Chapitre 3


Le silence pesant de l'assemblée étouffait Abigail. Ce soir était un soir très spécial : tous les Représentants de toutes les Classes se réunissaient avec le Dragon pour parler de la cérémonie et d'autres problèmes de la ville. Mais vu que le chef suprême n'était pas encore arrivé, personne ne parlait.

Comment peut-on vivre comme ça ? C'est d'un ennuyeux !

Les gens étaient tendus, cela se sentait dans l'air. Une ambiance électrique régnait et pouvait faire dégénérer la situation à n'importe quel moment. Mais tant que tout le monde se taisait, rien ne pouvait arriver.

Je n'en peux plus....

Soudain, Abigail entendit un bruit sourd venant du couloir royal sur sa droite. Tout le monde présent dans la grande salle se leva d'un coup et tous firent une révérence. Celle d'Abigail était ratée et tremblotante ce qui lui valu un coup de coudes de sa mère . Le Dragon se tenait debout et un air supérieur se peignait sur son visage.

Je le déteste !

-Suivez-moi, je vous prie, dit le Dragon.

Ils suivirent tous le Dragon jusqu'à la salle de réunion. Quand Abigail rentra dans la salle, elle poussa une exclamation qui lui valu un nouveau coup de coude dans les côtes.

C'est...magnifique ! Il faudra que je le raconte à Res !

La salle était rouge et or, les couleurs du Dragon. De nombreux lustres pendaient du plafond scintillant.Les colonnes de marbre surmontées de statues des anciens Dragons formaient une allée princière dans laquelle ils avançaient tous, derrière le Maître Suprême. Au bout de cette avenue se trouvait la table autour de laquelle ils allaient tous s'asseoir. Les tables étaient agencées en forme de U, de sorte que tout le monde pouvait comprendre quelle était la hiérarchie ici. Les plus pauvres se tenaient sur les extrémités, où ils n'arrivaient pas très bien suivre les discussions en cours. Les Ximas était au milieu et pouvait, assez facilement, écouter ce qui se disait. Mais les Tigres, les Serpents et les Sangliers se trouvaient juste à côté du Dragon et particulièrement M. De Beaumont, le père d'Eleanor, avait une place spéciale à la gauche du Dragon, place de prestige, ainsi que la secrétaire du Dragon positionnée à sa droite.Ils pouvaient ainsi parler de tout sans forcément être entendu pas les autres Races.

-Installez-vous, mes amis !

Espèce d'hypocrite !

Ils s'assirent tous.

-Mesdames et Messieurs ! Nous sommes réunis ici aujourd'hui afin de mettre au point les améliorations que je ferais construire pour m...NOTRE ville. Je propose donc de lever un verre à notre belle société ! clama le Dragon.

Il frappa de ses deux mains.

-Serviteurs ! cria-t-il.

Non mais ça va la vie ici !

Un bruit de pas résonna dans le même couloir par lequel était entré le Dragon. Les serviteurs déboulèrent tous dans la salle apportant champagne, toasts et petits fours. Le Dragon ainsi que les Dakkaras furent servi les premiers avec fortes politesses. Les Ximas suivaient. Le garçon qui servit Abigail lui fit un grand sourire charmeur.

Mais, il me drague, là ?!

Le sourire qu'elle lui rendit était forcé mais il ne se rendit compte de rien et repartit servir les autres invités. Les Graïs furent servis les derniers d'une façon brutale qui rappelait tout de suite leur rang social.

Si Res avait été là, les serviteurs ne s'en seraient pas sorti vivants.

-Bien mes amis, M. De Beaumont souhaiterais vous parler, annonça le Dragon.

Tout le monde se tut et se tourna vers le père d'Eleanor. Elle était justement assise à ses côtés et se tenait droite comme un i en souriant à Abigail.

- Tout d'abord, je pense qu'il faudrait rénover le vestiaire...

Quoi ? Il est pas si méchant que ça, finalement....

...Des Dakkaras ! Ma fille trouve que les vestiaires sont trop petits. De plus sa douche personnelle a une légère fuite et le banc en marbre a une petite fissure. Ce doit être pareil dans tous les vestiaires. Ils sont légèrement âgés, ces vestiaires. Cela fait trois ans que nous les avons construits.

Abigail explosa.

- Comment pouvez-vous dire ça ! Les Graïs sont pauvres et malheureux et VOUS, vous ne pensez qu'à vous ! C'est une honte !

-ABIGAIL ! tonna son père.

-Tais-toi ! cria sa mère.

-Non, je ne me tairais pas ! J'en ai marre que vous me dictiez toujours ce que je dois faire !

-Et bien, nous allons vous écoutez parler, Mademoiselle, dit le Dragon, très calmement. Ecoutez tous notre amie, je vous prie.

Abigail fut prise au dépourvu. Elle ne s'attendait pas à cette réaction. Elle pensait devoir batailler avec ses parents et le Dragon afin de pouvoir exprimer son avis. Elle ne savait pas quoi dire. Tous les regards étaient fixés sur elle, ceux plus rassurants des Graïs qui était, supposa-t-elle, de son avis, ceux des Dakkaras, hautains et perçants et ceux de ses parents,très énervé.

-Alors, Mademoiselle ? Nous attendons tous avec impatience vos arguments, fit-il en désignant le tour de table.

- Je...Je...

-Je respecte ton dévouement pour nous autres, Graïs, mais je ne pense pas que ce soit à toi de parler sachant que tu n'es pas concernée, annonça un Coq.

C'était un homme assez âgé, aux visage marqué par le temps. Il paraissait sage et serein mais Abigail vit dans son regard une trace de colère. Et de reconnaissance, aussi. Elle le laissa parler.

-Je n'émets aucune objection à ce que vous rénoviez le vestiaire des Dakkaras.

Et il se rassit devant ces multitudes de regards abasourdis. Le Dragon fut le premier à se ressaisir.

- Et bien, c'est parfait. Personne d'autre n'émets d'objections ? demanda le Dragon.

Tout le monde se tut.

-Je souhaiterais vous parler d'un autre projet que je compte mettre en place dès la semaine prochaine...Avec votre accord à tous, bien entendu, annonça le Dragon.

Le Coq reprit la parole.

- Allez- y, Monsieur.

- Bien. Je pensais ériger un mur entre le quartier des Graïs et ceux des Ximas et des Dakkaras. De nombreux vols sont commis par les Graïs et beaucoup de personnes se sont plaintes.

-Vous voulez....faire construire un mur qui nous séparerez du reste de la population ? s'exclama une femme.

-Mais c'est n'importe quoi ! s'indigna un autre. Comment allons nous vivre ? Et l'école ? Et nos enfants ? Comment vont-ils supporter cela ?

Abigail n'en revenait pas. C'était de pire en pire.

Comment ils peuvent imaginer un truc pareil ?

-Ne vous inquiétez pas ! J'ai tout prévu. Il y aura un portail, gardé jour et nuit, où vous pourrez sortir escorté d'un garde pour emmener vos enfants à l'école.

Quoi ?

-Je n'en reviens pas !

-Je ne suis pas d'accord !

-C'est hors de question !

Les répliques fusaient en tous sens. Abby ne comprenaient rien dans toute cette cacophonie. Elle se décida à regarder ses parents. Ils avaient un visage calme. Un léger sourire étiraient leur lèvres. Abigail détourna la tête.Elle avait envie de vomir. Comment des gens, ses parents en plus, pouvaient être d'accord sur des choses aussi horribles ?

-SILENCE ! hurla M. De Beaumont.

Toutes les têtes se tournèrent vers lui. Des gens pleuraient et sanglotaient le regard vide.

- Les décisions du Dragon sont irrévocables ! Ce mur sera bâti, que vous soyez d'accord ou non. Le vote à l'unanimité n'est qu'un protocole, vous le savez aussi bien que moi. Si vous ne voulez pas voter, soyez assurés que d'autres le feront à votre place. Il suffira juste de les placer sur vos sièges, là où vous êtes en ce moment même.

Il se rassit dans un silence de mort. Le Dragon se leva à son tour :

- Après les justes paroles de M. De Beaumont, je vous suggère de procéder au vote. Qui donc, parmi nous, souhaite la construction de ce mur ?

Immédiatement, les doigts de tous les Dakkaras et des Chèvres se leva. Ceux des Chiens, des Bœufs et des Chevaux se dressèrent peu après. Et enfin, lentement, la main de chaque Graï s'éleva en tremblant, l'une après l'autre.

Le maître suprême, toujours debout, sourit :

- Bien. Vu que nous sommes tous d'accords, la construction commencera dès demain et sera terminée dans une semaine. Maintenant, si vous voulez bien...

- C'est dégueulasse !

- Pardon ? Oh... Je vois que Mademoiselle Underwood a encore quelque chose à dire.

- Abigail rassied-toi tout de suite !, siffla la mère de celle-ci.

- Oui j'ai quelque chose à dire ! Et non, je ne me rassiérai pas ! C'est absolument immonde, pire ! Inhumain ce que vous voulez faire ! Vous n'en avez pas le droit !

- Mademoiselle..., chuchota une dame, la Représentante des Singes. Un élan de compassion envahit Abigail.

- Mais bien sûr que si, j'en ai le droit. J'ai tous les droits.

- Non ! Vous n'avez pas le droit de décider de la vie de tout un peuple. Vous n'avez pas le droit de le couper du monde ! Vous n'avez pas le droit de faire vivre certain dans l'or et d'autres dans la poussière ! Vous ignorez tout de ces gens-là ! Un roi n'a pas le droit de ne pas connaître son peuple.

Le silence s'abattit sur l'assemblée. Pesant. Lourd de menaces.

Soudain, un Graï se leva.

-J' approuve totalement Mlle Underwood ! Je ne supporte plus vos machinations ! Vous ne faîtes que nous rabaisser ! Moi, en tant que Représentant des Rats, je demande le droit de vous contredire.

Le Rat se tourna vers elle et lui fit un imperceptible clin d'œil. Abigail sourit. Elle n'était plus seule. Elle pouvait compter sur d'autres personnes pour supporter sa décision. Qui plus est, les Rats, les plus hargneux de tous.

-Droit refusé,répondirent en cœur M.De Beaumont et le Dragon.

Tout alla si vite qu'Abigail ne vit pas le Rat, qui se nommait Ayden, sauter par-dessus la table et se jeter sur le Maître Suprême. Il se heurta aux Dakkaras qui s'étaient précipités pour protéger leur Maître adoré. Ayden se débattait comme un forcené essayant à tout prix de franchir la barrière humaine. Entrainés par cette tentative de rébellion, tous les Représentants des Graïs se jetèrent dans la mêlée pour apporter leur aide à Ayden. Le combat faisait rage. Abigail fut ravie de voir que les Dakkaras peinait à maintenir les Graïs en place. Le père d'Eleanor se reçu un pied dans le ventre, venant d'un pauvre et le Représentant des Sangliers ne put échapper la morsure d'Ayden qui frappait et cognait tout ce qu'il pouvait.

Bien fait pour ces sales riches !

Mais elle voyait bien qu'il n'allait pas tenir longtemps. Lui et ses compagnons se fatiguaient vite et il était clair qu'ils n'arriveraient pas jusqu'au Dragon.

J'y vais ! Je dois les aider ! C'est quand même moi qui ai déclenché tout ça !

Elle se leva, monta sur la table et s'écroula à plat ventre sur la table de marbre. Elle ne pouvait plus bouger son pied. La jeune fille se retourna et vit son père, le visage reflétant sa colère et sa déception.

-Abigail, tu n'iras pas te battre ! Tu as fait assez de bêtises jusqu'à la fin de ta vie ! lui dit son père.

Elle l'ignora et tira de toutes ses forces sur sa cheville. La chaussure glissa sur son pied et resta dans la main de son père, qui la regardait avec de grands yeux stupéfaits. Elle se précipita, légèrement déséquilibrée par sa chaussure manquante, marcha dans quelques plats et se joignit à la bataille.

Elle n'avait même pas pu donner un seul coup que le Dragon, las de ce spectacle, hurla :

- GARDES !!!!

Aussitôt, la porte s'ouvrit en manquant de sortir de ses gonds et un groupe de jeunes entrèrent. Abigail reconnu le premier, c'était celui qui l'avait emmenée le soir de sa dernière arrestation.

Les Graïs ne tinrent absolument pas compte d'eux et continuèrent de se battre. Alors les garçons, qui ne devaient pas avoir plus de quinze ans, prirent une sorte de pistolet qu'ils pointèrent sur les combattants. Un long fil s'enroula autour d'eux, les empêchant de se mouvoir. La fille rousse n'échappa pas à la règle. Elle se débattit tant qu'elle put mais cela ne servit qu'à resserrer les liens. Une fois que ceux-ci furent totalement mis en place, elle reçue une décharge électrique. Toute petite, mais assez pour la surprendre. Elle arrêta momentanément de bouger. Rien ne survint. Elle recommença donc à gigoter pour desserrer ses entraves. Une deuxième décharge, qui l'aveugla pendant une seconde, se fit sentir. Elle s'en fichait, tout ce qu'elle voulait, c'était qu'on la libère. Plus elle s'agitait, plus le fil se resserrait et plus des éclairs blancs et des étoiles violettes dansaient devant ses yeux. Les décharges de firent de plus en plus violente. Et il y a une limite à ce qu'un corps peut supporter. Abigail, qui essayait toujours de se délier, faiblit peu à peu, ses mouvements n'était dus qu'aux coups d'électricité qui secouaient ses membres et qui la raidissait comme un cadavre. Sa conscience s'évanouissait.

Tiens... je n'avais pas remarqué que la... salle était si blanche... Elle blanchit à... vue d'œil... Oh ! Des... étoiles... J'aurais bien... aimé les voir... avec Res...

Elle perdit connaissance.

***

Abigail mit beaucoup de temps à émerger de son sommeil. Lorsqu'elle le fit enfin, elle essaya de se lever mais le monde se mit aussitôt à tanguer. Elle se rallongea d'un mouvement brusque. Quand le brouillard à travers lequel elle voyait finit par s'estomper, elle réitéra sa tentative, plus doucement. Une fois assise, elle fit plusieurs découvertes importantes.

Un, des bandages lui couvraient le corps entier. Elle en retira un et vit une énorme brûlure, rouge et douloureuse. Elle replaça le cataplasme. Deux, une soif horrible la tenaillait. Sa gorge était sèche et il lui semblait que sa langue avait triplée de volume. Et enfin trois, elle dégageait une odeur... indescriptible. Cela devait faire plusieurs jours qu'elle dormait ici...

Pour ne plus penser à la douleur que lui infligeait son corps, elle observa l'endroit où elle était. Sa chambre. Sa chambre, avec sa moquette douce, ses dessins accrochés au mur, son petit lit, son bureau de bois, sa porte et sa clé dorée dans la serrure... Sans sa clé dorée dans la serrure.

Abigail se hissa sur ses jambes qui firent à peine trois pas avant de lâcher et de la laisser s'écraser au sol. Elle se releva en s'appuyant sur le lit, avança et essaya d'ouvrir la porte, sans succès. Elle la secoua mais l'effort fut trop intense pour elle. Elle tomba, s'écorchant un genou au passage et sa tête cogna la porte. Un goût métallique envahit sa bouche. Le goût du sang. Elle essuya sa lèvre fendue d'un geste rageur.

Une petite voix se fit entendre dans le couloir.

-Abby ?

- Tu vas bien ?

- Charlie ! Ethan !

Les deux jumeaux se tenaient derrière la porte, elle le savait. Elle le sentait.

-Dis, tu vas bien ?

- Ouvrez-moi, mes chéris. S'il-vous-plait !

- Désolé Abby, commença la petite fille.

- Oui, désolé, continua son frère. Mais tu n'as pas de droit de sortir jusqu'à la Sélection.

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Número tres !

Donc oui, Abigail passe son temps emprisonnée mais c'est une rebelle que voulez-vous ?

À bientôt peut-être ;) ♥

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