Tremblements

Légèrement honteuse, Kate baissa le regard avant de répondre dans un souffle :

— Je suis désolé.

Ce qui piqua Peter.

— Tu rigoles ? T'y es pour rien, son visage se referma, c'est ma faute.

Elle releva les yeux, agacée.

— C'est la faute de personne, grogna-t-elle, c'est ce maudit courant.

Kate essayait de se rappeler ce qu'il s'était passé après qu'elle se soit endormie dans le torrent, mais sa mémoire était comme effacée. Le silence était à la fois soulagé et crispé entre eux, chacun revivait l'événement dans sa tête et essayait de savoir ce qu'il aurait dû faire ou ne pas faire. Jusqu'à ce que Peter se décide à rompre le silence.

— J'ai cru que t'étais morte, déclara-t-il d'une voix faible.

Ses yeux s'embuèrent, pour toute réponse, Kate l'enlaça et plusieurs minutes passèrent sans que ni l'un ni l'autre ne bouge ou ne rajoute un mot.

Le souffle de Peter était chaud et doux, ses bras étaient tellement réconfortants. Elle se sentait protégée avec lui, comme si en sa compagnie rien ne pouvait lui arriver. Depuis son amnésie, la jeune fille se sentait enfin à sa place. Kate recula doucement sa tête et plongea ses yeux dans le regard du garçon, qui colla son front contre le sien.

Elle fixa ses lèvres roses irrésistibles, jusqu'à ce qu'une décharge électrique ne lui traverse le corps.

— Irina ! clama Kate, mal à l'aise.

À l'entente de ce prénom, Peter devint blême et la lâcha, la jeune femme tomba et se rattrapa douloureusement sur ses coudes. Les yeux du jeune homme étaient repartis dans des réflexions qu'elle ne pouvait pas suivre.

— Il nous faut un autre plan, annonça-t-elle, en se relevant et en se raclant la gorge.

Le garçon confirma d'un timide oui. Kate réfléchit, la solution était devant eux. Il fallait entrer dans ce tunnel, elle en était certaine, maintenant qu'ils étaient au pied de la falaise, ils ne pouvaient pas la remonter, les deux aventuriers étaient trop bas. Il fallait aller à l'étage supérieur, la blonde regarda autour d'elle.

Les filles lui avaient parlé d'une nature polluée et invivable, mais tout ce qu'elle voyait, c'était une nature sauvage et saine. Les sapins droits montraient fièrement leurs aiguilles, les feuilles mortes orangées recouvraient la mousse du sol. La rivière était d'un bleu glacé et se laissait refléter par une lueur hivernale de fin d'après-midi.

Cela n'avait aucun sens, en dix-huit ans, ça n'avait pas pu changer autant. Quelque chose clochait et Kate n'arrivait pas à savoir quoi. La jeune femme admirait la cascade qu'ils avaient dévalée plusieurs minutes auparavant. Elle était vertigineuse vu d'en bas, cela la fit frémir. Rien autour d'eux ne la renseignait sur comment retourner là-haut.

N'y avait-il pas d'issue ? Non, Kate ne pouvait pas croire que quelqu'un d'aussi manipulateur que le Grand Chaman, quoi qu'en disent les habitants de Saumura, n'ait pas essayé de descendre jusqu'ici ou n'ait pas prévu d'issue de secours en cas de besoin.

Une voix grave la coupa dans ses pensées :

— Tu devrais enlever tes vêtements trempés, j'ai laissé les miens s'éponger, lorsque je suis retourné te chercher dans l'eau, énonça Peter, tu trembles comme une feuille, la nuit va pas tarder à tomber, ainsi que la température.

— Je voudrais bien, mais je n'ai pas de change, s'enquit-elle.

— Prends mon manteau, déclara-t-il en lui tendant son pardessus en laine noire, tu laisseras sécher tes vêtements durant la nuit.

La jeune femme n'avait pas commencé sa phrase, que Peter s'était déjà retourné. Cela la fit sourire, elle retira avec difficulté son pull qui collait sa peau. Ses cheveux trempés atterrirent sur ses épaules nues et la firent sursauter, elle lâcha un cri de surprise.

— Ça va ? questionna inquiet, le garçon.

Le brun se retourna.

— Non ! cria-t-elle.

La jeune femme plaça ses mains sur son poitrail, voulant cacher sa nudité.

— Pardon, je suis désolé, bégaya Peter, tout en faisant volte-face.

Le sang remonta brusquement jusque dans son visage, elle s'empressa de se changer, la fille peinait à retirer son jean, il était comme une seconde peau. Kate tira jusqu'à ce qu'elle en soit libérée et se retrouva en sous-vêtement. Elle hésita quelques instants à retirer sa lingerie, gênée de se retrouver nue sous son manteau.

Le vent frais la rappela à l'ordre, ils ne sécheront jamais s'ils restaient sur elle. Elle les retira d'un seul mouvement. La jeune femme enfila le caban avec promptitude et d'un geste, souleva ses cheveux pour les placer au-dessus. La laine séchait sa peau et la réchauffait. La blonde ferma les boutons, mais le manteau n'était pas à sa taille et elle flottait très largement dedans.

— C'est bon, annonça la jeune femme en riant.

Le brun se retourna avec précaution et rit lui aussi en apercevant son allure peu féminine dans son manteau trop large.

— T'as un drôle d'air dedans, affirma-t-il, je savais pas qu'il pouvait arriver en dessous des genoux de quelqu'un.

— Très drôle, fit Kate, avant de lui faire sa plus belle grimace.

Le soleil commençait à se coucher, la jeune fille regarda ses vêtements trempés dans ses mains.

— Ça sert à rien de s'aventurer je ne sais où, pour le moment, annonça-t-il, nous devrions rester ici pour la nuit.

Kate approuva d'un mouvement de tête, elle avait repéré une branche plus loin, pour y installer ses vêtements mouillés. Ses pieds nus parcouraient l'herbe fraîche, elle avait perdu une chaussure dans le torrent. Quand la jeune fille revint près de Peter, il était assis en tailleur en direction de la rivière. Elle s'assit à côté de lui.

— Pas de grand hôtel, ce soir ? le taquina-t-elle, en lui donnant un coup d'épaule.

Peter sourit.

— Non mademoiselle, j'ai la lourde tâche de vous avertir que notre hôtel a fermé, pour cause de dégâts des eaux, énonça-t-il, avec des yeux enfantins.

La fatigue et le stress n'arrangeaient pas les choses et le rire de Kate fut alimenté par l'angoisse qui la dévorait depuis ces derniers jours, sans souvenirs de son passé. Peter le remarqua et passa son bras autour de ses épaules pour la calmer. Lorsque la jeune femme revint à elle, le garçon les retira inopinément et s'écarta.

La fille sentit le malaise qui s'était installé depuis que le prénom de sa petite amie lui avait échappé. Kate était divisée, elle appréciait beaucoup Peter, peut-être plus qu'il ne faudrait, mais elle voulait sauver Irina et cela devait être sa priorité numéro un. La blonde ne voulait pas commencer à développer des sentiments ou de l'attachement pour qui que ce soit.

Elle n'en avait pas le droit, surtout que depuis qu'elle avait trouvé la sortie du village, la jeune femme pouvait s'enfuir. La forêt semblait être un endroit tranquille pour vivre, enfin, loin de cette cascade. Il ne lui restait plus que quelques détails à régler, mais déjà son plan de fuite commençait à ressembler à quelque chose. Une main la ramena sur terre.

— Je vais me coucher, annonça-t-il.

— D'accord, bonne nuit.

Peter se releva et s'éloigna de Kate. Il fit quelques pas et se coucha sur l'herbe mouillée. La jeune femme regarda ses pieds, elle n'avait pas sommeil, mais les jours qui allaient suivre risquaient d'être longs.

Finalement, elle s'écarta de la rivière, de peur de glisser dedans durant son sommeil et se coucha à même le sol. La température avait fortement chuté et la jeune femme tenta de se réchauffer en entrant ses jambes dans le pardessus trop grand, ses yeux se fermèrent doucement.

Le froid l'enveloppait et l'empêchait de plonger dans un sommeil profond. Kate remuait dans tous les sens, en espérant trouver une position où sa chaleur corporelle serait la plus conservée, mais après des heures de luttes acharnées, elle n'y parvint pas. La fille décida de se lever pour vérifier si ses vêtements avaient séché, mais ils étaient toujours humides.

Elle souffla et retourna à l'endroit où elle était couchée quelques instants plus tôt, le contact avec le sol froid la fit tousser. Kate grelotta et attendit que le sommeil vienne à elle, quand soudain, une tiédeur se fît sentir dans son dos. Cette dernière s'approchait doucement, la jeune femme se retourna et fit face à un Peter aux yeux mi-clos.

— Qu... Qu'est-ce que tu fais ? bégaya-t-elle. 

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