Un Départ

Kate n'était pas sûre que Peter vienne la récupérer à l'orphelinat si elle n'était pas de retour. Mais la jeune femme n'avait pas d'autre choix que de lui faire confiance, puis le garçon savait très bien que s'il voulait retrouver Irina le plus vite possible, elle était d'une bonne aide.

La fille aux yeux noirs entra dans la chambre, elle avait réussi à éviter toute rencontre sur son chemin. Il fallait qu'elle trouve au plus vite un sac et des vêtements, avant que quelqu'un ne la voit ou que les filles ne la retrouvent.

Elle ouvrit une grande armoire, il y avait deux parties, une à gauche et une à droite. Celle de droite était une garde-robe plus rose que celle de gauche. Pile ou Face. La blonde choisit celle de gauche, elle lui inspirait plus confiance. Kate attrapa deux gros pulls en laine et trois jeans, ainsi que quelques sous-vêtements et un bonnet.

La jeune femme allait sortir rapidement de la chambre, quand une pensée la stoppa. Elle ne pouvait pas sortir sans laisser d'explications aux filles, elle ne voulait pas que ses amies s'inquiètent sans raison.

Kate prit un papier et un stylo, avant de se mettre à écrire ces quelques mots :

« Ma Petite Christie, ma chère Ninon,

J'aurais aimé vous expliquer plus amplement où j'allais, mais je savais que vous ne m'auriez pas laissé faire. Je pars avec Peter, je vais chercher Irina. Je ne pense pas qu'elle soit morte, en tout cas pas pour le moment. Je reviendrai le plus vite possible, même si la Kate d'avant ne se souvient pas de vous, je tenais à vous dire que je vous apprécie tout de même beaucoup.

À bientôt, Bisou.

Kate. »

La jeune femme espérait que la lettre leur suffirait et que les deux jeunes filles n'essayeraient pas de tenter quelque chose à son encontre.

Par précaution, elle préféra ajouter :

« P.S : ne le dites à personne, je vous fais confiance. »

Kate réussit à sortir de l'orphelinat, sans croiser personne. La fille au sweat-shirt rouge courut vers la maison de Peter et espéra qu'il ne soit pas parti sans elle. Elle toqua à la porte, le garçon lui ouvrit rapidement. La fille entra sans lui laisser le temps de l'y inviter, ce qui le fit sourire.

Les bagages de Peter étaient dans l'entrée, le garçon lui fit la liste de ce qu'il avait emporté et elle acquiesça. Ils franchirent enfin le seuil de la porte et la clé tourna plusieurs fois dans la serrure. Les deux voyageurs traversèrent le porche, chargés pour une semaine.

La fille aux yeux noirs pressa le pas les premiers mètres, craignant de croiser ses deux amies ou une quelconque figure d'autorité qui aurait pu mettre fin à leur voyage encore frais.

Peter râla en la voyant dans un tel état de nerf, mais accepta de traverser les premières ruelles à petites foulées, juste devant elle. Jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à une extrémité du village inutilisée par ses habitants. Ils reprirent alors une cadence plus supportable sur le long terme. La blonde essoufflée en était ravie, elle n'avait malheureusement pas les mêmes capacités physiques que le garçon aux yeux clairs.

Les deux confrères marchaient côte à côte dans les rues du village, Peter portait deux sacs à dos qui contenaient ses affaires et le matériel. Tandis que Kate portait le troisième, où figuraient toutes les affaires dont la jeune femme avait besoin pour ce périple. Quand soudain, leur route fut coupée par deux silhouettes au sol. Deux merles les observaient au milieu de la rue, leurs pattes munies de griffes étaient comme coulées dans le béton et leur barraient le passage.

Les oiseaux ne croassaient pas, leurs têtes ne cessaient de pivoter dans toutes les directions pour les observer sous tous les angles. Peter s'en approcha rapidement et d'un mouvement de main, leur asséna de partir. Les deux bêtes ailées mirent quelques secondes avant de prendre leur envol, d'une manière extrêmement synchrone. L'un deux passa près de l'oreille de la jeune femme en un léger cliquetis mécanique.

Peter fronça les sourcils et se remit à marcher, mais cette fois il resta seul devant. Le garçon était perdu dans ses pensées, Kate décida de le laisser méditer de son côté. Parfois, le jeune homme avait des réactions étranges et elle était déjà suffisamment confuse pour ne pas vouloir s'en préoccuper plus longuement.

La jeune femme marchait tranquillement en pensant à toutes ces traditions et jusqu'à quel point le Grand Chaman pouvait être dangereux, lorsqu'une tige fragile attira son attention.

C'était une tige verte, dont un bouton blanc perçait au bout et regardait le sol : un perce-neige. La blonde s'abaissa et se mit à sa hauteur, Peter remarqua son soudain arrêt et s'immobilisa à son tour. Elle approcha avec le plus de douceur possible sa main et caressa du bout du doigt l'espèce rare qui lui faisait face.

Comment cette plante si fragile et si belle pouvait-elle pousser dans un endroit pareil ? Qui plus est, dans une grotte ?

Kate continuait de l'observer, lorsque Peter la tira de ses pensées :

— Faut qu'on y aille, annonça-t-il, avec assez de froideur.

La jeune fille ne répondit pas, elle se releva et jeta un dernier coup d'œil à cette merveille avant de rejoindre son partenaire de route.

Peter pouvait être si ronchon parfois, elle se demandait s'il lui arrivait certains jours de sourire. Même si elle comprenait que le traumatisme de la cérémonie soit encore tout frais, ils savaient tous les deux que l'horreur n'était pas encore arrivée. Le garçon n'avait donc pas encore à réagir comme un endeuillé.

Le sac rebondissait sans cesse sur le dos de Kate. À chaque pas, il lui rappelait son poids. Peter s'aperçut de sa difficulté à tenir son rythme avec le sac sur les épaules et lui proposa de l'aide, mais trop fière, elle refusa.

La fille n'avait pas besoin de son aide, elle était parfaitement capable de s'occuper d'elle toute seule. Le garçon sourit à sa remarque, mais n'insista pas.

Puis les deux aventuriers s'enfoncèrent dans une ruelle de moins en moins éclairée, la sueur commençait à perler sur le front de Kate. Plus ils s'enfonçaient dans l'obscurité, plus l'altitude se faisait basse. L'air se faisait plus lourd, plus dense et l'oxygène se raréfiait, il devenait compliqué de continuer à ce rythme infernal.

La jeune femme se stoppa et attrapa une bouteille d'eau dans son sac, ses mains moites glissaient sur le bouchon et lui rendaient difficile la tâche de le dévisser. Sans un mot, Peter lui arracha la bouteille des mains et l'ouvrit avant de la lui tendre. Agacée par son comportement, elle le repoussa violemment, pour qui se prend-il ?

Dans un haussement d'épaule, il amena la bouteille d'eau à sa bouche, sa pomme d'adam remontait et descendait dans un rythme effréné. En quelques secondes, le brun but la bouteille d'eau dans son intégralité. Kate râla, pestant le fait qu'il aurait pu lui en laisser un peu. Le jeune homme se défendit en lui rappelant qu'il lui avait proposé, mais qu'elle avait refusé de la même manière qu'une petite fille âgée d'à peine cinq ans.

Fatiguée par son comportement, Kate décida de s'écarter et de s'approcher de la roche à sa droite. Même si le tunnel était plutôt étroit et que Peter se rapprochait d'elle à chaque fois qu'elle tentait de l'éviter, elle montrait son mécontentement en se collant et en s'égratignant contre le mur froid et graveleux.

Ils avaient dévalé quelques mètres d'altitude, quand un bruit imposant d'eau les interpella, la cascade n'était plus très loin. Quelques pas plus loin, la lueur jaune du village ne les éclaira plus, Peter sortit une lampe torche et la dirigea devant eux.

Les deux compères marchaient en silence, mais avec une surprenante synchronisation. Le bruit d'écoulement d'eau se faisait plus imposant à chaque pas qu'ils faisaient. L'air chaud et dense se fit soudain extrêmement humide.

Il dirigea la lampe vers sa gauche, un torrent d'eau dévalait la grotte, ils décidèrent de le suivre. Les deux individus furent plongés dans le noir complet après plusieurs minutes, le chemin était éclairé par la seule lumière de la lampe torche. Les pas de Kate étaient maladroits dans la pénombre, elle titubait et se cognait de temps à autre contre le bras de Peter.

Leurs pieds avançaient prudemment, l'un devant l'autre et tâtaient rapidement le sol qui leur restait à parcourir. Le garçon se stoppa net, les cailloux projetés par ses chaussures semblaient chuter et atterrir quelques mètres plus bas. Le brun remonta légèrement l'angle de la torche, les deux jeunes faisaient face à une falaise. Le bruit de l'eau qui chute était assourdissant et résonnait dans la grotte.

— Maintenant, on fait quoi ? demanda Peter à Kate.

— On descend, répondit-elle simplement.

— Ah oui ? Et tu comptes t'y prendre comment, exactement ?

— T'as bien pris une corde et deux baudriers, non ?

— Euh oui, mais...

La jeune femme sentit que quelque chose n'allait pas.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu pensais qu'on allait faire quoi après la cascade ? Faire des photos et rentrer chez nous ? lâcha Kate, ironique.

— Non, mais...

— Mais quoi ? questionna-t-elle, manquant de patience.

— J'ai le vertige, annonça-t-il.

Effectivement, ça risquait de poser problème.

— Je descendrai en premier et tu me suivras, ok ? Tu ne regardes pas en bas et t'écoutes ma voix, énonça-t-elle, sur un ton autoritaire.

La jeune femme sentit qu'il n'était pas du tout à l'aise avec son idée, mais le jeune homme n'avait pas le choix et elle non plus, ils devaient continuer, quoi qu'il arrive.

Kate enfila son baudrier et commença à faire les nœuds en huit autour de lui et autour de celui de Peter. Le garçon mit un certain temps avant de mettre correctement son baudrier, peu habitué à faire de l'escalade. Alors qu'elle ne savait pas d'où lui venait ce naturel avec le matériel.

Il fallait que la jeune femme reste concentrée, elle attacha la corde à une prise qui semblait solide et elle commença à descendre en rappel le long de la paroi humide. La roche était glissante, mais la corde restait bien attachée. Le nœud fut suffisamment résistant pour la retenir quand son pied dérapa au milieu de la descente.

Kate était en bas quand elle appela Peter pour lui signifier qu'il pouvait descendre, que c'était sécurisé. Le brun ne répondit rien, ce qui fit grandir l'impatience de la jeune femme.

— Peter, qu'est-ce que t'attends ? hurla-t-elle, ne sachant pas s'il pouvait l'entendre.

— Je... je... une petite voix parvenait aux oreilles de Kate, je peux pas, affirma-t-il.

— Comment ça, tu ne peux pas ? s'énerva-t-elle, tu peux pas descendre une toute petite cascade pour aller chercher celle que tu désignes comme l'amour de ta vie ?

— Arrête, gémit-il, tu sais très bien que c'est pas ça... Enfin, l'ancienne Kate le savait, dit-il, tout bas.

— Écoute, c'est vrai que je me souviens plus pourquoi t'as une si grande peur du vide, mais tu veux que je te dise ? C'est tant mieux, car peu importe les raisons, tu vas les oublier toi aussi et descendre cette foutue cascade pour aller sauver Irina, s'enquit-elle.

Le garçon ne répondit pas, elle était désemparée, la jeune femme ne pouvait pas remonter la montagne. Le temps pressait et sa tête s'embrouillait en cherchant une solution à ce problème épineux.

À peine était-elle en train de penser à un éventuel plan B, qu'une tête se mit à dépasser de la montagne. Une silhouette commençait à dévaler la grotte, tout doucement, vraiment doucement, mais elle descendait et arrivait enfin à destination.

La jeune femme s'approcha d'elle et un Peter pâle lui fit face.

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