Un Second souffle

L'éclat de la cascade se fit un peu trop bruyant et Kate sut qu'il était trop tard. La jeune femme s'accrocha désespérément à Peter, le col de son pull-over se froissait sous la pression de ses doigts trempés.

Des gouttes d'eau dégoulinèrent de son front et vinrent se mêler aux larmes qui salaient ses joues, ses lèvres bleues tremblotaient ainsi que tout le reste de son corps.

Le courant cessa de les emporter, leurs corps étaient désormais rattrapés par les lois de la gravité. Ils chutèrent, le filet d'eau menaçant les suivit, les bras musclés de Peter serrèrent la taille de la fille à la peau glacée. L'estomac de Kate remonta si haut, qu'il lui coupa toute entrée d'oxygène.

Son seul réflexe durant cette longue chute fût d'enfoncer sa tête dans le creux du cou du jeune homme. La fille glacée ferma les yeux et attendit le point de chute, ses cheveux humides flottaient au-dessus de leurs deux têtes.

Les gouttelettes d'eau de la rivière ruisselaient le long de leurs corps inertes balancés par le vent et le courant tels des marionnettes, jusqu'à ce que de l'eau entre brutalement dans la gorge de la jeune fille et n'envahisse de nouveau ses poumons.

[TW - Noyade]

Par instinct, Kate lâcha le cou de Peter et tenta de rejoindre l'air libre, mais le courant au-dessus de leurs têtes était si fort qu'il empêchait toute tentative pour remonter à la surface. Le tourbillon les faisait tournoyer dans l'eau, ses membres supérieurs gelés se débattaient afin de retrouver un certain équilibre, mais chaque essai fût conclu d'un échec.

Elle ouvrit les yeux dans l'espoir de se situer, des bulles de toutes tailles l'entouraient. Une nouvelle fois, son corps s'épuisait, Kate décida d'arrêter de lutter, le courant était trop fort. La lumière traversait son répresseur avec une facilité déconcertante, pendant que ce dernier la tordait et la manipulait aussi simplement qu'il le ferait avec une poupée de chiffon.

La fille aux cheveux longs devait simplement le laisser la guide, plus elle relaxait son emprise sur le courant, plus il la dirigeait vers son lit, elle coulait.

Le bruit assourdissant de la cascade devint soudainement apaisant. Un sourire s'extirpa de son visage, comme bercée par ce courant froid, la jeune femme à la peau pâle s'endormait. Tout était si paisible autour d'elle subitement, c'était agréable de ne plus lutter.

Son envie irrépressible d'oxygène lui était passée, le froid n'était plus une sensation gênante, elle était presque prévenante, vivifiante.

Une chaleur particulière piquait chacun de ses vaisseaux sanguins et remontait jusque dans son système nerveux central. Ses sens devaient tous être inhibés puisque lorsque son corps lourd établit son premier contact avec le sol, ce fût le son fracassant de sa tête contre la roche dure qui lui fit réaliser la situation : Kate partait.

[Fin de TW]

Peter était remonté à la surface seul, il se débattait pour sortir de l'eau, lorsqu'enfin, il réussit à rejoindre la berge. Il rampa sur le sol et finit par s'allonger une minute, respirant intensément. Sa tête tournait, ses vêtements glacés lui collaient la peau et le faisaient trembler de froid. Le brun se tortilla pour les retirer rapidement.

Lorsqu'il reprit conscience de son environnement, Peter se rendit compte qu'il était seul. Le bruit du fracas de la cascade l'empêchait de penser, mais quelque chose n'allait pas. Il manquait quelque chose dans le paysage, quelque chose d'important, mais quoi ?

Lorsqu'enfin ses neurones se reconnectèrent, le brun blêmit. Kate, pensa-t-il. Il la chercha du regard pendant près d'une minute, avant de plonger ses yeux dans l'eau, un océan de bulle empêchait la recherche de la silhouette de son amie. Terrorisé, le jeune homme replongea, tête la première, dans le torrent. Le froid tétanisa ses muscles et coupa son souffle.

Sous la surface, il ouvrit grand les yeux pour chercher la jeune fille, mais garder son équilibre était difficile à cet endroit et le mouvement de l'eau lui brouillait la vue. Puis après une longue minute de recherche sous-marine, il la vit. Il hurla son prénom dans un réflexe, mais s'en voulut, le souffle allait lui manquer bien vite.

Kate était allongée sur le lit de la rivière, paisible, livide. Ses yeux étaient clos et sa bouche entrouverte. Les vagues la berçaient légèrement et la blonde semblait presque soulagée. Le jeune homme saisit la jeune fille et la ramena le plus rapidement possible à la surface, mais elle resta inerte.

Il reprit son souffle et parvint à la ramener jusqu'à la rive, il hurla son prénom encore et encore, espérant la réveiller. Kate était allongée sur l'herbe et ne respirait toujours pas. Le jeune homme posa son doigt sur son cou et son pouls était si faible, qu'il se demanda s'il ne l'avait pas imaginé.

Kate ne savait pas combien de temps s'était passé lorsque cette pression douloureuse la réveilla. Quelque chose semblait s'enfoncer désespérément dans sa poitrine. Cette pression se relâchait, puis revenait toujours aussi forte. Elle continuait son rythme régulier et douloureux, avant d'être interrompue par une arrivée d'air inopinée au fond de sa gorge. Ses poumons ne réagirent pas tout de suite.

Une dépression se fît par la suite à l'intérieur de ses entrailles, avant qu'une nouvelle fois, l'air ne s'engouffre rapidement dans sa gorge. Cela fit sursauter son sternum, ses bronches et son système respiratoire. La pression reprit et tout son organisme sembla se réveiller et s'accélérer.

La jeune femme sentait ses pulsations cardiaques reprendre une mélodie régulière et donner le rythme au sang qui circulait dans son corps. Pour la troisième fois, l'air remplit sa gorge et sa trachée. Cette fois, son système sensoriel était réveillé et elle comprit que quelque chose de doux et chaud était collé à ses lèvres.

Un doigt était posé sur son menton afin de maintenir sa bouche entrouverte et d'insuffler de l'oxygène dans ses poumons et dans son sang. Sa chaleur corporelle remontait, ses mains moites, inertes étaient posées le long de son corps. Cette nouvelle pression douloureuse lui fit ressentir une décharge puissante qui souleva son buste.

Une vague brûlante, acide et salée remonta avant de sortir instantanément de sa gorge et de son nez. Des spasmes parcoururent son corps et lui permirent de vider ses poumons de l'eau qui emprisonnait ses bronches et son système vital. Ses muscles crispés se concentraient tous sur le même objectif.

Des mains vinrent se fixer dans son dos, afin de la soutenir. Quand toute l'eau claire et gelée fut évacuée de son organisme, le corps de Kate à bout de souffle se relâcha et sa tête se recula subitement. Un torse était collé dans son dos. De grandes mains maintenaient sa clavicule et des jambes entouraient son corps immobile.

Les tremblements se firent de moins en moins importants et de la buée commença à s'échapper de sa gorge à chaque expiration. Des murmures se faisaient ouïr dans ses oreilles, mais la jeune fille ne les comprenait pas. Elle voulut se relever, mais les mains lui interdirent tout mouvement.

Les bourdonnements se firent de plus en plus clairs, c'était une voix rauque et familière. La blonde tourna la tête surprise, ses grands yeux bleus la dévisageaient. Une nuance de soulagement et de peur se mêlait dans cet océan de turquoise et d'indigo. Sa bouche se déformait étrangement, on aurait dit qu'il voulait former des mots, mais qu'aucun son ne sortait.

Puis brutalement, elle réalisa que des sons sortaient bien de sa bouche, mais que c'était elle qui ne les entendait pas. Le cœur de la fille s'accéléra et le sang s'exila de son visage. Peter colla ses mains sur ses joues, à ce moment, Kate s'aperçut qu'elle pleurait.

Des larmes ne cessaient de dévaler ses pommettes pour atterrir sur ses doigts à lui. Le jeune homme les essuyait toutes une à une, dans lâcher son regard. Il souriait, son sourire était doux et plein de charme, ses dents blanches réfléchissaient la lumière hivernale. Kate essaya une nouvelle fois de parler, mais aucun son compréhensible ne se forma.

Peter posa un doigt sur ses lèvres et mima un non de tête, tandis que la jeune femme reprenait le contrôle sur sa respiration. Les larmes se firent moins pressantes et il l'enlaça pour combattre les derniers spasmes. Ses bras l'entouraient fermement pour la réchauffer et la rassurer.

La chaleur qui émanait de Peter lui permettait de respirer plus calmement et les bruits des alentours étaient maintenant plus clairs. Le vent sifflait sur les feuilles des arbres et sur les épines des conifères, elle sentait l'odeur de la terre mouillée et de la verdure, ses vêtements trempés, plissés et froissés le long de son corps.

La jeune femme prit conscience du bout de ses oreilles et de ses doigts qui étaient glacés par le vent frais d'hiver, de leurs deux corps réchauffés par la douce chaleur d'un soleil hivernal qui les surplombait. Kate reprenait lentement contact avec chaque unité de son corps et chaque chose qui les entourait. Un souffle chaud se fit sentir à l'extrémité de son cou.

Peter tentait de la réchauffer, la chaleur traversa le corps de la jeune femme avant d'atterrir dans son estomac. Kate sourit, elle était bien.

— Ça va ? lâcha-t-il, après plusieurs minutes de silence.

Ses yeux cherchaient à analyser chaque parcelle du visage de la fille.

— Ça va, enfin je crois, annonça-telle un peu sonnée, et toi ?

La fille aux yeux noirs luttait pour former des mots compréhensibles et retrouver une voix à peu près normale.

— Oui, ça va, tu n'imagines pas à quel point tu m'as fait peur, murmura-t-il.

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