Chioné

04 Décembre 2016

00:10

Je suis actuellement terré dans un canapé marron, les yeux éclairés par les touches lumineuses de mon clavier et par les flammes blanches de mon téléviseur. Cela fait quelques jours que je suis en panne d'inspiration, que je me suis endormi à la station service ou que le télésiège s'est arrêté. Je me penche, j'ai les yeux dans le vide. Un vide blanc, cerné de blancheur et de sommets. Le vent balaye froidement les sapins garnissant la piste, les chasse-neige sont piégés dans le froid. Je me rassois sans grande conviction sur le banc métallique en tenant mes skis avides de descente dans mes mains violettes et gantées. Alors ce soir, je me reconvertis. Je troque ma vie longue et pérenne de rêveur contre un saut dans une poudreuse de mots, une poudreuse qui se défilera sous le poids de mes skis. Je repense à ce matin, le visage plongé dans la fumée de mon café. Je suis en hauteur, le tabouret de bar en bois qui me supporte m'offre une vue imprenable sur le restaurant incontournable du village, celui qu'on loupe tout en le connaissant, laissant dans notre conscience un sentiment de soulagement mêlé de remords. Les neiges éternelles se cachent derrière le toit triangulaire de ce palace au feu de bois, brûlant sous les braises du soleil qui ricochent sur les mers tumultueuses des flocons gelés. C'est sûrement pour cela que le seau de mon imaginaire remonte démesurément vide du puits. Je ne vois que des filets de portières, teintées ou non, des visages véhiculés par des pieds, chaussés d'ambition ou non, des portes claquées, violemment ou non, des soleils, saignants ou non. Quand le soleil saigne, je m'installe devant le hublot rectangulaire qui embrasse ma chambre d'un rouge à lèvres de lumière. Et je me dis que j'aimerais être dans une de ces bulles de ferraille qui transporte les fourmis humaines vers des monts de sucre. Je me dis que j'aimerais être suffisamment haut pour ne plus avoir envie de compter les mètres, être assez pétrifié pour juste profiter du reflet de l'agonie solaire qui s'écoule sur les pylônes qui me cernent. Mais une fois dedans, la déchéance de notre ampoule spatiale paraît banale, grésillante. Les mètres se comptent eux mêmes, les bourrasques fouettent la toise invisible qui me sépare du sol, c'est un sonar, un ultrason. Mais ce spleen de skieur m'inspire, au bout de plusieurs jours d'intenses méditations utopiques, le vide ne m'effraie plus. Mes patins longilignes supporteront la descente. Dehors, à travers les vitres, le vent est doux, le vent désire le jour. Les sapins libèrent leurs feuilles oranges et en accueillent d'autres aux couleurs d'émeraude. Les saisons passent, l'horloge s'emballe. Les chasse-neige font des allers-retours rapidement. J'ai enfin fais le plein. L'autoroute baigne dans le soleil.

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