0







0



D'abord le silence, ensuite les rires incessants des enfants qui passent chaque matin pour se rendre à l'école. Des rires mélodieux et insouciants, des rires qui promettent une magnifique journée pour découvrir le monde. Un monde que nous apprécions tant étant enfant et que nous redoutons une fois adulte. Un monde qui chaque jour un peu plus nous laisse de marbre face à la haine et à la violence. J'aimerais tant retourner en arrière. Je me souviens des matins ou mon père nous emmenait à l'école. À tour de rôle, mes sœurs  et moi-même montions sur son dos. On se sentait comme des princesses. Lorsque j'enroulais mes bras autour du cou de mon père et que je posais ma tête sur son dos pour humer son odeur et le sentir respirer, plus rien ne pouvait m'arriver. Papa, si seulement tu savais ce que ta fille est devenue...Je chasse ces doux souvenir de mon esprit et mes yeux une fois ouverts, prennent beaucoup de temps à s'adapter à la lumière du jour. Je me retourne dans le lit, j'ai l'impression d'avoir les pied gelés. Pourtant nous sommes en hiver et le chauffage est bien en marche. Je sens son souffle sur mon visage et son bras autour de ma taille qui me maintiens fermement. Comme s'il avait peur que je parte. Comme s'il savait au fond de lui que si j'en avais la possibilité, je fuirais sans crier gare et regarder derrière moi. Même endormi, il a toujours se visage dur, cette petite touche d'homme dur et impénétrable. Je pense que c'est cela qui m'a attiré vers lui, le fait qu'il soit si sûr de lui, le fait qu'il me regardait avec tellement de passion. Doucement, je me détache de lui.

Je sors du lit avec difficulté je suis encore marquée par son excès de violence d'hier. Les nombreux coups que reçu s'ajoutent à ceux qui ont déjà été évaporés par mon esprit. Comme s'il ne s'était rien passé. Son mode opératoire est toujours le même. Je me souviens m'être enfermée dans la chambre. Il a toqué à la porte longuement, celle-ci a fini par céder sous sa force. Il m'a attrapée par les cheveux, jetée au sol puis tout a commencé.

Mes mouvements sont contrôlés, je ne veux pas prendre le risque qu'il se réveille. Une fois hors du lit, je tente de faire disparaître les courbatures en m'étirant. Cela ne fait que renforcer la douleur de mes côtés. Je devrai aller consulter pour m'assurer qu'elles ne sont pas trop abîmées. Ma robe de nuit en coton m'arrive jusqu'au cheville. Sur la pointe des pieds je me rends jusqu'à la salle de bain. Sous la douche je ravale mes gémissements de douleur lorsque l'eau chaude coule sur mes cicatrices. Une fois propre, je quitte la salle de bain sans m'arrêter devant le miroir. Mon reflet est devenu mon propre ennemi.

Je descends préparer le petit déjeuner. Je suis tentée de faire preuve d'égoïsme mais encore une fois cela sera perçue comme une provocation et je vais assumer les conséquences de mes actes. Ne pouvant faire face à sa colère, je décide de préparer le petit déjeuner pour tout le monde. La salle à manger se rempli. Je regarde un à un les personnes qui composent cette famille. Tous spectateurs de mon malheur. Tous spectateurs de mon calvaire. Tous silencieux. J'appréhende chaque journée dans cette maison en présence de cette famille qui est également devenue la mienne depuis mon mariage mais dont je me sens totalement exclue.

Comme tout les matins, mon mari est le dernier à s'asseoir à table. Discrètement, je le regarde marcher jusqu'à moi. Tout chez lui inspire le respect et la crainte. Cette démarche assurée me rappelle celle de mon père. C'est comme ça que je suis tombée amoureuse de lui. La petite fille en moi voyait en cet homme une copie de son père. Un homme qui m'aimerait inconditionnellement et qui me protègerait envers et contre tous. Avant de s'installer à mes côtés il dépose un baiser sur ma tête, j'ignore cette marque d'affection. J'ai l'impression que son parfum s'est déposé sur moi. J'ai l'impression que chaque fibre de mon être est attaché à lui. J'ai l'impression de lui appartenir. Il s'installe à mes côtés, je sens son regard se poser sur moi à plusieurs reprises. Je refuse de le laisser gagner, pas aujourd'hui, pas cette fois.

Il pose alors sa main sur mon genou qu'il caresse tout doucement. Je me sens transpercée par son regard, mais je ne dois pas céder. Vaincu, il retire sa main et se concentre sur son petit déjeuner. Je sens son agacement. La manière dont il beurre sa tartine démontre qu'il est sur le point de laisser sa colère prendre le dessus. Une puis deux et enfin trois biscottes finisse en morceau entre ses doigts. Heureusement pour moi, mon beau-père prend très vite la parole.

« Ça sent très bon. C'est toi qui a préparé tout ça Hind ?
- Oui.
- J'ai hâte de goûter. Je te remercie ma fille. »

Les compliments de mon beau-père provoquent la colère de sa femme et de ses filles. J'ignore les regards qu'elles échangent entre elles. Je n'ai plus faim. Je me sens toute nouée, coincée. Comme si une liane était entrain de s'enrouler autour de mon corps m'empêchant de respirer. L'angoisse me prend, elles préparent quelque chose. Je le sens, l'ambiance est pesante. Il règne un silence religieux. Tout le monde attend le moment où ce qui semble être un petit déjeuner en famille basculera vers l'horreur.

Chacune de mes actions dans cette maison est méticuleusement observée et analysée. J'ai dû apprendre très vite que je n'avais pas d'allié dans cette maison. Mon comportement envers ma belle-famille est calculé, chaque mots que je peux prononcer peut provoquer un conflit..

Soudain ma belle-mère s'arrête de manger. Elle fouille dans son assiette avec sa fourchette et relâche celle-ci. Le tintement de la fourchette contre l'assiette est le signe de départ. Tout le monde s'arrête de manger. Les regards sont d'abord tournés vers elle; ensuite vers mois. Avec un visage exprimant sans détour son dégoût, elle pousse son assiette loin d'elle.

« Il y à un cheveux dans mon assiette ! »

J'ignore volontairement sa remarque faisant semblant de ne rien entendre. Après tout, c'est peut-être un de ses cheveux qui est s'est retrouvé dans son assiette. Sonia ma belle-soeur décide, d'envenimer les choses.


« Tu veux empoisonner ma mère ? Me demande t-elle ?

- C'est ridicule Sonia. Pourquoi voudrais-je empoisonner ta mère ?

- L'autre jour tu as laissé des noix traînés dans la cuisine en sachant qu'elle y est allergique. Aujourd'hui tu prépares le repas et comme de par hasard il y a un cheveux brun dans son assiette.

- Ta mère sait qu'elle est allergique aux noix donc elle n'était pas censée y toucher. Ce n'est pas de ma faute si subitement elle a décidé de manger des noix.

- Tu es une menteuse ! Elle n'a pas mangé les noix d'elle-même. Tu as écrasé les noix pour les cacher dans son plat.

- La calomnie est un pécher très grave.

- Tu devrais avoir honte. Youri ta femme nous manque de respect et tu ne dis rien ! Elle se permet de nous servir n'importe quoi. »

J'attend patiemment sa réaction. Assise sur ma chaise, le dos droit, les mains tenant les couverts j'espère au fond de moi qu'il va me défendre. Il ne m'a jamais frappée devant sa famille. Mais hier soir, il est allé bien au-delà de ce qu'il m'a fait jusqu'à présent. Lorsqu'il a versé ce verre d'eau brûlante sur mon dos, j'ai compris que j'avais à faire à un sadique. Je déglutis difficilement et me prépare à encaisser les premiers coup. Il se redresse et m'attrape par le bras. Je tombe de ma chaise. Il me tire violemment par le bras m'entraînant avec lui comme une poupée. Nous montons les marches qui nous séparent de notre chambre à toute vitesse. Une fois dans la chambre, il me pousse sur le lit.



« Tu voulais que ma mère tombe malade ?

- Non. Elle a fait exprès tu l'as vu toi-même.

- Ma mère est une menteuse ?! »

Très vite je comprends que ce sera un dialogue de sourd. J'ai vécu cette scène un nombre incalculable de fois. Au final je finis toujours à terre pendant qu'il se déchaîne sur moi.
Il me gifle, m'attrape par les cheveux puis me jette contre la porte, il me plaque sur celle-ci et quelques secondes plus tard j'ai l'impression d'être complètement sonnée. Mon nez, je ne le sens plus, comme si cette partie de mon corps avait disparue. Je tombe au sol, très vite une douleur aiguë me foudroie, mon teeshirt est couvert de sang. Je n'ai jamais vu autant de sang. Je touche mon nez avec ma mains, je la retrouve pleine de sang.

Ma tête tourne, je glisse pour m'aplatir au sol comme une feuille morte. Mon sang recouvre tout le tapis. Le son de sa voix est comme un murmure. Je sais qu'il me parle mais je ne distingue pas totalement ce qu'il me dit.

« Hind, tu m'entends ? Hind ? Répond-moi ! »

[...]

Le bruit d'un moteur me dire de ses douloureux souvenirs. Je me relève difficilement de ma chaise et marche jusqu'à la fenêtre ou sa voiture vient tout juste de stationner devant la mienne. Immédiatement, le petit boxeur dans mon ventre s'agite. Comme s'il avait ressenti la présence de son père. Je m'éloigne de la fenêtre pour retourner à mon bureau. J'éteins l'ordinateur et le range dans sa pochette.

Comme vous avez pu le comprendre je m'appelle Hind, j'ai vingt quatre ans aujourd'hui mais vingt an au moment des faits. L'histoire que je vais vous raconter est la mienne. Je le fais car c'est une manière pour moi de lui pardonner, de me pardonner et d'avancer. Mais surtout de comprendre pourquoi j'ai attendu aussi longtemps avant d'agir.

Aimer et Commenter 😘😍❤️

Thugyh ©

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top