Tout le village était réuni dans la salle de Cérémonie. Plusieurs attaques avaient eu lieu sur les maisons des disciples du chaman, l'heure de l'expiation avait sonné, mais pour éviter tout débordement, madame Joris avait décidé de faire un procès. Le procès de l'ancien gouvernement et de tous ses soupirants.

Tout le village était réuni dans la salle de Cérémonie. Plusieurs attaques avaient eu lieu sur les maisons des disciples du chaman, l'heure de l'expiation avait sonné, mais pour éviter tout débordement, Madame Joris avait décidé de faire un procès. Le procès de l'ancien gouvernement et de tous ses soupirants.

Même si la peine du Chaman avait déjà été prononcée, le sort de tous ceux qui lui avaient permis de propager son mensonge, étaient  entre  les mains des villageois. Ils allaient devoir rendre des comptes. La maire du village voulait ce procès équitable, mais elle savait que certaines personnes risquaient d'en payer le prix fort. Alors aujourd'hui, le silence qui émanait de la salle était nouveau, tout comme le souffle de Saumura.

Les trappes avaient été condamnées, même si certains voulaient leur faire subir le même sort, madame Joris, elle, avait bien spécifié qu'il n'y aurait pas de peine de mort, que ce procès était avant tout un deuil et un seuil pour passer à autre chose. Pour ne pas oublier et comprendre.

— Karen Sullivan.

Le premier nom fut prononcé par la maire aux formes rondes et à l'air impassible.

— Vous avez été arrêtée, il y a sept mois, pour complicité dans le Régime autoritaire d'Harry Kron.

La demoiselle aux cheveux bruns ne moucha pas. Elle laissa la femme énoncer les faits pour lesquels elle était accusée.

— Vous êtes accusée de séquestration, de violences physiques, de tortures et de meurtre avec préméditation.

Les habitants observaient la jeune fille, elle était si frêle et son air si gentil, jamais on ne lui aurait prêté de tels actes, s'il n'y avait pas eu de témoins.

— En sachant que nous n'avons pas pu trouver en si peu de temps, des jurés objectifs et des avocats en droit de vous défendre et que la peine encourue est l'enfermement à vie. Que plaidez-vous ?

La mine des villageois était unanime, le dégoût et la colère envahissaient leurs traits. Personne ne savait ce qu'il se passerait si elle plaidait non-coupable, la sentence serait sûrement pire, elle aurait droit au lynchage public.

— Coupable.

Un souffle bref de soulagement envahit la pièce, mais rapidement, la sentence ne leur sembla plus suffisante. L'envie de vengeance était un sentiment insatiable. Madame Joris hocha la tête et elle fut menée à la salle des cages, là où tous les disciples étaient détenus. Leurs vies s'étaient terminées avec le régime du chaman, même s'ils continuaient de respirer.

Ninon observa le déroulement du procès d'un œil morne pendant l'intégralité de l'après-midi. Elle n'avait pas ressenti de soulagement en voyant chacun des complices de Harry plaider coupable, ils l'avaient tous fait pour une bonne raison : se protéger de la colère de ceux qu'ils avaient détruits.

Les barreaux pouvaient parfois être une issue de secours. Kate n'était pas venue au procès, elle ne voulait pas y assister, en réalité elle n'avait pas remis les pieds dans cette salle depuis que Christie y était morte. Elle n'était pas en colère, elle ne venait pas d'ici, ça n'avait jamais été son combat, même si elle avait été la première à livrer bataille.

Peter, lui, avait décidé de rester avec Kate, son père lui avait toujours dit que la haine était un fardeau qui ne pouvait apporter que du sang et des larmes et il avait déjà versé les deux.

Dans la salle, Sabine et Patrick étaient côte à côte et se tenaient la main en écoutant le procès. Leur colère était divisée, leur fille avait perdu la vie, mais leurs actes passés n'étaient pas plus glorieux que ceux qui défilaient sous leurs yeux.

La limite entre le bien et le mal, est parfois si fine, qu'elle devient invention.