Sarah

24 décembre 2016

     Il est à peine 2 heures du matin, les douleurs constantes des contractions m’empêchent de dormir. Je n'aurais jamais pensé me retrouver seule dans cet immense hôpital pour affronter ce moment qui aurait dû être évidemment le plus beau jour de ma vie. Mon unique amour nous a quittés à la suite d'un accident de la route, c’était, il y a à peine un mois après avoir appris ma grossesse. Ma famille étant à l'autre bout du monde, je me demande sincèrement si j'aurais la force nécessaire pour élever ce petit être qui pousse en moi. Il arrive à grands pas tout comme les fêtes de fin d’année. Installée confortablement dans une vaste chambre de cette maternité depuis hier soir, je me sens complètement désorientée et triste. Je n'ai même pas pris la peine de lui trouver réellement un prénom à ce petit bout. Adrien aurait été de toute évidence le plus merveilleux des pères avec lui. Comment puis-je avancer concrètement sans cet homme à mes côtés ? Nous avions tout prévu pour notre avenir. Ce drame a bouleversé toute ma vie sociale future. De nouvelles contractions me poussent à appeler  la sage-femme, la porte s’ouvre spontanément et quel drôle de  surprise, un homme vient à ma rencontre.

— Comment vous sentez-vous, Madame Davis ?

Perdue dans mes pensées, je ne prête même pas attention à ce qu'il vient de me dire. Il me regarde attentivement et intrigué.

— Madame Davis, êtes-vous sûre que tout va bien ? me demande-t-il poliment à nouveau

— Oui, oui, merci, monsieur. Mais qui êtes-vous précisément ? demandé-je.

Un peu sur la réserve, il ne décroche pas un mot, pas même un sourire lorsqu'il me regarde à nouveau pour me dire aimablement :

— Je suis votre sage-femme. Vous avez bien fait appel à moi ?

— Tout à fait. Je m’excuse de mon impolitesse, je suis simplement étonnée de voir un homme.

— Je comprends parfaitement votre réaction, Madame Davis. Beaucoup de personnes n’imaginent pas un homme être sage-femme. Cela, vous dérange-t-il ?

— Non, cela ne me dérange pas le moins du monde. J'ai tout simplement été surprise.

— Ce n’est pas la première fois, vous pouvez m’appeler Adam, si vous désirez.

— Enchantée Adam !

Les contractions refont des siennes et dans un cri de douleurs, je l'implore qu'il vienne à mon secours. Il me demande calmement à quelle fréquence régulière sont précisément les minutes qui séparent les contractions ainsi que le niveau de douleur de celles-ci. Je lui explique clairement que je suis sur le point d’exploser littéralement s'il ne trouve pas un moyen de m’aider, au plus vite. Adam sort précipitamment de ma chambre me laissant seule, sans mesurer exactement les terribles souffrances qui empirent. Il revient quelques instants plus tard en compagnie du docteur Gauthier, obstétricienne, qui m'annonce qu'elle va regarder le degré d’ouverture de mon col de l'utérus. Elle m'explique qu'il est grand temps de me tenir prête pour que mon bout de choux vienne au monde. Surprise, je lui déclare que je ne suis pas prête à pousser. Adam, qui semble disponible en cette soirée calme à me tenir la main, m'expose les différentes étapes de mon accouchement, qui va se dérouler dans les minutes qui suivent. Les larmes commencent à couler le long de mes joues. Adam aperçoit ma tristesse et avec des mots doux et réconfortants, il me dit que tout ira bien, que si j'ai besoin de m'accrocher à lui, je peux le faire, qu'il sera là et que je ne suis pas seule. 

Je me dis à cet instant, que c'est dans ces moments-là que j'aurais aimé avoir Adrien à mes côtés. Mon amour, ma vie, pourtant, je suis seule pour la venue au monde de notre fils. Adam me regarde et décèle cette tristesse due à l'absence de mon cher bien-aimé. Il me réconforte et m'explique que je ne dois penser qu'à mon fils qui est sur le point d'arriver en ce 24 décembre, que ce sera le plus beau jour de ma vie. Mais les larmes qui s'écoulent lentement ne font qu'accentuer ma peine. Mes pleurs et mes contractions, qui se font de plus en plus douloureuses, me sont intolérables. Le Docteur Gauthier me regarde et m'informe qu'il est temps de donner naissance à ce petit être qui ne demande qu’à sortir et à voir le jour. Durant le travail, mon esprit est loin de cette salle d'accouchement, mais c'est sans compter sur mes laborieuses contractions. Pendant chacune d'elles, on me demande de pousser pour permettre à mon enfant d'arriver.

Après quatre heures de travail, on me dépose enfin mon fils sur la poitrine. Il est là, si petit et si fragile. Les battements de mon cœur apaisent ses pleurs. Et l’instinct mère-enfant se manifeste déjà. J'aurais aimé qu’Adrien soit parmi nous pour qu’il puisse tenir entre ses bras, le fruit de notre amour. Sans réfléchir à son prénom tout trouvé, je l'annonce à Adam, qui m'explique ensuite le déroulement des soins prodigués à mon fils. Lorsqu'il vient me le retirer des bras, tout en me rassurant. Rassurée, je lui demande de prendre soin d'Adrien Jr, qui pousse ses premiers cris. Adam et le Docteur Gauthier s'éloignent de moi avec mon fils afin de prendre toutes les mesures qui le concernent, pour revenir quelques minutes plus tard, mon Adrien Jr. dans les bras d'Adam. L’obstétricienne m'explique que mon enfant est un petit garçon en pleine forme, mesurant cinquante-deux cm pour un poids de trois kilos. 

Sans comprendre, les larmes me transpercent le cœur, mon fils, à nouveau dans les bras. Je pleure tout en le regardant. Les souvenirs avec Adrien me reviennent. Nous venions à peine d'apprendre la très bonne nouvelle à trois mois de grossesse quand deux policiers étaient venus quelques semaines plus tard à mon domicile m'annoncer l'accident de voiture qui a tué l'amour de ma vie. J'avais été anéantie ce jour-là. Au point que durant les mois suivants, je n'avais pas prêté attention à ce petit être qui grandissait en moi. Je me rends compte que j'ai mis mon fils de côté et je le regrette. Aujourd’hui, il est là, blotti dans mes bras bien au chaud. J'ai peur de ne pas m'en sortir seule. Mais je ferai tout pour qu'il soit le petit garçon le plus heureux du monde.

La fatigue me guette, Adam me regarde et m’explique qu'il prendra soin de mon fils pendant que je me repose tranquillement. Angoissée à l’idée de devoir laisser mon fils, je l'embrasse tendrement sur le front et laisse le seul homme de ma vie, partir. Observant la porte se fermer, je m'allonge, les paupières lourdes, mes yeux se ferment en quelques minutes à peine.

F.P

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