Tergiversation
Son corps était parcouru de spasmes d'une violence rare. Des larmes de rage roulaient sur ses joues, ce n'était pas possible, c'était forcément un cauchemar. Kate respirait trop rapidement, ce qui avait comme conséquence une hyperventilation. Sa tête tournait intensément et une sensation d'étouffement la prit à la gorge.
La jeune fille rousse la dévisagea, un sourire satisfait sur sa face symétrique :
— Salut Kate, je suis contente de te voir, moi aussi.
— Mais... pour... pourquoi ? bégaya la blonde.
— À ton avis ? annonça-t-elle, hautaine.
La jolie rousse s'agenouilla, un air de dédain ornait son visage. Elle approcha doucement sa main de la tête de Kate, toujours écrasée contre le sol, elle passa son index glacé sous son menton dans l'intention qu'elle la regarde dans les yeux. La fille aux cheveux crasseux mordit le pouce, posé habilement sur le coin de sa lèvre.
Irina retira sa main dans un geste brusque, vexée. La jeune femme sourit de satisfaction.
— Tu ne devrais pas trop faire la maligne, Kate.
La blonde lui répondit en lui envoyant sa salive en plein visage. Elle savait bien viser, Irina prit un chiffon dans sa poche et le passa sur son joli faciès.
— J'étais sûre que tu ferais ça à un moment, alors j'ai été prévoyante, dit l'autre femme, en montrant le chiffon.
— Après tout ce que j'ai fait pour toi, hurla-t-elle.
— Oh, ça va, tu vas pas recommencer. La carte de la bien gentille sauveuse, tu l'as déjà utilisée, trouve autre chose, répondit-elle, lasse.
— Je ne comprends rien.
— Kate qui n'a pas d'opinion sur une situation ? Ça, c'est nouveau, pouffa la fille aux yeux verts.
Son souffle était court, elle reprenait sa respiration avec difficulté.
— Tu as gagné, alors explique-moi, annonça-t-elle vaincue.
— C'est bien trop compliqué pour une cervelle trouée comme toi.
Ces mots lui firent l'effet d'une gifle reçue en plein visage. Cette expression, c'était celle de Peter.
— C'est... Peter... cette...
— Quoi ?
Après réflexion, la cruelle reprit, un air satisfait sur la face.
— Oh, l'expression ? Oui, c'est Peter qui m'en a fait part, j'aime beaucoup.
— Mais quand ?
— Tu ne crois quand même pas, qu'il n'a pas fait part de son périple à l'amour de sa vie ? Voyons Katiti, je ne te croyais pas si naïve.
Kate pleurait, comme jamais elle n'avait pleuré jusqu'alors. Même si aucun son ne sortait de sa bouche, des ruisseaux de larmes la submergeaient et inondaient le col de son pull. Irina devint floue, avant que ses yeux ne se ferment et qu'elle ne se retrouve dans un nouveau brouillard.
L'émotion fut trop forte, sa guide lui faisait face. La jeune fille était perdue, la vieille dame ne dit rien et s'approcha doucement d'elle en la prenant dans ses bras. Kate passa ses bras autour de ses épaules et lui rendit son accolade. Elle remarqua que des larmes étaient toujours agrippées à ses yeux.
— Kate, murmura la guide, d'une voix douce.
La blonde mima un non de la main, en s'écartant. Elle n'avait aucune envie d'en parler, pas maintenant.
— Combien de temps s'est passé, depuis que ?
— Quelques heures, ne t'inquiète pas.
— Merci, il faut que je retourne dans l'univers où... d'ailleurs, comment il s'appelle cet univers ?
— Kate.
— Je sais, c'est à moi de trouver. J'y retourne, on se voit bientôt, je suppose ?
— Toujours quand tu en auras besoin.
— Merci ma guide, d'ailleurs comment je dois t'appeler ? questionna Kate, une nouvelle fois.
Mais la vieille femme était déjà partie, elle sourit, cette habitude ne la frustrait plus comme au début. Les trois portes lui firent face et elle se dirigea vers celle dont la couleur était le jaune. Kate se réveilla doucement dans des bras qui la soutenaient solidement. On l'éventait, l'homme qui la soutenait lui caressait doucement le visage.
— Daya, susurra l'homme.
Kate mit un certain temps avant de comprendre que c'était le nom de son clone. Elle sourit légèrement pour lui faire comprendre qu'elle était réveillée et qu'elle l'entendait. La jeune femme essaya de se relever doucement afin de s'écarter de lui, mais il accompagna chacun de ses gestes en plaçant sa main sous son dos et en la soutenant.
— Tu t'es évanouie dans mes bras, tu as dû attraper un coup de chaud.
La blonde rit en se rappelant la scène précédente. L'homme la regarda, interloqué, avant qu'elle ne réponde.
— Je suis désolé mon amour.
— Ne t'excuse pas, ce n'est pas de ta faute.
Il pressa doucement ses lèvres contre les siennes. Kate commençait à se faire à cette mauvaise habitude.
— Chérie, pourrais-tu me laisser ? J'ai besoin d'être seule quelques heures, minauda-t-elle.
— Tout ce que tu voudras mon amour.
L'homme regarda la femme qui tenait l'éventail.
— Céthy ? s'enquit-il, en lui faisant signe de la laisser.
— Non, l'interrompit-elle.
Les étonnés se retournèrent vers elle.
— Céthy peut rester, l'air me fait du bien et je serais plus rassurée que quelqu'un soit là, si je m'évanouissais de nouveau.
— Comme tu voudras, affirma son mari, avec un léger sourire.
L'homme à l'ossature impressionnante quitta la tente, tandis que Céthy continuait de la ventiler.
— Vous vous sentez mieux, Madame ?
— Oui, merci beaucoup Céthy.
— C'est normal, Madame.
L'éventail était fait à partir de feuilles de palmier séchées, puis tressées.
— Céthy, je pourrais te poser une question ?
— Bien sûr Madame, je suis à votre service.
— Comment s'appelle l'endroit où l'on est ? Je sais que ça peut sembler bizarre, mais je suis un peu perdue, dit-elle, mal à l'aise.
L'inquiétude sur le visage de Daya était difficile à dissimuler.
— Ne vous inquiétez pas, c'est normal d'être perdue après une perte de connaissance. Nous sommes à Tiradi, campement des Yaokis, notre tribu dont vous êtes le chef avec votre mari Nairo. Votre enfant est très attendu, de nombreuses légendes ont conté son histoire.
— Ah bon ? l'incita-t-elle à continuer.
— Selon la légende Haini, il sera notre nouvel élu et fera régner une paix dans notre monde où la discorde et la mort règnent.
— Pourtant tout semble tranquille, ici.
— C'est parce que nous nous sommes exilés, afin de vous procurer une grossesse au calme et pouvoir surveiller les alentours.
La jeune femme regarda interloquée la servante.
— Pourquoi ça ?
— Votre bébé est très convoité, Madame. Beaucoup veulent sa mort et d'autre veulent l'utiliser. En tant qu'élu, il aura un grand pouvoir, dans le bon comme dans le mauvais sens.
La blonde fit un rond de la bouche, surprise, avant de resserrer ses bras autour de son nouveau ventre rebondi. Il fallait croire que chaque univers avait son lot de légende et de bizarrerie. Céthy était une jeune femme extrêmement sympathique, Kate l'appréciait beaucoup.
La fille aux cheveux d'or était en train de penser au nouvel univers où elle avait atterri, lorsque la chose dans son ventre gigota. Elle sursauta et posa sa main sur son abdomen. La sensation était si étrange et rendait la chose si réelle... elle attendait un bébé. Pour la première fois, Kate donna un qualificatif à l'enfant qui grandissait dans son ventre.
Même si elle avait encore du mal à considérer ce corps comme le sien. Malgré tout, les clones étaient tous des parties d'elle. Kate n'avait peut-être pas fait cet enfant, mais il était quand même présent dans son ventre maintenant. Une Céthy souriante relâcha l'éventail et s'approcha rapidement, lui demandant son autorisation pour toucher l'abdomen, qui servait de punching-ball au bébé.
— Bien sûr, annonça-t-elle, enthousiaste.
Un immense sourire irradia le minois de la servante, une étrange chaleur l'envahit, une sensation de joie. Les hormones étaient vraiment d'étranges meneuses d'humeur. Kate caressa son ventre et lui murmura quelques mots pour la première fois, dans une ambiance nouvelle. Pendant quelques minutes, elle profita de cette quiétude, de ce pur bonheur, sans penser au reste.
Puis la réalité refit surface, qu'elle le veuille ou non, la jeune femme avait encore beaucoup de choses à régler. Son clone était en danger à Saumura et elle ne connaissait pas les intentions d'Irina. La luminosité extérieure commençait à diminuer, elle en profita pour expliquer à Céthy qu'elle allait se coucher.
Kate posa ses mains sur son ventre et pensa très fortement à la sensation si agréable et étrange qui l'envahissait en pensant à cette grossesse. Quand elle rouvrit les yeux, les trois portes étaient devant elle, sans réfléchir, elle traversa le seuil de la porte rouge. Les paupières ouvertes, elle aperçut Irina assise sur le tabouret devant elle.
— Alors Kate, l'émotion te fait tourner la tête ? railla-t-elle.
Sa bouche encore sèche ne lui permit pas de rétorquer. Elle déglutit longuement, sa tête la faisait souffrir. La jeune femme ne sentait plus ses bras qui devaient être tout engourdis, à force de rester attachés dans son dos et le sang peinait à circuler dans ses pieds gelés.
— Ex.... explique... moi, parvint-elle à dire, à bout de souffle.
— Tu me fais tellement pitié, dit la rousse, un sourire en coin.
Kate grimaça face à son enthousiasme, c'était une sadique, une folle qui méritait d'être enfermée dans la cage où on l'avait trouvée quelques semaines plus tôt. Quand la jeune femme pensa à cette culpabilité qui l'avait bouffée durant des jours, elle se mordit la lèvre inférieure.
— Mais vois-tu, tu ne mérites pas toute cette attention, c'est moi qui aurais dû avoir Peter et tous les autres. J'ai sacrifié tellement pour en arriver là, alors que toi, tu t'es juste pointée avec ton joli sourire et ton air faussement innocent, et ils se sont tous pris le panneau en pleine face.
La blonde resta bouche bée, à chaque fois qu'elle lui parlait, Irina arrivait à dire des choses encore plus ignobles que les fois précédentes.
Elle s'était faite totalement avoir par ses airs de jeune fille parfaite et innocente, la femme qui lui faisait face était une véritable monstruosité.
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