6. Angela

Ma main se pose sur l’avant-bras de Sélenne pour lui signifier de ne pas descendre de la voiture. Je la sens prête à dégainer son arme et à tirer sur tout ce qui bouge. Elle a du cran, il n’y a pas à dire. Les phares de ce qui semble être une fourgonnette nous empêchent de distinguer avec clarté les deux hommes qui en sortent. Le claquement des portières me déclenche des frissons et je me demande comment nous allons négocier la libération de nos hommes.

Nous ne partirons jamais d’ici avec la drogue, enfin avec ma farine hors de prix puisque la majorité de notre cargaison en est constituée. La gorge serrée, j’ai du mal à faire entrer de l’air dans mes poumons. De mauvais souvenirs remontent à la surface.

Le conducteur et son complice se rejoignent devant le capot de leur véhicule occultant les plein-feux et nous permettant par la même occasion de constater qu’ils portent une cagoule sur une tenue entièrement noire. Je plisse les yeux pour mieux observer leurs silhouettes. Peut-être vais-je les reconnaître s’ils sont du coin ?

— Sortez immédiatement de la voiture, hurle celui qui était derrière le volant d’une voix grave et déstructurée.

Pincez-moi, je rêve !

— Angela ! grogne ma passagère. Si tu remarques la même chose, retiens-moi parce que je vais commettre un meurtre, mais pas celui qu’on pourrait penser !

OK, si elle a des doutes aussi, c’est que je ne me trompe peut-être pas.

— Je… je ne suis pas certaine. Adriano ne me ferait pas ça... Il n’oserait pas me laisser croire qu’il a disparu pour… pour quelle raison d’ailleurs ?

— J’en sais foutre rien ! Anton m’aura tout fait ! souffle-t-elle plus pour elle-même. - Quelques secondes après, elle pivote vers moi, semblant au bord de la crise de nerfs - Angela, c’est simple, tu penses qu’un de ses deux hommes pourrait être Adriano ?

J’observe à nouveau les deux types en face de nous à travers le pare-brise où les flocons de neige commencent à s’entasser.
Adriano, je crois qu’il aurait été préférable pour toi que tu sois retenu par un adversaire que de finir entre mes mains si tu m’as tendu un piège !

— C’est le conducteur, j’en mettrais ma main à couper. Et l’autre, c’est Anton ?

— Oui ! Comme si nous n’allions pas les reconnaître avec des cagoules et d’autres vêtements.

— Heureusement qu’ils se montrent plus malins dans les vraies affaires.

— Ça veut surtout dire qu’ils nous prennent pour des billes !

— À nous de retourner la situation, lui dis-je d’un air malicieux.

Les deux hommes ont l'air de s'impatienter et de fait, il ne faut pas longtemps avant qu'ils nous interpellent à nouveau.

— Si vous voulez revoir vos Chefs vivants, va falloir sortir vos petits culs de cette caisse, crie à son tour le deuxième homme.

— Je fais me le faire, s’écrie Sélenne en sortant soudain de la chaleur de l’habitacle en dégainant son arme.

Je m’empresse de la suivre. Tout à coup, deux détonations retentissent. Mon regard pivote vers ma complice qui vient tout simplement de crever les pneus avant de la fourgonnette. Mon cœur s’emballe alors que je vois mon homme dégainer son arme à son tour tout en ôtant sa cagoule. J’accours devant Sélenne pour la protéger du Chef Alario.

— Putain Yourenev ! Tu avais raison, ta femme réagit au quart de tour ! balance-t-il d’un ton léger en baissant aussitôt son flingue.

— Et la tienne, comme tu l’avais prédit, se met en danger pour protéger les autres, rigole à son tour le russe qui dévoile son visage.

— Vous voulez peut-être que je vous apporte un café et des macarons pendant que vous discutez ! les interpellé-je avec colère.

Nos hommes font quelques pas vers nous, mais Sélenne les tient toujours en joue et renforce sa poigne autour de son arme d’un air menaçant, ce qui a le mérite de les faire ralentir.

— Anton, tu as intérêt à avoir une bonne explication pour ce merdier !

J’adore cette nana !

— Sélenne, baisse ton arme, tu veux. Et ensuite, on vous expliquera.

Elle hésite quelques secondes, puis fait ce qu’on lui demande, non sans un regard assassin. De son côté, Adriano est face à moi et il va me falloir plus que son air de charmeur pour m’amadouer.

— Après mon rendez-vous avec Anton hier soir, nous en sommes venus à parler des femmes qui partagent notre vie et du souci de votre sécurité.

— Nous avons pensé qu’il serait judicieux de vérifier si vous étiez aussi en mesure d’assurer la nôtre, termine la moitié de ma nouvelle amie.

— Et ? s’écrie-t-elle à l’encontre de son homme avec une colère qu’elle semble mieux maîtriser que moi. Tu es satisfait ? On a réussi le test ?

— Il nous reste une chose à vérifier avant.

Adriano attend en me fixant droit dans les yeux, tout à fait sérieux. Puis, je percute de quoi il parle. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

— Sois rassuré ! craché-je en me dirigeant vers le coffre de la voiture. Nous avons été de bonnes élèves.

Je reviens vers eux avec le sac qui contient les quelques grammes de cocaïne et un bon kilo de farine.

— Effectivement, ta femme sait se débrouiller.

Que ce russe félicite Adriano pour mes prouesses me fait péter les plombs. J’ouvre le sac et déverse sur les graviers enneigés de la casse les petits sacs contenant la poudre.

— Angela ! rugit la voix menaçante d’Adriano qui commence à prévoir, à juste titre, le pire lorsque je suis hors de moi.

Sélenne capte mon regard et un sourire malicieux se dessine sur nos lèvres. Entre femmes, pas besoin de paroles pour se comprendre. D’un mouvement synchronisé, nous piétinons de nos talons ce que nos hommes prennent pour la came du clan. Nous nous en donnons à cœur joie durant quelques secondes, avant que nos hommes nous stoppent en nous emprisonnant entre leurs bras. C’est un véritable carnage, rien ne pourra être sauvé.

Je vais lui laisser croire encore un peu que je viens de foutre en l’air quelques kilos de coke, ça me semble être un bon début de vengeance.

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