Choix macabre
Je courais dans cette ruelle sombre et humide.
Les clapotements de mes pieds nus dans les flaques d'eau ne pouvaient que me faire repérer, mais cela n'était que le cadet de mes soucis. J'étais essoufflé mais je ne pouvais pas me permettre de m'arrêter si je ne voulais pas qu'il m'attrape. Mainte fois j'avais essayé de me cacher, mais il arrivait toujours à me retrouver.
Pas étonnant de la part de mon ami d'enfance.
On se connaissait par cœur.
Enfin du moins c'était ce que je pensais avant de m'en prendre à celui que j'appelais Katchan étant enfant.
Au début, c'était parti d'une simple plaisanterie de mauvais goût.
Bakugo Katsuki, un adolescent impulsif et imbu de lui-même, était mon harceleur depuis le collège. Arrivée au lycée, j'avais commencé à lui tenir tête, ce qui n'avait pas plu au cendré.
Et puis un jour, il me prit à part, sans une once de violence ou de hantise envers moi. Il m'avoua qu'il était attiré par moi. Par mes yeux envoûtants qui incitaient au péché comme il disait.
Au début, je n'arrivais pas à croire un seul mot qui sortait de sa bouche, mais il était clair qu'il m'attirait aussi...
Je repris mon souffle, ma gorge irritée peinait à ravaler la salive que je m'efforçais à garder en bouche.
Mon cœur enregistrait ses battements à travers mes tympans.
La sueur y coulant était littéralement froide. Mes sens étaient à l'affût du moindre bruit, du moindre geste ou silhouette venant à apparaître comme une ombre au tableau. Je n'osais plus tourner la tête pour savoir s'il était toujours là, à me chercher, à me poursuivre.
Toutefois, je sentis la présence lugubre d'une paire de yeux rouges au couleur du sang m'observer.
Pourtant je devrais en avoir l'habitude, après toutes ces années.
Et ce fut là qu'une voix inquiétante se fit entendre.
La sienne.
Je tremblais de tous mes membres lorsqu'il commença à m'appeler.
"Dekuuuu~" Fit-il.
Je déglutis difficilement, la peur au cou à chaque pas qu'il faisait dans ma direction.
Ses pas à la fois lourds et nonchalants, le bruit de la lame grinçant sur le béton du mur déjà délabré par le temps et la saleté me firent regretter de ce que j'avais décidé de faire.
Être en couple avec lui demandait des sacrifices.
Et je l'avais appris à mes dépens
Cela faisait six ans après le lycée que nous étions ensemble.
Je m'étonnais encore d'avoir accepté ce jour-là, où il m'a écarté du groupe, de sortir avec lui après sa déclaration.
Son caractère avait radicalement changé, il était méconnaissable. Et pour rien au monde j'aurais voulu qu'il redevienne le Katchan colérique. On était heureux.
Jusqu'à ce qu'un très vieil ami de lycée arriva.
Il s'appelait Todoroki Shoto.
Au lycée, il faisait partie de mes premiers amis après le cendré. Mais lors de notre dernière année, il m'avait confessé avoir des sentiments pour moi. Bien que flatté, j'avais refusé ses sentiments au profit de ceux de Katchan, ce qu'il comprenait bien évidemment. Malheureusement, le cendré ne l'avais pas vu comme ça et l'avait littéralement menacé de ne plus m'approcher. Plus aucun de mes amis n'osait s'approcher de nous sans croiser le regard perçant et effrayant de Katchan.
Et six ans après, il était devant moi, à ma porte, et toujours aussi fou amoureux. Pour moi il n'était qu'un ami. Mais son instinct en avait décidé autrement et sans crier gare il m'embrassa.
J'aurais pu l'en empêcher, me retirer de ses lèvres et lui dire que je me refusais à ça. Mais cette sensation me traversait tel une explosion de chaleur perpétuelle qui ne faisait que grandir en moi.
Comment y résister... ?
Cependant, ce que je pensais être un volcan en éruption devint peu à peu un iceberg se brisant face à moi. Je vis alors mon ami me tomber dans les bras, soudainement couvert de ce liquide rouge me faisant rappeler les yeux de mon amant aux cheveux de blé. Et derrière ce corps de glace, je découvris Katchan, le regard meurtrier, un couteau à la main avec sa lame ensanglantée. Il était sorti de nulle part, m'avait vu l'embrasser et n'avait qu'une chose en tête: tuer. J'étais paralysé face au regard luisant et avide de sang de ce dernier, me demandant si j'allais être le prochain.
"Deku..." M'appela-t-il alors d'une voix grave.
J'étais pétrifié, mes jambes refusant de bouger, ma voix fébrile voulant s'expliquer de ce malentendu.
Mais les yeux de Katsuki ne le virent pas comme tel.
Il glissa la lame de son arme blanche sous mon menton, caressant ma peau en sueur de ces pupilles ne demandant qu'une chose, voir couler le sang.
Mon sang.
Mais il n'eut le temps de m'adresser un autre mot, que mes jambes répondirent enfin à mon désir de fuir cet appartement.
Commença alors cette course poursuite pour ma survie.
Je fermai les yeux priant qu'il ne me retrouve pas derrière cette caisse couverte de moisissure. Je remerciais par avance ma petite taille qui ne me servait pas souvent en règle générale. Je savais qu'il n'était pas loin, à fouiller les alentours.
Mais ces paroles résonnant dans l'étroitesse de la ruelle me tournèrent en boucle.
"Tu ne m'échapperas pas, Deku~. Tu n'as aucune chance de t'en sortir vivant cette fois... ~"
Je profitais de ces derniers moments pour imaginer ce qu'il me préparerait si jamais il m'attrapait, mais surtout ce qui aurait pu se passer si je n'avais pas décidé de sortir avec lui sur un coup de tête.
Si j'avais fait le choix de le rejeter, que serait-il arrivé ? Aurait-il pleuré? M'aurait-il frappé avant de m'insulter comme auparavant?
Ou bien n'aurais-je plus été de ce monde après qu'il m'eut incité à me suicider au collège?
De toute façon, j'étais au pied du mur, j'avais fait le choix de vivre à ses côtés, de partager mon corps et mon âme avec lui. J'avais signé un pacte avec le diable déguisé en ange.
Et pourtant je l'avais brisé sans hésiter en me laissant emporter par le même péché qui m'avait mis la corde au cou.
Je regrettais amèrement les choix que j'avais fait jusque là, la pire ayant dit oui à ses sentiments.
Si Shoto s'était déclaré plus tôt, peut-être n'aurais-je pas à me cacher comme une souris effrayée par son prédateur, j'aurais vécu sûrement le grand amour avec ce dernier avant que celui-ci ne se fasse poignarder dans le dos par mon ami d'enfance sous la colère qui dépassait l'entendement humain.
L'endroit était si insalubre et sale que personne n'aurait l'idée de chercher quelqu'un où de croiser un animal féroce tel que Katchan en pleine prédation.
Il n'était pas loin, je le sentais à travers mes membres que ne cessaient de trembler en sa présence. Lui aussi sentait que j'étais dans les parages.
Il était très intelligent, et savait que, petit comme j'étais, je ne pouvais aller plus loin depuis son appartement.
Je pris un morceau de miroir brisé et vis à travers son éloignement.
Je fus pris de soulagement jusqu'à ce que mon téléphone sonne.
Le cendré se retourna vivement et accourut vers moi alors que moi, comme un imbécile, j'essayai désespérément d'éteindre le cellulaire au lieu de fuir.
Il me plaqua violemment au mur, sous la pluie qui faisait rage, et ses yeux rouges brillant tel un psychopathe s'étant enfui d'un asile.
Son couteau effleurant mon cou, comme une envie irrésistible de faire couler l'hémoglobine qu'il jouissait de voir comme sur sa victime il y avait maintenant de cela quelques heures.
Mes pieds déchirés par le goudron me faisaient mal, mes habits étaient couverts de cette mélasse brunâtre dont l'odeur me faisait vomir.
Cela ne devait pas le déranger, à lui, pensant que cette couleur m'allait bien, comme avant.
Il se mit à humecter ses lèvres, se délectant de ma position de faible, d'être sous sa coupe. Tout cela nous ramenait au point de départ, à la différence que nous étions malgré tout un couple.
Ses yeux me parlaient, comme pour me dire "je vais te dévorer", n'hésitant pas à reluquer les parties visibles de mon corps tel un boucher face à sa carcasse animale.
J'étais à sa merci, les larmes aux yeux, le suppliant de ne rien me faire. Mais ses traits froids et indifférents ne disparurent pas de son visage pourtant si beau.
Ses lèvres s'approchèrent de mon oreille, gardant toujours une emprise pesante sur moi, et se mirent à me chuchoter.
"Tu n'aurais pas dû faire ça, Deku... "
Un couinement sortit de moi, l'angoisse qui voulait ainsi s'exprimer tout comme mon corps avec ses mouvements fébriles.
Il se mit à rire, à savoir que je ne pouvais rien contre lui.
De toute façon, je pourrais m'expliquer autant de fois devant lui, il ne cherchera pas à comprendre ce qui s'était passé.
J'étais à lui et personne d'autre, sa poupée de chiffon, sa marionnette... tout sauf un être humain au final. Je ne me débattais même plus pour me sortir de ce traquenard tant l'aura de mon petit ami était dominante. La pointe de métal descendit le long de ma chemise trempée, provoquant des frissons. J'eus presque cru qu'il allait me l'arracher.
Par la suite, il se mit à faire glisser sa langue sur mes lèvres remontant sur mes joues encrassées par la sueur et la boue pour se faufiler à mon oreille pour me souffler ces mots faisant froid dans le dos.
"Tu es à moi, Deku... "
Cette simple phrase était un signe de désespoir, sans échappatoire pour me sortir de ce bourbier qu'était autrefois mon ami d'enfance. Le sang séché sur son visage dégoulinait sur le mien, me rendant complice de son acte violent. Sa main poisseuse se logea à ma gorge pour me faire taire.
C'est donc comme ça que je vais finir? Étranglé par celui que j'aimais dans une ruelle sombre sous sa folie meurtrière... ?
Les larmes sortirent de mes yeux, espérant une dernière fois qu'une partie du vrai lui serait encore intacte.
Mais plus j'y espérais, plus sa main se serra à mesure que je tentais de respirer. Ma vue se troublait, laissant toujours échapper quelques sanglots de désespoir.
La dernière chose dont je me souvint était des lumières rouges et bleues se noyant dans la pluie qui s'était abattue toute la nuit, et à côté de moi, le visage inexpressif de Katchan, un filet de sang au coin de ses lèvres.
Pour ma part j'avais survécu, mais pas longtemps après avoir pris la décision de me tuer à mon tour. Les regrets, les choix que j'avais fait étaient beaucoup trop lourds et égoïstes. Rester seul dans cet appart était le moyen de me rendre fou, hanté par l'esprit sadique du cendré.
Et si par hasard je me retrouve en enfer à ses côtés, je me laisserai porter par les flammes du purgatoire, puni de mes propres choix.
Je souris en voyant les portes de Lucifer.
C'est le seul choix que je n'ai pas à faire...
Cet os a été écrit dan le cadre d'un atelier de l'academie des plumes de Maarsat
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