~ 23 ~
" Il faut se quitter souvent, pour s'aimer toujours. "
Proverbes Français
*
Ça fait presque dix jours qu'il pleut sans arrêt et donc sans surprise, ce week-end rebelotte, on ne bouge pas de l'appartement. Nisrine est arrivée hier soir de Montpellier et visiblement, le soleil du sud ne l'a absolument pas suivi. Elle-même est écœurée parc cette météo parisienne.
Toutes les balades que nous avions prévu sont tomber à l'eau. Heureusement, qu'on a de quoi s'occuper parce que franchement, c'est déprimant. Cependant, nous discutons de tout et rien.
Nisrine me fait un peu le résumé de sa vie et m'apprend qu'après toutes ces années de silence, sa mère lui reparle enfin. Elle est enfin venue rencontrer son petit-fils.
Pour ce qui est de son père. Statut Quo. Il ne veut pas entendre parler de sa fille, il dit d'ailleurs qu'il n'en a plus, puisque Nisrine et son cher mari ont récupéré la petite soeur de cette dernière chez eux. C'était la seule façon de la libérer du joug familiale beaucoup trop lourd pour ses frêles épaules.
Enfin ! Les histoires de Famille de Nisrine sont toujours d'actualité. La chance qu'elle a, est que sa belle-famille se comporte avec beaucoup d'amour et de générosité envers elle.
Je suis contente de la savoir heureuse et de la voir épanouie. Ça me fait du bien de la voir. Elle est celle qui a connu toutes les galères de ma vie. Nous avons grandi ensemble, et je me félicite d'être encore son amie aujourd'hui. Surtout quand on voit que Tanesha n'a jamais daigné renouer avec nous. Parfois je repense au trio que nous formions, et je regrette que notre amitié ait été enterrée si vite.
J'explique à Nisrine la situation dans laquelle je me trouve actuellement depuis le retour de Stan. Elle m'écoute religieusement, reste un moment sans parler, puis me dit très sérieusement :
- Il va falloir que tu te calmes. Il va falloir que tu te poses. J'ai l'impression que tu vis en apesanteur, il faut redescendre sur terre Sissi !
- Mais je sais !
- Le problème, c'est que tu sais toujours, mais que tu ne fais jamais rien. Tu es une femme maintenant ! Tu ne peux tout de même pas laisser tes sentiments d'adolescentes éplorée chambouler ta vie ?
- Mais non Nisrine ! Ce n'est pas ça...
- Et bien c'est quoi alors ? Pourquoi ne laisses-tu pas Stan loin de toi ? Vraiment je ne te comprends pas. Et tu devrais laisser Quentin tranquille aussi.
- Mais Quentin n'y est pour rien le pauvre !
- C'est justement pour cela que tu devrais le laisser poursuivre sa vie sans toi. Parce que tu ne sais pas encore ce que tu veux. Il souffre pour rien peucher, dit-elle avec son fort accent méditerranéen.
- Mais j'aime Quentin !
- Pas comme tu le devrais.
- Mais si, je t'assure. Je veux que ça marche entre nous !
- Prouves-le lui alors ! Parce que d'après la discussion que nous avons eu hier. Il me semble qu'il désespère de t'avoir rien que pour lui un jour.
- Mais qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Tu le lui demanderas.
- ...
Je suis découragée d'entendre ce que Nisrine me rapporte.
- Tu sais combien je t'aime mon Elsie, mais là, je te demande sérieusement de tout arrêter. Tu vas te brûler les ailes à force de papillonner comme tu le fais. Et crois-moi, tu l'auras mérité.
- Si Tu le dis !
- Non pas si je le dis ! Mais si tu continues ainsi, c'est ce qui va arriver. Je n'ai aucune envie de te voir souffrir et il me semble qu'il est temps d'agir en adulte à présent. Il faut faire le ménage dans tes sentiments et aussi revoir tes priorités.
- Tu es dure.
- Je serais une bien mauvaise amie, si je te le laissais poursuivre dans cette voie sans issue. Tu es belle, jeune, intelligente... Il faut te ressaisir Sissi. Vraiment !
Que ce soit Dylane, Nilani ou Nisrine, toutes ont un discours similaire, même si Nisrine a été la plus virulente. Je sais qu'il faut que je me remette en question, mais je ne sais pas quelle est la bonne question à me poser.
Tristesse !
*
Lorsque Nilani est stressée, elle cuisine. Et elle cuisine beaucoup trop. J'ai donc pris l'initiative de convier Joé et Quentin pour le dîner. On ne sera pas de trop pour arriver à bout de ce festin.
Les effluves d'épices embaument notre petit appartement et j'ai déjà faim. J'essaie de piquer Un nan au fromage qui sort tout chaud du four. Nilani me tape sur la main pour que je lâche ma prise.
- Tu ne peux pas attendre à la fin ! On ne pique pas dans les plats.
- Ok ! Ok !
- Et puis c'est encore trop chaud ! On attend les autres et tu pourras manger à ta guise. Pour l'instant bats les pattes ! Dit-elle avec humeur.
Je ne sais pas encore ce qui la stresse mais lorsqu'elle est dans cet état, vaut mieux ne pas la provoquer. Je ne la questionne pas pour l'instant, mais je compte bien savoir ce qu'il se trame.
Quentin arrive le premier. Je le débarrasse et l'installe dans le salon. Je n'ai même pas le temps de finir de mettre le couvert que Joé arrive déjà. Finalement, nous installons à table. Le repas Pakistanais de Nilani est tout simplement magique. Il faut dire qu'elle a été à bonne école avec sa mère et ses tantes.
Peu à peu, Nilani se détend. Les pitreries de Joé et le rosé que nous buvons y sont pour quelques choses. Nous rions à gorges déployées. Je crois que nous avions tous besoin de cette soirée entre copains, il n'y a rien de tel pour retrouver le moral.
Soudain, la sonnette stridente de la porte d'entrée retentit. Cela interrompt quasi immédiatement notre fou rire à propos de la discussion improbable que nous avons, sur la pilosité des femmes Pakistanaises.
Oui ! Oui ! Nous avons des sujets de conversations brillants !
- On attendait quelqu'un ? Me demande Nilani qui hoquète encore tant elle rit de nos bêtises.
- Absolument pas.
- Je vais ouvrir propose Quentin.
Il revient quelques secondes plus tard :
- C'est pour toi Elsie !
L'attitude de Quentin me met la puce à l'oreille. Il na pas l'air très content. Il doit peut-être s'agir de Stan. Moi qui pensait avoir été claire... Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir la très blonde et élégante Graziella ! Malgré sa tête enfarinée, elle est sublime comme toujours. Il me semble qu'elle a déjà beaucoup pleuré ! Ses yeux sont rougis et boursoufflés.
- Bonsoir ! Mais pourquoi restes-tu là ? Entre !
- ...
- Graziella ça va ?
- Et comment ça pourrait aller après ce que je viens d'apprendre. Tu n'es qu'une hypocrite. Une mégère, une voleuse d'homme. T'avais déjà le tien mais il te les faut tous hein ? C'est ça ?
À cet instant, je comprends qu'elle sait. Elle hurle et gesticule comme une damnée. Et je ne sais plus où me mettre. Je voudrais être ailleurs !
- Graziella, je... je suis navrée. Entre pour qu'on en discute. Tu veux ?
En guise de réponse, elle m'envoie une de ces gifles qui me fait presque perdre l'équilibre. Sa rage se déverse jusque dans le bout de ses doigts. Je n'ai pas le temps de lui dire combien je regrette, qu'elle me crache un horrible : « Tu vas me le payer ! » avant de tourner les talons et repartir entre sanglots et jurons.
Alertée par les éclats de voix, Nilani m'a rejointe. Elle a assisté à la scène et s'approche de moi calmement.
- Ça c'était de la gifle hein !
- Je vais le tuer !
- Mais tu saignes ?
- Pourquoi il le lui a dit. Ce n'était pas nécessaire. Nous ne sommes plus en contact depuis des semaines maintenant .
- Ne t'occupe pas de lui. Là il faut désinfecter. Tu saignes là !
- Je men fiche !
- Elsie sois raisonnable enfin !
- Je vais me faire virer ! Si elle est venue jusqu'à chez moi par ce temps et juste pour me gifler, c'est que je vais me faire virer.
-. On réglera ça plus tard. Soigne ta lèvre et reviens vite à table, nous avons du monde.
- Quentin...
- Je vais lui parler.
- Oh mon Dieu, ce que j'ai honte ! Tu te rends compte ?
- Ah Elsie ! J'espère que tu comprends maintenant pourquoi nous te mettions toutes en garde ? C'était prévisible !
- Je suis foutue !
- Quand même pas !
- Si, je suis foutue !
Je ne sais pas à quoi joue Stan, mais si il pense que je vais le contacter à cause de tout ça, il se trompe. J'ai pris en considération ce que me conseillaient mes amies et ma soeur et je ne veux plus avoir à faire à lui maintenant. Il trouve encore le moyen de venir semer la zizanie dans ma vie. J'en ai assez ! Il faut que Stan s'arrête immédiatement ou bien ça va barder !
*
Je vis en enfer. Ou plutôt je travaille en enfer. La façon dont Graziella me traite est... est... À vrai dire, je n'ai même plus les mots. Comme il est impossible pour elle de me virer, (le travail que j'effectue avec les enfants et leurs Famille étant bien trop important pour l'hôpital), elle décide de me pourrir la vie.
Elle refuse mes RTT, mes congés. Quelque soit la demande que je formule, elle la rejette de son désormais célèbre « Non. Impossible. Désolée ».
Honnêtement, j'ai des envies de meurtres ! Je suis tentée de démissionner, mais je n'en ferai rien. La miss Godzilla serait trop heureuse, et je refuse de lui accorder ce trop grand plaisir.
En attendant, je subis. Et je subis doublement, car Quentin aussi s'y est mis. Il refuse de m'adresser la parole, il dit que ç'en est trop pour lui, et que malgré le fait qu'il croit en ma bonne foi, il ne voit pas comment on pourrait envisager un avenir serein tous les deux. Dès le lendemain de l'incident, nous avons eu cette conversation difficile lui et moi. Je ne m'en remets toujours pas et même si je comprends, j'en pleure encore :
- Je suis ravi que tu ailles mieux Elsie, mais ça n'a rien changé à notre relation. Au contraire...
- Quoi au contraire ?
- Et bien depuis que tu as "retrouvé" Stan, tu est plus sereine, c'est certain. Savoir la vérité c'est toujours important. Mais tu es différente. J'ai l'impression que tu t'accroches à notre couple pour les mauvaises raisons.
- Mais n'importe quoi enfin ! C'est parce que Graziella est venue ce soir que tu penses ça ?
- Je t'avoue que je me posais la question . Maintenant, j'en suis certain. Tu n'es pas avec moi pour les bonnes raisons.
- Mais je t'aime beaucoup moi... Et tu le sais Quentin, n'est-ce pas ?
- Non tu ne m'aimes pas Elsie. Tu aimes la sécurité que je t'offre, l'amour que j'ai pour toi, mais moi, tu ne m'aimes pas.
- Et donc je t'aimerais par intérêt ? C'est débile !
- Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit... Je dis juste que si nous sommes ensemble, ce n'est pas forcément par amour.
- Non mais tu délires ?
- Oh que non ! C'est dur pour moi tu sais ? Mais... Tu sais quoi ? Je pense qu'il vaut mieux que....
- Non ! Ne dis rien je t'en supplie. Je te promets de faire encore plus d'efforts, mais...
- C'est là que le bas blesse Elsie. Si tu m'aimais profondément, il n'y aurait aucun effort à faire.
- Oh mon Dieu ! C'est vache ce que tu dis là ! Mais je t'aime moi !
- Tu m'aimes bien. C'est différent !
Mes yeux se remplissent de larmes. Quentin a ouvert sa porte d'entrée sans plus rien dire. Ça me fait mal.
- Tu me chasses ? Tu me chasses de chez toi Quentin ?
- Non. Je veux juste que tu t'en ailles. C'est bien assez difficile comme ça.
- Mais Quentin...
- Laisse-moi du temps s'il-te plaît Elsie ! J'ai besoin d'être seul maintenant.
- Bien.
Je suis partie sans un au revoir, sans plus jamais me retourner. J'ai juste entendu la porte se refermer derrière moi. J'ai été déçue de ne pas être arriver à le convaincre que nous deux ça pouvait exister. Je l'ai peut-être compris tard mais j'aime beaucoup Quentin et je suis prête à être heureuse avec lui à présent, mais Stan a tout gâcher. Je ne sais pas comment ce type a fait, mais il a réussi à orchestrer ma vie comme il orchestre sa musique.
Je suis déçue de moi. Je n'aurais pas dû lui laisser l'accès à ce qui m'était précieux; mon intimité. J'espère seulement que la décision de Quentin n'est pas définitive. Si c'était le cas, je ne chercherai pas à le reconquérir. Les failles sont trop importantes pour qu'il ait de nouveau confiance en moi spontanément. Mais je garde espoir. Peut-être reviendra-t'il vers moi une fois la colère passée ?
Je lui accorde le temps de retrait qu'il m'a demandé bien malgré moi. Peut-être que de cet énième rupture, naîtra un nouveau départ ? En tout cas, je nous le souhaite. En attendant, je laisse passer l'orage ! Je n'ai pas le choix.
***
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