~ 12 ~
" La discorde est le plus grand mal du genre humain,
et la tolérance en est le seul remède."
Voltaire
*
La période des fêtes de fin d'année arriva à grand pas. J'appréhendais particulièrement l'instant où mes parents allaient nous demander où nous voulions passer Noël.
Personnellement, je voulais le passer avec Papa. Maman était tellement aigrie et irascible que j'avais du mal à la supporter. En même temps, ça m'embêtait de la laisser seule avec Grand-maman.
Papa m'avait proposé de venir vivre définitivement avec Jemima et lui. J'aurais bien accepté mais je me refusais à abandonner Maceo avec ma Maman. Elle lui aurait fait la misère à ce pauvre minus.
Surtout que Dylane avait quitté le navire pour vivre son idylle avec son Eric-Karim, ou Karim-Eric... Je ne sais plus... Elle ne faisait plus cas de ce qu'il se passait chez nous. Ma sœur aînée vivait sa vie comme bon lui semblait. Étrangement, toute cette histoire n'avait pas l'air de l'affecter du tout.
Son comportement détaché alimentait la rage de Maman. Tous les efforts qu'elle avait fournis pour que sa famille semble parfaite et organisée partaient en fumée. Plus de mari, plus de fille aînée parfaite, une cadette artiste et sans avenir. Sans compter le petit dernier en pleine crise d'adolescence... Je comprenais parfaitement que tout ça soit difficile à encaisser. C'était plus qu'elle ne pouvait supporter.
Elle se sentait pointée du doigt ; elle qui alimentait les cancans autrefois, était désormais l'objet de tous les ragots du quartier. Il ne fallait rien de moins que ça pour l'achever ! Maman qui était si coquette et si raffinée ne l'était plus du tout. Elle devenait quelconque et mal accoutrée.
C'était une très belle femme pourtant, mais son objectif n'était plus de paraître maintenant. Maman concentrait désormais tout le courage et l'énergie qui lui restait, à faire de la vie de Papa un enfer. Elle était la commandante en chef de la discorde et il n'y avait plus une seule once de courtoisie en elle.
C'était laid à voir !
Elle réclamait la garde exclusive de Maceo, qui refusait pourtant de vivre avec elle. Elle réclamait la quasi-totalité de leurs biens et même des parts du cabinet.
C'est dire !
Maman voulait surtout retourner vivre quelque part en Bretagne. Là où, personne ne la connaissait. Il fallait qu'elle se reconstruise un mur d'apparences pour exister dans son nouvel ailleurs. De toute façon, elle ne savait pas faire autrement, que faire semblant. En observant de plus près, la situation, je me demandais si moi aussi, je pouvais finir un jour comme Maman. J'avais comme elle, la capacité de rendre plus belle la réalité alors qu'elle ne l'était pas.
Quelle horreur !
Une chose était sûre, je ne voulais pas finir ma vie comme elle. Seule, en colère et découragée de ne jamais avoir aimé et été aimée sincèrement. Il en était absolument hors de question !
À force de courir après un semblant de réussite, Maman était en train de rater sa vie complètement. Quel dommage !
*
Comme chaque jeudi, je déjeunais à la cafétéria de la fac de Sciences avec Nisrine. Entre ses cours, Tarek, et son job étudiant mon amie n'avait plus jamais le temps pour quoi que ce soit. Heureusement, nous avions ce jour-là pour entretenir physiquement notre amitié.
- Qu'est-ce que t'en penses ? Me dit-elle en me montrant une photo de sa robe blanche sur son écran de téléphone.
- C'est pas mal ! Tu devrais tout de même l'essayer avant de l'acheter non ?
- On n'a encore rien décidé. Je regarde juste comme ça.
- Humm !
- Et puis, pour avoir la promotion, je ne peux que l'acheter sur le net.
- Au pire, si ça ne va pas tu la renverras.
- Oui ! Et s'il y a juste des retouches à faire, je verrais...
- Tu es certaine de vouloir te marier ? Parce que...
- Je sais très bien à quoi tu penses Elsie ! Mais je l'aime et il m'aime. Tu sais je ne peux pas continuer à vivre comme ça. Chez nous, ça ne se fait pas. Et avant que cette histoire ne vire au drame, il vaut mieux qu'on se marie.
- Je comprends... Mais on est au 21ème siècle Nini. T'as quand même le droit de coucher avec ton mec non ? Si c'est toujours le même en plus. C'est pas un drame !
- T'es folle toi. Non! Non! Y'a qu'avec un mari que je dois faire ça. Elsie ! Ne me pervertis pas je t'en supplie !
Sa réaction me fit lâcher un rire puissant.
- Bon c'est comme tu veux hein ? Moi si Stan voulait de moi, je ne lui dirais pas non, tu vois.
- Tu serais prête à donner ta virginité au premier venu ?
- C'est Stan, Nini !
- Alors là... Pas moi ! Il n'y a qu'un mari qui mériterait ça.
- Mais Stan n'est pas le premier venu ! Ohhh !
- Elsie...
- Tu sais, si j'avais été prête avec Léo, je l'aurais fait sans hésiter mais je ne l'étais pas. La preuve que je ne m'offre pas au premier venu. Mais avec Stanislas....
- Elsie ! Pour une fois je trouve que tu devrais embrasser ma culture. Ça te sauverait de bien des situations !
J'éclatais de rire à nouveau !
Ceci dit, Nisrine n'avait pas tort, tout n'était pas à jeter dans sa culture. Bien au contraire ! Sur ce point, elle marquait un gros point.
- Je suis sérieuse Elsie ! Ne te jette pas dans les bras de Stan juste parce que tu en as envie. Promis ?
- Oui Maman Nisrine ! C'est Promis.
- Pour en revenir à nos moutons, je voudrais juste que tu attendes d'avoir terminé ton année si tu veux te marier.
- Humm ! Humm !
- Imagines que tu te retrouves avec un bébé ? Les études, le travail, le mari et le bébé... Tu n'iras jamais jusqu'à la thèse avec un tel package !
- Tu n'as pas tort, dit-elle pensive. Je n'avais pas vu les choses comme ça, mais...
- Tu n'as pas fui une prison, pour t'enfermer dans une autre ?
- C'est vrai ! Pour une fois que tu dis quelque chose de sage !
- Oh Nini... ralais-je ! En tout cas, je te conseille des fiançailles et l'année prochaine tu verras si vous êtes toujours heureux. S'il t'aime, il attendra non ?
- Il attendra c'est sûr ! C'est juste que j'ai peur de le perdre. J'ai perdu tellement de monde ces derniers temps...
- Toujours pas de nouvelles ?
- Ma mère m'appelle parfois en cachette de mes frères et de mon père. Elle me dit toujours que je lui ai fait du mal. Que c'est dur pour elle. Que sa belle-famille la méprise encore plus qu'avant... Ça me déchire le cœur !
- Et tes sœurs ?
- Elles ont neuf et onze ans. Que veux-tu qu'elles comprennent ?
- Ils exagèrent tous, je trouve.
- À aucun moment elle ne me dit qu'elle m'aime ou qu'elle ne m'en veut pas. J'ai tellement envie de la voir... Ça me fait du bien d'entendre sa voix mais ça me fait mal d'écouter tout ce qu'elle me dit.
- C'est pas facile !
- Et toi, tes parents ?
- Toujours la guerre ! Maman est insupportable. Elle ne pense qu'à elle comme d'habitude. Elle ne fait même pas d'effort pour Maceo. Et Dylane qui a démissionné... Je me retrouve à tout gérer. Je suis dégoûtée !
- Ma pauvre ! Je croyais que ça c'était arrangé.
- La trêve a duré deux jours ! Je ne croyais pas pouvoir dire ça un jour mais vivement que le divorce soit prononcé !
- Bon parlons de choses plus gaies parce que là, on va finir par déprimer.
- Tu as bien raison ! Tchin ! Tchin ! Nisrine ! Dis-je en levant mon verre.
- Tchin ! Tchin ! Elsie ! À nos amours, et à notre vie d'adulte qui commence difficilement!
- M'en parle pas... Oh mince alors ! C'est pas croyable !
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Regarde-moi ça ? C'est Tanesha !
Mon ex-amie ne nous avez pas vu. Nous n'avions pas trouvé nécessaire de l'alpaguer car Dieu seul sait comment elle aurait réagi ! Nous avions cependant remarqué son ventre très rebondi. Nisrine et moi étions bouche bée !
- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Nisrine, j'te fais un dessin ou ça va aller ?
- Ça va aller ! Dit-elle en ricanant.
Tanesha enceinte, il ne manquait plus que ça !
*
Cela faisait déjà trois heures que nous répétions le même chant. Je n'en pouvais plus ! La partition me sortait par les yeux et j'avais une furieuse envie de faire la sieste. La chanson était si compliquée qu'on pouvait penser qu'il nous fallait encore au moins deux autres répétitions de trois heures pour nous en sortir.
La mort !
Stan s'emporta contre le chœur. C'est vrai que nous étions tous très dissipés, alors il nous mit une sacrée pression. Je le trouvais tellement beau dans cet état, je ne pouvais m'empêchait de le mâter.
Pourquoi ne voulait-il pas de moi, bon sang ?
- Dans deux semaines c'est le concert de Noël. L'ambassadeur des États-Unis, le maire et tout ce que la ville compte de notables seront présents. Si c'est comme ça que vous souhaitez les impressionner, dites-le-moi tout de suite et on s'arrête !
- C'est vraiment un concert important les amis. Pour le financement du projet c'est essentiel. Ce concert est en quelque sorte la vitrine de Chorus. Et pensez à notre notoriété... Alors on compte sur vous ! Avait complété Aline avec plus de douceur.
- Est-ce qu'on peut passer aux choses sérieuses maintenant ? Pesta Stan toujours avec cette hargne dans la voix.
- Ok ! Ok ! C'est bon pour nous avait lancé quelques-uns de façon désordonnée.
- Chorus Band s'il vous plaît, on reprend à la quatrième mesure. C'est parti !
L'orchestre reprit comme Stan leur avait demandé. Saby s'était un peu plus concentrée sur son solo et le chœur avait mis du cœur à l'ouvrage pour chanter comme il le fallait. Enfin, c'était beau et harmonieux. Stan avait eu raison de nous secouer les puces. Aline sourit, Stan toujours pas.
De toute façon stressé ou pas, il souriait rarement.
C'est concert était une véritable opportunité. Moi, j'étais heureuse d'enfin me produire sur scène. Papa, Jemima, Maceo et Vanessa avaient déjà leurs tickets d'entrée pour cette fameuse soirée. C'était juste dommage qu'aucun solo ne m'ait été attribué pour ce soir-là Je voulais leur en mettre plein la vue pour qu'il sache que je ne m'étais pas trompée de voie.
J'avais aussi invité Maman mais elle n'avait même pas daigné me répondre. Je n'espérais plus qu'elle soit présente. Elle avait pris le ticket et l'avait déposé comme un vulgaire bout de papier, sur la commode située l'entrée de l'appartement.
Maman était exaspérante !
Peu importe, j'allais enfin chanter comme une pro, avec les pros. Et mes premiers cachets d'artistes allaient enfin tomber. Je planais !
*
Après chaque séance de répétition, nous partagions un petit repas offert par la production. J'aimais ces petits moments où nous décompressions, tout en avalant des petites choses délicieuses. Je discutais avec Saby et Julianna, quand Zach vint me trouver.
- Est-ce que je peux te parler ?
- Oh ! Oh ! Oh ! Chantonna Saby. Monsieur veut "enfin" parler à Elsie ! Humm !
Hyper gênée, je percutais tout de suite... Le problème c'est que Zach ne m'attirait pas du tout ! J'admirais son talent mais ça s'arrêtait là. Je le suivais quand même pour ne pas lui ficher la honte devant les autres choristes.
Quelle misère !
- Je suppose que tu te doutes de ce que je vais dire !
- Justement je doute... Avais-je dis pour esquiver.
- Je t'aime bien Elsie. Et... Donc euh... C'est délicat... Je trouve qu'on s'entend plutôt bien non?
- Euh... Oui... On s'entend super bien oui...
À ce moment-là, Stan qui passait dans le couloir demanda à ce que je puisse passer le voir à l'étage. Il avait des papiers à me faire signer (soit-disant).
Une fois, Stan parti. Zach que rien ne perturbait poursuivit son discours comme si de rien était.
- Tu penses que nous deux ça pourrait fonctionner ?
- Je... Zach c'est que...
- Quoi ? Je ne te plais pas ?
- En fait... J'ai déjà quelqu'un dans ma vie.
Invention totale... Mais pas le choix ! Je n'avais pas d'autre moyen de me sortir de ce mauvais pas !
- Mais je croyais que t'étais célibataire ? Dit-il les yeux plein de surprise.
Oups ! Prise à mon propre piège.
Un mensonge en entraînant un autre, je continuais dans ma lancée.
- Je me suis remise avec mon ex. Voilà tout!
- C'est le petit blond dont tu nous avais parlé là ?
- Oui. Exactement !
- Bon... D'accord... bégaya-t-il.
Zach portait toute la déception du monde sur son visage. J'étais franchement désolée pour lui mais je ne nous voyais pas ensemble. C'est surtout que je le trouvais laid ! C'était un amour d'ami mais ça s'arrêtait là.
- Peut-être qu'un jour tu changeras d'avis ?
- Qui sait, ai-je répondu mal à l'aise.
- Wouai, qui sait ?
- Écoute, je vais aller signer les papiers de Stan et je redescends. On se retrouve tout à l'heure?
- Ok. À toute !
- Zach ?
- Oui ? Dit-il en se retournant vers moi.
- Ça ne change rien entre nous, n'est-ce pas ?
- Non ne t'inquiètes pas ! Répondit-il en souriant .
- Cool !
Quelques marches d'escaliers plus tard, je me retrouvais devant le bureau de Stan. Je réajustais ma tenue et passais une main dans mes cheveux, histoire de me recoiffer. Je frappais à sa porte, après avoir pris une grande respiration.
- Je peux entrer ?
- Oui. Installe-toi !
- Alors qu'est-ce que je dois signer ?
- Tu es tellement naïve Elsie !
- Pardon ?
- Tu n'es pas ici pour flirter avec tes collègues. Tu es ici pour chanter !
- Mais...
- Que faisais-tu avec Zacharie dans ce couloir ?
- Tu me surveilles maintenant ?
- Là n'est pas la question !
- Si justement ! Je ne me mêle pas de tes affaires et tu ne te mêles pas des miennes voilà tout!
- Fais gaffes à ce que tu dis Elsie ! Et n'oublies pas qu'avant d'être ton ami, je suis ton employeur.
- Stan, de quel ami parles-tu ? Tu es indifférent la plupart du temps, alors ne me parle pas d'amitié ok !
- C'est terrible d'être naïve à ce point !
- Pourquoi parles-tu sans cesse de naïveté ? C'est la vérité Stan ! Tu es indifférent, limite méprisant. Et tu voudrais que je cesse de vivre parce que ce que je fais ne te convient pas ? Alors là même pas en rêve !
- Je dis tout ça pour ton bien ! Zach est super sympa mais il n'est pas celui qu'il te faut. Crois-moi !
- Si je veux sortir avec Zach ! Je sors avec Zach. Avec lui ou avec n'importe qui d'autre d'ailleurs !
- Tu ne comprends rien Elsie !
- C'est toi qui ne comprends rien !
- Tu veux bien arrêter de crier, et te calmer ?
- C'est toi qui a commencé Stan...
- Mais tu ne comprends rien c'est dingue ça Elsie !
- Si tu n'as rien d'autre à me dire, je vais redescendre, prendre mes affaires et m'en aller !
- Tu n'iras nulle part. Tu restes là, dit-il en m'empoignant par le bras.
- T'es pas mon père ! Lâche-moi ! Criais-je en tentant de me dégager.
- Grandis un peu ! Tu te comportes comme une gamine sans cervelle !
- Laisse-moi tranquille, j'te dis !
Stan s'approcha si près de moi, qu'une charge électrique parcourut mon corps. Cela suffit à me faire taire. Ses beaux yeux noirs étaient remplis de colère. Si j'avais été courageuse, j'aurais pu tenter de l'embrasser, au lieu de ça mes lèvres s'étaient crispées. Je tremblais. J'avais peur de sa réaction... C'était intense !
Après avoir passé ce magnifique instant les yeux dans les yeux, Stan me relâcha enfin sans avoir ajouté un mot. Ma respiration se fit haletante ; je transpirais comme si on m'avait enfermé tout habillée dans un sauna à cent-cinquante degré.
- Tout va bien ? Demanda Aline qui venait d'arriver.
- Tout va bien. À plus tard !
- Stanislas qu'est-ce qu'il se passe ici ? Demanda Aline interloquée.
- Rien. Il ne se passe rien.
Mon visage rouge pivoine traduisait ma honte et mon embarras ! Nous étions si près... Vivre une telle expérience m'avait épuisée. Je reprenais mon souffle. Discrètement, je récupérais mes affaires, avant de me sauver comme une voleuse.
Pourquoi Stan agissait-il ainsi ? Ce n'était pas normal d'être aussi jaloux et si indifférent en même temps. Ceci dit, j'avais maintenant la certitude que Stan ressentait quelque chose pour moi et même si je ne savais pas où toute cette histoire allait me mener, je trouvais ça vraiment extra !
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