Convalescences
Le temps passait extrêmement lentement, allongée dans un lit. Plusieurs jours étaient passés depuis que Kate s'était réveillée à l'hôpital, une semaine d'après le calendrier de Matt. La jeune femme avait le droit de boire et de manger, mais seulement ce que lui autorisait l'hôpital. La blonde arrivait à parler normalement, même si elle se fatiguait rapidement.
Matt venait lui changer ses pansements une fois par jour et changeait ses draps tous les deux jours. Mélanie lui avait rendu quelques petites visites en tant que médecin personnel, pour vérifier que son état menait une bonne évolution. La patiente n'avait pas encore eu le droit à d'autres visites, étant d'un caractère impulsif, ils avaient voulu la préserver d'un environnement stressant et de personnages inquiets pour sa santé.
Surtout, que la blonde ne cessait de demander des nouvelles de la petite Christie, qui était sous respirateur à quelques chambres d'elle. Les soignants avaient rapidement dû lui parler de son cas, en évitant de s'y attarder pour ne pas qu'elle plonge dans une dépression ou dans la culpabilité. Mélanie et Matt s'étaient donc débattus pour essayer de la conserver dans cet environnement aseptisé et hors de la réalité qu'était l'hôpital.
Aujourd'hui allait être le premier jour hors de la bulle pour Kate, elle avait le droit de sortir de l'hôpital et de retrouver sa chambre à l'orphelinat. L'infirmier toqua trois fois sur la petite porte blanche où le numéro 401 figurait et entra. La jeune femme était réveillée et semblait pensive, elle observait comme à son habitude la fenêtre.
Drôle d'obsession dont elle lui avait fait part, à propos de cette lueur jaune. Il fit quelques pas et rejoint la jeune patiente. Un sourire illumina son visage, elle savait qu'aujourd'hui était son jour de libération.
— Prête à rentrer chez toi, Kate ?
— Plus que prête, s'enthousiasma-t-elle.
— Par contre tu sais que.
— Oui, tu dois me faire encore mes pansements, avant que je puisse voir qui que ce soit.
Le jeune homme hocha le menton, amusé par la moue boudeuse qu'arborait la malade. Le duo avait élaboré une routine, Matt commençait toujours par l'épaule et lui racontait des anecdotes amusantes, en lui apportant des nouvelles sur Saumura et ses habitants, avant de s'attaquer au flanc et de la laisser mordre dans son coussin.
La deuxième plaie était toujours la plus douloureuse et demandait à cet effet, un peu de silence et de distance de la part du soignant. Kate lui était reconnaissante de comprendre ça et chaque séance de soin se passait dans les meilleures conditions. L'infirmier eut un léger pincement au cœur en pensant que c'était leur dernier moment de complicité matinale.
La séance pansement terminée, Kate se tourna vers Matt, avec sa moue qu'il connaissait par cœur.
— Est-ce que je pourrais aller la voir ? lança-t-elle, sans surprise.
— Tu n'es pas encore prête, il faut te ménager. Mélanie te l'a déjà dit, dit-il énervé.
— Mais maintenant j'ai le droit de voir des gens.
— Non, les gens ont le droit de venir te voir, c'est différent.
— Mais.
— Kate, ne rends pas ça plus difficile, déclara l'infirmier, lasse de cette rengaine.
Ils furent interrompus par quelques brefs coups à la porte. Kate pleine d'espoir envoya un regard à Matt, qui fit oui de la tête, avant d'ouvrir la porte et de faire face aux deux jeunes qui alternaient les gardes dans la salle d'attente depuis plusieurs jours. L'infirmier leur expliqua qu'ils ne pouvaient entrer seulement un à la fois et qu'il fallait être patient et ménager la patiente.
Les deux amis hochèrent de la tête et le garçon fit un signe de la main pour laisser passer la fille aux cheveux châtains en premier. La blonde changea d'expression en une demi seconde, elle ne savait pas quoi dire, pas quoi faire, mais elle n'eut pas besoin de réfléchir longtemps.
Ninon s'approcha à grandes enjambées et posa ses mains fraîches sur son bras, où les sondes n'étaient plus présentes depuis la veille. Kate mima un mouvement et voulut se relever pour la serrer dans ses bras, mais son flanc la rappela à l'ordre.
— Ne force pas, Kate, dit-elle avec un rire doux, je suis tellement heureuse de te revoir.
L'émotion empêchait la patiente de parler, elle qui pensait être tellement bavarde, qu'il aurait fallu qu'on lui injecte une nouvelle dose de morphine pour la faire taire. Il lui avait juste fallu quelques mots de la part Ninon pour lui coudre les lèvres.
— Je suis tellement désolé pour Christie, lâcha Kate, retenant ses pleurs et sa douleur.
— Tu n'as pas à t'excuser, tu n'y es pour rien. Grâce à toi, notre petite Christie a ses deux parents qui veillent à son chevet.
Cette image soulagea quelques instants la jeune femme blessée dans son corps et dans son cœur, mais la culpabilité restait la même. Rien de tout ça ne serait arrivé, si elle avait reçu la quatrième balle. Kate serait peut-être morte, mais elle ne se sentirait pas aussi misérable.
— Je vais revenir, mais quelqu'un voudrait te voir, annonça Ninon.
— Je n'ai envie de voir personne, excepté toi et Christie.
— Je n'en serais pas si sûre, affirma la brune avec un grand sourire, avant de quitter la chambre.
— Kate, clama une voix en passant la porte.
Le cœur de la jeune femme bondit dans sa poitrine, elle savait pertinemment à qui elle appartenait.
— Peter ? dit-t-elle, en mimant la surprise.
Le jeune homme s'approcha rapidement de la jeune femme et la prit dans ses bras.
— Je suis tellement heureux que tu sois encore vivante.
Puis dans un sursaut, il s'écarta de la fille aux cheveux blonds.
— Excuse-moi, je sais que tu n'aimes pas le contact physique, c'était plus fort que moi.
— Ne t'en fais pas, j'ai commencé à m'y faire ces derniers jours.
Il ne répondit pas et continua de la fixer comme à son habitude. La fille ne savait toujours pas à quoi il pensait lorsqu'il faisait ça, mais c'était plutôt craquant, alors elle n'allait pas s'en plaindre. Une nouvelle pensée prit place dans son cortex cérébral : ses sentiments.
— Comment va Irina ? questionna la malade.
— Bien, un peu sous le choc après que tu aies pris les balles à sa place, mais.
Le garçon ne termina pas sa phrase et regarda ailleurs avant de figer ses yeux dans ceux de la demoiselle.
— Kate, pourquoi t'as fait ça ? demanda-t-il, très sérieusement.
— J'ai fait ce que tout le monde aurait fait à ma place.
— C'est faux, peu de gens auraient osé. Tu t'es jetée devant elle, sans réfléchir.
— Faut croire que j'étais sous un bon jour, lâcha la jeune fille, avec humour.
— En tout cas, sache que je te serais éternellement reconnaissant.
Kate gênée, lui répondit par un sourire poli et ne sut pas quoi ajouter.
— Bon je vais te laisser, je passerai te voir ce soir, quand tu auras retrouvé ta chambre à l'orphelinat.
Le garçon s'exécuta et fut remplacé par Ninon qui conduisait un fauteuil roulant et par un Matt à l'air sérieux. L'engin fut placé à côté de son lit, la brune avait apporté des vêtements qu'elle lui tendit. La patiente s'en couvrit rapidement sous les draps, avant que Matt ne s'approche et ne la dépose sur la chaise roulante.
Ninon poussa son amie en dehors de la chambre et elles avancèrent toutes deux dans les couloirs, avec une légère accélération aux environs de la chambre 449, puis prirent l'ascenseur et sortirent de l'institution, où la jeune femme aux cheveux blonds était enfermée depuis bien trop longtemps. Les deux filles furent accueillies par le même paysage que Kate avait laissé quelques jours plus tôt.
Matt laissait volontairement de la distance pour que les deux filles se retrouvent et profitent du peu de liberté que la blonde recouvrait. Puis arrivés devant le bâtiment de l'orphelinat, les premiers obstacles furent difficiles à contourner pour la brune amatrice en matière de patient.
L'infirmier prit le relais et souleva une nouvelle fois Kate dans ses bras. Le seuil traversé, la blonde se sentit comme rentrée à la maison. Matt s'approcha du lit qui était froid à cause des absences répétées de sa propriétaire.
La jeune femme vit le lit de Christie et la douleur refit surface. Elle bloqua son menton tremblant dans le cou du jeune homme et cacha son émotion. Le garçon la serra plus fort dans ses bras, terrorisé à l'idée de laisser sa protégée dans cette pièce, sans moyen de la surveiller nuit et jour.
Ninon était sur leur trace, mais elle sentait que le jeune homme avait besoin d'espace avec Kate. Alors elle attendit à l'étage, assise contre le mur près de l'escalier. L'infirmier déposa avec les mêmes gestes experts la jeune femme et la couvrit des draps aux motifs pastel, puis se recula.
— Il fallait que je te dise. Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir sorti de cette satanée cage.
— Ce n'est pas seulement grâce à moi.
— Si ça l'est.
La blonde sourit, ils devaient sûrement être aussi têtus l'un que l'autre.
— Je te laisse te reposer maintenant, je repasserai demain matin pour les pansements. Tu n'es pas encore tout à fait sortie de cet enfer, déclara Matt, avant de sortir de la petite chambre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top