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" Le meilleur moyen de réussir, c'est toujours d'essayer encore une fois "
Thomas EDISON
*
Nous avions terminé de dîner. Et après avoir aidé Maman à débarrasser la table et ranger les couverts dans le lave-vaisselle, je lui remis mon bulletin de notes. Elle resta un long moment sans rien dire. Je la vis rougir de colère. Elle sembla vouloir se contenir, mais ce fut peine perdue. En moins de cinq minutes, elle fut carrément sur les nerfs.
- Onze de moyenne ! Onze ! Mais c'est une plaisanterie Elsie... Qu'allons-nous faire de toi ? Qu'allons-nous faire de toi ?
Lorsque Maman était dans cet état, elle n'avait plus aucun tact. Elle disait les choses de façon directe, et brutale.
- Je n'aimerais pas que tu sois la ratée de la famille. Nous ne sommes pas de cette trempe-là ! Et tu sais que dans MA famille... L'échec n'est pas permis !
- Oui ! Évidemment, tout ce qui t'intéresse c'est ce qu'on dira de toi si ta fille ne réussit pas, avais-je balancé avec une insolence sans nom.
- Tais-toi pauvre idiote ! Tu n'as aucune idée du mal que je me donne pour vous donner un avenir ! Si seulement tu voulais te donner de la peine. Ahhh !
Soudainement, Maman se ressaisit. Elle reprit d'un ton plus neutre :
- Te rends-tu comptes que c'est ton avenir que tu mets en danger ? Moi, mon avenir est assuré ma fille. Je dis ça pour toi !
Pff !
- Et ne lève pas les yeux au ciel... Je t'en supplie Elsie ! Un peu de tenue. Cette année est importante. Tu n'as pas droit à l'erreur. C'est l'année du Baccalauréat, tu vas l'avoir et de préférence avec une mention.
- Rrrr ! Mais c'est bon quoi...
- Tut ! Tut ! Tut ! Je ne te laisse pas le choix !
Le Bac, le Bac, le Bac ! Maman n'avait que ce mot là à la bouche. Le Bac par-ci, le Bac par-là... C'est tout ce qui l'intéressait ! Papa comme à son habitude, ne pipa aucun mot. Il se contenta de feuilleter son magazine, sans lever la tête.
À croire que tout cela ne le concernait pas ! Ce dernier n'intervenait jamais, car il savait pertinemment que Maman ne lui laisserait pas la moindre chance de donner son point de vue.
Exaspérant !
- Premier trimestre, et déjà des lacunes ! Prends exemple sur ta grande sœur. Elle au moins, elle étudie avec sérieux.
- Et ça paie Elsie ! Ça paie ! dit ma grande sœur en me narguant joyeusement.
- Ne te mêle pas de ça Dylane !
- Ça suffit vous deux !
- Mais Maman...
- Il n'y a pas de « Mais » qui tienne !
- Mais c'est Dylane qui me nargue et...
- Écoute Elsie, soit tu te mets au travail. Soit, je te prive de ton portable et de tes cours de chant.
- Mais ça s'fait pas ! hurlais-je. J'ai travaillé moi !
- Pas assez. J'exige que tu sois meilleure !
- Donc plus personne ne sait parler sans crier dans cette maison ? C'est pénible à la fin ! s'agaça enfin Papa.
- Jean-Patrick ne commence pas ! le stoppa Maman toujours à bout de nerf.
Papa quitta la pièce en maugréant à souhait, visiblement c'en était trop pour lui.
- Non mais ça s'fait pas ! Sérieux ! Lançais-je à nouveau en croisant les bras.
- Crois-moi, ça se fait Elsie ! Et si tu ne veux pas être punie, tu as tout intérêt à te mettre au travail. Tu m'entends ?
- Hmmm ! Grommelais-je impoliment.
- Je n'ai rien entendu, jeune fille...
- Oui. Ma-Man !
- Je préfère ça, Mademoiselle Le Kervelen
Maman était ce genre de femme qui pensait que la réussite ne passait que par l'école. Et pas n'importe quelle école ! Elle souhaitait que ses enfants fassent de grandes études. Ma chère mère avait un plan de vie extraordinaire pour chacun de nous trois.
Pour moi, elle souhait la Médecine ou alors l'orthodontie comme Papa et Dylane, sa fille aînée chérie. À la limite je pouvais choisir de faire du droit, mais pas moins que ça.
Maman était élitiste et perfectionniste. Pour elle, rien ne comptait plus que la réussite sociale. Il fallait que ses enfants soient au top ! Sinon, qu'aurait-elle eu à raconter à cette ribambelle de femmes bourgeoises et superficielles qui lui servaient d'amies ?
Maman aimait se vanter de tout ce qu'elle avait et faisait. Elle pouvait se vanter de la décoration de sa maison, de son mariage, de ses luxueuses vacances ou même de ses enfants. Alors, avoir une fille comme moi, sans aucune ambition, lui donnait de l'urticaire. Heureusement pour elle, ses deux autres rejetons rehaussaient le niveau.
Mon désengagement scolaire et mon manque de volonté étaient comme une épine dans son talon. Maman refusait que je sois « son » échec. Pour elle d'abord, et pour sa réputation, je devais réussir.
Démotivant !
Elle était exaspérante mais je l'aimais. Sous ses airs de commandant en chef des armées, c'était quand même une bonne mère. Elle n'utilisait pas toujours les bonnes méthodes pour se faire comprendre cependant, je la comprenais. Elle ne pouvait pas nous transmettre ce qu'elle n'avait pas reçu. Sa mère avant elle, était comme cela et la mère de sa mère l'avait été aussi. Tout ce qui importait pour elles, c'était la réussite et la bonne réputation.
Quinze minutes plus tard, Maman cessa enfin son monologue ambitieux. Sa voix stridente et instable me fila le vertige. Elle finit par poser mon bulletin de notes sur la table de la salle à manger et déclara :
- Je ne le signerai pas. La médiocrité, très peu pour moi !
- Mais Maman, la prof va me coller si tu ne signes pas.
- Tu n'avais qu'à y réfléchir plus tôt. Ici nous visons l'excellence, chère demoiselle. Et là tu en es loin. Tu comprends ?
- J'ai compris ! C'est bon...
- Non ce n'est pas bon. Il te reste deux trimestres pour te rattraper.
- J'ai compris, j'te dis !
- Parle-moi autrement Elsie.
- Pardon, balbutiais-je.
- Bien. Assez discuté... Tu peux aller te coucher. Demain, tu as cours à huit heures je crois... Et toi aussi, va au lit, dit-elle à Maceo.
Mon petit frère râla car seule Dylane avait le droit de rester dans le salon, pour faire je ne sais trop quoi d'important.
- Et elle, alors ? Avait-il dit en pointant notre aînée du doigt... C'est pas juste tout ça !
- Attends, mais j'ai bientôt dix-neuf ans, moi ! Tu ne t'imagines quand même pas que je vais me coucher à la même heure que toi qui en a douze, Maceo.
Ma grande sœur jouait les filles parfaites et se la pétait comme jamais. Je ne comprenais pas pourquoi elle prenait son air condescendant avec nous. De toute façon, elle avait toujours été la chouchou de Maman. Son chef-d'œuvre !
Dylane c'était : dix-sept de moyenne au Bac S. Mention Très Bien. Majore de sa promotion... Blonde comme les blés... Les cheveux longs et lisses et brillants, des lèvres pulpeuses et parfaitement glossées. Un mètre soixante-seize... Bref ! C'était une véritable poupée qui m'énervait à n'afficher aucune solidarité envers ses cadets.
- Il est l'heure maintenant, sévit Maman en tapant dans ses mains. Dans vos chambres mes petits. Et bonne nuit !
- Bonne nuit Maman !
Une fois enfermée dans ma chambre, je pestais contre ma mère. Vraiment, elle exagérait. J'avais quand même eu onze de moyenne ce n'était pas mirobolant, certes, mais c'était la moyenne quand même ! Et puis je n'avais que dix-sept ans après tout, pourquoi voulait-elle à tout prix décider de mon avenir maintenant ?
J'avais encore le temps de penser à ce que je voulais devenir. Et même si je n'en parlais pas, j'avais déjà ma propre idée sur mon avenir. J'estimais que Maman devait me laisser choisir ce que je souhaitais faire du reste de ma vie.
Tout le monde n'est pas Dylane pour accepter d'être modelé comme l'argile chez le potier !
Vu sa réaction, j'imaginais très bien que Maman ne me lâcherait pas d'une semelle durant les vacances de Noël. Il fallait que je trouve un plan pour ne pas finir séquestrer devant mon bureau durant ces deux semaines de congés.
La poisse !
Casque audio vissé sur les oreilles, je m'allongeai sur mon lit, en écoutant une magnifique chanson Craig David à fond les ballons. J'avais besoin de décompresser. Je me concentrai sur ce que j'aimais le plus: La musique. Je fermai les yeux et essayai de me détendre un peu. Comme tous les soirs, Tanesha, ma meilleure amie, tenta de me joindre via mon mobile. Elle avait laissé plusieurs messages sur le répondeur, et envoyé quelques SMS.
Apparemment, c'était urgent ! En temps normal, je lui aurais répondu sur le champ. Mais là franchement, je n'avais que faire de ses histoires de cœur. En plus, il était presque certain qu'elle allait me parler de Nils, le gars sur qui elle avait des vues depuis quelques temps déjà. J'étais trop las pour pouvoir discuter et surtout, j'étais contrariée et blessée par les paroles dures que Maman avait eues à mon encontre quelques instants plus tôt. Alors, l'urgence sentimentale de Tanesha pouvait encore attendre.
Moi, tout ce dont j'avais besoin pour le moment, c'était une bonne nuit de sommeil. Il fallait que je récupère des forces pour attaquer les cours du bon pied, dès le lendemain matin.
Motivation !
Le discours de Maman avait eu le mérite d'être clair. Je décidai donc de tout mettre en œuvre pour me ressaisir et obtenir rapidement de meilleurs résultats scolaires. Sans quoi, Elle me priverait de ce que j'aimais le plus. Et cela ne devait jamais arriver !
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