la pouponnière ! Tu y seras en sécurité », fit-il en la poussant du bout de la truffe. « Mais je peux me battre ! », s'indigna la louve. « Je sais. Mais tu seras en sécurité là haut. Et tu pourras veiller sur Petit Coton... Lune, s'il te plaît... », demanda-t-il en éloignant soigneusement Petit Coton de l'entrée du camp. La femelle brun clair soupira, puis acquiesça. Elle entraîna la louvette gris foncé à travers les ruines, vers ce qui fut autrefois une tour du château, dont les restes, formant un abri protégé et confortable, formait la pouponnière. Rassuré que les deux louves soit en sécurité, Aigle se tourna vers son chef. Les renards se rapprochaient, et la peur luisait dans chacune des paires d'yeux des guerriers rassemblés devant l'entrée du camp. Patte Cendrée et Rive avaient sorti les griffes, prêts à se battre. Le lieutenant réfléchit à une manière de piéger les bêtes, mais il n'avait plus le temps de réfléchir. Il balayait les guerriers du regard, Nuage Clair, Patte Cendrée, Rive, Vent, et lui-même. D'un signe de queue, Étoile de la Tornade leur fit signe de se tenir prêts à l'attaque. Ils reculèrent de l'entrée du camp, et, formant une lignes serrée, griffes sorties, ils se préparèrent à se battre. Leurs ennemis ne tardèrent pas à se montrer. Dix énormes renards affalés, crocs à découvert, fonçaient sur les guerriers. Ils n'ont pas dû trouver de nourriture depuis plusieurs jours, sûrement à cause du rafraîchissement des nuits et du givre de la nuit dernière. Ils ne s'attaquent pas aux loups, sinon, se dit le chasseur. Aigle se jeta sans hésiter sur l'un d'eux, et, accroché à ses épaules, lui lacéra le dos de ses griffes. Le canin poussa un cri de surprise, mais reprit bien vite ses esprits. La bête rousse roula au sol, écrasant le lieutenant encore attaché à ses épaules. Le chasseur poussa un cri étouffé et mordit une patte du renard de toute ses forces. Soudain, le poids de la bête se retira du ventre du loup. Rive se tenait là, et, accrochée aux pattes arrière du canin, lui infligeait de petits coups précis. Aigle la remercia d'un signe de tête, vérifia du regard que tout le monde s'en sortait, et bondit à la rescousse de Patte Cendrée, qui, cloué au sol, se faisait mordre le dos de partout par un gros renard mâle. Le lieutenant prit la bête par derrière et mordit la queue du canin à pleines dents, tirant dessus de toutes ses forces. Le renard lâcha enfin le mâle cendré et envoya avec lui-même le chasseur noir valdinguer contre un roc couvert de mousse. Le loup aux yeux nuit se releva plus vite que son adversaire, et profita que celui-ci était encore au sol, pour s'attaquer à son ventre, qu'il martela de toutes ses forces. Dès que la bête eut repris connaissance, elle s'enfuya, le ventre couvert de sang. Il n'en restait plus que trois. Aigle n'eut même pas le temps de se donner un coup de langue sur une longue  griffe à l'épaule, qu'atterrit sur lui un autre énorme canin. Il ne put s'empêcher de lâcher un soupir d'agacement. La bête l'envoya rouler au sol, et l'y cloua de tout son poids. Le souffle coupé, le combattant tenta en vain de se libérer en laçérant le ventre de son adversaire de ses pattes arrières. Dans un feulement, il leva la tête et mordit le poitrail du canin de ses longs crocs. Il se déloga et, se relevant tant bien que mal, se jeta sur le renard, lui enserra les épaules et mordit de toutes ses forces. Alors que le renard se secouait pour déloger le chasseur, Aigle lui faucha une patte et le fit tomber à son tour. Il roulèrent ensemble dans la descente et finirent leur dégringolade au milieu d'un roncier.  Aigle sentit alors des crocs s'enfoncer dans son épaule. La douleur lui fit lâcher le renard, qui le frappa aussitôt si fort au museau qu'il chancela. Il chercha de l'aide du regard, paniqué à l'idée qu'il ne pourrait pas vaincre son adversaire seul.  Aigle hoqueta en voyant Patte Cendrée immobilisé au sol par un gros mâle foncé. Le guerrier cendré se débattait en hurlant. Alors que les crocs de la bête se rapprochait de sa gorge, Aigle vit rouge.  Il se jeta sur le renard et lui mordit la cuisse de toutes ses forces. Le canin poussa un cri de douleur et essaya de se libérer, mais il enfonca ses crocs un peu plus loin jusqu'à l'os. Son adversaire lui mordit le cou. Paniqué, il releva brusquement ses  pattes arrières et parvint à lacérer le ventre de la bête. Quand le renard le lâcha, il s'écarta de lui sans même sentir les ronces qui lui griffaient les oreilles. Un feulement  rageur lui fit lever les yeux, juste avant qu'un autre renard ne l'assome. Le guerrier au poil noir tomba lourdement au sol et l'autre renard lui sauta dessus. De ses pattes avant, le canin le cloua au sol pendant que les griffes de ses pattes arrières lui entaillaient la fourrure. Aigle n'arrivait  plus à respirer. Terrifié, il tenta vainement de se libérer de la bête. Le renard le griffa de nouveau et il ne put retenir un cri de douleur. Soudain, Étoile de la Tornade grogna et se jeta sur l'adversaire de son lieutenant. Le fardeau qui clouait Aigle au sol disparut aussitôt. « Patte Cendrée ? » gémit-il en se levant péniblement, à bout de souffle. Son camarade gisait à quelques longueurs de queue, un peu plus haut dans la montée, le pelage poisseux de sang. Il accourut jusqu'à lui et se tapit à son côté en grimaçant de douleur.

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