Soledad
Coup de feu. La poignée fume et la serrure est brûlante. Une seule victime : le regard de Méduse des murs blancs. C'est ce même regard qui fige les âmes de ceux qui virevoltent comme des étincelles dans la fournaise de l'extérieur, ceux qui s'embrasent dans le four à bois du grand restaurant (mondain) de la bourgeoisie miséreuse. Leurs dents se reflètent dans leurs bagues trop lourdes pour leurs doigts rachitiques. Ils restent de marbre sur un sol en moquette. Mes empreintes digitales caressent la mère de la lumière, l'interrupteur de noirceur. Je remarque que mêmes mes lampes, luminaires, bougies (électriques, je ne joue pas avec le feu) et lustres, sont identiques. Ils naissent et meurent en même temps. À la seconde près. Ce sont des nouveaux-morts-nés. Des jumeaux gémeaux. Ce sont des humains qui se lèvent à la même heure chaque matin, travaillent la même durée chaque journée et se couchent aux mêmes fuseaux chaque soir. Ils devraient se rencontrer, l'un étant le reflet de l'autre, cela ne ferait qu'un seul être avec lequel composer. Une fois ce grand balet d'étoiles achevé, mes tympans furent percés par le cri taciturne de la solitude bruyante. Celle qui fait des ravages dans les vignes de l'être. Ces dernières promettent un millésime d'exception à ses associés de septembre, mais les saisons sont déréglées et l'hiver ronronne déjà sur les genoux des feuilles orangées. C'est la débandade dans les rangs des dieux humains, puisque tout le monde peut s'asseoir à la table de la puissance imaginaire, l'Ambroisie devient un café bu sur un siège inconfortable de bar, tôt le matin, avant de partir s'asseoir derrière le bureau de la routine extraordinaire. Il y a un mystère qui entoure le cou de nos passions éperdues. Il véhicule un timide parfum dans un métro bondé. C'est l'heure de pointes des marathoniens débordés. Maintenant mobile dans un cube immobile, je repense à cette arrivée, j'étais comme un enfant devant un feu d'artifice. J'ai beau dépeindre mon quotidien exceptionnel (par exceptionnel je veux transmettre l'idée d'exception, de la solitude du grandiose) avec cynisme, je regrette d'être passé de l'impressionnisme au cubisme. Mais cette sensation est devenue banale, on ne se soucie plus de l'impact du présent. On s'inquiète plus au sujet de ce que va en penser le futur. Si nos souvenirs seront assez dignes d'êtres désignés ainsi. Quand le ciel pleure, les lumières rampent sur les fenêtres. Les teintes sont chaudes et réchauffent les âmes gelées par le blizzard de la solitude aux traits de paquebots. Longue et massive, transportant des containers de spleen. Ces rides séduisantes forment des sourires dévalant les ponts. Les immeubles ont des centaines d'yeux brûlants. Les diligences du périphérique forment des longs doigts fins de pianiste, jouant un requiem tombant comme un châle sur la ville endormie. Et vue de loin, la métropole est une couverture. Portant en elle un mannequin de flammes. C'est le chagrin d'amour des citadines. Quand la rosée sèche ses larmes, cet Apollon disparaît. Laissant place à sa respiration grise, fermant ses paupières, les lèvres closes et les doigts engourdis. Ce sont deux hémisphères qui se côtoient. Messieurs ne vous sentez pas lésés, vos âmes sont délicatement féminines.
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