Kate se tourna vers le miroir et réajusta ses cheveux avant de déplisser sa robe. Le thorax gonflé, l'air déterminé, elle sortit de la tente. Elle fut accueillie par un souffle chaud et un tas de sable recouvrit ses pieds nus. La chaleur lui picotait la plante des pieds, la blonde sautilla à reculons jusqu'au tapis d'entrée de la tente.

Des babouches bordeaux lui firent un clin d'œil et la jeune fille les saisit et les enfila rapidement. L'horizon donnait sur des dunes de différentes tailles avec des nuances de couleurs riches, la teinte dorée était reflétée par le soleil en plein zénith. Kate protégea ses yeux en couvrant son front de sa paume de main.

À peine était-elle sortie de la tente, qu'une jeune femme à la peau blanche comme le lait l'accueillit avec une ombrelle et un grand sourire.

— Comment allez-vous aujourd'hui, madame ?

— Bien, merci.

— Et le bébé ? Il n'est pas trop turbulent ?

— Il va très bien, je crois, énonça Kate, sans vraiment connaître la réponse.

— Vous avez bu la potion que je vous ai concoctée ? C'est parfait pour accueillir un beau garçon, fort et robuste comme son papa.

La femme enceinte hocha la tête, l'air ailleurs. La servante ne dit rien de plus et lui demanda si elle avait faim. Pour toute réponse, un grognement gastrique échappa à la blonde. Céthy attrapa gentiment sa main et la guida vers un emplacement où était disposé plusieurs tables, protégées par de grands panneaux en osiers.

Kate s'approcha du tabouret, quand la femme à la peau de lait le lui tira. Surprise par son geste, elle la remercia avant de s'asseoir, puis la jeune fille tenta quelque chose.

— Céthy ?

— Oui, Madame ?

C'était bien le nom de la servante, satisfaite, elle sourit.

— Non rien, dit Kate, doucement.

On lui apporta de la viande et de l'eau, la jeune femme mangea avec plaisir, mais elle n'était toujours pas repue. Instinctivement, la blonde caressa son ventre. Ils étaient deux maintenant. Un choc électrique lui traversa le corps et une nausée lui retourna l'estomac.

Céthy réagit rapidement et lui tendit un pot, puis d'un geste délicat avec une serviette humide, elle lui essuya la bouche. C'était à ce moment que le père de la chose qui grandissait dans son ventre, décida de faire son apparition.

L'homme au charme tribal avançait à grands pas, sa taille était si grande qu'il aurait pu tendre une feuille d'acacia à une girafe et ses bras si forts qu'ils pourraient briser la pierre. Elle se demanda comment son clone et lui s'étaient rencontrés, mais elle balaya vite cette question de sa tête. La blonde se releva et leur expliqua qu'elle avait besoin de se reposer un peu.

Tous les deux, ils l'accompagnèrent et la laissèrent au seuil de sa tente. Ses pensées lui brouillaient l'esprit, cela faisait un peu trop à gérer pour le moment. Une idée lui vint : il fallait qu'elle voie sa guide. Si elle s'absentait seulement quelques minutes, ça ne risquerait pas de blesser le bébé et techniquement, là-haut, il n'y avait aucun espace-temps.

Ce serait comme une petite sieste, le seul souci, c'était qu'elle ne savait toujours pas comment utiliser son don. La jeune femme réfléchit aux événements qui lui avaient permis de changer d'univers ou de s'échapper de son corps. Kate se rendit compte qu'elle ne connaissait même pas son prénom dans ce nouvel univers.

Elle repensa aux balles qui avaient traversé son corps, à l'enfermement dans l'asile, la dispute avec Peter et enfin, Matt partant en courant de sa chambre après avoir vu Peter dans son lit. Il n'y avait aucun lien, ce n'était ni la peur de mourir ou la difficulté de vivre, ni la colère d'être prisonnière, incapable de tout mouvement, ni même la peur de perdre ou de blesser une personne proche.

Jusqu'à ce que ça la frappe comme une évidence : les émotions. L'émotion forte, plus particulièrement. À chacun de ces événements, ses émotions ou sentiments, lui avaient fait perdre le contrôle. Si Kate voulait voir sa guide, il fallait qu'elle fasse en sorte de ressentir une émotion suffisamment puissante.

La blonde pensa à ses options, la peur ou une sensation extrême : saut vertigineux, animaux venimeux ou dangereux, avant de se rappeler qu'elle n'était plus tout seule dorénavant et qu'elle ne pouvait pas mettre en danger la chose dans son ventre.

Frôler la mort était donc à bannir, elle pourrait se disputer ou blesser quelqu'un qui lui était proche, mais elle ne connaissait personne ici, même si Céthy lui était très sympathique. Kate devait trouver quelque chose de nouveau et qui ne mettrait pas en péril leurs deux vies.

La conception d'une possibilité se mit en place. Et si ? Kate se leva rapidement et sortit de sa tente en se chaussant furtivement de ses babouches. D'un œil distrait, elle le chercha, il ne devait pas être loin. Rapidement, elle trouva Céthy. L'homme se trouvait quelques mètres plus loin, le cœur de Kate battait un peu plus fort à chaque pas qu'elle faisait pour s'approcher de lui.

Arrivée à sa hauteur, la jeune femme lui prit la main sans un mot et le dirigea vers la tente. Il ne dit rien et un sourire vint se fixer sur son faciès. À peine le seuil fut il traversé que le brun la tira par le bras pour la coller contre son torse immense.

Le visage rouge, la blonde à la peau caramel tenta de se reculer pour reprendre un peu le contrôle, avant de se souvenir de son objectif. Kate s'agrippa alors violemment à la mandibule de l'homme et posa ses lèvres fines sur les siennes. Il la souleva et passa son bras autour de son cou, avant de serrer l'autre autour de sa taille.

Le ventre rebondi de la jeune femme les séparait de quelques centimètres, mais cela n'était pas suffisant pour la mettre à l'aise. Chaque seconde qui passait l'embarrassait un peu plus et la peur prit place petit à petit dans son ventre. Il était très doux et gentil, mais pour elle, c'était un parfait étranger, malgré le fait qu'elle soit la mère de son futur enfant.

Kate commença à perdre patience, si elle restait collée une seconde de plus, elle allait se mettre à hurler ou à pleurer, elle ne savait pas trop. La seule et unique chose qu'elle savait, c'était qu'elle voulait que ça s'arrête, maintenant. La blonde déplissa ses yeux et remarqua la vieille dame qui l'observait silencieuse, un léger sourire au coin des lèvres.

— On n'a pas apprécié ce baiser ? déclara la femme ironique, il est pourtant bel homme.

— Je vous le laisse, si vous voulez ? annonça Kate, froide.

— On est grognon, à ce que je vois.

— Et vous seriez comment vous, si vous vous réveilliez dans le corps de votre clone, enceinte d'un homme que vous n'avez jamais vu ? Si vous ne pouviez pas quitter ce corps très longtemps, car sans vous, votre clone est un simple légume qui ne peut pas répondre au besoin du truc à l'intérieur de son ventre, s'énerva la blonde.

— Du truc ? Tu appelles ça un truc ? questionna la femme aux cheveux gris, étonnée presque perplexe.

— Un bébé, si vous préférez.

— Kate, les clones ne sont pas sous ma surveillance, je l'ai appris en même temps que toi et j'en suis vraiment désolé.

— Vous pouvez.

— Mais je pense que tu as d'autres soucis à te faire pour le moment.

— D'autres soucis ? Vous trouvez que je n'en ai pas suffisamment, là ? hurla-t-elle, à bout.

— Je sais Kate, mais là c'est vraiment important.

— Je suis parée, vous pouvez y aller, déclara la jeune femme, lasse.

— C'est à propos du chaman, énonça la vieille, embarrassée.

— Du chaman ? Il n'est pas enfermé dans une de ses cages ?

— Si, enfin, il l'était.

— Comment ça, il l'était ? Ne me dites pas que, dit Kate, le souffle court.

— Il a de nombreuses connaissances et certaines sont très loyales.

— Très bien, mais quel rapport avec moi ? Peter, Matt et Ninon ne peuvent pas s'en occuper ?

— Le souci c'est que. Il a dérobé ton clone.

— Vous voulez dire qu'il m'a kidnappée ?

— Non, techniquement, il n'a enlevé que ton clone de Saumura.

— Mais c'est mon corps ! Je vis et j'ai mes amis là-bas.

— Je sais.

— Alors je dois faire quoi ? demanda Kate, décontenancée.

— Ce n'est pas à moi de te le dire, tu le sais bien, déclara la vieille femme, avant de disparaître.

La rage prit Kate, elle ne supportait plus tous ces obstacles sur sa route, elle en avait bavé suffisamment pour qu'on la laisse tranquille...

Au moins quelque temps.