Une Avancée
— Merci, dit-il, d'une petite voix.
La jeune fille lui sourit et l'aida à démêler la corde de son baudrier. Kate n'ajouta rien de plus et attrapa son sac, Peter fit de même. Les deux jeunes aventuriers se remirent en route et gardèrent le silence en veillant à ce que le courant reste bien sur leur gauche.
Les chaussures de Kate éraflaient le sol avec un rythme régulier, le grincement du plastique de sa semelle sur la terre humide résonnait dans le tunnel.
Peter sifflotait de temps à autre, jusqu'à ce qu'il se stoppe dans une réflexion et se tourne vers la jeune fille aux semelles bruyantes :
— Écoute, je suis désolé pour toutes les choses blessantes que je t'ai dites. Je le pensais pas.
Un silence passa, les lèvres du garçon se déformèrent, tentant de former des mots :
— Je t'apprécie beaucoup, même si tu ne t'en souviens pas.
Ses yeux se figèrent sur une paroi rocheuse, plus loin devant eux. La jeune femme continuait de marcher, attentive à ce que son compagnon de route essayait de lui dire.
— Je sais, c'est pour ça que je te propose quelque chose, déclara Kate, un sourire au coin des lèvres.
Le regard pétillant du jeune homme se détacha de la paroi et se dirigea tout droit dans les yeux noirs de la jeune fille.
— Je suis Kate, elle lui tendit la main, enchanté de te connaître, Monsieur ?
Le garçon observa la main que lui tendait la demoiselle, ses doigts fins attendaient au-dessus du vide que la main plus épaisse de Peter les rejoigne.
— Peter, Peter Carrington, vous êtes nouvelle dans la région ? lança-t-il, de son sourire charmeur en attrapant sa main.
— Oui, mon cerveau et moi sommes arrivés ici, il y a trois jours.
Leurs doigts étaient maintenant mêlés et se balançaient de haut en bas, au rythme que la danse de leurs avant-bras leurs imposaient.
— Vous vous habituez au climat ?
— Ô oui, s'exclama-t-elle d'une voix bourgeoise, cette ville est très agréable à vivre.
Le balancement se stoppa, mais leurs mains restèrent jointes.
— Parfait pour y couler de vieux jours, n'est-ce pâs ? l'imita-t-il.
Leurs mains se lâchèrent et revinrent retrouver leurs places respectives près des cuisses de leurs propriétaires. Leurs rires se mêlèrent dans une étrange symphonie et résonnèrent à travers la grotte. Au bout de quelques délicieuses minutes, les jeunes personnes réussirent à se calmer.
— Rien ne t'est revenu depuis que t'es arrivée ? demanda-t-il soucieux.
— Non. Heureusement, les filles m'ont expliqué pas mal de choses pour que je ne sois pas trop perdue et que je m'acclimate à la vie dans ce village de fous.
Kate se pinça les lèvres une demi seconde, en se rappelant que son interlocuteur comptait lui aussi parmi ses habitants. Mais le garçon ne sembla pas vexé par l'expression qu'elle avait déjà utilisée à plusieurs reprises.
— Quelles choses ? questionna-t-il, curieux.
La blonde fit la moue, pour montrer qu'elle cherchait les mots justes.
— Elles m'ont expliqué pour ton père et moi, nos relations auparavant, comme quoi nous étions proches, mais elles-mêmes ne savaient pas tout.
La jeune femme se mordilla la lèvre en repensant à ses derniers mots.
— Oui c'est vrai, nous étions proches, affirma-il, l'air vague.
Kate haussa les sourcils, surprise d'une telle sincérité dans sa réponse.
— Tu n'es pas obligé de m'expliquer maintenant ou même un jour, s'enquit-elle, c'est mon problème si mon cerveau s'est percé, pas le tien.
— Dis pas de bêtise, c'est pas ta faute, c'est la faute de personne. Et puis c'est pas seulement mon histoire, c'est aussi la tienne et t'as le droit de la connaître, s'emportât-t-il.
Les bras du jeune homme sifflèrent autour de sa silhouette. Kate décida de se taire et laissa à Peter le soin de lui parler de leur passé en commun.
— On se connaît depuis l'âge de sept ans, enfin moi, j'avais sept ans, toi, t'en avais cinq, se reprit-il. Tu venais souvent chez nous avec tes parents, t'habitais la maison rose trois rues plus loin. T'étais espiègle, très douce et t'avais horreur de voir les gens tristes, c'était adorable.
La jeune femme sourit, les souvenirs emportaient le garçon et elle n'osa pas l'interrompre.
— Plus tu grandissais, plus tu t'affirmais. Tu récupérais des animaux blessés en tout genre que tu croisais un peu partout dans le village. Je me rappelle d'une fois où l'on soupçonnait un renard dont tu t'occupais d'avoir la rage, on t'a demandé de plus l'approcher, mais t'en a fait qu'à ta tête et t'a continué de le soigner en cachette. J'étais ton complice à cette époque, on avait créé une espèce de ligue de Nous contre tous. On a même élaboré un langage rien qu'à nous.
— Les signes, l'interrompit-elle.
— Les filles t'ont expliqué, je présume.
Le garçon sembla ailleurs pendant quelques instants, puis il se reprit :
— Tu l'as compris, on n'a pas mal de souvenirs d'enfance en commun. Après, on a grandi et on s'est éloignés l'un de l'autre, jusqu'à l'accident. Il prit soudain un air grave, je sais pas si les filles t'ont expliqué, mais tes parents sont morts sous un éboulement de rochers, sans plus d'explication. Je me rappelle simplement de la police devant ta maison et toi sur le palier. T'étais pétrifiée, je me suis approché, je t'ai prise dans mes bras et promis de veiller sur toi comme ton propre frère. T'avais treize ans, j'en avais quinze.
Le brun marqua une courte pause pour laisser le temps à Kate d'enregistrer la nouvelle, avant de reprendre :
— Tu venais très souvent à maison à cette époque, mais tu t'étais aussi faite quelques copines à l'orphelinat et ta vie reprenait une forme normale, jusqu'à ce que.
Sa voix se fit trouble, ses yeux s'embuèrent à ce souvenir. Kate devina instinctivement de quelle partie le garçon comptait lui parler et décida de lui faciliter la tâche.
— Jusqu'à l'accident avec ta mère et ta sœur ? énonça-t-elle, avec une douceur extrême.
Il confirma d'un sourire faible.
— Elles t'ont parlé de ça aussi ?
— Très rapidement, simplement pour me rappeler le contexte du, elle laissa passer quelques secondes, de ta cérémonie, déclara-t-elle, en se raclant la gorge.
Peter sourit avant de reprendre :
— Effectivement, c'était un an après la mort de tes parents, il continua, après avoir perdu ma mère et ma sœur dans cet incendie, tu venais me voir un peu plus souvent et nous avons développés un nouveau type de relations. Plus intime, plus important, s'enquit-il, en rougissant.
— C'est-à-dire ?
— En vérité on en a jamais parlé. Puis le temps a passé et t'as commencé à sortir avec un certain Ray, on se voyait de moins en moins et on a repris chacun nos vies. Pour terminer, y a eu ma cérémonie, il se racla la gorge, et je t'ai choisie. Tu l'as très mal vécu au début, je comprenais pas pourquoi, d'ailleurs, je comprends toujours pas et on s'est définitivement éloignés à partir de ce moment-là. Tu sais tout, enfin tout ce que moi, je sais.
Le garçon rit à cette pensée.
— Merci pour toutes ces, elle chercha ses mots, ces informations, finit par déclarer Kate en riant.
— De rien, Mademoiselle.
Le garçon lui envoya son plus beau sourire, elle baissa le menton et repensa à ce qu'il venait de lui dire. Tous ces souvenirs semblaient si importants pour lui et ils devraient l'être pour elle, mais c'était comme si ce n'étaient pas les siens. Elle avait l'impression que Kate comptait pour beaucoup de gens et la jeune femme trouvait injuste le fait qu'elle ne se souvienne d'aucuns d'entre eux.
Le tunnel continuait de défiler, lorsqu'ils furent interrompus par un grognement gastrique. La blonde dévisagea le propriétaire de ce râle, qui s'arrêta avant d'ouvrir son sac et d'en sortir deux sandwichs. Peter croqua dans l'un et lui tendit le deuxième.
Les deux jeunes gens s'assirent sur une pierre et se mirent à déguster leur déjeuner. Ils mangeaient en silence, la jeune femme trouvait ça agréable, Peter était l'une des rares personnes qui ne l'agaçait pas avec trop de questions. Le garçon était d'une nature calme et honnête.
— Tu penses qu'on arrivera à temps ? demanda-t-il, une pointe d'inquiétude dans la voix.
— Faut pas y penser, sinon ça risquerait de nous déconcentrer de notre but, expliqua Kate.
Peter acquiesça. L'estomac rempli, elle s'essuya la bouche d'un geste de la main. Le garçon était encore à la moitié du sien, il n'arrivait pas à le finir malgré la faim. La jeune fille lui fit un sourire compatissant en comprenant que c'était dû à l'angoisse de perdre Irina, de ne pas arriver à temps.
Le garçon se força et quand il finit la dernière bouchée, ils reprirent la route. C'était long, très long et ils ne savaient toujours pas où ils allaient.
Le tunnel ressemblait à un long tuyau dont ils ne voyaient pas la fin, la lampe torche n'éclairait qu'à seulement un mètre devant eux. Ce qui ne leur permettait pas de bien se situer quant à la distance qu'il leur restait à parcourir pour en arriver au bout. Kate en profita pour se remémorer le chemin qu'ils avaient parcouru, la jeune femme était toujours décidée à partir du village dès son retour.
Même s'ils réussissaient à sauver Irina, il n'y avait aucune chance pour que les Cérémonies s'arrêtent, puisqu'elles convenaient aux habitants. De toute manière, sa cérémonie était passée et la blonde avait déjà été mise en choix, donc selon leurs règles, la jeune fille n'avait plus rien à faire là-bas.
Une pensée sournoise s'immisça en elle, alors qu'elle pensait être libérée de leurs traditions perverses : oui, mais les filles ? Le cœur de la jeune femme se pinça. Soudain, une lueur blanche éclaira les parois rocheuses plus loin devant-eux. Serait-ce ? Non, Kate n'osait pas y croire. La blonde regarda le jeune garçon à ses côtés, incrédule. Le brun hocha la tête.
— Oui, je crois bien que c'est ça, dit-il.
— Le soleil ! s'exclama-t-elle.
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