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" Il n'y a pas d'amour sans confiance "
Alfred de Musset
*
- Je te jure que cette grossesse est en train de me grignoter le cerveau. Je n'ai plus de mémoire. C'est affligeant ! Je cherche mes mots tout le temps.
- Ça va passer ! Dans quelques semaines, ton fils naîtra et tu retrouveras toute tes capacités.
- Mon fils... Je ne réalise toujours pas que je vais avoir un fils ! Par Shiva !
- Et moi, je suis pressée de le rencontrer ! J'ai du mal à réaliser que tu vas devenir Maman... C'est impressionnant, dis-je en caressant son ventre rebondi. Et sinon, belle-Maman ?
- Heureusement qu'elle est partie, elle commençait drastiquement à me taper sur le système la vieille. J'ai cru devenir dingue, je ne pensais pas survivre à ça !
- Tu n'exagères pas un peu Nilani ?
- Oh que non ! Ma belle-mère est un monstre affreux venu d'une autre galaxie.
- Arrête !
- Je sens que je ne vais pas pouvoir la supporter toute ma vie. Elle vient trop souvent chez moi depuis qu'elle sait que j'attends son petit-fils. Ça ne me convient pas du tout.
- Sauf que tu n'as pas le choix !
- Sauf que je ne la supporte pas.
- Je croyais que ça allait mieux ?
- Mwouai ! Bof ! En fait, j'ai suivi tes conseils j'ai joué la parfaite imbécile mais je fais une overdose là. Contente qu'elle soit partie.
- Je dois dire que pour une fois j'ai de la chance ma belle-mère est en or, je crois bien que je l'adore.
- La chance ! Dit Nilani en soufflant de désespoir. Et puis j'aime mieux t'avoir toi près de moi, toi au moins tu m'apaises. Mais elle, elle me rend folle. Tu crois que tu pourrais rester jusqu'à l'accouchement ?
- Je ne suis pas certaine qu'Ijaz apprécie Nini.
- Pff ! Dit elle en haussant les épaules. maintenant que « Môman » est partie, il va vite redescendre sur terre. Il ne dira rien si tu restes.
- Ok mais j'ai un travail qui m'attend à Paris et un homme aussi.
- C'est vrai... Je vais m'ennuyer de toi ma Sissi. Promets que tu reviendras quand Baby Boy sera là.
- Mais oui !
- Me laisse pas seule ok ?
- Mais non Nilani. Promis !
*
J'admire Grace. Elle est surtout la meilleure belle-mère du monde. J'aimerai que maman se comporte aussi bien qu'elle vis-à-vis de nos conjoints, même si je sais que ce n'est pas gagné.
Elle ne se fait toujours pas à l'idée que Maceo veuille épouser Maïsha qu'elle trouve beaucoup trop noire, et encore moins à l'idée, que je vive désormais avec Kennedy et sa fille.
Après des mois de tergiversations, nous avons décidé de vivre ensemble. Nous avons mis nos appartements respectifs en location, et nous avons acheté une bel appartement dans le 1er arrondissement de Paris. Nous nous y sentons bien tous les trois et nous formons une joyeuse petite famille.
Je trouve que Maman est d'une mesquinerie sans borne. J'ai cru mourir le jour où elle a osé me dire que ce n'était pas une bonne idée que j'achète un appartement avec un « mulâtre ». Depuis, j'ai suivi Maceo en décidant de l'ignorer tant quelle ne présentera pas ses excuses. C'est quand même fou d'être aussi borné et peu ouvert sur les autres ! J'ai parfois honte qu'elle soit ma mère.
Kennedy, lui, s'en fiche pas mal. Pour moi, c'est inadmissible et indigne d'une mère. Elle doit absolument revoir son comportement. À son âge, on devient raisonnable.
De toute façon, il faudra qu'elle s'y fasse, ses enfants aiment les mélanges et si elle souhaite continuer à nous voir, elle a tout intérêt de se montrer plus conciliante. Parce que ce qui est certain, c'est que j'aime Kennedy et que ma vie se construit à ses cotés.
Et puis j'aime Joy au-delà de tout ce que j'aurai pu imaginer. Cette gamine me rend gaga. Même si sa mère essaie toujours de créer le trouble, je crois que le lien privilégié entre la petite et moi ne fait que renforcer mon attachement pour elle. Cela accentue aussi ma mon désir d'enfant. Je crois aussi que de Nilani si belle avec ses rondeurs n'arrangent pas les choses.
Je n'ose pas en parler à Kennedy et en même temps, je me vois très mal lui faire un bébé dans le dos. C'est déjà ce qu'avait fait Graziella, et je pense qu'il ne se remettrait pas de vivre cela une seconde fois.
J'ai peur qu'il ne me comprenne pas, j'ai peur qu'il le prenne mal, peur qu'il pense que je m'emballe. Je sais que Kennedy préfère qu'on prenne notre temps, mais mon désir d'enfant grandit et raisonne de plus en plus fort dans mon âme.
Auprès de mon homme, j'ai trouvé mon équilibre, je me sens en confiance et en sécurité. Je me sens prête maintenant.
Et bien que je considère Joy comme ma propre fille, je ne suis pas sa mère. Je voudrais moi aussi pouvoir donner la vie. Je voudrais tout simplement être Maman.
*
Depuis que cette idée de maternité m'obsède, je n'en ai jamais parlé à Kennedy. Nisrine et Nilani me recommandent de le faire. J'ai donc décidé de lui en parler ce soir autour d'un bon dîner. Joy est chez ses grands-parents pour les vacances, c'est le meilleur moment pour avoir son attention. Je crains sa réaction mais il va falloir que je me lance sinon je serai ménopausée avant même d'avoir essayer !
- Alors ma chérie ? Que me vaut l'honneur de ce dîner ?
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Et bien à chaque fois que tu veux me parler d'un truc sérieux, tu m'invites au restaurant.
- Pas vrai !
- La dernière fois, c'était pour qu'on emménage ensemble, ensuite pour le choix de l'appartement... Je te connais bien maintenant ma chérie.
- Oui, bon c'est un hasard, dis-je de mauvaise foi.
- Je ne crois pas.
- De toutes façons, ça tombe bien, j'ai quelque chose à te dire, moi.
- Ok ! Toi d'abord et je te dirai ensuite!
- Ah je savais bien que tu avais quelque chose à dire. Je te connais par coeur Elsie Le Kervellen !
- Bon ! Bon ! À toi l'honneur.
- Tu te souviens d'Eric, mon ami espagnol.
- Oui bien sûr.
- Il me propose un chantier à Madrid. Ce serait pour six ou sept mois. Je pense accepter.
- Tu penses accepter quoi ?
- Le chantier ! Mais cela implique je sois à Madrid pour six mois au moins. Je voulais que tu saches, parce que six mois ce n'est pas rien !
Je ne sais pas quoi répondre, je reste silencieuse devant son annonce. Je vois bien qu'il est déjà à fond sur ce projet, et je ne m'en réjouis pas. Décidemment, Kennedy ne pense qu'au travail. Ce type m'exaspère !
- Quoi ? Y'a un problème Elsie ?
- Non.
- Que se passe-t-il alors ?
- C'est que... On vient d'acheter un appart, dis-je nerveusement.
- Je sais mais c'est pour le boulot. Ce chantier est une aubaine pour le cabinet. Tu sais que je peine à trouver de nouveaux clients. C'est la crise bébé !
- Je vois aussi que tu peines à trouver du temps pour moi et que tu veux qu'on déménage à l'étranger alors qu'on est enfin installé !
- Qui a parlé de déménager ? Je ferai des allers-retours !
- De mieux en mieux !
- Je ne te comprends pas là... Qu'est-ce qu'il y a ?
- Il y a que j'ai envie d'avoir une vraie vie de famille et toi tu me parles d'aller-retour pendant six mois ? De toute façon, tu passes ton temps sur tes chantiers, quand-est-ce que tu comptes te poser hein ?
- C'est la première fois que tu me le reproches. Pourquoi aujourd'hui ?
- Pff laisse tomber !
- Non, dis-moi !
- Je voudrais que tu te poses pour qu'on puisse avoir un enfant. Je me sens prête pour ça maintenant.
- Non... Non... Non hargne-t'il avec humeur.
Nous en avons parlé dès le départ Elsie et, je t'ai dit que je ne suis pas prêt d'avoir un enfant de si tôt. Je t'aime... Ok... Mais je ne veux pas d'autre enfant.
- Comment ça tu ne veux pas d'autre enfant ?
- Tout ça n'a rien à voir avec toi Elsie, mais je ne veux pas !
- Et ça à voir avec qui alors ? Tu te fiches de moi ou quoi ?
- Je suis désolée ma chérie mais...
- Laisse tomber ! J'ai compris dis-je dans un flot silencieux de sanglots. J'ai compris !
Je m'étais promis de ne pas pleurer si ça tournait mal seulement, je ne peux men empêcher car j'ai trop mal ! Je sors un mouchoir pour sécher mes larmes et Kennedy « le sans coeur » enchaîne :
- Je pense que c'est ton séjour à Londres avec Nilani enceinte jusqu'aux dents qui te donne des envies ! Ça te passera tu verras !
Oh le goujat !
- C'est bon j'ai dit !
- Et puis tu as Joy, tu es comme sa maman !
- Je ne suis pas sa maman. Je suis la compagne de son père, et je m'en occupe du mieux que je peux. Ça ne fait pas de moi une mère !
- Elsie !
- Passons à autre chose si tu veux bien!
- Je veux que les choses soient claires. Je te le redis : Je ne veux pas d'autre enfant. Ce serait trop compliqué, tu comprends ?
- Trop compliqué pour qui ?
- Ma chérie, je t'en prie ...
- C'est bien ce que je pensais. Tu ne penses qu'à toi !
- Mais non !
- Bon j'aimerai passer à autre chose s'il-te plaît. J'ai bien compris le message. Merci !
Le reste du repas se fait dans un quasi silence. Je redoutais sa réaction et j'avais bien raison. C'est dommage car c'est au moment où je me sentais la plus heureuse, que je commence à tout remettre en question.
C'est difficile de faire un choix entre l'amour que j'ai pour lui et mon désir d'enfant. Je ne veux pas le laisser tomber, simplement, mon horloge biologique tourne.
Est-ce trop demander que d'avoir un bébé avec l'homme qu'on aime ?
Je pense qu'en réalité, Kennedy n'a pas assez confiance en moi, et c'est certainement la raison pour cela qu'il ne veut pas d'enfant de moi. Des théories toutes aussi folles les unes que les autres accourent dans ma tête.
Je flippe complètement !
Je décide de ne plus relancer le sujet en tentant de passer à autre chose, le temps que ça se calment entre nous. Le soir même, nous nous couchons chacun à un bout du lit. Pas un mot. Pas un regard. Pas une caresse. Rien. Mon coeur est envahie par la tristesse.
Mon rêve d'enfant s'envole, je ne sais pas encore si j'y survivrai !
***
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