Une Bosse Sur La Tête

Lorsque Peter traversa le seuil, il vit son amie parterre. Il courut et cria son prénom, mais Kate ne réagissait pas. Il finit par l'attraper et lui tapota la joue pour la réveiller, mais elle s'était comme évanouie. Matt, dans son sillon, s'approcha et vérifia les pansements de la jeune femme.

Ils étaient propres. Hier, les plaies étaient bien fermées et avaient commencé à former une cicatrice saine. Matt posa ses doigts sur le front de la jeune femme, où une bosse commençait à apparaître. Le garçon se leva pour aller chercher de la pommade et donna pour consigne à Peter de la tenir.

Kate avait dû tomber du lit et se cogner la tête contre la table de chevet. L'infirmier espérait qu'elle n'ait pas de traumatisme crânien et qu'il ne résulterait qu'une bosse de cet accident.

Cette fois, le réveil de la blonde ne fut pas habituel. Elle essaya d'ouvrir les yeux, mais son œil droit lui faisait mal. Il y avait de l'agitation autour d'elle.

— Kate, Kate, cria une voix, penchée au-dessus d'elle.

— Bon sang, réveille-toi, lui dit une autre voix, près de son oreille gauche.

La blonde parvint enfin à ouvrir les yeux. Enfin, l'œil gauche en grand et le droit difficilement, mais il lui permit de mieux visualiser ce qu'il se passait. Kate se trouvait donc dans les bras de Peter, avec Matt à ses côtés, qui la dévisageaient comme si elle venait de faire une attaque cardiaque.

— Mais qu'est-ce qui se passe, marmonna la demoiselle.

— On aimerait bien le savoir, s'empressa de répondre Matt.

— Quand je suis revenu dans ta chambre, tu étais parterre. On essaie de te réveiller depuis cinq minutes.

La jeune femme déglutit longuement.

— Je suis désolé, je ne sais pas ce qui s'est passé.

— On peut le deviner à la jolie bosse sur ta tête, observa Matt, qui passait de la pommade sur la proéminence douloureuse près de l'œil de Kate.

La jeune femme se releva doucement pour se remettre dans son lit, mais Peter la souleva rapidement et répondit à sa requête, sans ciller. L'infirmier ne sembla ni vexé, ni gêné. Étonnant, pensa la blonde.

— Matt, pour ce matin.

— Peter m'a expliqué, ne t'inquiète pas, la coupa-t-il.

— Oui, mais je.

— Tu le considères comme ton frère, c'est normal que ce soit lui que tu appelles en premier quand ça ne va pas. On ne se connaît que depuis quelques semaines, s'enquit Matt, doucement.

Sa réponse la pétrifia, Kate fixa Peter bizarrement. Est-ce qu'il avait dit à Matt qu'ils se considéraient comme des frères et sœurs ? Est-ce que Peter la voyait vraiment comme ça ? À cette pensée, un frisson traversa la blonde. Cela la mettait mal à l'aise et ses bras autour d'elle ne faisaient qu'amplifier ce sentiment de mal-être.

Elle ne dit rien et détourna les yeux.

— Je vais vous laisser, lâcha Peter.

— Merci, déclara amicalement, Matt.

Le garçon aux yeux bleu les laissa seuls dans la chambre. Gênée par la situation, Kate n'osa pas regarder Matt dans les yeux.

— Encore désolé pour tout à l'heure, répéta-t-elle.

— Ne t'inquiète pas, je te l'ai dit, je comprends, dit-il dans un sourire, ta bosse, ça va mieux ?

— Je crois, dit la demoiselle, en tapotant la proéminence sur son front.

— Mélanie m'a dit que tes plaies avaient bien cicatrisées et que tu pourrais bientôt enlever tous ces bandages. C'est cool, n'est-ce pas ? s'enquit-il, en essayant de combler le vide de leur conversation.

— Oui, très. Tu as des nouvelles de Christie ? demanda-t-elle.

— Ça n'a pas avancé depuis la dernière fois.

Matt s'approcha de Kate et posa sa main sur sa joue, avant de l'embrasser. Elle répondit à son baiser sans grande conviction. Les papillons de la dernière fois avaient disparu. Elle finit par s'écarter, embarrassée.

— Tu pourrais m'enlever mes bandages, aujourd'hui ?

— Mélanie veut que tu les gardes encore quelques jours, pour être sûr.

— S'il te plaît, j'en peux plus, ça me gêne, ça me gratte, lui dit-elle, en le fixant avec de grands yeux.

— Très bien, mais tu ne lui diras pas que c'est moi, on est d'accord ?

Elle hocha positivement de la tête, avant de le remercier d'un baiser rapide.

Ses mains se posèrent sur son épaule, l'infirmier retira le premier bandage avant de s'attaquer à celui autour de son flanc. Les bandelettes retirées, Kate fut enfin libre de ses mouvements. Les cicatrices des balles étaient d'un rouge carmin, elle passa doucement un doigt sur ses blessures. Les plaies légèrement convexes restaient encore douloureuses au toucher.

Matt posa sa main sur la sienne, Kate la retira inopinément. Comme à son habitude, il ne broncha pas face à son énième réaction brusque. Ça en devenait presque agaçant, il était tellement patient, compréhensif et doux. Pourquoi est-ce qu'elle n'acceptait pas tout simplement sa gentillesse ? Pourquoi cela lui donnait-il l'envie de le repousser à chaque fois ?

Le jeune homme l'embrassa une dernière fois, avant de se relever et de lui tourner le dos en quittant la pièce. Kate se renfonça dans son lit, avec la sensation nouvelle de la couverture effleurant ses plaies. Cela la picotait, mais ce n'était pas si gênant. La jeune femme mit quelques minutes avant de trouver une bonne position, puis se rappela qu'elle n'avait rien à faire. Les bouquins intéressants, elle les avait déjà lus et relus et il est vrai que la bibliothèque de la ville n'était pas très fournie, peut-être une censure de la part du chaman ?

Rester allongée toute la journée était une véritable torture pour elle. Son échappatoire visuelle, qui n'était rien d'autre que sa fenêtre, donnait le même spectacle chaque jour, chaque heure, chaque minute : la pénombre, éclairée par cette simple lueur jaune qui l'avait tant obsédée. Ninon pénétra dans la pièce et interrompit ses pensées moroses.

— Salut Kate, ça va comment aujourd'hui ?

— Ça va, ça va, affirma-t-elle, en tentant de cacher les bandages sales qui traînaient dans la boite à la tête de son lit.

La brune rit, soulagée.

— Ne t'inquiète pas, Matt nous a mis au courant, il nous a dit que tu l'avais supplié de ton plus beau regard de te retirer les bandages et qu'il n'avait pas pu résister. Je vois que ça a avancé entre vous, ce serait cool qu'on en parle, tu ne crois pas ?

— Y a rien à dire.

— Kate, qu'est-ce qu'il y a encore ?

— Mais rien, tout va bien.

— S'il te plaît, pas à moi, c'est limite vexant.

Kate avait son air des mauvais jours.

— Désolé, il y a eu trop de choses dans ma vie en trop peu de temps, annonça-t-elle.

— Je sais et j'en suis désolé.

— Non, justement tu ne sais pas tout, déclara Kate, ailleurs.

— Comment ça ?

— Je sais pourquoi je suis amnésique.

Les yeux de la brune triplèrent de volume.

— Comment ça ? Explique.

— Tu vas me prendre pour une folle.

— Tu m'as déjà prise pour une folle et ça ne t'a pas empêchée de me faire confiance ou bien même de me croire, à ce que je sache ?

— C'est vrai, mais.

— Mais quoi, Kate ? Pourquoi est-ce tu te compliques autant la vie ?

La blonde fronça les sourcils.

— Parce que ça l'est, émit-elle.

Ninon sentit colère la gagner.

— Pas si tu décides que cela doit être simple.

— Quelle belle phrase, déclara Kate ironique, on dirait une vraie philosophe.

— Très bien, débrouille-toi toute seule avec tes sarcasmes et ta vie compliquée, envoya la brune, en faisant demi-tour pour se diriger vers la sortie.

— Ninon, attends, je suis désolé, affirma Kate, pour essayer de la rattraper.

La jeune femme en colère ne répondit pas et claqua la porte, le claquement résonna dans toute la pièce et fit vibrer les murs. Comment pouvait-elle lui expliquer ? Tout ça, elle ne le comprenait déjà pas elle-même. Puis la demoiselle n'était pas encore prête à formuler les mots à haute voix, ces mots qui la rendraient vulnérable et qui la terrorisaient.

Kate posa ses pieds et caressa le parquet du bout de ses orteils. Elle hésitait à se lever, elle avait peur que ses plaies ne se rouvrent et que le cauchemar recommence.

D'un autre côté, elle ne pouvait pas rester dans ce lit une minute de plus. La blonde approcha son bassin du bord du lit, ses mains s'agrippaient avec force au sommier. Les muscles de ses mollets tendus, associés à l'effort imposé par ses abdominaux et ses triceps lui permirent de se relever.

Droite sur ses pieds, elle fit un pas en avant et observa précautieusement ses plaies. Elles étaient toujours intactes, Kate continua donc d'avancer doucement dans la pièce. Elle boita légèrement, la blonde avait du mal à répartir son poids équitablement sur ses pieds. Sentir sa masse sur ses doigts de pied était une sensation nouvelle depuis l'accident. Malgré tout, elle arrivait à marcher.

Satisfaite de son progrès, la jeune femme retourna dans son lit et s'endormit.

Matt était là, un bouquet d'Edelweiss dans les bras, ses yeux étaient masqués par une ombre qui lui couvrait le visage. Une orchidée bleue était présente dans la main de Kate, par réflexe elle la tendit, mais un autre jeune homme avait pris place, la jeune femme mit quelques secondes avant de reconnaître ses yeux azur.

Peter attrapa la fleur et la posa dans un vase, avant de s'approcher doucement d'elle et de poser un doux baiser sur sa joue. La blonde frissonna, il s'écarta brutalement et disparut, une tulipe double prit sa place.

Kate se réveilla en sueur, sa peau glacée et moite trempait ses draps. Elle se leva doucement et décida de sortir prendre un peu l'air, seule. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'était pas sortie par ses propres moyens. La jeune femme marchait doucement et prudemment, en boitillant, mais ça lui suffisait. Le peu d'air qui stagnait dans cette grotte, elle le respirait.

Ses pieds nus dansaient sur les pavés froids et irréguliers, elle prenait petit à petit confiance en ses cicatrices. Kate décida d'aller rendre visite à la colline de l'arbre sacré, pour savoir ce qu'il était devenu. La jeune femme n'avait pas demandé et on ne l'avait pas informée de ce qu'étaient devenues toutes les vieilles traditions du village.

Même si elle se doutait que les cérémonies avaient été annulées, elle ne savait pas si les croyances persistaient. Arrivée devant la colline, rien n'avait changé. Kate l'escalada.

Enfin en haut, elle marcha sur quelque chose de froid et de lisse.

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