~ 22 ~

" En amour, on croît être deux alors qu'on est trois. "

Eric-Emmanuel SCHMITT

*

Encore une fois Nilani avait raison. Je suis prise par les remords et je n'assume absolument pas ce qu'il s'est passé avec Stan. Je regrette non pas d'avoir céder à la passion, mais de ne pas avoir assez pris en compte d'autres paramètres.

Tout allait bien jusqu'à ce que je revois Graziella au travail. Je réalise que j'ai désormais un mal de chien à la regarder dans les yeux. Ce n'est pas anodin. Cela signifie tellement de choses; je me sens coupable vis-à-vis d'elle. J'ai l'impression de me trahir et de compromettre mon intégrité.

J'ai cette contradiction qui s'acharne dans mon âme. Comment la saluer et lui sourire, alors que je lui ai fait le pire des affronts ? Comment continuer à travailler avec elle l'air de rien ?

Au bal des hypocrites, je suis sans doutes la reine !

Si je n'avais pas su qu'ils étaient ensemble, ça ne m'aurait pas plus dérangé que ça, mais là, c'est différent. Je le savais. Et ça ne m'a pas freiné. Quelle genre de personne suis-je donc devenue ?

Je la croise chaque matin et cela devient de plus en plus difficile de l'éviter. Évidemment, Quentin ne dira jamais rien, mais que ce passerait-t-il si par mégarde la boîte de Pandore s'ouvrait un jour ?

Finalement, je me rends compte que tout ce qui était à La Réunion, n'est pas resté à La Réunion. Ma mauvaise conscience m'a suivi comme une ombre jusqu'à Paris.

Je m'en veux. Terriblement. Je réalise que toute cette histoire peut avoir de lourdes conséquences sur l'équilibre de nos vies. Clairement, j'ai fait un mauvais choix et comme me l'a dit mille fois Nilani: "La passion c'est bien, mais ça ne résout rien."

Je suis tout à fait d'accord avec mon amie, sauf que dans mon cas, j'ai eu besoin de retrouver la passion. Cela a quand même résolu mon obsession du passé.

Le problème c'est que ça ne résout pas le présent. En effet, je pourrais bien aller de l'avant avec Quentin sans me tourmenter seulement, lorsque je pense à Graziella je ne parviens plus à me regarder dans une glace.

J'ai cru mourir le jour où elle nous a proposé de venir dîner chez eux.

Graziella et ses dîners permanents aussi ! Comme si nous n'avions que ça à faire !

Quentin avait rougi, moi je défaillais. J'avais tout simplement dit que je n'étais pas dispo pour le moment, mais que je reviendrai vers elle dès que possible.

La honte !

La seule chose positive dans cette histoire, c'est que je ne suis pas enceinte. Si je l'avais été, je me serais enterrée moi-même six pieds sous terre.

J'en ai parlé avec ma soeur qui depuis qu'elle est devenue mère, a gagné en sagesse. Elle ne comprend pas comment je fais pour toujours me retrouver dans des situations impossibles. Pour dire vrai, moi-même je n'en sais rien. Peut-être que ma vie est faite pour être compliquée ?

Je relève que pour une fois, mon aînée ne me juge pas. Au contraire, elle me conseille avec beaucoup de douceur.

- On dirait que tu en pinces toujours Stan, je me trompe ?

- Dylane, c'est le brouillard total ! J'ai surtout du mal avec Graziella.

- Tu devrais faire le point. Parce que c'est Quentin qui risque d'en souffrir. Tu sais à quel point il t'aime n'est-ce pas ?

- Je sais.

- Et toi tu l'aimes à demi. Il faut que ce soit tout entier.

- Je sais Dylane. Je sais !

- Et je pense que l'excuse de Graziella est trop facile. Tu as des remords parce que tu as toujours des sentiments pour Stan. Je suis certaine que tu penses à lui sans arrêt.

- ...

- Si je peux me permettre, fais ton choix, fais-le vite et tiens-toi à cette décision. Sinon, tu ne t'en sortira jamais !

Elle a raison. Il faut que j'arrête de me retrouver dans de telles situations. Je suis adulte maintenant, je dois arrêter de faire toutes ces choses qui n'ont ni queue, ni tête.

C'est vrai que j'aime Quentin mais je sais aussi que je l'aime bien moins que j'ai aimé Stan autrefois. Et bien qu'il compte pour moi, je ne me sens pas complètement libre dans ma tête et dans mes sentiments.

Tout ce qui m'importe aujourd'hui c'est de donner un nouveau souffle à ma relation avec Stan... Euh Quent...

Oh... quel labsus ! Ça veut tout dire je crois bien...

Définitivement, je sais que j'ai fait un mauvais choix. Il va me falloir beaucoup de temps et de concentration pour arriver à l'oublier complètement. Il faut que je pense à Quentin, à nous deux. À notre avenir !

Concentre-toi Elsie ! Concentre-toi !

*

- Je ne sais pas quoi te dire.

- Oh je t'en supplie aide-moi, Elsie.

- Que compte-tu faire ?

- C'est bien pour ça que je te demande de l'aide, je n'en sais rien !

- Bon. Reprenons depuis le début. Ijaz est à Paris et il veut te voir ce soir. C'est ça ?

- Oui.

- Et toi tu hésites, tu ne sais pas quoi faire ?

- Exact.

- Qu'est-ce qui t'empêche d'accepter ce rendez-vous Nilani ?

- Je n'en sais rien.

- Ben pour tout dire, je ne te comprends pas Nilani ! Tu devrais dire oui. Qu'est-ce qui te gêne ?

- Depuis que nous avons annulé le mariage, je ne lui ai plus parlé. J'ai seulement répondu à son message, pour confirmer que j'étais bien arrivée. Et là, ça fait quelques semaines, qu'il cherche à savoir comment je vais. Il m'a même envoyé une carte postale du Mexique...

- Et ?

- Et quoi ?

- Et bien s'il n'y a rien d'autre, je ne vois pas ce qui te chagrine ? Vraiment ! Tu devrais accepter le rendez-vous.

- Je crois qu'il essaye de me séduire vois-tu ?

- Mais il n'y a pas de mal à se faire du bien !

- Veux-tu que je te rappelle dans quel enfer t'a emmené cette théorie ? Veux-tu peut-être que j'en touche un mot à Graziella ?

- Ouh que tu es vilaine ! Ouh que c'est méchant ! C'est un coup bas Nilani !

- Ose dire que j'ai tort alors !

- Je reconnais que tu as raison. Je n'aurais pas dû, c'est vrai cependant, c'était dans un tout autre contexte. Et tu le sais parfaitement.

- Soit ! Mais as-tu des remord ?

- Hmm.

- Donc je vais me méfier de ton conseil. Même si je reconnais que ta situation est légèrement différente.

- Ça ne te coûte rien de dîner avec Ijaz et peut-être même que vous deviendrez amis ? Vous n'avez aucun passé commun. Tu ne risques absolument rien.

- Pas faux.

- Alors tu vas lui dire oui n'est-ce pas ?

- Je vais lui dire oui. Ok.

- Allez vite, il est déjà quinze heures. Appelle-le vite avant qu'il annule.

- Je devrais m'inquiéter du fait que tu sois plus motiver que moi. Ça ne m'inspire rien qui vaille !

- Nilani cesse de philoser. Appelle-le !

Elle a hésité un temps avant de répondre à son ex futur mari mais je l'ai tellement saoulé qu'elle a fini par lui téléphoner.

Je l'ai aussi supplié de mettre le haut-parleur, pour que je puisse entendre leur conversation. Elle a d'abord refusé avant de céder en me balançant dédaigneux: " Par Shiva Elsie ! Ne grandiras-tu donc jamais ? "

Il est clair qu'Ijaz veut séduire la belle Nilani. À en croire le caractère suave de sa voix, ce charmant garçon n'a certainement pas dit son dernier mot concernant ce mariage. Et vu l'acharnement que Nilani avait mis pour être au top pour ce rencard, il est certain qu'Ijaz reviendra à la charge.

*

Seule devant ma télé, je zappe de façon inconsidérée. Le jeudi soir à part Envoyé Spécial sur la 2, il n'y a absolument rien à voir à la télévision. Quentin, comme d'habitude, est de garde et Nilani en plein rattrapage de fiançailles.

Si elle m'entendait dire ça, elle m'éliminerait sur le champ.

Mon portable se met à sonner. C'est mon père. Depuis que j'ai appris ce qu'il a osé faire, je ne me préoccupe plus de sa perdonne. Quelle sale attitude de chercher à s'excuser, alors qu'il m'a lentement regarder "crever". À cause de lui, j'ai cru devenir folle et j'ai cru que Stan s'était foutu de moi. S'il avait été honnête...

Je préfère ne pas y penser !

Mon père n'aime pas avoir le mauvais rôle, il veut toujours avoir le dernier tout en se faisant passer pour la victime alors que c'est lui le bourreau. C'est ce qu'il a tenté de faire avec Maman et il a presque réussi. Avec le recul, je comprends mieux pourquoi cette dernière nous mettait en garde contre lui.

Je me rend compte que Papa s'en est toujours bien sorti, alors que bien souvent il avait tort. Nous avons compris qu'a posteriori la dépression de Maman. Certes nos parents avaient des problèmes, mais notre père s'était montré assez fin manipulateur, pour se servir des défauts de Maman et la faire passer pour une peste sans coeur.

J'ai encore du mal à supporter ce qu'il nous a fait endurer; mais voilà, nous avons grandi, et nous ne sommes pas dupe. Même Maceo qui était dingue de son papa a mis leur relation en suspens. Trop de déception. Forcément !

Personnellement, je ne supporte plus ses marques d'affections. Et vas-y que je te fais un virement par-ici et vas-y que je t'envoie un petit colis par-là, sans compter les petits messages.

Avant mon père était beaucoup moins présent, mais depuis que je sais ce qu'il a fait, il tente un de se racheter. Saut que moi, on ne m'achète pas!

Alors, je laisse sonner mon téléphone et il fini par abandonner. Il peut toujours attendre pour que je lui parle à nouveau.

Le problème est que dès que je pense à mon père, je pense automatiquement à Stan, et à ce que l'on serait devenu si mon père avait eu un véritable comportement de père.

Stan...

J'hésite un instant.

Stan...

J'y pense beaucoup trop. Je pourrais lui envoyer un texto.

Stan...

Toujours cette terrible contradiction !

Je me retiens d'abord. Puis l'envie de lui écrire et plus forte que moi, je lui envoie: " Coucou! Juste pour avoir des nouvelles. J'espère que tu vas bien. Bisous. Sissi. "

Je n'ai même pas le temps de reposer mon mobile, qu'il me rappelle déjà. Du coup, je décroche, sa voix chaude et grave m'enivre déjà. Nous discutons de tout et de rien, mais surtout de musique. Nous rions beaucoup.
Soudain, je ne sais plus bien comment, la conversation prend un ton plus sérieux :

- Je n'arrive pas à t'oublier Elsie.

- ...

Hein ? Quoi ? Mais...

- Je sais que je n'ai pas le droit de te dire ça, mais c'est la vérité. Je n'y arrive plus...

- Ne dis Rien Stan. Je t'en supplie ! C'est déjà assez difficile comme ça. Je n'ose même plus regarder ta femme en face...

- Ce n'est pas ma femme. Je ne suis pas marié.

- Stan, tu joues sur les mots là ! C'est de la mauvaise foi.

- Je sais.

- Il faut...

- Elsie ?

- Oui Stan ?

- Je ne peux pas t'oublier. Je te l'ai dit, on ne peut pas être ami. Tu sais quoi, je vais lui parler. Ça ne peut plus durer.

- Fais-pas ça. Surtout pas !

- Pourquoi pas ? Graziella sait déjà qu'il s'est passé quelque chose... Je pense à toi tout le temps et... Je suis fatigué de lui mentir et de me mentir à moi-même.

- Tu t'égares Stan. Arrête-ça !

- Je t'aime toujours Elsie. J'ai beau vouloir dire que c'est fini, mais en fait ce n'est pas le cas. Je vivre...

- Dis pas ça... Dis pas ça...

- Pourquoi tu ne me laisse pas dire ce que je ressens ?

- Parce que...

- Parce que ton coeur est toujours coincé entre celui de ton médecin et le mien ?

- Stan !

- Ah donc c'est ça ?

- Je... On ne devrait pas se parler. Je suis désolée de t'avoir contacté. C'était une erreur.

- Non je ne suis pas d'accord. Je crois vraiment qu'il y a quelque chose entre-nous. Maintenant, je ne peux pas t'obliger à faire un choix. Mais le mien est fait. Et je...

- Stan s'il-te plaît... Je... je vais te laisser. C'est mieux.

- Je comprends. Mais saches que suis dispo pour en parler. Tu sais où me trouver ?

- Il n'y aura pas besoin. Bye.

Je raccroche sans même attendre sa réponse. Mes mains sont moites. Il faut vraiment que je m'arrête de faire n'importe quoi, je dois me sortir ce type de ma tête. Ou bien je vais le regretter toute ma vie. Plus facile à dire qu'à faire. Parce qu'entre lui et moi, c'est le feu !









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