De Longs Débats

Kate respira quelques longues secondes, avant de reprendre :

— La seule chose que je voulais durant la cérémonie, c'était de ne pas avoir à choisir entre Christie et Ninon. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ton nom, je ne savais pas qui tu étais pour moi et la seule raison pour laquelle je voulais à tout prix ramener Irina, c'était pour me racheter, lâcha-t-elle, avant de se retourner et de regarder les autres cages qui les entouraient.

Les prisonniers les regardaient tous avec étonnement, les deux aventuriers devaient être les premiers à être arrivés jusqu'à cet endroit par leurs propres moyens.

Les barreaux froids collés contre son front lui permirent de se calmer un peu. Sa respiration reprit un rythme régulier et son cœur ralentit. Quand elle se retourna, Peter était toujours en train de la fixer et Irina la regardait avec un drôle d'air.

La blonde souffla, ne sachant pas quoi ajouter. Elle avait tout dit, sauf une chose, mais elle savait la taire, en tout cas devant la jolie rousse.

La fille aux yeux noirs se rapprocha de Peter avant de lui chuchoter :

— Je sais pour ton contrat avec le Grand Chaman.

La couleur blanche devait être une habitude pour son visage, puisque le garçon pâlit de nouveau.

— Ne lui dis pas s'il te plaît, lui chuchota-t-il.

— Je n'en avais pas l'intention, t'as gâché toi-même notre mission, alors maintenant, je te laisse te débrouiller seul avec ta Juliette. Je dois m'occuper de moi à l'avenir, déclara Kate, sèchement.

Le garçon ne dit rien de plus et elle non plus, la fille revint à sa place et s'assoupit. Un bruit fracassant la réveilla, Kate sursauta et sa tête cogna violemment les barreaux.

— Ouch.

Un rire fusa dans le hangar, la fille voulut savoir d'où il provenait, mais ses yeux remplis de fatigue n'y parvinrent pas. Kate s'assit et attendit, elle ne savait pas ce qu'elle attendait, mais elle n'avait pas beaucoup d'autres options. Tout le monde semblait dormir autour d'elle, faisait-il nuit ? L'amnésique avait une seconde fois perdu la notion du temps.

— On a fait un cauchemar ? questionna une voix sarcastique.

La fille fit comme si elle n'avait pas entendu et feignit d'être encore endormie.

— Ne joue pas à ça avec moi, Kate.

— Laissez-moi tranquille.

Leur échange se faisait à voix basse, le Grand Chaman voulait peut-être que ses oisillons soient en pleine forme pour leur dernier jour de vie. Elle rit à cette pensée ironique.

— Je voulais simplement te faire part d'un nouveau contrat que je voulais passer avec toi, expliqua le chaman, en haussant légèrement la voix.

— Je vous ai déjà dit que vos contrats ne m'intéressaient pas.

— Peut-être pas toi, mais je pense que quelqu'un d'autre pourrait être intéressé, annonça-t-il, en fixant quelque chose derrière le dos de la blonde.

La jeune femme se retourna, Peter était en train d'épier leur conversation, elle qui pensait que tout le monde dormait.

— Qu'est-ce que tu me proposes ? demanda le garçon au Grand Chaman

— Plutôt ce que je vous propose, énonça-t-il, en regardant la fille aux yeux sévères.

— Très bien, alors qu'est-ce que vous nous proposez, s'enquit-elle sur un ton peu intéressé.

— J'aimerais que ce soit toi qui exécutes Peter.

— Pardon ? lâcha la jeune femme, perdue.

— Ta mission était bien de sauver Irina, n'est-ce pas ? demanda-t-il, d'un sourire qui montrait toutes ses dents.

— Oui et j'ai échoué.

— Pas forcément.

— Je ne tuerai pas Peter, affirma-t-elle, avec la voix la plus froide et sèche possible.

— Je ne te laisse pas le choix.

— Vous allez faire quoi, me tuer ? Vous ne pouvez pas m'obliger à le faire.

— Moi peut-être pas, mais lui oui, annonça-t-il, diabolique.

— Pourquoi je ferais ça ? intervint ce dernier.

— Parce-que si elle ne le fait pas, je tuerai Irina devant vous deux.

Peter devint blanc pendant quelques secondes, puis rouge, elle sentit la rage monter en lui.

— Vous m'aviez promis de la libérer si je prenais sa place.

— Le deal a changé, tu ne m'as pas donné toutes les informations.

— Vous êtes, vous êtes, gémit Peter, en cherchant ses mots.

— Je te laisse une chance avec ce contrat, à toi de faire le bon choix.

— Vous n'en avez pas marre avec vos choix ? intervint Kate.

— Ma chère, laisser le choix à quelqu'un, c'est la meilleure manière d'avoir un pouvoir important sur lui.

— Vous me dégoûtez, répondit-t-elle, avant de cracher sur ses chaussures.

Le Chaman rit et repartit, les doigts crispés de Kate s'accrochaient désespérément à ses chevilles de couleur pâle.

— Kate.

— Je t'interdis de parler

— Kate, murmura Peter, une seconde fois.

— Je t'ai dit de te taire.

— Katiti ? tenta-t-il.

— Arrête !

— Tu sais très bien qu'on n'a pas le choix, déclara le brun triste.

— Tu te trompes Peter, on a toujours le choix.

— Et tu comptes faire quoi ?

— Je sais déjà ce que je ne veux pas faire.

— T'as toujours pas compris ? annonça-t-il.

— Compris quoi ?

— On peut pas toujours avoir ce qu'on veut.

— Au moins, je sais qu'on n'est pas obligé de choisir qui doit mourir pour qu'un autre vive, conclut la jeune femme.

La blonde voulait stopper cette conversation qu'elle trouvait harassante.

— Tu sais que je te laisserai pas faire, il est pas question que je vois Irina mourir.

Irina, Irina. Ce prénom me hante depuis des jours. De toute manière, il la tuera et tu le sais.

— Au moins, j'y assisterai pas.

— T'es vraiment un lâche.

— Je fais juste ce qu'il faut pour les gens que j'aime.

Ses mots la blessèrent plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Qu'il aime, se répéta Kate intérieurement. Le jeune homme remarqua le désarroi de la jeune fille recroquevillée.

— Enfin, t'as compris ce que je voulais dire.

— Très bien compris, tu m'as juste utilisée.

— Non c'est pas vrai, t'y es pas.

— Ah oui ? le provoqua t-elle, tu sais que je ne te tuerai pas, quitte à voir mourir Irina, puisque de toute manière, on va tous mourir d'ici quelques jours, alors comment tu vas t'y prendre pour me forcer ?

—J'espérais que tu m'écouterais.

— Faut croire que tu te trompais, maintenant laisse-moi tranquille et profite de tes derniers moments avec ta chérie.

Le jeune homme souffla avant de se tourner vers Irina et de la prendre affectueusement dans ses bras. La rousse aux yeux verts était toujours endormie, cette dernière enfouit sa tête dans le cou du garçon. Une boule se forma dans la gorge de Kate, elle détourna les yeux.

La blonde regarda ses jambes, une pensée étrange la traversa. Elle allait mourir seule, sans famille, sans amis à ses côtés et détestée par celui qu'elle aimait.

— Et merde, lâcha la jeune femme, dépitée.

— Quoi ? demanda Peter.

La fille aux cheveux fins continua de l'ignorer, son inconscient venait de lâcher une bombe que son conscient ne voulait surtout pas connaître, encore moins maintenant. Alors la seule manière de garder la face les derniers jours ou peut-être heures de sa vie, c'était de se taire.

— Katiti, parle-moi s'il te plaît. Je veux pas qu'on meurt en se faisant la gueule, énonça le garçon, d'une petite voix.

La jeune fille sourit à l'évocation de ce surnom, dont elle ne se souvenait toujours pas de l'origine.

— J'ai que dix-huit ans et je vais mourir. Pourtant ce qui m'énerve le plus, c'est que je vais mourir sans aucun souvenir de mon passé, dans ma tête ma vie se résume à cette seule semaine, lâcha Kate, dans un moment de lucidité.

— Ne dis pas ça, supplia-t-il.

— C'est la stricte vérité.

— T'es pas aussi froide et distante que tu le laisses paraître.

— Arrête de croire que tu me connais. Tu connaissais peut-être l'ancienne Kate, mais j'ai changé.

— T'oublies que j'ai passé quelques jours avec la nouvelle Kate.

— Celle à qui tu as mis un couteau dans le dos, tu veux dire ?

— Je me suis déjà excusé pour ça.

— Non, tu l'as pas fait.

— Je m'excuse. Voilà, t'es contente ?

— Wow. Je suis bouleversée par tant de sincérité.

— Tu veux savoir ? Si c'était à refaire, je referai exactement la même chose, s'emportât Peter.

— Tu ne vaux vraiment pas mieux que les autres, déclara la blonde, en se retournant.

— Tu m'as pas laissé finir, comme d'habitude.

— Finis-la ta phrase où tu vas me dire une seconde fois, que tu ferais tout pour ceux que tu aimes, même tuer quelqu'un d'autre.

— J'allais pas dire ça, la coupa Peter.

Le jeune homme avait repris un certain calme, Kate attendit. Le brun regarda Irina endormie sur lui et l'écarta délicatement de son torse en la dirigeant au fond de la cage, il ne voulait pas qu'elle entende ce qu'il allait dire.

— Je sais que ce que je faisais était mal, mais j'ai changé.

Le garçon déglutit, avant de reprendre.

Tu m'as changé et puis grâce à ça, j'ai pu reprendre contact avec toi et'

— Parce que tu n'avais pas le choix, affirma la fille, sur un ton neutre.

Peter sourit, Kate l'avait interrompu une nouvelle fois. La jeune femme ne s'excusa pas, elle était comme ça, les gens autour d'elle devaient le supporter, un point c'est tout.

— J'avais le choix, si je voulais que le chaman me localise, je devais simplement trouver un merle, ce sont des robots, mais il y en avait pas beaucoup après la cascade, il devait penser qu'on était morts.

— Ça explique comment il se tient au courant de tout ce qu'il se passe dans le village.

— Sûrement, en tout cas, ça prouve bien que j'avais le choix. Je t'ai suivie malgré tout, même si ce qui m'a fait réellement changer d'avis, c'est que j'ai failli te perdre.

Kate resta muette et tenta de garder son calme. Il ne fallait pas que le jeune homme remarque le brusque changement de son rythme cardiaque. Un souvenir de la cascade lui revint.

— Pourquoi est-ce qu'au moment de traverser la corniche, t'as dit que tu ne pouvais pas ?

Peter se racla la gorge en se remémorant ce moment.

— Je sais pas si'

— Si quoi ? insista la blonde.

— Si c'est vraiment le moment de te l'dire.

— T'en as dit trop ou pas assez.

— Je, c'est juste que. En te voyant traverser, j'ai pensé.

— Abrège, s'énerva-t-elle.

— Je te voyais risquer ta vie pour Irina et je repensais à ce que tu m'avais dit.

— Te retourner pendant que je me change ? envoya la blonde.

Ils rirent doucement dans leurs boîtes respectives, leurs souffles se réunissaient encore et créaient de la condensation sur le métal de leurs cages gelées.

— Oui, peut-être, sourit-il, plus sérieusement, je repensais au moment où tu m'avais dit qu'on risquait de mourir dans ce périple. Je l'ai réalisé quand tu es montée sur cette corniche.

— Tu ne pouvais pas, parce que t'avais peur de mourir ?

— Non. Je me suis rendu compte que si le Grand Chaman était aussi mauvais que tu le prétendais et qu'on le retrouvait, je risquais de me retrouver dans une position délicate.

— C'est-à-dire ?

— J'avais peur qu'il m'oblige à choisir entre vous deux. 

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