Une Colline
Une musique reposante s'échappait de ces graminées. La jeune femme tendit l'oreille et essaya de reconnaître la mélodie, mais sans surprise, rien ne lui revint. Quelques personnes se promenaient entre les tiges et caressaient les plantes du bout des doigts. Certains semblaient même leur parler.
Kate se dirigea vers l'arbre, qui devait être le fameux arbre sacré. Elle traversa les hautes herbes, en essayant de ne pas les abîmer, elle ne voulait pas qu'on l'arrête pour atteinte aux herbes enchantées, ils en seraient capables. La jeune femme regarda furtivement si des espèces magiques faisaient leur apparition, mais sans grande conviction.
Quelque chose lui frôla l'épaule, Kate se retourna, un merle survolait la colline et se dirigeait vers la cime du chêne. Elle observa sa trajectoire presque robotique jusqu'au sommet de l'arbre, on pouvait confondre le plumage de l'oiseau avec l'obscurité de la grotte.
La fille aux yeux noirs continua d'avancer et s'égratigna les chevilles contre les bouts de bois qui traînaient au milieu des herbes, elle levait haut les genoux, craignant de se faire piquer par un serpent. La pente était rude et Kate dut s'arrêter deux fois pour reprendre son souffle.
Arrivée en haut de la colline, la jeune femme avait une vue dégagée sur l'ensemble du village, elle posa la main sur l'écorce rugueuse. Une sensation particulière la parcourut, il était le symbole de cette atmosphère morbide, ses racines teintées de rouge rappelaient le sang que ses règles avaient fait couler.
Cette pensée lui fit retirer hâtivement sa main, Kate recula. Il était très imposant, des offrandes entouraient son tronc. Des chocolats, des fleurs en tout genre et de toutes les couleurs, des lettres et des dessins d'enfants gisaient au sol. La blonde en attrapa un, un petit garçon était dessiné dessus, il tenait la main d'une femme plus âgée et regardait un arbre.
Un petit mot était écrit au verso :
« Mr l'arbre sacré, je te confie ma maman. Prends bien soin d'elle, parce-que ma sœur a préféré choisir mon papa. »
Kate reposa le dessin, préférant retourner vers la place du village.
Les rues étaient toujours aussi calmes et tranquilles, cette étrange lueur jaune continuait d'éclairer ces maisons unies, dont les couleurs alternaient chacune à leur tour. Étonnement, les maisons n'étaient pas entourées de clôtures, comme si chaque habitant de ce petit village se faisait mutuellement confiance, qu'ici contrairement à ailleurs, il n'y avait pas de méfiance, pas de jugement. Une paix régnait, mais à quel prix ?
Son nez la picotait, Kate devait être allergique aux graminées et sa balade précédente allait lui coûter un petit rhume. La fille mémorisait les différents croisements et essayait de visualiser la taille du village, il devait y avoir un millier de personnes qui vivait ici, peut-être plus.
Elle avait vu très peu d'enfants ou de personnes âgées, avaient-ils été tués par la Cérémonie ? Les gens évitaient-ils de devenir parents pour ne pas avoir à sacrifier leurs progénitures ? Encore des questions qui mettaient la demoiselle dans un état second.
Kate continuait de penser sans croiser personne, c'était presque apaisant jusqu'à ce qu'elle se retrouve nez à nez devant une horloge en argent. La pendule indiquait dix-huit heures. Son ventre la rappela à l'ordre et la fille aux cheveux blonds décida de rentrer à l'orphelinat.
Arrivée devant l'entrée, la porte s'ouvrit et elle fit face à plusieurs petites têtes.
— Kate, c'est vrai que t'es devenue maboule ? la questionna un petit garçon, au regard espiègle.
— Paul, arrête ! Kate elle est pas maboule ! cria une petite fille, en attrapant son ami.
La grande fille rit, heureusement, elle n'eut pas à s'expliquer. Christie rappela les enfants à l'ordre et l'invita à entrer, la fillette semblait troublée par quelque chose. La jeune femme ne la connaissait pas suffisamment pour se mêler de sa vie privée, elle ne lui fit donc aucune remarque. Kate décida de manger au réfectoire, elle ne pouvait pas se terrer dans son trou toute sa vie.
Christie en profita pour lui faire visiter les cuisines et la salle de service, avant de la diriger vers une table. Ninon était déjà installée et arborait un air triste, la brune mima un sourire à l'approche de son amie, mais cette dernière sentit que quelque chose n'allait pas.
Ce fut quand les trois filles finirent de manger que la blonde comprit. La Cérémonie. Comment avait-elle pu oublier ? Elle était tellement obsédée par l'envie de s'enfuir, de se retrouver seule, qu'elle en avait oublié la principale raison. À leurs têtes peu joyeuses, la jeune femme devina que la date fatidique devait être demain.
Des frissons la parcoururent, elle ne pouvait pas, elle ne pouvait pas le faire, elle en était persuadée. Ninon comme à son habitude, s'aperçut de son changement d'attitude.
— Kate, ça va ? demanda t-elle, doucement.
Pour toute réponse, la jeune femme aux yeux noirs esquissa un sourire. Elle ne pouvait pas aller bien et son amie non plus.
Demain, la jeune fille qui lui faisait face risquait de perdre la vie, tout comme Christie.
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