On pourrait penser que les yeux de Peter allaient sortir de leurs orbites, tant il était surpris.

— Voyons mon amour, tu le devines très bien, s'enquit la rousse, sur un ton de reproche.

— Pourquoi ?

— Kate n'est pas une fille pour toi, laisse-la mourir et viens avec moi. On sera heureux, comme avant.

La mandibule du jeune homme était si basse, qu'elle était à la limite de se décrocher de sa mâchoire supérieure. Ses iris étaient déroutées.

— Tu es folle.

— C'est moi, la folle ? Regarde plutôt l'historique de ton amie.

Peter avait du mal à respirer.

— Elle s'est pris des balles pour toi.

— Je sais, c'était prévu.

Le garçon suffoqua. N'ayant aucune envie de revivre cette conversation, Kate gémit légèrement. Ce qui eut pour effet de recevoir un regard ahuri de la part de Peter.

— Laisse tomber, réussit-elle à lâcher, elle veut me voir morte.

Les mots à peine ouïs dans ses oreilles, Peter leva sa tête vers Irina.

— Je te laisserai pas faire, déclara-t-il dur.

— Mais tu n'as pas le choix, Peter.

Le garçon marqua une pause.

— On a toujours le choix, affirma-t-il, en regardant Kate une nouvelle fois.

La blessée sourit faiblement.

— Je la tuerai quoi qu'il arrive, après si tu souhaites finir en tant que dommage collatéral, c'est ton choix.

Si seulement il avait tout compris, plus tôt.

— Je te laisserais pas faire, répéta-t-il, la voix plus dure.

Peter se rapprocha d'Irina, pendant que la rage et la peur bouillaient en Kate. L'adrénaline commençait à faire effet et elle tenta de se détacher de l'étreinte de Peter. Le garçon relâcha la pression ce qui permit à ses pieds de reprendre contact avec le sol. Sa douleur en sourdine, elle se tourna vers Irina.

La blonde avança doucement vers son agresseur, quand le bras de son protecteur l'immobilisa. Chaque mouvement étant pour elle un effort incommensurable, Kate pinça simplement la main de Peter, signe qu'elle savait ce qu'elle faisait. Après un long râle, il relâcha son bras, de peur qu'en la retenant, il ne la blesse encore plus.

Son bras vint se coller tout droit contre sa cuisse. La jeune femme tenait debout, grâce à une force que Peter n'aurait jamais pu trouver. Kate continuait de fixer Irina, les sourcils relevés de la rousse montraient son dédain.

— Voilà, je suis là, dit la blonde, le dos courbé et les jambes flageolantes.

Elle s'approcha encore un peu plus d'elle, son arme était maintenant collée contre son sternum.

— Tu es vraiment stupide, déclara la rousse.

— La martyre dans toute sa splendeur, réussit à lâcher la fille, avec humour.

Le corps était surprenant parfois.

— Kate, gémit Peter, derrière elle.

Sa respiration était saccadée, elle ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait, son cerveau était embrumé par l'adrénaline, la douleur et la peur. Ils étaient piégés et elle ne voulait pas qu'il y ait de dommages collatéraux. Irina la surplombait de toute sa hauteur et profitait de chaque seconde. Kate sentit le pouvoir que la jeune femme en face d'elle, avait sur sa propre vie.

Puis le cran de sûreté résonna dans la salle vide, Peter trembla et retint des larmes de peur, tandis que Kate avait les yeux clos en attendant la prochaine déflagration. Une détonation se fit entendre, il cria. Kate s'écroula, il se jeta à ses pieds, la rattrapa avant que sa tête ne heurte violemment le sol.

Le jeune homme mit quelques secondes avant de comprendre que la détonation avait touché Irina et pas Kate. Il se tourna vers l'ombre qui avait surgit derrière la rousse quelques minutes plus tôt, et qui l'avait stoppée lorsqu'il avait voulu se mettre entre Kate et son ex petite amie. Un objet ornait sa main, quand elle lui avait fait signe de rester discret et de ne pas bouger.

Le jeune homme s'était exécuté en reconnaissant Ninon. Lorsque Kate s'était retrouvée au plus près d'Irina, le jeune homme fulminait. Ninon était toujours debout, en état de choc, Peter tenta de la raisonner, mais l'état de Kate l'obnubilait. Il se releva, Kate dans les bras, quand une seconde ombre surgit. Pensant au chaman, il eut un mouvement de recul.

— Kate, hurla l'ombre.

Peter reconnut instantanément la voix : Matt, il était venu finalement. Le jeune garçon aux yeux bleu désigna du menton Ninon, qui ne bougeait plus, observant le cadavre d'Irina qui recouvrait le sol. Ninon avait tiré dans son dos, ne lui laissant aucune chance. Le jeune homme se dépêcha de sortir et passa par les ascenseurs qui mènent à la salle de la Cérémonie.

Il ne fallait pas qu'ils croisent le chemin du chaman, il était forcément dans le coup. Rapidement, des pas les suivirent, il se tourna et vérifia l'identité des propriétaires. Le jeune homme sourit en voyant Matt accompagné de Ninon, il avait réussi à la raisonner. Son ex petite amie venait d'être assassinée, Peter ne comprenait toujours pas ce qui venait de se passer.

L'adrénaline lui permit d'avancer.

— Le chaman doit pas être loin, lâcha Peter.

Ils passèrent par la salle de la Cérémonie, avant de rejoindre l'orphelinat.

— Il faut que vous trouviez le chaman, je m'occupe de Kate.

— Mais, rechigna Matt.

Son comportement était puéril.

— Écoute, si tu veux aider ta petite amie, faut que tu retrouves celui qui a fait ça.

— C'était Irina !

L'infirmier avait les yeux révulsés, comme un animal.

— Elle n'était pas seule dans le coup, c'est sûr.

— Tu dis ça parce que c'était ta petite amie.

Peter le fixa, fou de rage qu'il puisse faire ce genre d'accusation.

— Exactement, c'était. Elle n'a pas pu monter toute cette histoire seule et puis de toute manière, le chaman s'est échappé, c'est un fou dangereux, il faut le retrouver.

Ninon regarda les deux hommes se disputer la balle.

— Matt, il vient de voir son ex se faire assassiner, intervint-elle.

— Et alors ? Elle a torturé ma copine.

Un coup bas que venait d'envoyer l'infirmier.

— Kate est aussi importante pour moi que pour toi ! Je n'ai pas de temps à perdre avec ça de toute manière. Je dois y aller, fais ce que tu veux.

Peter était furibond, il n'avait pas à se justifier. Il connaissait Kate depuis toujours.

— Vas-y, je vais rester un temps avec Matt et nous partirons à la recherche du Grand Chaman.

Le jeune homme se remit à courir, il traversa Saumura et se précipita chez Mélanie, Kate restait inconsciente dans ses bras, malgré tous ses efforts pour la réanimer. Il la secouait, lui parlait pour la maintenir éveillée, mais son visage restait sans expression, pâle avec des perles de sang au coin des lèvres.

« Kate, s'il te plaît, reste », « Kate, t'as pas le droit de mourir », « Ça fait trois fois ! T'as vraiment le truc pour me rendre fou », « Je t'en supplie Katiti. »

Le jeune homme envoya son pied dans la porte verte, en quelques secondes, une Mélanie furibonde lui fit face. Son visage devint déconfit face au corps ensanglanté de Kate, elle s'écarta du seuil brusquement et le laissa entrer. Le jeune homme escalada l'escalier à grandes enjambées, son souffle était court. Peter devait continuer de respirer, il le fallait, Kate comptait sur lui.

Le garçon aux yeux bleu la posa sur le lit de Mélanie qui le suivait, elle attrapa les loques de Kate et les retira sèchement avant de déposer une couverture propre sur son corps presque nu. Peter détourna les yeux, gêné, même si l'heure n'était pas vraiment à la pudeur.

Elle lui commanda d'aller chercher sa trousse de secours et sa mallette de soin blanche avec une croix rouge dessus. Le jeune homme courut à travers les maisons et chercha dans les tiroirs, commodes, avant de traverser en trombe le seuil de la chambre où reposait Kate.

— Tu as fait vite.

Peter acquiesça, à bout de souffle. Mélanie attrapa les éponges de la mallette et nettoya intégralement le corps de Kate, du sang et de toute la saleté qui la couvrait. Puis elle attrapa une aiguille et sutura les plaies ouvertes, avant d'étaler ses baumes sur les bleus et hématomes qui meurtrissaient le corps de sa patiente.

Plusieurs fois, Peter dut sortir de la pièce afin de vomir et de respirer, la scène était pénible à supporter, mais il revenait quand même à chaque fois. Il se devait d'être là, puis après plusieurs heures de soin, Mélanie sortit de la pièce, épuisée.

— Maintenant, il faut juste attendre et espérer.

— Quand est-ce que je pourrais la ramener dans sa chambre ?

La femme respira et prit le temps de la réflexion.

— Au mieux dans une semaine, il ne faudrait pas qu'un faux mouvement ne rouvre ses plaies.

Le jeune homme se glissa dans le lit, gardant une distance raisonnable avec elle, de peur de l'abîmer plus qu'elle ne l'était déjà. Sacré Kate, elle avait le don pour se fourrer dans des situations délicates. Peter avait envie de la prendre dans ses bras, de la protéger d'elle-même, de ses blessures. Après l'avoir observée durant plusieurs heures, il finit par s'assoupir.

La blonde se retrouva comme à son habitude dans la pièce blanche. Sa guide semblait inquiète.

— Ça va, Kate ?

Elle ne répondit pas.

— Kate ?

— Mon clone a Saumura est mort, c'est ça ? énonça la jeune femme, en essayant de retenir ses sanglots.

La guide avait son masque impassible.

— Non, pas encore.

Kate tenta de lire à travers.

— Il est en train de mourir ?

— On ne peut pas savoir. Tes blessures sont vraiment importantes.

Elle essaya de se rappeler des événements précédents.

— Je me suis pris une balle ?

— Non.

Ses souvenirs étaient embrouillés, des détails tournaient plus vite que d'autres.

— Mais j'ai entendu une détonation.

— Ce n'est pas à moi de te l'expliquer.

La guide semblait désolé pour une fois.

— Dis-moi au moins comment je dois t'appeler, émit Kate, lasse.

La femme sourit faiblement et sembla heureuse de répondre à cette question.

— Véra, appelle-moi Véra, affirma la vieille dame, avec un léger sourire.

Puis elle disparut, avant de la laisser devant les portes, Kate traversa le seuil de la porte jaune.