Un Courant

Une lumière intense éclairait le bout de la grotte, il y avait donc bien une sortie, Kate avait raison. Les aventuriers y étaient presque, elle en était persuadée. Un cri de joie s'empara d'elle et Peter l'imita. Les deux amis se dirigèrent d'un pas pressé vers le trou lumineux et continuèrent d'avancer, quand quelque chose stoppa la jeune femme aux cheveux blonds. Sur leur gauche, de l'autre côté du courant.

Peter la fixa perplexe, ne comprenant pas son soudain arrêt. Elle pointa l'autre côté de la rive du bout de son index, mais le garçon ne comprenait toujours pas.

— Tu ne vois pas ? questionna-t-elle.

— Mais non, de quoi tu parles ?

— Là-bas, de l'autre côté de la rive, insista Kate.

— Oui et bien ?

— Tu ne vois pas le creux dans la paroi ?

— Qu'est-ce qu'il a ce creux ? On n'arrête pas d'en croiser depuis qu'on a dévalé cette foutue cascade.

— Celui-ci est particulier, énonça-t-elle, ce n'est pas qu'un simple creux, c'est un tunnel.

— Un tunnel ? il sourit, comment tu peux le savoir ?

— C'est plus profond. C'est tout de même évident, non ?

— Non, rit-il, mais ça change quoi que ce soit un tunnel ou un simple creux ?

— Tu m'as bien dit que le Grand Chaman vivait dans les souterrains ?

— Je vois toujours pas le rapport.

— Mais faut tout t'expliquer à toi, ce n'est pas possible, lâcha la jeune fille, agacée.

Le jeune homme se renfrogna, sa remarque l'avait blessé, la blonde se radoucit.

— C'est le seul tunnel que nous ayons remarqué depuis le début, grâce à la lumière. Il doit sûrement y en avoir d'autres, mais de l'autre côté.

— Tu vas encore me dire que je comprends rien, mais, s'enquit-il, hésitant.

— Je suppose que le Grand Chaman a créé plusieurs entrées et sorties le long de la grotte, mais de l'autre côté du courant. On s'est trompés de rive.

— Et ça change quoi ?

— Ça change que pour descendre à l'étage inférieur, il faut sûrement emprunter l'un de ces tunnels, déclara Kate.

— Mais c'est qu'une hypothèse, basée sur de simples suppositions, énonça-t-il, pas très convaincu.

La jeune femme ne répondit pas, elle analysait la situation. Les deux amis étaient arrivés au bout du tunnel, Kate s'approcha prudemment de la fin de la grotte et fut accueillie par un immense vide qui lui donna le tournis. Une cascade, encore, mais plus haute que la dernière, beaucoup plus haute. La fille aux cheveux dorés se tourna vers Peter, il était blême.

— T'as raison, ce sont que des suppositions, mais à moins que t'aies envie de redescendre une cascade de cette hauteur, une seconde fois, tu n'as pas d'autre choix que de me faire confiance, affirma-t-elle.

Le jeune homme hocha la tête, convaincu.

— Quel est ton plan ?

— Il faut que l'on traverse le torrent.

— Quoi ? s'étrangla le garçon, mais il fait au moins sept mètres de large et le courant est fort.

— Je sais, elle souffla doucement, mais on n'a pas le choix. T'as bien vu qu'il n'y a pas de tunnel de notre côté et on ne va pas faire demi-tour pour remonter la cascade et revenir au point de départ. Surtout que descendre et monter une cascade sont deux choses différentes et on n'a pas le matériel adapté pour faire la seconde option.

— Ok, la coupa-t-il, je vois, on est pris au piège, quoi.

Kate haussa les épaules et lui tendit un premier sac, Peter le saisit, l'air tendu. Avant de traverser la rive, ils devaient envoyer leurs affaires de l'autre côté. Le garçon passa le sac sur son épaule afin de prendre un élan pour le lancer. La trajectoire du sac fit un arc parfait au-dessus du courant, il tapa la paroi rocheuse de l'autre rive et atterrit sur le sol.

Kate ne réussit pas à étrangler son cri d'admiration, le jeune homme se tourna vers elle avec un sourire charmeur. Elle se moqua gentiment de sa prétention et lui tendit le deuxième, puis le troisième sac qui tous deux traversèrent parfaitement le courant.

— Maintenant, c'est notre tour, s'enquit-elle, blanche.

— Ça risque d'être un peu plus complexe, dit Peter, les dents serrées.

La fille noua la corde à un rocher situé près de la paroi, elle pria pour qu'il soit suffisamment solide. Kate ramassa le reste de la corde et l'apporta à Peter qui la dévisageait, inquiet.

— On a plusieurs options, elle se reprit, enfin, trois.

— Quelles sont-elles, mon général ? demanda le brun, sur un ton militaire.

— La première, c'est qu'on s'attache tous les deux à la corde et qu'après, on traverse en même temps, mais ça signifie que si y a un problème avec la corde.

— On est dans la merde, l'interrompit-il.

— Tout à fait.

— Donc, la deuxième option ? enchaîna le garçon.

— Tu traverses en premier, mais si la corde lâche ou se détache je te rattrape, elle sourit, enfin j'essaie de te rattraper.

— Oui, non, pareil que la première option. Donc notre option sera ? questionna-t-il, un léger sourire au coin des lèvres.

— La troisième, qui est que je traverse en premier et que si y a un problème, tu te charges de me ramener sur la rive. Si j'y arrive, j'attacherai la corde de l'autre côté et tu pourras traverser plus tranquillement.

— De toute façon, on n'a pas le choix, conclut Peter, dépité.

C'était vrai, les deux aventuriers n'avaient pas le choix. La jeune femme enfila le baudrier qu'elle noua à la corde et se prépara à se jeter dans l'eau glacée. Il fallait qu'elle y arrive. Kate, tu es assez forte, s'encouragea-t-elle. La jeune femme se tourna vers Peter.

— T'es prêt ? demanda-t-elle, tendue.

— C'est plutôt à toi que je devrais demander, non ? annonça le garçon, surpris.

— Non, je ne dois pas penser là.

Soudain, l'homme aux yeux clairs s'approcha d'elle et la prit dans ses bras, aussi surprenant que cela puisse être, la jeune fille resserra son étreinte. Ce serait peut-être la dernière, puis elle se recula. Peter la fixait avec intensité et cela la fit rougir, une fois encore.

Kate prit une grande inspiration et s'avança vers la rive, son rythme cardiaque était affolant. La lumière se reflétait sur le courant d'eau turquoise, un vent frais transperçait son vieux pull en laine vert. Dans un élan de courage, elle plongea.

[TW Noyade]

L'eau glissait rapidement sur sa peau et imbibait ses vêtements. La température du torrent lui avait bloqué le souffle, elle remonta à la surface, mais l'air peinait à entrer dans ses poumons : Kate suffoquait.

Peter lui parlait, mais elle n'entendait rien, les bruits l'environnant quelque temps plus tôt étaient désormais inaudibles. Le courant fort emportait son corps avec la facilité d'une vague qui emporterait une brindille. La fille luttait de toutes ses forces et nageait en fixant la rive, mais celle-ci défilait trop vite.

Kate, en proie au froid paralysant, n'avançait plus. Ses muscles s'affaiblissaient, chacun de ses membres se faisaient de plus en plus lourds. Ses vêtements ne faisaient que la couler un peu plus à chaque minute qui passait.

Quelque chose la tira vers l'arrière, ses yeux se fermaient petit à petit pendant qu'elle se faisait tracter. La blonde ne luttait plus, son cœur était devenu tellement lent, que la jeune femme ne le sentait presque plus battre dans sa poitrine. Sa cage thoracique ne se soulevait que par de petits soubresauts irréguliers.

Soudain, elle fut soulevée hors de l'eau et une bribe d'air parvint à sa gorge. Un cri fusa dans ses oreilles, il lui semblait entendre son prénom, mais la fille aux cheveux trempés ne pouvait pas réagir, chaque parcelle de son corps était tétanisée. Puis un crac retentit, la pression que la jeune femme ressentait plus tôt autour de son estomac et qui lui permettait de tenir hors de l'eau, disparut.

Le corps de Kate s'enfonça rapidement dans l'eau, elle tenta dans un dernier geste de retirer son baudrier pour remonter à la surface et se démena pour défaire la sangle. La fille aux lèvres bleues avait besoin d'oxygène, cette pensée l'obsédait. De l'oxygène. Tous ses gestes se faisaient plus secs, plus imprécis désormais. La panique s'installa en elle, jusqu'à ce qu'un réflexe la fasse inspirer.

De l'eau entra dans ses poumons, Kate tenta de la recracher, mais l'envahisseur revenait inlassablement. La sangle céda.

Le poids se fit moins important et la blonde remonta de quelques centimètres. Ses poumons se remplissaient d'eau et la jeune femme épuisée s'enfonçait dans le torrent, ses membres se relaxèrent, ses yeux s'ouvrirent tout doucement. La fille était calme, presque sereine. Elle réfléchissait à sa vie, elle n'en avait aucun souvenir, alors pourquoi avait-elle des regrets ? Irina. Cette pensée la fit frémir.

Kate se sentit soulevée brusquement, la surface se rapprochait progressivement, jusqu'à ce que l'air caresse son visage, sa vision étaient flous et la blonde frotta ses yeux pour les débarrasser de l'eau qui les embuait. La jeune femme ouvrit la bouche, mais rien n'entra. Elle voulut crier, mais n'y parvint pas, quand elle réalisa brusquement la chaleur qui l'entourait.

Cette chaleur qui la soutenait et lui permettait de tenir à la surface. La jeune femme souleva la tête et remarqua un homme, lui aussi criait, mais elle ne l'entendait pas non plus. Le garçon attrapa sa tête et la posa sur son épaule. Ses poumons et chacun de ses organes la brûlaient.

D'un geste, il lui tapa le dos, une brûlure en provenance de son estomac remonta le long de sa trachée, passa par ses poumons, avant que du liquide ne sorte de sa bouche et de son nez. Kate le cracha, de l'eau continuait de remonter sans cesse.

À chaque fois que du liquide réussissait à sortir, de l'air entrait dans ses poumons et un sentiment de soulagement envahissait son corps. Elle réalisa petit à petit la présence de Peter et serra un peu plus ses bras autour de son cou. Le jeune garçon nageait et tentait de rejoindre l'autre rive, mais ils étaient trop lourds et le courant trop fort.

[Fin de TW]

La blonde se souvint de la cascade, ils s'étaient éloignés de plusieurs centaines de mètres pour avoir assez de longueur pour passer, mais les deux amis n'avaient pas prévu cette option-là, la chute ne devait plus être très loin.

Peter était terrorisé, ses muscles étaient crispés autour du corps tétanisé de Kate, incapable de s'en détacher et d'avancer correctement vers le bord, il entendait la cascade se rapprocher de plus en plus, alors qu'ils s'éloignaient des deux rives. Ils étaient coincés au milieu et le garçon aux yeux clairs ne pensa qu'à une seule chose, la jeune fille qui s'accrochait désespérément à sa clavicule.

Kate tenta de lui faire part de son inquiétude, mais n'y parvint pas. Les seuls mots qui réussirent à sortir de sa bouche étaient des balbutiements auxquels Peter ne prêta pas attention, trop préoccupé par l'autre rive.

Les deux aventuriers n'étaient pas loin, il restait environ un mètre de traversée, Kate pria. 

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