Une Découverte

— On est arrivées, annonça Ninon, en désignant une petite maison blanche.

Kate essayait de contrôler le sentiment de panique qui l'envahissait de nouveau. Il fallait qu'elle reste calme, il ne fallait pas qu'elle succombe à la paranoïa ou à l'envie de se réfugier dans un terrier.

Christie toqua trois fois sur la petite porte avant qu'une femme assez grande et à la chevelure flamboyante, ne vienne leur ouvrir.

— Les filles, ça me fait plaisir de vous voir !

Un immense sourire aux dents parfaitement alignées, soulignait et remontait ses pommettes saillantes.

— Salut Mél, nous aussi ça nous ferait plaisir si on n'était pas venu ici pour l'état de Kate, expliqua Christie d'un air timide, presque las.

L'intéressée se questionna sur le nombre de problèmes qu'elle devait créer.

— Qu'est-ce que tu nous as encore fait, Kate ? la réprimanda-t-elle.

La rousse la fixait et attendait une réponse. La paralysie vocale refit surface. La muette ne savait pas quoi répondre, ni comment lui expliquer. D'un geste désespéré, elle se tourna vers Ninon. Cette dernière était toujours en colère, mais Kate espérait que la brune soit assez compréhensive pour lui venir en aide.

Elle ne la connaissait que depuis quelques heures, mais elle savait déjà qu'elle devait être une amie de confiance, tout comme Christie.

— Elle ne se souvient plus de rien, déclara Ninon.

D'un cillement, la jeune femme la remercia. Cela arracha à l'amie un sourire, mais elle se retint. Lui montrant qu'elle n'était pas encore prête à lui pardonner quel que soit son état.

— Elle a fait quoi cette fois ? s'enquit-elle.

— On sait pas, elle est sortie seule hier soir, encore, énonça Christie.

— Entrez, je vais l'examiner.

— Non ! Ninon l'a déjà fait, protesta Kate froidement.

La blonde n'aurait peut-être pas dû être une nouvelle fois aussi sèche, mais elle ne voulait pas qu'on la touche. C'était son unique demande.

— Je vois qu'elle est irritable cette jeune fille. Bon très bien, Ninon, je sais que je peux te faire confiance, alors verdict ?

— Je n'ai rien remarqué, je pense qu'elle a fait une chute, répondit-elle.

Mélanie acquiesça avant de les inviter d'un geste solennel. Elles entrèrent dans une pièce épurée, de grands vases prônaient dans l'entrée. Elle les dirigea vers une petite pièce éclairée. Les filles s'assirent sur un canapé rouge, tandis que la rousse se positionnait face à elles, sur un petit tabouret en plastique noir. L'environnement était très froid et donnait à Kate l'envie de fuir à grandes enjambées.

— Commençons par le début, à partir de quand ne te souviens-tu plus de rien ? la questionna Mélanie.

— Je ne sais pas, c'est comme si je venais de naître sur une planète qui m'était totalement inconnue.

Pour la première fois depuis ce matin, Kate réussit à énoncer précisément ce qu'elle ressentait, sans bégaiements ou crise de paralysie. Ça la soulagea un peu, pouvoir le dire lui permettait de se sentir moins seule. Maintenant, la fille aux yeux noirs pouvait distinctement parler de ce qui n'allait pas et de ce qui ne lui convenait pas.

— Comment ça ? Tu ne te souviens même pas d'un événement marquant de ton passé ? l'interrogea Mélanie, intriguée.

Sa réaction surprit Kate. Si étrange que cela puisse être, elle pensait cet accident, passager.

— Bah non.

Kate parla distinctement, mais elle ne s'étala pas sur le sujet non plus. Les sourcils de Mélanie se levèrent face à cette réponse et laissèrent place à une expression de surprise. Puis sa mâchoire se contracta. Les lèvres pincées, elle se tourna vers Ninon et lui chuchota quelque chose à l'oreille.

Après leur échange discret, elles semblaient toutes deux très inquiètes.

— Kate, si tu avais fait une mauvaise chute, tu te souviendrais au moins de certains événements marquants ou les lieux te sembleraient familiers. Même les personnes, les sons environnants, énuméra-t-elle. Mais si tu ne te souviens vraiment de rien, alors je ne peux rien faire pour toi. Il faut que je me renseigne pour savoir si cela est déjà arrivé auparavant. J'irais consulter les herbes enchantées ce soir, lors de la nuit des lucioles. On pourra peut-être obtenir des réponses.

Kate ne savait pas ce qui était le plus surprenant dans sa phrase. Le fait que Mélanie ne sache pas comment la soigner, car c'était un cas encore inconnu pour elle ou toutes ces histoires d'herbes enchantées, de nuit des lucioles. La jeune femme à la frange ne se souvenait peut-être de rien, mais bizarrement, ces mots la firent réagir.

— Les herbes enchantées ? lança-t-elle, curieuse.

Kate n'était peut-être pas aussi folle que ça. Peut-être que c'étaient les filles autour d'elle qui avaient un problème. Que quelqu'un l'avait droguée avant de la lâcher au milieu d'un asile psychiatrique.

Les filles sourirent et Christie commença :

— Selon nos croyances, des elfes habitent ces herbes et peuvent répondre à une de nos questions durant la nuit des lucioles qui se déroule pendant trois jours, tous les ans.

Kate ne put s'empêcher de rire. Ça lui semblait tellement irréel. Christie la dévisagea, vexée par son comportement. Ninon et Mélanie étaient également surprises par sa réaction.

— Je ne voulais pas vous vexer, ça fait juste un peu trop pour moi, murmura-t-elle.

— On ne t'en veut pas, répondit Mél, les anciens eux-mêmes ont douté de ces croyances. Ils faisaient toujours passer les actions et les paroles avant la spiritualité.

Kate venait de toucher un point sensible. Tout en n'en ayant conscience, elle restait sur la défensive. Les filles autour d'elle ne lui bourreront pas le crâne avec des inepties. La blonde était peut-être un peu paumée, mais elle n'était certainement pas naïve.

— Ils n'étaient plus humains, ils se comportaient comme des robots sans âmes, ni cœurs, continua Christie, sur un ton attristé.

Les filles aux cheveux de toutes les couleurs pensaient ce qu'elles disaient. Kate voulait les croire, mais il y avait toujours ce truc, cette sensation, qui ne l'avait pas quittée depuis qu'elle était entrée dans cette pièce.

— Jusqu'au jour où le Grand Chaman a fait une découverte, annonça Ninon.

Kate continuait de les écouter et tentait de les croire, de se rappeler de quelques détails, mais rien ne vint. Cela lui semblait toujours aussi ridicule.

— L'arbre sacré, finit Mélanie.

L'arbre sacré ? Ce nom inconnu éveilla sa curiosité. Ninon le remarqua.

— C'est notre guide spirituel, poursuivit-elle, il représente la cohésion entre les Hommes et la Nature. Sa sagesse est respectée par tous et c'est pour cela que l'on obéit à ses règles.

— Ses règles ? C'est un arbre qui parle ? s'étrangla Kate.

C'était un piège, il y avait forcément un truc. Elles ne pouvaient pas être sérieuses. Les amies se mirent à rire.

— Non, dit Christie dans un sourire, notre Chaman est en communication directe avec l'arbre sacré. C'est lui qui nous traduit ses règles et ses pensées.

— Mais comment est-ce que vous savez si ce sont les règles de l'arbre sacré ou celles du Grand Chaman ? demanda Kate, surprise et aussi très inquiète pour leur santé mentale.

— Parce-que nous lui faisons confiance, affirma Christie.

Kate ne répondit rien. Ça n'avait aucun sens pour elle. Soudain, Mélanie fut prise d'un soubresaut. Elle regarda la fille en face d'elle, horrifiée avant de se tourner vers Ninon. Cette dernière comprit immédiatement de quoi il s'agissait.

Les deux jeunes femmes se tournèrent vers la fille sans souvenirs :

— Il y a quelque chose d'autre qu'il faut que l'on te dise, murmura Ninon.

Sa voix était chevrotante. Le pire était à venir et la blonde risquait de ne pas apprécier.

— Ça ne va pas être facile à comprendre, surtout si tout ça te semble déjà incohérent, ajouta Mélanie.

La jeune femme aux cheveux roux marqua une courte pause. Le palpitant de Kate se mit à accélérer, sa peau était blanche et son visage crispé.

— L'une des premières règles imposée par l'arbre, fut la Cérémonie du choix, le jour du dix-huitième anniversaire de chacun des habitants de Saumura, déclara-t-elle posément.

Kate ne bougeait plus et attendait le moment qu'elle n'allait pas apprécier. Elle ne savait pas où Mélanie voulait en venir, la Cérémonie du choix ? Encore une de leurs croyances farfelues, mais en quoi cela la concernait-il ? Et surtout...

Pourquoi n'allait-elle pas apprécier ?

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