Des Cages Presque Dorées

La respiration de la jeune fille se coupa nette, c'était insensé tout ce qui se passait depuis le début. Elle avait envie de hurler, de pleurer. La jeune femme ne pouvait faire confiance à personne en ces lieux. Kate était seule, étrangement seule.

— Me tuer faisait partie du plan ? demanda-t-elle, simplement.

— Non, je dois avouer que Peter n'était pas au courant de cette partie-là. Il ne savait pas que je voulais te tuer par accident, mais tu t'es tuée toute seule en sautant dans la rivière. Puis ce crétin t'a suivi et je n'ai plus eu de nouvelles.

— Où est-ce qu'il est maintenant ?

— Avec sa chérie, je suis une âme charitable.

— Vous les avez libérés ? questionna la jeune fille, surprise.

— Bien sûr que non, se moqua-t-il, ils sont simplement dans la même cage.

— Une cage ? dit la blonde, outrée.

— Oui, c'est plus simple à entreposer. En ce moment, ils doivent être en train de se bisouiller, tu devrais être contente, non ? C'était ton objectif, les réunir.

— Non, ce n'était pas l'objectif. Je devais la libérer, pas les enfermer tous les deux.

— On n'est pas à quelques barreaux près, il reprit, ce n'est pas que notre conversation commence à m'ennuyer, mais j'aimerais te faire visiter quelques installations.

Sa main tenta une nouvelle approche sur le bras de la jeune femme, mais l'homme se résigna et la reposa le long de sa jambe. De toute manière, Kate ne pouvait pas aller bien loin, sa seule issue était de le suivre. L'homme de petite taille lui fit reprendre l'ascenseur, celui de droite cette fois-ci. Puis les deux rivaux gravirent encore quelques étages.

Des couloirs défilaient, toujours et encore, ils marchaient déjà ainsi depuis plusieurs minutes. Les quelques tableaux qui recouvraient les murs étaient très simples et composés de formes géométriques minimalistes, tels que des triangles, des rectangles ou encore des cercles de couleurs vives qui contrastaient avec les éternels murs blancs de l'endroit.

— Quand est-ce que Peter est venu vous voir ? Nous étions en permanence ensembles.

— La première fois, c'est lorsque tu es allée chercher des affaires pour le voyage, puis après il me faisait parvenir les informations par Bipeur.

— Mais je l'ai pas laissé longtemps pourtant et il avait beaucoup d'affaires à récupérer.

— J'avais anticipé sa venue et préparé vos sacs de voyage, le pauvre, si seulement il avait su ce qui allait lui arriver.

Sa phrase mit mal à l'aise la jeune femme dont les poignets étaient fermement maintenus par une cordelette, qu'il avait pris soin d'amener.

— Comment ça, vous l'aviez anticipé ?

Kate sentit que des pas lourds les suivaient, sûrement les fameux sujets. Elle tourna la tête et tenta de voir leurs visages, il y avait un homme grand à la bedaine imposante, suivi d'une fille de taille moyenne aux cheveux ébène, ses yeux étaient presque translucides.

— Disons que les murs ont des oreilles, déclara-t-il avec un grand sourire, et puis je connais chaque habitant de ce village, leur histoire, leur personnalité.

L'homme s'arrêta, avant de hausser un sourcil :

— C'est ça le secret ma chère, je savais que son entrevue avec toi allait éveiller un espoir chez lui et qu'il se tournerait vers la seule personne en qui tout le monde a toujours cru ici, c'est-à-dire, moi.

Kate n'était même pas surprise, elle se sentait tout simplement trahie, mais quelque chose d'autre lui bloquait la poitrine, sans qu'elle parvienne à savoir quoi. Puis le chaman ouvrit une porte et la stoppa, alors que la fille venait d'en franchir le seuil. L'homme se positionna devant elle et lui bloqua l'entrée.

— Tu sais, tu pourrais m'être utile si tu acceptais de t'associer avec moi.

— Plutôt mourir, lui cracha la jeune femme, avec son air le plus méprisant.

— C'est justement de ça, dont je voulais te parler, annonça-t-il avec un grand sourire.

La fille attendit sa prochaine réplique et inspira intensément, elle ne devait pas s'emporter.

— Si tu veux bien faire quelques petites choses pour moi, je te laisserai tranquille, et même mieux, je t'aiderai à partir de ce village de fous, comme tu l'appelles.

La blonde se dit qu'il était vraiment bien informé.

— Ah oui ? Et en quoi consisteraient ses missions ? demanda Kate, curieuse.

— Presque rien vois-tu, je suis en manque d'associés et les gens non choisis s'accumulent en masse dans le garage, vu que je manque de bourreaux.

Kate déglutit, mais réussit à garder son calme.

— Il n'en est pas question, affirma-t-elle, froide.

— Je savais que tu dirais ça, mais au moins, je n'aurai aucun regret, j'ai essayé.

Le Grand Chaman lui libéra le passage et Kate fit face à une dizaine de cages, réparties un peu partout dans l'immense garage. Elle avança sur les petits sentiers qui étaient jonchés de ces immenses cubes, barrés par des tubes aux diamètres larges. Quand soudain la fille comprit, son souffle se coupa net.

Un jeune homme - dont elle était persuadée avoir déjà vu le visage - la fixait intensément. Ses yeux étaient tristes, fatigués, même lasses. Elle avança ses doigts vers les barreaux qui les séparaient.

La fille aux yeux noirs tenta de parler, mais n'y parvint pas, elle se sentit ridicule. Kate savait qu'elle ne pouvait rien faire pour lui et qu'elle allait sûrement atterrir elle aussi dans une de ces cages, d'ici quelques minutes.

Soudain, cela lui revint :

— Matt, cria-t-elle.

Le jeune homme sursauta à l'entente de son prénom et ses yeux la fixèrent d'une autre manière, la lassitude avait fait place à la surprise.

— On se connaît ? lui demanda le garçon.

Sa remarque fit sourire la jeune fille, pour une fois qu'elle reconnaissait quelqu'un qui ne la connaissait pas.

— Je t'ai vu à la cérémonie, tu m'as impressionnée, annonça la blonde, avec un grand sourire.

Le garçon ne répondit pas et continua de la fixer, son visage commença à la brûler et elle baissa les yeux, gênée.

Une voix la ramena au moment présent :

— Désolé Kate, elle n'est pas par ici ta jolie cage, tu as encore quelques mètres à faire.

La fille aux cheveux fins ne répondit rien et continua d'avancer.

— Voilà ton nouveau nid douillet.

Kate le fixa méchamment et entra sans broncher dans la cage, dont l'homme recouvert de sa cape grise, lui tenait la porte. Quel gentleman, pensa-t-elle avec ironie.

La cage était vide, usée et très sale. La fille remarqua une tache de sang sur le sol, quelqu'un avait été séquestré ici avant elle, peut-être même plusieurs personnes, elle n'osa pas imaginer combien. Kate se dirigea au fond de la cage et colla ses genoux contre son torse avant d'y enfouir sa tête.

Quelque chose effleura son épaule, effrayée la fille se retourna.

— Kate, c'est moi, détends-toi.

Des barreaux la séparaient du jeune homme qui était dans la cage collée à la sienne. Un soupir de soulagement lui échappa en entendant cette voix qu'elle trouvait si apaisante.

— Tu m'as fait peur, déclara, en lui tapant le torse.

— Je suis désolé, j'avais oublié ton souci avec le contact physique, dit Peter en riant.

— T'as vraiment une mémoire de poisson rouge, ricana-t-elle.

— Et c'est toi qui dis ça ? se moqua le garçon.

Kate répondit par une nouvelle frappe dans le torse, alors que les deux amis continuaient de rire, une mèche de cheveux roux attira l'attention de la jeune femme.

— Salut Irina, énonça-t-elle, avec un petit sourire.

— Salut Kate, dit la rousse triste.

— Je suis désolé, pour tout ça. En particulier, d'avoir enfermé ton petit ami dans une cage.

La jeune fille aux cheveux flamboyants se mit à rire, d'un rire cristallin aussi parfait qu'elle. Kate comprenait pourquoi Peter était aussi amoureux d'elle, la blonde l'enviait, la rousse avait tout, une famille, un petit ami prêt à tout pour elle.

Une pensée brutale revint à Kate, elle s'éloigna de la cage de Peter et d'Irina, et se blottit contre un coin de la sienne, à l'opposé d'eux.

— Ça va ? questionna-t-il, inquiet.

Elle ne répondit rien, la colère commençait à monter doucement et se mêlait à la peur et à la frustration d'être enfermée comme un animal dans une cage sale, en sachant pertinemment ce qui les attendaient.

— Kate, tu boudes ? ria-t-il.

— Ne me parle pas, s'il te plaît, grogna-t-elle.

Irina comprit que la demoiselle aux reflets cendrés était en colère et s'écarta de Peter, afin de les laisser discuter tranquillement. Le jeune homme se rapprocha le plus possible de l'endroit où la boudeuse était, mais les barreaux n'étaient pas très extensibles.

— Qu'est-ce qui y a Kate ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ? envoya-t-il, sur un ton de reproche.

— Ce qui il y a ? À toi de me le dire, tu n'aurais pas oublié de me parler de certaines choses ?

Le garçon devint blême.

— Il te l'a dit, c'est ça ? lâcha-t-il.

— Oui, dans les moindres détails.

— Essaye de me comprendre, s'il te plaît.

— J'ai essayé, mais est-ce que toi tu t'es mis à ma place, ne serait-ce qu'une seule seconde ?

— J'étais dévasté, d'accord ? s'énerva-t-il, je venais de perdre Irina par ta faute.

— Par ma faute ?

La respiration de Kate se fit haletante, elle laissa plusieurs secondes passer.

— Par ma faute ? répéta-t-elle, un peu sonnée.

— Oui, annonça-t-il, tu l'as dit toi-même au début.

— Je ne pensais pas que tu irais voir l'inventeur de la cérémonie en question.

Le jeune homme se tut, son visage plein de rage se calma. Le cœur de Kate battait plus fort encore que le jour où elle était tombée dans cette maudite rivière. La rivière, cette pensée la transporta quelques secondes.

— Je savais pas, ok ? C'est toi qui m'as ouvert les yeux sur son compte, avant je croyais vraiment en ses histoires, tout simplement parce que c'était plus facile de se dire que tout ça avait une raison et un sens. Mais j'avais tort, tout le monde fait des erreurs, toi la première.

— Tout le monde fait des erreurs, c'est vrai. Mais toi, tu m'as trahie, s'emportât Kate.

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