Une Nouvelle Inspiration

La douleur était étrangement supportable. Quand Kate regarda autour d'elle, elle comprit qu'elle était allongée dans un lit à barrière, recouverte d'un drap bleu. La pièce était aseptisée, les murs blancs l'enveloppaient dans une atmosphère froide et triste. La blonde regarda son bras, il était relié à une poche suspendue au-dessus de sa tête.

Elle observa les gouttes tomber une à une dans le petit tuyau, guidé directement jusque dans les veines de son avant-bras, son cerveau était embrumé par la morphine. La fille tourna la tête pour voir ses blessures, mais n'y parvint pas et abandonna, elle ferma les yeux quelques secondes, les médicaments commençaient à faire effet.



Une femme l'observait, son visage était auréolé par la lumière d'un après-midi d'hiver. Kate avait toujours aimé cette luminosité dans le ciel, le sourire de la femme était si grand, qu'on aurait dit que ses pommettes allaient exploser.

Un long nez descendait de ses yeux noirs en amande. Le cœur de Kate se mit à battre plus fort, elle n'avait plus ni peur, ni mal, elle se sentait en sécurité. La femme d'âge mûr se recula doucement avant d'être définitivement arrachée à la patiente, cette dernière hurlait plus fort à chaque mètre qui la séparait de l'étrange femme à l'immense sourire.

Kate était en train d'hurler lorsqu'elle se réveilla en sueur. Son lit était trempé et glacé, du sang avait commencé à tâcher le drap près de son flanc. Une machine hurlait des fréquences rapides, le bruit fit crier Kate encore plus fort, la douleur s'était réveillée là où les balles l'avaient touchées.

La jeune femme se remémora le moment et ses mains se crispèrent sur son matelas, elle serra ses poings si fort que ses phalanges étaient blanches. Sa bouche sèche était entrouverte afin de faire entrer de l'air dans ses poumons. La fille se concentra sur son inspiration, puis son expiration.

Après plusieurs secondes, une silhouette floue entra rapidement dans la chambre en ouvrant grand la porte. La patiente était toujours figée dans la même position quand une main se plaça dans son dos et l'autre sur son poitrail pour la rallonger doucement. Cette même main s'affaira sur son bras et changea la poche suspendue.

Petit à petit, la douleur s'estompa et Kate reconnut le visage qui lui faisait face, le rythme de la machine était devenu plus calme et régulier. La jeune femme reprit son souffle, en comprenant qu'elle était dans une chambre d'hôpital et que la machine au son strident n'était rien d'autre que le monitoring pour écouter ses battements cardiaques.

La tension avait diminué dans son poitrail, elle se tourna vers la rousse qui l'observait à ses côtés.

— Christie, murmura doucement la patiente.

Mélanie avait toujours sa main sur son bras, elle hocha doucement de la tête et laissa la malade reprendre ses esprits. Kate avait été opérée il y a seulement trois jours, elle était encore faible et la morphine la fatiguait énormément, il ne fallait surtout pas la brusquer.

— Doucement, Kate, susurra la rousse, tu viens juste de te réveiller.

La blonde était épuisée, elle humidifia ses lèvres avec le peu de salive qui lui restait, avant de rouvrir la bouche.

— S'il te plaît, supplia-t-elle.

— Elle s'est prise une balle près du cœur. On l'a opérée, mais on ne sait pas si elle se réveillera.

La fille ne dit rien, imaginant la petite Christie avec une marque rouge vif sur le poitrail et cette pensée lui donna la nausée. Elle était pâle, la femme en blouse blanche lui attrapa la main et la serra fort pour lui montrer son soutien.

— Écoute Kate, commença-t-elle, tu t'es pris deux balles et une troisième t'a effleurée il y a seulement quelques jours, on a interdit toute visite pour le moment, le temps que tu te reposes.

La jeune femme ne pouvait plus parler, c'était bien trop d'informations sous morphine, surtout dans l'état où elle était.

— Je vais envoyer quelqu'un pour changer tes pansements, moi, je dois voir d'autres patients, entendit Kate, avant de s'assoupir une nouvelle fois.

Elle courait, le froid la poursuivait et elle continuait de courir, comme si sa vie en dépendait. Le vent froissait ses cheveux et de la pluie humidifiait ses joues et ses lèvres. Ses jambes allaient à toute allure, lorsqu'une silhouette sombre lui coupa le chemin, elle s'arrêta net et tomba les mains en avant sur le sol en béton.

Ses paumes et ses genoux étaient en sang, quand elle releva les yeux, un petit garçon l'observait, un sourire diabolique au coin des lèvres.

— Kate, murmura-t-il.

Ses yeux noirs la fixaient, il avait un teint cadavérique malgré son jeune âge, ses joues étaient creusées et il était aussi amaigri qu'un squelette. En un clignement d'yeux, il disparut.

— Kate, répéta doucement l'infirmier.

La jeune femme ouvrit les yeux, le garçon portait une blouse bleue clair avec une petite étiquette sur le haut de son torse près du cœur, elle n'eut pas besoin de la lire pour reconnaître le personnage : Matt. La blonde lâcha un faible sourire, toujours sous l'effet anesthésiant des médicaments. Un goût de sang prononcé était présent dans sa bouche.

— Comment ça va, Kate ? questionna la voix douce et rassurante.

La fille remua des lèvres en ressentant petit à petit sa bouche et ravala sa salive plusieurs fois pour humidifier ses muqueuses.

— Ne parle pas, tu es déshydratée, tu es sous perf', mais il va te falloir du temps pour t'habituer.

Kate avait soif, elle avait envie de boire à grosses gorgées de l'eau fraîche, mais elle n'en avait pas encore le droit. Elle savait que dans ce genre de situation, il fallait attendre avant de pouvoir boire et manger dans les règles, elle allait devoir se contenter de ce qu'on lui déversait dans le bras.

— Je vais te changer ton pansement, ça va faire un peu mal, mais je te laisse te défouler sur mon bras, annonça Matt, dans un petit rire plein de saveurs.

La jeune femme rit d'un rire sec, irritées, ses cordes vocales n'étaient pas encore réveillées.

— Je vais commencer par l'épaule, expliqua-t-il, en s'approchant de sa plaie la plus haute.

Dans un cliquetis mécanique, le chariot placé derrière lui fût rapproché. L'infirmier attrapa une éponge et des pansements, et les prépara sur le coin du lit. Il attrapa du bout du doigt le bandage imbibé de sang, de la plaie à l'épaule et le retira rapidement. Kate étouffa un cri de douleur et froissa les draps bleus de l'hôpital.

Lorsque Matt passa un baume, la jeune femme mordit sa lèvre inférieure déjà très enflée. Le jeune homme la rassura en lui murmurant que c'était bientôt fini et plaça le nouveau pansement. L'infirmier la laissa souffler quelques secondes, avant de lui dire qu'il devait malheureusement faire la même chose pour le flanc.

La jeune fille en sueur hocha la tête, compréhensive, malgré l'appréhension de la douleur à venir. Matt refit les gestes précédents, avec la même expertise et la même douceur, alors que Kate résistait à la douleur, à l'appel au secours dans sa tête et au cri dans sa gorge.

Après de longues minutes d'attente, Matt lâcha son emprise sur les plaies et Kate pût respirer plus longuement.

— Je vais devoir changer tes draps maintenant, ne t'inquiète pas, tu n'as rien à faire. Je vais te porter et te poser sur le petit fauteuil qui se trouve là, énonça-t-il en lui montrant le siège à ses côtés, et puis quand j'aurais fini, je te remettrai dans le lit tout propre et tu seras enfin tranquille.

Le garçon joint le geste à la parole et s'approcha de la patiente épuisée, il la souleva et fit attention aux fils qui la reliaient aux différentes poches de perfusion, puis Matt la déposa avec délicatesse sur le fauteuil usé, qui avait vu passer des centaines de patients, de mères ou encore, de frères épleurés.

Matt se permit de regarder la fille un instant, elle avait l'air si fragile et pourtant, c'était la plus coriace de tout le village. Elle avait sûrement un petit grain de folie et peut-être que son amnésie avait joué en sa faveur, mais ce qu'elle avait fait en une semaine, personne n'avait jamais osé le faire en dix-huit ans.

Dix-huit ans putain, pensa-t-il, alors qu'il attrapait les draps ensanglantés et les balançait dans la bassine prévue à cet effet. Matt se rappela des cérémonies qui avaient emportées des proches à lui, des amis. Il avait pleuré, oui, souffert, beaucoup, mais à aucun moment, il n'avait riposté, grondé ou bien même hurlé.

Le jeune homme avait laissé faire, comme tous les autres et pour ça, il s'en voulait à en crever. Matt pinça ses lèvres, la douleur était encore vive au fin fond de ses entrailles. Le Chaman avait été enfermé dans l'une des cages qu'il avait lui-même construite, mais ce n'était pas encore suffisant pour qu'il se sente mieux en repensant à ce passé tumultueux.

On n'avait pas su quoi faire de ses disciples, ils allaient être jugés dans les prochains jours, mais l'émotion était encore trop intense et les habitants, sous le choc. Matt continuait de grommeler, lorsque Kate murmura quelque chose.

« Christie. »

La jeune femme avait les yeux clos, elle s'était endormie, mais son sommeil était agité. Le jeune homme qui venait de terminer sa tâche, s'agenouilla devant la blonde. Il n'osa pas la réveiller et la souleva comme un sac de plume, mais avec la même précaution que lorsqu'on s'occupe d'un chargement précieux. L'infirmier la déposa dans son lit et la couvrit d'un drap et d'une couverture pour qu'elle n'attrape pas froid.



Peter faisait les cent pas dans la salle d'attente, en compagnie de Ninon. Mélanie les avait contactés quelques heures plus tôt et leur avait appris que Kate s'était réveillée, mais qu'elle ne pouvait encore voir personne vu son état d'épuisement.

Les deux jeunes gens avaient tout de même accouru et espéraient la voir le plus rapidement possible. 

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